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Des "cums" à l'écume

par erwan dans Récits et entretiens 04 févr. 2014 mis à jour 06 févr. 2014 2075 lecteurs Soyez le premier à commenter
Lecture 6 min.

Vol bivouac dans l’atlas

Texte et photos : Alexandre Jofresa, Martin Bonis et Fred Pieri
Xridair
Article publié dans Carnets d'Aventures n°29

Le projet était constitué de deux parties.
Une première sur l’écume de Méditerranée, en cata-bivouac (petit catamaran de sport), pour joindre le sud de la France au Maroc.
Et une deuxième, parmi les cumulus du ciel de l’Atlas marocain, en parapente vol bivouac.
Le vol bivouac consiste à se déplacer parfois en trek en portant nos parapentes, mais le plus souvent en essayant que ce soit eux qui nous portent, en tentant de réaliser les plus longs vols possibles.
Nous sommes partis le 19 mars 2012 de Cerbère dans les Pyrénées-Orientales. La première partie fut beaucoup plus courte que prévu, à cause d’une grosse casse matériel survenue à proximité de Barcelone.
Le malheur de la partie bateau a fait le bonheur de la partie parapente, nous laissant du coup plus de temps que prévu ! Le vol bivouac a commencé sur la plage d’Agadir, nous a fait progresser à travers le massif de l’Atlas, pour se terminer à une trentaine de kilomètres du mont M’Goun. Un total de 300 km en 15 jours.
Place aux images !

Jojo, à la barre de notre Hobie Cat 20, pour le passage du cap Creus. Une très bonne allure pour ce premier jour de navigation, le deuxième sera même meilleur : 100 km dans la journée…

Quatrième jour, la mise à l’eau est un peu plus délicate… Malgré des conditions excellentes, il y a ces vagues un peu grosses qui viennent s’écraser contre la plage ! Comment les franchir ?
Nous choisissons la technique rasta-rocket-bobsleigh ! On pousse à fond sur le sable, et une fois dans l’eau, on pousse encore plus fort ! Nous rebondissons 5 fois dans la vague… La 6e fois, elle attrape le bateau par le côté et le smashe sur le sable ! Game over ! Terminé pour aujourd’hui, la partie bateau aussi !
Pour finir, nous irons quand même en bateau ! Mais en ferry !! Beaucoup plus solide :-). Nous débarquons à Tanger et rejoignons Agadir en 2 jours en train et en bus.

La plage d’Agadir ! Une petite photo de groupe, et hop c’est parti ! Direction les montagnes, il est temps de se déplier les ailes qui commencent à s’ankyloser dans les sacs !
Nous effectuons peu après notre premier vol, juste au-dessus d’Agadir. Très peu de dénivelé et du vent assez fort, bref un vol de 2 minutes pour poser 600 m plus loin :-). Pas rentable, mais ça fait du bien de commencer par un vol !

Les 4 jours qui suivent sont pour nous involables : nous nous trouvons du « mauvais » côté de la chaîne, en face sud ; il faudrait être en face nord, car un vent de nord-ouest souffle en altitude.

Alors, on marche, on marche, dans les paysages secs, et on profite de la rosée sur la tente pour se laver un peu le visage…
Les prévisions annoncent que le vent ne tournera pas ; il faut donc aller sur la face nord !

Nous faisons de belles rencontres. Cette nuit, nous serons invités dans une maison plus que typique, et nourris avec un bon repas qui nous permettra de prendre des forces, car demain on bascule de l’autre côté de la chaîne !

Ce matin départ à 5 h. Il est midi et nous montons toujours…

Quand nous arrivons enfin sur la crête, il est plus de 17 h ! Le vent semble bon… vole-t-on tout de suite, ou bien mise-t-on sur les thermiques¹ de demain en dormant ici ?
« Ne remets pas à demain un vol que tu peux faire aujourd’hui », dit le proverbe :-). Nous décidons de décoller au plus vite afin de profiter peut-être des derniers thermiques de la journée. Reste à trouver où décoller… chose faite dans les 2 minutes après la décision, chacun étant parti d’un côté !
« OK les gars, ici ça peut le faire ! » et c’est parti !
Les conditions sont en fait meilleures que prévues ! Nous volerons 25 km, en course contre le soleil. Seul objectif : avancer le plus possible en profitant des derniers rayons.

Puis le soleil disparaît emportant avec lui les derniers thermiques. Nous posons de façon à être placés au mieux pour redécoller le lendemain.
Et le lendemain, ça revole !

Moment tactique du soir : le choix de la route.
On aime bien les crêtes qui s’alignent dans la direction où l’on va, elles nous permettent d’avoir un appui continu. On aime moins les crêtes perpendiculaires à notre trajectoire. Et l’on évite surtout les « trous noirs » météorologiques, des zones où rien ne se passe (par exemple une plaine au milieu de reliefs) dans lesquelles on est sûrs de devoir poser.

Voler, c’est tout simplement la chose qui nous obsède ! Toutes les options tactiques sont prises avec le vol comme paramètre principal et prioritaire. C’est le principe du vol bivouac : survoler de beaux paysages, imaginer l’aérologie et jouer avec elle pour aller le plus loin possible !

Il faut parfois jouer avec les nuages, un petit slalom entre les cumulus !

Pas toujours évident de voler groupés… En même temps, la répartition de notre matériel nous interdit de nous séparer… Alors nous communiquons énormément en radio, et nous nous surveillons mutuellement en permanence.

Le parapente est, par la curiosité qu’il suscite, un fabuleux vecteur d’échange. Les accueils sont toujours magiques quand on pose près d’un village. Cette fois-là, tous les enfants s'étaient réunis entre le moment où le premier d’entre nous a atterri et où le troisième arrivé !

Une des belles soirées avec les locaux très accueillants. À chaque fois que l’on s’approche d’un village (et d’autant plus en parapente), se lève une vague de curiosité immédiatement suivie par un tsunami de générosité ! Partout on nous invite à boire du thé, manger des biscuits, et souvent le célèbre tajine !! Merci !

C’est le matin les gars ! Dans le gaz ? Allez gaz !!!

Survol d’une magnifique cascade ! Non elle n’est pas dans le brouillard, c’est le pilote qui est au plaf² !!

Et parfois, lorsque l’on ne vole pas, place au gonflage ! Du jeu avec la voile dans le vent, les pieds au sol. Et sur cette photo, un peu de barefoot³ sur la neige fondante.

Au moment de décoller, toujours cette question : où serons-nous ce soir ?! Peut-être à 100 km de là, ou tout simplement au fond de la vallée ! Nous partons tous les jours en connaissant notre direction mais pas l’avancement !

Le soir venu, nous parlons de la journée pour la savourer encore, ou au contraire pour en tirer des conclusions et poursuivre notre amélioration, en vue de lendemains plus efficaces.

Puis nous nous endormons souvent en même temps que le soleil, moment où la beauté du paysage contraste énormément avec l'odeur dans la tente !

Des paysages secs sur les crêtes, et verts en fond de vallée près des ruisseaux.

Quel accueil au réveil ! Un des plus chaleureux. Des hommes du village voisin nous apportent de l’huile et du pain pour le petit déj !

Un paysage où le vent a l’habitude de souffler apparemment !
C’est tout droit !! On colle le relief, on s’appuie dessus, et c’est l’autoroute du parapente !
Dans vingt… cinq… kilomètres, prendre à gauche en direction du M’Goun !

Jojo en approche piste 4 !

Petit parapente au milieu de grosses montagnes !
Le parapentiste aime voler « au vent des reliefs » c’est-à-dire à droite de la crête sur cette photo.

-

 

 

Fred

25 ans, origine pyrénéenne (face sud ! j’insiste:-)), habite maintenant à Gourdon (06), concepteur/testeur chez Ozone. Il n’aime pas le fromage, et adore le chocolat et les plafs stratosphériques ! Sa préoccupation en vol bivouac, la météo et les stocks de bouffe !

Jojo

25 ans, made in Haute Savoie. Compétiteur en coupe du monde. Ferblantier/couvreur. Souvent derrière l’appareil photo, il est le dernier à poser ! C’est notre 4x4 en l’air, toutes les conditions lui vont bien !

Martin

25 ans, pyrénéen face sud aussi ! Compétiteur en coupe du monde. Moniteur de ski l’hiver, moniteur de parapente l’été, charpentier entre les deux ! Le premier en haut à chaque fois que l’on marche ! Il aime les grandes faces caillouteuses, les thermiques forts et tirer la langue sur les photos !

Petit Lexique :

¹ Thermique : en fait courant thermique ; l’air chauffé par le soleil s’élève dans le ciel sous forme de bulle ou de colonne. Les parapentistes les traquent pour pouvoir, en restant dedans un maximum, regagner de l’altitude. Le fait de faire des ronds dans le ciel pour rester dans une ascendance s’appelle « enrouler » !

² Plaf ou plafond : c’est l’altitude maximale à laquelle un aéronef non motorisé peut monter grâce aux ascendances. Souvent il correspond à la base des nuages.

³ Barefoot : Skier sans ski.

Le parcours effectué en parapente dans l'Atlas. Les points indiquent l'emplacement des bivouacs.

Le parcours effectué en parapente dans l'Atlas. Les points indiquent l'emplacement des bivouacs.

 

Partenaires

Sans eux il nous serait beaucoup plus difficile de partir ! Nous remercions donc Ozone, Sup’air, MSR, RAB, CJ Service. Nous remercions aussi tous ceux qui nous donnent des coups de main pendant la préparation (surtout pendant le rush final !!), à Marco pour les prévisions météo (par téléphone mobile, texto ou appel).
Merci aussi à tous ceux qui aiment le vol bivouac !

Matériel

Du light ! Oui mais tout est une question de compromis…
D’abord l’essentiel : une voile et une sellette (ndlr : le siège du parapentiste) avec des maillons entre les deux !
Sellette : nous sommes repartis avec des prototypes sac-sellette Sup’air, les mêmes que pour notre vol bivouac dans l’Altaï.
Voile : nous avons choisi des Ozone Alpina, 4,5 kg, une version légère de la Delta ; c’est pour nous le meilleur rapport performance-sécurité, sachant que nous avons choisi de voler sans parachute de secours pour économiser du poids.
Quant aux maillons, ce sont simplement des boucles en dyneema.
Pour le bivouac, cette année une nouvelle tente, la MSR Carbon reflex 3 : 2 100 g pour 3 vraies places ! Ça nous change, quel confort ! Sacs de couchage Rab Neutrino 400 (820 g).
Une balise de géolocalisation Spot.
Chacun a un casque, des bâtons, et quelques vêtements : 2 caleçons, 2 t-shirts, 2 paires de chaussettes, short, micropolaire, polaire, doudoune, veste et surpantalon goretex.
Matériel collectif dont on partage le poids : un réchaud, un GPS, 2 appareils photo et une caméra, trousse pharmacie, trousse réparation, cartes, une popote et une réserve de nourriture.
Au total nous avons sur le dos 19-20 kg chacun sans compter l’eau.

Xrid'air
Contact : xridair mettre-arobase free point fr
Tout échange (questions, remarques, idées) autour du vol bivouac est le bienvenu !

Nos précédents vols bivouac

  • 2006 : traversée des Pyrénées en 17 jours, nos 450 premiers kilomètres de vol bivouac. L’équipe se découvre en même temps qu’elle découvre le vol bivouac.
  • 2007 : Kirghizistan, 350 km dans L’Alla-Too, en 14 jours.
  • 2008 : 1001 bornes alpines en suivant l’arc alpin, 37 jours de vol bivouac de Ljubljana à Monaco.
  • 2010 : Tesi Naïramdal, un mois et demi dans l’Altaï russe et mongol.

Des vols racontés dans, respectivement, CA n°8, 13, 19 et 23 !

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