la Mongolie à pied, à vélo et à cheval
Voyage en Mongolie2 mois d'immensités sauvages à pied, à cheval et à vélo Olivier, Johanna et Jean de l’équipe de Carnets d’Aventures sont partis avec quelques amis en Mongolie durant l’été 2005. À pied, à cheval et même à vélo chinois, le petit groupe a cheminé deux mois durant du sud (Gobi) au nord (Khövsgöl) du pays, à travers des régions très différentes en terme de climat, géographie et paysage ; du désert à la taïga en passant par les montagnes et la steppe. Le caractère sauvage des terres mongoles – rappelons qu’il s’agit du pays ayant la plus faible densité de population au monde, et que celle-ci est majoritairement concentrée dans les villes – en fait un lieu de prédilection pour qui souhaite voyager au contact de la nature tout en rencontrant un peuple d’une gentillesse et d’une hospitalité authentiques. Texte : Johanna Nobili |
Entrée en matière difficile« Where’s my master ? » dis-je, couchée par terre, la figure en sang. Au soulagement de me voir rouvrir les yeux et parler succède vite l’inquiétude : « elle délire », se disent mes compagnons de voyage. Une bonne heure s’est écoulée, Olivier me raconte cette tranche de ma vie qui m’a échappé : le cheval est parti dans un rodéo fou et m’a désarçonnée assez rapidement, j’ai gardé mes mains basses (tenir les rênes ? m’accrocher à la selle ? je n’en ai aucun souvenir) et me suis écrasée sur la tête, sur un sol heureusement herbeux. Ma joue a touché terre en premier et l’énergie de la chute s’est visiblement dissipée dans un mouvement de torsion de toute ma colonne vertébrale, me donnant l’apparence peu rassurante d’un pantin désarticulé. D’abord inconsciente, j’ouvre les yeux puis me mets à parler, soit pour dire des inepties et pas uniquement en Français, soit pour répéter obstinément les mêmes questions « mais on est où là ? » « qu’est-ce qu’on fait ? ». Nous saurons plus tard que cette obnubilation plus les saignements clairs du nez (bien que mon nez n’ait pas tapé le sol) font partie des symptômes de la commotion cérébrale. Je finis par reprendre mes esprits mais cette heure qui a suivi les quelques secondes précédant la chute reste inaccessible à ma mémoire. Pas de véritable médecin là où nous sommes bien entendu. En quittant la Mongolie, les Russes sont partis avec tous leurs médecins et leur savoir médical. La pseudo docteur du bâtiment qui sert d’hôpital à Altai me donne l’unique demi-cachet qui lui reste dans tous ses flacons de médicaments… Il est tard et nous allons nous coucher dans un petit hôtel. Toutes les deux heures, mes compagnons me réveillent pour vérifier mon état, me faire lever et effectuer quelques tests d’équilibre : « vas-y, ferme les yeux et lève une jambe pour voir si tu tiens debout… ok bon reste comme ça et touche ton nez avec ton doigt ». Je rate de quelques millimètres : « refais-le ! ». Ben oui tiens, pas facile de faire le zouave avec une patte en l’air en pleine nuit ! Qu’est-ce qu’on s’amuse… Ce n’est que le lendemain que nous penserons à joindre (tant bien que mal) des médecins en France pour avoir un diagnostic : commotion cérébrale, risque de complications cérébrales très faible au-delà des 48 heures qui suivent l’accident si celles-ci se passent bien, ce qui est le cas. Le seul problème reste l’état piteux de mon dos : plus question pour moi de voyager à cheval pendant 2 mois ; si ça va mieux, je marcherai. AdaptationsNon refroidis par le comportement aléatoire des équidés, nous décidons – à défaut de tous les monter – de leur faire porter nos affaires. S’ensuivent diverses tentatives de bâtage de chevaux. À chaque fois, même si nous affinons notre technique et réduisons le volume de nos affaires (tri et renvoi du superflu), nous parvenons au même résultat : l’échec. Le déroulement des choses est assez similaire à chaque tentative : parmi les chevaux disponibles, nous choisissons ceux qui semblent les plus calmes, faisons connaissance, puis les bâtons. Peu après, un évènement pas toujours très identifiable (tout au moins par nous, les humains…) fait paniquer une des bêtes, elle s’agite, secouant alors les affaires qu’elle a sur le dos, ce qui accroît sa panique. Évidemment, la panique individuelle devient vite collective et là, tout va très vite : les chevaux deviennent comme fous, arrachant leur longe ou se soustrayant à celui qui les tient, ils partent alors au galop en prenant soin de ruer frénétiquement et régulièrement afin de répandre nos affaires dans la steppe. Suivent alors deux facettes particulièrement ludiques de ce jeu distrayant : récupérer les chevaux et retrouver le matériel disséminé ça et là. Un gant, un pantalon, un duvet, un filtre à eau (cassé, pas de chance…), un réchaud (endommagé), le sac contenant la petite boîte d’aquarelle et une partie de la pharmacie (très jolis les petits cachets répandus dans la peinture verte !)... une véritable chasse aux trésors ! Nous décidons finalement, après un ultime tri de nos affaires (aidé par les gentils chevaux) de n’avoir que des chevaux de monte (pas de cheval de bât) qui porteront leur cavalier plus des affaires, réparties dans une paire de sacoches de selle et dans le sac à dos du cavalier. Nous achetons également d’abord un puis deux vélos chinois bas de gamme qui serviront au moins à porter des affaires en étant poussés. Nous fabriquons une structure en bois que nous fixons comme extension du porte-bagages standard. Le voyage, le vrai, l’itinérant, la liberté, peut enfin commencer. Début août, des amis nous rejoindront, amenant avec eux 2 Carrix (ces fameux chariots à roulette qui rappellent la pulka, que l’on accroche à sa ceinture ventrale et que l’on tire derrière soi) qui permettront d’éliminer le vélo le plus vétuste et d’alléger les sacs à dos. HospitalitéCavaliers, cyclistes (souvent poussant leur vélo), marcheurs, marcheurs tirant une drôle de brouette, notre étrange équipe étonne pour le moins, et amuse. Même si la communication avec les nomades est limitée – nous ne parlons pas mongol couramment, loin de là, ni russe ce qui pourrait aider parfois –, le contact est toujours amical et l’accueil chaleureux. Eux-mêmes nomades, les Mongols se font un devoir d’accueillir le voyageur itinérant en le nourrissant et en lui offrant le gîte. C’est ainsi que nous acceptons souvent le thé salé, accompagné, selon les ressources et la situation de la famille de différents aliments. Le fromage, malheureusement non salé, est mis à sécher pour l’hiver dès sa fabrication ; si l’on tombe bien, il est relativement frais, mais le plus souvent, il est sec, parfois même si dur qu’il en devient impossible à croquer (nous nous en rendons compte à nos dépens !), il faut alors le sucer. Dans la gamme des produits laitiers (de yack ou de vache), on trouve aussi l’ouroum, intermédiaire entre le beurre et la crème fraîche épaisse, appréciable surtout quand on peut le manger avec quelque chose ; les Mongols en consomment parfois sans rien, mais nous (qui n’avons pas à préparer de réserves lipidiques pour le rude hiver de la steppe) avons un peu de mal… L’airag, le lait de jument fermenté, nous est servi surtout dans la partie sud de notre périple ; nous redoutions un breuvage très difficile, en fait l’airag en quantité réduite se laisse boire, même s’il ne fait pas fureur au sein de notre petit groupe. Le tarag, lui, fait l’unanimité ! Nous raffolons tous de cette sorte de fromage frais type fromage blanc ou faisselle, dont l’envie nous pousse souvent à effectuer un détour vers des yourtes afin d’acheter le précieux yaourt que nous engloutissons en quantité impressionnante, au détriment parfois du bien-être de notre transit… Enfin, nous consommons aussi du lait de yack, tiède après la traite, ou chauffé dans lequel nous faisons cuire du riz, ajoutons un peu de sucre, et, les jours fastes, quelques raisins secs. La farine est aussi un aliment de base : les borzok, sorte de tout petits pains cuits dans la graisse de mouton chauffée dans une grande marmite placée sur le poêle, sont très bons surtout lorsqu’ils sont frais. Par ailleurs, c’est souvent qu’en quelques minutes, par terre dans la yourte, nos hôtesses nous fabriqueront des pâtes pétries et découpées au couteau en forme de tagliatelles sur une planche de bois, puis cuites avec de la viande séchée dans un bouillon, constituant un plat complet bon et nourrissant. Bouz et ushuur, sortes de raviolis fourrés à la viande, les uns bouillis, les autres frits, raviront aussi de temps en temps nos papilles. Un jour, alors que nous peinions depuis des heures sous la pluie, marchant vers un col qui n’arrivait jamais, nous décidâmes, en apercevant notre première yourte de la journée, de nous présenter à l’entrée de celle-ci. Les habituels chiens garde-yourte tentèrent de nous en dissuader, courant vers nous gueule ouverte : en tête un gros chien, sans doute le plus expérimenté, voulant montrer fièrement au second, plus petit et apparemment plus jeune, comment il fallait s’y prendre pour repousser les intrus. Olivier se mit alors à courir lui-même vers eux, l’air sûr de lui, hurlant et déployant son poncho de pluie au look Obi-Wan Kenobi. L’effet produit fut au-delà des espérances : retraite expresse des deux chiens : le gros, la queue entre les jambes, et le petit, poussant des « kaï kaï » épouvantés, mauvais départ dans son apprentissage de la vie de chien de garde mongol. Après cet acte héroïque, nous parvînmes enfin à la yourte d’où sortirent ses occupants, sans doute attirés par les cris des chiens. Comme d’habitude, passé les quelques secondes d’étonnement devant notre petit groupe de voyageurs à pied, on nous invita à entrer et à boire le thé salé. Tout trempés, l’air fatigué et affamé (vu la pluie et le froid, nous n’avions pas eu le courage de nous arrêter pour grignoter et avions préféré avancer le plus possible), nous réchauffant près du poêle et engloutissant plusieurs bols de thé, nous devions faire pitié car, au bout d’un long moment, notre hôtesse alla fouiller sous son lit pour en sortir 3 galettes sur lesquelles elle étala de la crème de lait et qu’elle nous offrit ; un véritable délice qui nous fit saliver longtemps après. Un mot sonnant comme embro ou ambro désignait ce met succulent, mais, même en nous appliquant sur la prononciation, nous ne parvînmes jamais à en retrouver ailleurs. Ce jour-là encore, nous pûmes constater l’hospitalité généreuse et désintéressée des Mongols, offrant à l’inconnu voyageur ce qu’ils ont de meilleur. Une autre fois, dans la région du Khövsgöl, ce sont des groseilles que l’on nous offre, présent que nous apprécions triplement : il montre la générosité de nos hôtes, ravit nos papilles – il y a peu de fruits en Mongolie –, et nous permet de savoir qu’il y a bien des groseilles dans la région, information utile dès le soir lorsque nous dénichons près du bivouac des plans de baies rouges semblables à celles mangées dans la journée chez les nomades. Plus loin, dans un petit village où nous espérions nous ravitailler, une femme nous fait comprendre qu’il n’y a pas de magasin ici mais seulement à Shandami-Ondloor, à une journée de marche. Sans plus attendre, elle nous attire chez elle et nous offre du succulent pain maison (évidemment) que nous tartinons de beurre. Je crois bien ne jamais avoir autant apprécié de telles tartines ! Il n’y aura que peu d’endroits où nous nous pourrons manger du pain en Mongolie, mais à chaque fois il se révèlera excellent. Après nous avoir nourri, cette femme refuse catégoriquement que lui payions la viande fraîche qu’elle nous donne. Bien souvent, souhaitant remercier tous ces gens pour leur générosité mais n’ayant pas nous-mêmes d’objets ou de nourriture à leur offrir, nous déposons un peu d’argent sur l’autel des ancêtres trônant dans chaque yourte. Nous laissons une somme raisonnable, l’équivalent de ce que nous aurions pu payer dans une petite échoppe pour un repas, afin de ne pas créer de déséquilibres mais de couvrir leurs dépenses à notre égard, de les remercier sans les offenser.
L’accueil est toujours le même : hospitalier… et curieux ! Un soir, nous voilà presque trente dans la même yourte, les voisins ayant rappliqué dare-dare pour en savoir plus. La séance photo (ou film) déclenche toujours l’hilarité générale, chacun venant coller son nez au petit écran numérique pour rire d’un gros plan de lui-même ou d’un autre. À chaque fois, nous demandons l’adresse de la famille hôtesse afin de lui envoyer des tirages papier ultérieurement. Deux de nos dernières journées mongoles à Ulaan Baatar en fin de séjour seront consacrées au tri des photos, à leur impression par un labo, et surtout à la recopie sur des enveloppes des adresses écrites en cyrilliques par nos hôtes. Vu notre faiblesse dans la maîtrise du cyrillique écrit, nous nous faisons aider, pour cette tâche délicate mais importante à nos yeux, d’une Mongole parlant quelques mots d’anglais. La plupart des adresses mêlent bien entendu des caractères minuscules et majuscules (ce qui complexifiait encore nos tentatives de déchiffrages), l’ordre dans lequel sont données les informations varie d’une personne à l’autre (ne facilitant pas nos tentatives de déductions…) et plusieurs adresses sont incomplètes : le nom de l’aimag (région) ou celui de la « grande » ville du coin (voire même une fois le nom de la personne !) n’est pas mentionné, sans doute car nos hôtes n’ont pas une représentation très claire ni de la géographe ni des nomenclatures d’adressages de leur pays, nous devons alors expliquer à notre « scribe » l’endroit où a été pris le cliché afin qu’elle ajoute les informations manquantes. Nous posterons alors nos nombreuses enveloppes, espérant qu’elles arrivent bien à destination, remerciant ainsi quelque peu nos hôtes de leur accueil. Voilà finalement une bien maigre compensation pour la pollution culturelle que nous véhiculons par notre passage, nous tous, les touristes étrangers, et l’exhibition de nos biens de consommation qui finit par créer chez ces gens des besoins. Besoin de s’enrichir pour acquérir ces « jouets » occidentaux, pour accéder au « bonheur ». Besoin de quitter les campagnes pour aller chercher les paillettes de la vie trépidante des villes, et finir dans une banlieue ghetto de yourtes, nomade sédentarisé et clochardisé, sans source de revenus, sans troupeau, sans moyen de subsistance. Cette « pollution » a déjà bien commencé via les media, il suffit de compter le nombre de yourtes – pourtant souvent dans des contrées isolées – possédant une parabole. Dans le petit foyer familial, une batterie de véhicule alimente un téléviseur sur lequel se scotchent les regards, coupant les dialogues et refroidissant la chaleur humaine. Nomades chez les nomadesNous marchons, pédalons ou chevauchons chaque jour à travers des paysages qui – même à la faible allure à laquelle nous parcourons ce grand pays – ne nous paraissent pas monotones. Nous avons choisi un itinéraire sud-nord nous permettant de traverser les différentes tranches géo-climatiques du pays ; c’est réussi. Au sud, la zone du Gobi nous présente de belles dunes au bord desquelles serpente une rivière qui ne sortira jamais du désert, ainsi qu’une steppe aride où il fait plutôt chaud. À Uliastay, nous assistons au Naadam, la fête nationale qui mobilise la population pour des festivités regroupant tournois de lutte mongole, de tir à l’arc et de courses de chevaux auxquelles participent des adultes mais aussi des enfants très jeunes et légers effectuant plusieurs kilomètres de galop effréné sur des montures préparées tout spécialement depuis des semaines. Seuls dans les montagnesAu nord d’Uliastay, nous traversons une région de montagnes très vertes. Prévoyant de rejoindre un peu plus loin Anne et une partie de nos affaires, nous nous engageons à trois et à pied à travers ces montagnes. Afin que Sébastien ne rate pas son avion de retour à Ulaan Baatar, nous devons rejoindre le village de Ider en 6 jours maximum ; nous l’estimons atteignable en 3 journées de marche. Nous nous allégeons au maximum pour ces quelques jours, ne prenant qu’une tente 2 places et pas de réchaud – nous prévoyons de faire du feu et de nous ravitailler dans des yourtes –, des pâtes et du riz, quelques biscuits et fruits secs. Bien souvent, la pluie nous empêche de cuire un repas et nos faibles réserves de biscuits et fruits secs s’épuisent vite. Sous-alimentés et sous la pluie, nous continuons, objectif avion de Sébastien oblige. Nous sommes contraints de remonter des vallées afin de pouvoir traverser les rivières plus en amont. De plus, nous progressons souvent dans des terrains difficiles – marécages, chaos de gros blocs, flancs de rivières très raides – et lorsque notre moyenne tombe à 1 km/h, nous nous demandons si nous rendre à Ider sera possible dans les temps… voire même si cela sera possible tout court ! Enfin, le lendemain dans l’après-midi apparaissent des troupeaux : les hommes ne sont pas loin. Les familles des deux yourtes que nous apercevons peu après, au soir de cinq longues journées de marche, nous accueillent comme des princes, les deux femmes se disputant amicalement le plaisir de nous offrir de la nourriture, si bien que nous dégustons un énorme dîner à rallonge et un double petit-déjeuner le lendemain matin. Nous nous essayons à la traite des yacks mais nous ne sommes pas doués ! Elles ont le coup de main ces femmes, « flik, flik, flik » le seau se remplit vite ! Les enfants sautent sur les yacks comme s’il s’agissait de peluches inanimées ; nous admirons leur témérité nous qui, une heure avant d’atteindre les yourtes, avions fait un large écart pour éviter le troupeau et notamment les grands mâles aux cornes imposantes ! Le soir, nous leur expliquons comme nous pouvons notre périple, sur la carte – mais ils n’ont pas une idée très globale de la géographie de leur pays – mais surtout grâce à l’écran de l’appareil photo numérique qui nous permet de leur montrer les clichés des jours précédents, et bien entendu de se livrer ensemble à des séances photos ludiques qui finissent en franche rigolade. Les femmes se parent de leurs plus belles robes et m’habillent avec l’une d’elles. Nous posons fièrement au bord de la rivière, le sourire aux lèvres. Un des jeunes enfants s’amuse comme un petit fou avec l’appareil numérique, « mitraillant » gaiement tout ce qui bouge et riant aux éclats des clichés obtenus ; celui de la maman grimaçant en gros plan déclenche un fou rire général ! Le temps passe autrement ici. Toujours vers le nordNous atteignons Ider le 6ème jour et Sébastien s’en va vite vers la capitale et ne rate pas son avion (mais il rate sa 1ère journée de travail suite à une mauvaise connexion à Moscou ; c’était bien la peine de courir dans les montagnes !!). Nous poursuivons vers le nord-est et atteignons Tosonchengel où nous retrouvons Anne. Nous y achetons son cheval et un vélo de bât. C’est là que notre petite équipe commence à devenir étrange : où vont-ils donc ces drôles d’étrangers, marchant, chevauchant ou poussant un vélo ? Nous remontons une large vallée avant de s’engager dans une autre, plus aride. Il fait très chaud et l’ombre est rare. Lorsque les orages se déchaînent sur la steppe en fin de journée et que nous nous passons à proximité de yourtes, nous nous approchons afin de nous réfugier dans l’une d’elles. L’accueil est toujours le même : hospitalier et curieux ! Le KhövsgölMarchant toujours vers le nord-est dans une aride vallée très peu habitée, nous sommes encore à deux jours de marche de la ville de Shin-Ider lorsque une camionnette (l’habituel fourgon russe 4x4 que l’on trouve partout dans le pays) s’arrête tout près de nous. Des gars en sortent avec des outils de géologues (dixit Olivier qui reconnaît le petit marteau). Nous nous étions arrêtés là à la recherche d’un puits marqué sur la carte ; eux viennent faire des prélèvements par ici. « Geologist » nous dit fièrement l’un d’eux. Chouette, il parle anglais ! « Geologist » répète-t-il pour toute réponse à nos questions. Ok, ils ne parlent pas anglais mais en tous cas, ils sont adorables : les voilà qui nous donnent des boissons fraîches (eau et soda) ainsi que des oranges, un vrai délice ! Le lendemain, nous les croiserons à nouveau, même topo, merci les gars ! Après Shin-Ider, la sécheresse fait place à la pluie, les arbres réapparaissent. Nous cheminons plusieurs jours dans des immenses vallées sans fin pour atteindre la ville de Mörön où nous avons rendez-vous avec des amis venus partager notre deuxième mois de voyage. Deux cavaliers en plus et nous poursuivons vers le nord, direction la région du Khövsgöl. Au sud du lac éponyme, nous retrouvons 2 autres amis au village de Khatgal ; ils ont avec eux deux « chariots » Carrix qui apportent encore une note étonnante à notre petite équipe. Nous voilà maintenant sept à progresser le long des rives sud-est du magnifique lac Khövsgöl, le petit frère du Baïkal (une rivière sort du Khövsgöl pour aller alimenter le Baïkal). Nous cheminons dans un paysage de taïga sibérienne, fréquemment arrosé de pluie en cette saison. Les quelques baignades dans le lac sont fraîches mais bien agréables. Nous quittons le lac pour filer vers l’est, direction Shandami-Ondloor, puis Erdenet-Bulgan (il ne s’agit ni de la grosse ville de Erdenet, ni de celle de Bulgan ; nous ne savons pourquoi mais de nombreuses villes portent des noms similaires à d’autres situées à proximité ou dans la région voisine). Avant d’atteindre cette cité, nous marchons successivement plusieurs heures dans un terrain marécageux et infesté de moustiques, puis sur un immense et bucolique parterre de fleurs bordé de cultures (rares en Mongolie) de blé. En fin d’après-midi, nous arrivons en ville où se trouvent de nombreuses machines et installations agricoles russes décrépites et à l’abandon, conférant au lieu une ambiance terne et triste. Mais le soleil est radieux et la tenancière du guanz (échoppe) dans lequel nous nous arrêtons se met en quatre pour nous faire des plats de toutes sortes. Nous avions pour objectif de marcher encore un peu après nous être restaurés, afin d’aller bivouaquer quelques kilomètres après la sortie de la ville, mais après ce repas gargantuesque qui dure deux bonnes heures, nous nous étalons dans l’herbe autour de la maisonnette de notre souriante hôtesse et y plantons les tentes avec son accord et son contentement. À la tombée de la nuit, elle nous montre ses talents de jet d’objets hétéroclites en direction d’un chien qui en veut à notre sac de pain ; nous ne savons pas si elle s’entraîne régulièrement mais elle a le tir précis : alors que la nuit est maintenant noire et que nous entendons approcher un chien sans le voir, nous entendons successivement : « tac ! poc ! kaï, kaï, kaï !! », impressionnante notre hôtesse ! Encore trois jours de marche sous un ciel nous offrant de très belles lumières et nous voilà à Taliaran où nous achevons fin août notre marche itinérante. Nous dégustons plusieurs glaces dans la rue principale en attendant le fourgon qui nous ramènera, ainsi que 19 autres personnes, à la capitale en une bonne vingtaine d’heures. Nous sommes bien entassés, mais les gens sont sympathiques. Les images du périple effectué défilent dans nos têtes. Les deux cassettes de musique mongole qui tournent dans l’autoradio grésillant nous bercent et apportent déjà un brin de nostalgie. Dans quelques heures, nous replongerons dans la « civilisation » ; Ulaan Baatar c’est presque déjà l’occident…
Ont participé à ce voyage :
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