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Cantique de l'infinistère

par Dominique Lestant
publié le
02 juin 2023
78 lecteurs
Lecture 2 min.

Itinérance littéraire à travers le Cézallier

« La mer, le vent, la terre nue, et rien : c’est ici une province de l’âme », c’est ainsi que Julien Gracq dans Lettrines, décrit le Finistère. F. Cassingena-Trévedy reprend l’image à son compte, la mer en moins, et fonde une autre province de l’âme, l’Infinistère, qui sous ses pas et à son regard ne finit jamais. Au cœur de l’Auvergne, dans l’indifférence générale entre Sancy et Cantal, balayé par les vents, le Cézallier étale ses courbes débonnaires et ses vastes horizons. Mieux connu des troupeaux d’Aubrac et de Salers qui arpentent ses estives que de l’Humanité à l’écart de laquelle il se tient, le Cézallier se tient aussi hors de notre temps. L’auteur entreprend seul sa traversée, à pied en octobre 2015 et nous invite à cheminer à ses côtés. Tandis que la saison se montre déjà rude, la « Mongolie auvergnate » débarrassée de ses troupeaux et de quelques randonneurs, s’ouvre alors à une véritable rencontre.
Qui est F. Cassingena-Trévedy ? Enfant, il se rêve président de la République. Comme certains d’entre eux il passe par l'École Normale Supérieure mais bifurque vers la vie monastique. Outre celle qu’il tient vissée sur sa tête, il a de nombreuses casquettes : docteur en théologie, enseignant, maître de chœur, auteur d’ouvrages de poésie et de spiritualité ou comme il se définit lui-même désormais, prêtre-paysan depuis que son ministère l’enracine sur le Cézallier. Rien d’un aventurier.
La prose de F Cassingena-Trévedy est un régal pour les sens. Dès les premières pages le verbe érudit, les phrases ciselées, éloquentes contrastent avec le dénuement de l’aventure et son décor. À l’image des paysages, tel un refuge pour réfléchir loin du bruit du monde, le récit affiche une beauté étrange faite de rencontres avec les rares habitants. Des rencontres mais aussi, anecdotes, émotions, métaphores, pensées de l’auteur donnent matière à réflexion philosophique, spirituelle, souvent poétique, profonde et riche de sens. Au fil de son itinérance, l’auteur convoque aussi des auteurs qui vont de Sidoine Apollinaire à Jean Louis Murat en passant par Blaise Pascal, Pierre Teilhard de Chardin et Henri Pourrat pour ne citer que les auvergnats. Alors, lui emboîtant le pas, le lecteur embarque pour un voyage dans le voyage. L’enchantement fonctionne aussi par petites touches. Il m’arrive de soustraire le livre de son étagère, pour en relire au hasard un chapitre, un paragraphe. A déguster sans modération.
Rarement ouvrage a été si bien nommé. Avec « Cantique de l'infinistère » F. Cassingena-Trévedy signe un livre spirituel, poétique, un chant d’amour au Cézallier. Pour terminer, citons en les premières phrases. Elles suffisent à interpeler tout voyageur ou aventurier et suscitent l’envie de lire la suite : « À tout itinéraire il est une origine. Un point de départ repérable dans l’espace, et qui peut se nommer. Mais qui dira jamais d’où part en nous l’idée de partir ? Où le partir en nous prend sa source ? ». 

Cantique de l'infinistère,  À travers l'Auvergne

De François Cassingena-Trévedy

Éditions Desclée de Brouwer, 180p, 16,90€