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Cyclo-migration avec les oiseaux

par Marine Jambeau et Gabriel Ducrocq
12 mars
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Là où les oiseaux nous mènent

Lorsqu'une passionnée d’oiseaux et un amoureux des grands espaces enfourchent leurs bicyclettes, l’itinéraire va de soi : suivre les flux migratoires des oiseaux. Le challenge ? Être au bon endroit au bon moment. Le dilemme ? Observer ou avancer ? Pendant un an et demi, Marine et Gabriel ont pédalé en Europe selon un axe nord-sud jalonné de sites ornithologiques majeurs. Une quête poétique guidée par les oiseaux.

 

 

Deux cyclopithèques. Marine et Gabriel, des spécimens d’une espèce à part.
Deux cyclopithèques. Marine et Gabriel, des spécimens d’une espèce à part.

Homo cyclopithecus est un hominidé qui, au cours de l’évolution, a troqué sa chaise de bureau à roulettes et son mode de vie sédentaire pour un vélo à sacoches et le nomadisme. Il se reconnaît à son port de tête pointé vers le ciel, à l’affût des formations d’oies et de grues en vol, et par un flair développé pour dénicher les bivouacs sauvages. Nous sommes donc deux cyclopithèques qui avons suivi l’appel des oiseaux en direction de l’Arctique, à la rencontre de ces fascinants migrateurs ailés.

Agitation migratoire

Pour parler du déclic de l’aventure, j’aime faire l’analogie avec un phénomène qui se manifeste chez de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs par des comportements agités et une forte inclination à voler (même en captivité) pendant leur période de migration. Nous concernant, il y a eu ce moment où notre horloge biologique interne nous dictait qu’il était temps de prendre le large. Cette urgence de vivre que je qualifierais d’énergie motrice, est d’abord venue de Gabriel qui rêvait d’une grande itinérance, nourri par les récits d’aventuriers à vélo ou à la voile, comme Gérard Janichon qui écrit dans Damien autour du monde :

« Il nous paraît vain et trop facile de se prétendre homme en vissant une plaque sur la porte d’un appartement acquis par un crédit de vingt ans ou d’avoir son nom dans l’annuaire. La ville a apporté ses futiles tentations auxquelles il est presque inévitable de succomber. On se bat à coups de diplômes, de titres, d’honneurs, on distribue avec largesse des cartes de visite sur lesquelles plus il y a de noir mieux ça vaut, et on se retrouve faible et insignifiant quand le bleu de la nuit inonde la ville. Par honte, on relève la tête jusqu’à l’enseigne au néon mais plus jusqu’aux étoiles. Les valeurs sont faussées dès le départ, dès qu’on vous choisit une religion, une orientation. On peut ne pas en être conscient ; tant mieux. Ou tant pis ; c’est selon. Une chose est sûre, lorsqu’on le devient, il est nécessaire de réagir, et au plus vite. Se bâtir une vie telle qu’on voudrait avoir vécu. »

L’agitation, l’impatience du départ, me gagnent plus tardivement, à mesure que je me passionne pour l’ornithologie. Je ne me satisfais plus des week-ends en montagne pour tromper l’ennui d’une vie de salariée en cabinet d’architecture. J’ai envie d’aller voir où vont les oies sauvages, les balbuzards, les bécassines, les bruants et autres pipits ou gobemouches venus d’Afrique. À quoi ressemblent les phalaropes et les plongeons lorsqu’ils ont mué, se débarrassant de leur plumage terne d’hiver pour se parer de leurs couleurs d’été, comme sur les planches du guide ornithologique ? Qu’est-ce que la toundra, ce biome que certaines barges et bécasseaux en hivernage sur nos littoraux s’empressent de regagner le printemps venu ? Jusqu’à quelle latitude peut-on voir des hirondelles ?
Un peu fébriles après avoir vu notre premier projet de voyage annulé en raison de la crise sanitaire (qui était censé être un coup d’essai), nous reprenons nos préparatifs en janvier 2021, en gardant cette fois-ci, par superstition, le plus grand secret. Gabriel s’occupe de vendre l’essentiel de nos affaires accumulées pendant huit ans dans notre cocon. Doté d’une solide expérience en cyclo-bivouac, il prépare nos vélos et rassemble tout le matériel nécessaire pour une aventure dont le trajet et le calendrier restent à définir. Une fois mon contrat de travail rompu, je prends le relais pour tracer un itinéraire sur une trajectoire et une temporalité proches de celles du flux migratoire des oiseaux, en passant par les hotspots ornithologiques d’Europe du Nord. Nous prenons la route du pas de notre porte dans le Diois en février 2022.

... et la suite ?