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Haute Trace des Escartons à ski pulka

by Johanna in Récits et entretiens 14 May 2010 updated 30 Oct 2012 8518 readers 1 comments
Lecture 8 min.

Entre Queyras et vallée de la Clarée, en famille avec un bébé de 13 mois

La Haute Trace avec ma Trace…

Texte et photos : Audrey et Jeff
Un raid de quelques jours en famille en février 2010

Haute Trace des Escartons à ski pulka - Queyras et vallée de  la ClaréeCe vendredi soir, à l’hôtel de La Chalp d’Arvieux, les tablées se vident doucement pendant que nous nous installons pour attaquer ce qui sera notre premier repas du « projet ».
Les copains qui nous déposent au départ de la Haute Trace des Escartons ce soir (ils ont prévu une session de kite au col Agnel demain) nous font l’honneur de partager ce dîner et la courte nuit que notre trace, Maya la belle, nous a réservés. Poussées dentaires et altitude ne font pas bon ménage, nous l’avions déjà remarqué dans le Haut-Atlas marocain cet été, mais on avait oublié (c’est ça la mémoire sélective ?). Approchez à moins d’un mètre du lit bébé (drap, couette et oreiller en plus !!) sans se faire éclater les tympans se transforme en 8b (après travail…). Pendant cette loooongue nuit, nous avons écumé tout notre répertoire de chansons internationales et des environs, des chansons enfantines à radio nostalgie, il n’y a qu’un ronflement, si seulement…



 

Nous qui pensions fêter notre départ avec les copains, pour le coup, nuit blanche pour tout le monde ! Ça décontenance mais on ne va pas s’arrêter pour si peu ; et quand on a 13 mois, une nuit blanche se rattrape gracieusement, toute la journée du lendemain (faites des gosses !), mais dans un lit un peu spécial cette fois : la pulka ! (za zdorobie !).
Plus norvégien que russe, cette luge « grand luxe » est notre porte-bébé, parce qu’elle le vaut bien comme dirait la pub, et parce que faire des enfants (enfin un pour l’instant) ne doit pas rimer avec « boulet », d’ailleurs ça ne rime pas du tout, la preuve : relier Saint Véran (La Chalp pour nous) aux Alberts en suivant la Haute Trace des Escartons : 70 km (100 km au total ; nous remonterons la Clarée plus tard, obligations professionnelles obligent) 1600m de dénivelé positif, en famille et avec le sourire (et les dents qui poussent…) ! Que des pistes de fond, tracées et sécurisées, avec en prime des excellentes conditions de neige et d’ensoleillement : on ne pouvait pas espérer mieux pour remplir notre chartre des éco-parents-montagnards-responsables (à mes souhaits).

Haute Trace des Escartons à ski pulka - Queyras et vallée de  la Clarée

Papa, maman, Maya, la pulka, des skis de rando, un bon duvet en plume moins 40 (« vous partez où en expé ? » nous a demandé le vendeur ; « ben… dans le Queyras »), un p’tit réchaud pour les p’tits pots bio du midi, un bib, des gâteaux, des couches, quelques jeux (bah voui quand même), une pharmacie, la crème et les lunettes et nous voilà partis en direction d’Aiguilles. C’est 2h30 plus tard que nous achevons cette première étape, avec la décision de shunter la partie Souliers-Arvieux que nous faisons en taxi, faut pas pousser, surtout que la pulka et Maya atteignent les 35 kg ! Un peu stressés par cette nuitée agitée, nous arrivons toutefois à profiter du cadre idyllique et du soleil… un peu de vent mais c’est bien peu de chose face à cette beauté. Nous croisons un aigle royal, quelques chocards, des mésanges, des traces de lutte sanglantes (« Jeff, c’est une trace de loup ! » chassez le naturel…), et puis le tracé dans la forêt de Chanteloube, entre ombre et soleil, file vite jusqu’à la petite station d’Aiguilles. C’est à la Teppio que nous « atterrissons » donc pour le déjeuner et oh joie ! Oh merveille ! des neinfants !!! Maya s’en donne à cœur joie avec Gabrielle (4 ans) et Jessica (9 ans), les filles de Mathieu, le gérant du gîte, rejointes par Baptiste (18 mois) du pays aixois, à 3 sur la coccinelle-trottinette, c’est ri-go-lo ! Du coup, ils se gardent ensemble et nous, ben on est un peu pénard… Quel accueil, on ne pouvait rêver mieux pour notre Maya : lit parapluie, chaise haute, baignoire, on peut même rester dehors et surveiller le lit de la baie vitrée, elle est pas belle la vie ?!

Haute Trace des Escartons à ski pulka - Queyras et vallée de  la Clarée

Haute Trace des Escartons à ski pulka - Queyras et vallée de  la Clarée

Après ce doucereux moment de luxe, de calme et de volupté (de sommeil quoi), nous voici partis en direction du col de l’Izoard (ze col of ze Izoard !!), est-ce qu’on peut le faire ?? Tout est réuni : la grosse patate et la banane pour tout-le-monde garantissent déjà une bonne dose d’énergie. Et maman a des choses à se prouver : la grossesse, l’accouchement (de diou !!), l’allaitement, les p’tits pots bio maison, le boulot, ça, c’est fait, je suis une booonne mèèère (celle de Freud, pas celle de Marseille), et ma vie de montagnarde dans tout ça, ça me paraît si loin ! Pourtant, 8 km après et 700m plus haut, je savourais mon « retour à la montagne » avec ma trace, un peu comme dans le livre de Frison-Roche, mais avec mon homme à mes côtés…

Haute Trace des Escartons à ski pulka - Queyras et vallée de  la Clarée

Tout au long de ce sentier extraordinaire, on s’imprègne du climat queyrassin en remontant ce fond de vallée étincelant pour rentrer dans le bois noir au-dessus de Brunissard. Nous croisons 2 intrépides chevreuils (désolés pour le dérangement !). On continue ensuite à s’engouffrer dans le vallon du torrent de l’Izoard pour arriver à la casse déserte, impressionnante, et saluer au passage Louison Bobet et Fausto Coppi, ancrée dans la roche. Une petite pensée pour le traceur ; je ne fais pas la maligne : « bon, tu nous sécurises, arva, pelle, sonde, ok, tu fais gaffe » (les mamans comprendront).
À peine le temps de savourer cette victoire commune qu’on redescend pique-niquer au refuge Napoléon – plein à craquer – qui nous confirme qu’il n’y a pas de salle hors sac, et que même si on boit un canon, les pique-niques, c’est dehors (dommage quand on connaît l’intérieur…). Zyva y fait froid dehors, en plus il neige maintenant !!! Vaille que vaille, on avale le déjeuner autour d’une bière et du réchaud (comme si ça réchauffait…), et on file rapidos découvrir notre prochaine halte du Laus de Cervières, en passant par la descente du col, on l’a pas volée celle-là !
Accueillis par 3 beaux cuissots d’agneau qui dorent tranquillement à la braise, on s’installe sereinement en attendant le dîner, car on nous a bien confirmé que l’agneau c’est pour les ½ pensions, impeccable ! Petit salon pour se détendre, pas d’enfants ce soir mais c’est pas grave, on se contentera de l’agneau, Maya aussi… Encore une nuit calme et reposante (pourvu que ça dure !), et l’on repart très fraîchement pour le col de Bousson, avec comme point de chute : l’Italie (et ses refuges ;-)). De loin, cet itinéraire est le plus joli, le plus « montagne », là où tout prend son sens et ne finit pas de nous mystifier : cette haute trace, c’est un truc de ouf !!! hein Maya ? !? « ouaiiiiii !.. tût-tût papa ! ». Entre le ski de rando, le fond, le kite, et la cascade de glace (eh oui, y’a pas que la patate de bon à Cervières !), on se l’est remonté quelques fois ce vallon…

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Enfin, c’est quand même beau chez nous, et quel plaisir de rencontrer plus en profondeur les gens qui font vivre ces vallées, c’est vrai, c’est si bon d’être un touriste chez soi ; promis, on r’viendra ! Plus on s’élève, plus le Rochebrune nous signale sa présence, et ces pentes chantilly plus à l’est, c’est un appel à la godille !
L’itinéraire remonte parfois assez franchement ces successions de rondeurs enneigées pour nous emmener à la borne frontière à quelques centaines de mètres du col de Bousson. Quelques centaines de mètres où le damage s’interrompt pour nous laisser sur les traces de ski des braves qui ont tracé dans la fraîche, et nous retrouvons le damage, italien cette fois, où seuls les puristes feront la différence.

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Une coulée récente dans le vallon tout proche arrête notre regard, la neige est vraiment un élément délicat à appréhender. Puis le temps s’arrête sous un plafond bleu profond baigné d’un soleil étourdissant… Instants magiques pour tous les 3 au « sommet » de notre art : s’éclater en famille. Emotions et rigolade nous envahissent, alors c’est ça la Haute Trace en pulka ?? Dément… Je pense alors à « l’école du grand nord, une expérience de l’extrême » où Mike Horn raconte, au travers du journal quotidien de ses 2 filles âgées de 12 et 11 ans, leur expédition en autonomie grâce aux pulkas tirées à ski sur l’île de Bilot, une réserve du grand nord canadien. Je repense aussi à toutes ses personnes que notre Maya a croisées dans son traîneau et qui n’avaient souvent qu’une question à nous poser : « elle n’a pas froid là-dedans ? » « Vous n’avez pas peur qu’elle se gèle le nez ? »
Avoir froid ? C’est bien notre souci premier, sa sécurité. Nous avons testé plusieurs options et fait le choix d’un équipement quasi-professionnel (si si, ça se trouve, enfin, à Briançon en tout cas) : combinaison et moufles en thermolite, imperméables et respirants, polo technique, chaussettes et chaussures fourrées laine, déjeuner chaud le midi, et surtout beaucoup d’attention. C’est sûr, au total y’en a pour plus cher que ma vieille voiture, mais c’est une histoire de priorités, c’est tout. Et puis on cale notre rythme sur le sien : quand elle dort, on file, quand elle râle, on s’arrête et on joue. S’il fait mauvais, on reste au chaud, au moindre nez qui coule idem. Et pour l’instant, ben… tout va bien !

Haute Trace des Escartons à ski pulka - Queyras et vallée de  la Clarée

Notre arrivée au refuge Mautino est rapide sous le col, et l’accueil chaleureux. Maya découvre encore une fois avec entrain un nouvel endroit pour faire dodo. On sympathise avec 3 copains qui font eux aussi la haute trace, bonnes bouteilles et excellent dîner plus tard, la pitchoune est au lit. Encore une bonne nuit, enfin… jusqu’à 1h30 du matin où nous avons encore longuement chanté et bercé, c’est comme tout c’est une question d’habitude ! bon voilà, Maya a remonté la barre de la Haute Trace d’un cran, c’est la Très Haute Trace désormais, et puis on est encore plus méritants quand on n’a pas dormi non ? J’en profite au passage pour demander pardon pour le dérangement à toutes les personnes qui ont profité des vocalises nocturnes de notre trace ; sincèrement désolés.
Allez, on repart à 8h ce matin, Jeff travaille à 13h30 à Briançon alors il ne faut pas traîner. Cette longue traversée à flanc de montagne nous emmène à travers bois et chalets touristiques italiens, en passant par les différents tronçons de la station de ski de Clavières pour arriver à Montgenèvre. Petit à petit le flux humain s’intensifie, et le choc aussi, quel contraste ! En plus il neigeote, et on se dit que c’est bientôt fini la Haute Trace, déjà ! Heureusement on replonge pour finir dans le calme de la forêt de Sestrières, on croise quelques fondeurs et nous arrivons sur le sentier du facteur.
Pour la partie du bas non tracée qui reprend le GR, on sécurise la pulka à l’aide d’une longe entre l’arrière de la coque et la ceinture du skieur qui freine à l’arrière. Technique pas encore au point : c’est raide, la pulka est lourde, on n’est plus très frais et les noms d’oiseaux fusent de toutes parts. Bon, restons calmes, ça va bien se passer. Attention la pulka s’est retournée !! Heureusement plus de peur que de mal, sans vitesse et tellement bien protégée, la louloutte n’a rien touché. Ouf ! C’est que pour que les barres anti retournement fonctionnent, il faut un peu de vitesse pour « rebondir » sur la neige, et là, si on prend de la vitesse, il faudra plus de temps pour s’arrêter ; on va aller doucement. J’avoue qu’à voir la qualité de la neige, un « dru dans l’pentu » ne m’aurait pas déplu… et puis la route au bout du couloir, et ses camions. On n’en revient pas, on a réussi ! On extirpe Maya la belle de son duvet et de sa torpeur matinale pour savourer cette grande victoire ensemble ! Encore une fois elle partage notre joie, mais déjà il nous faut rentrer, il est 12h30 !
Et puis, aux dires des gardiens des gîtes et des refuges visités, Maya vient de réaliser une première : la plus jeune à suivre la Haute Trace des Escartons : en pulka à 13 mois ! Si c’est pas beau ça ?! Et puis une Maya, c’est du bonheur en barre, on l’aime tellement qu’on ne permettrait pas qu’elle prenne le moindre risque. Allez, champagne et biberon ce soir pour fêter ça ! Et pour répondre à l’inquiétude de certaines personnes, j’emprunterais les mots de Mike Horn quand on lui a demandé : « « Comment pouvez-vous emmener vos enfants dans un endroit pareil ? Vous êtes un dangereux irresponsable, etc. » Je n’ai qu’une réponse à faire : je vais en emmener d’autres. Beaucoup d’autres. Beaucoup plus loin. »
Vive l’aventure !

Haute Trace des Escartons à ski pulka - Queyras et vallée de  la Clarée

Comments
kevink - 03 Jul 2019
12 messages
Top !
A l'heure actuelle, vous devez déjà être au Spitzberg :P