Traverser les États-Unis à pied et seule du Mexique au Canada sur le Pacific Crest Trail (PCT) : voilà la longue et belle aventure que Sophie Jacob, 23 ans, a vécue du 31 mai au 13 septembre 2018.
Dans cet article, elle évoquait l'origine du projet comment le projet a pris forme, après 5 mois sur le PCT ; elle partage avec nous cette aventure en évoquant ce que représente pour elle le fait de voyager seule (dans le cadre de notre dossier Voyager au féminin en ligne ainsi que celui de Carnets d'Aventures 54).
Par Sophie Jacob
Pour en savoir plus au sujet de Sophie et son périple : voir sa page Facebook.
Pour en savoir plus sur le PCT et les grandes traversées de l'ouest américain, voir Carnets d'Aventures n°50.
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Le PCT est l’un des plus longs sentiers de randonnée des États-Unis. Il traverse trois états : la Californie (le désert de Mojave, la Sierra Nevada et le nord de la Californie), l’Oregon et le Washington.
Le PCT c’est 4260 km de marche, 131 km de dénivelé positif, et la traversée de deux chaînes de montagnes : la Sierra Nevada et la chaîne des Cascades.
Outre le fait d’être un grand chemin de randonnée, le PCT est une aventure humaine et unique.
Je vais essayer de vous raconter en quelques lignes ces 105 jours de marche au féminin et au cœur de la nature américaine.
C’est le 12 novembre 2017 que mon rêve prend réellement forme en obtenant mon permis ThruHiker délivré par le PCTA (l’Association du Pacific Crest Trail). Il est indispensable car il permet de marcher et dormir sur le trail.
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C'est parti pour 5 mois sur les chemins !
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Ce projet que je gardais secret se concrétise, il faut maintenant que je l’annonce à mes proches.
Leur expliquer que je pars seule à 23 ans parcourir les 4260 km du PCT. Cela n’a pas été chose facile... J’ai déjà fait plusieurs voyages seule mais jamais aussi longtemps et jamais avec un tel challenge.
Tout d’abord ma maman. Sa première réaction a été : « Mais pourquoi ? Pourquoi seule, pourquoi aussi longtemps, pourquoi aussi loin ? ! » une réaction de mère qui veut protéger son enfant...
Elle s’inquiète de ce qui peut m’arriver et surtout des mauvaises rencontres que je peux faire.
Alors c’est la confrontation... l’inquiétude de ma mère contre ma détermination.
Finalement, après beaucoup d'échanges, elle prend la mesure de mon projet et voit l’énergie que je mets à préparer mon aventure. Elle se renseigne sur ce qui m’attend. Elle sait que je ne renoncerai pas, et finalement elle l’accepte en comprenant mon rêve et ce qui me motive. Elle va même m’aider à l’organiser et prendre en charge la gestion du blog pendant le voyage. Une très belle relation s'est instaurée entre nous et nos liens se sont encore plus renforcés grâce à ce voyage.
L’annonce à mon entourage a été différente. Ils m’ont tout simplement pris pour une folle... sans vraiment comprendre l’ampleur de mon aventure. Ce n'est que pendant ma traversée qu’ils se sont rendu compte que je m’étais lancé un challenge de taille. J’ai eu beaucoup de soutien de leur part, ça a été une grande source de motivation.
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L’avantage de voyager seule, d’être une femme et en plus étrangère est que j'ai reçu beaucoup d’aide ! Par exemple, lorsque je devais quitter le trail pour aller me ravitailler en ville, j'étais facilement prise en stop. Et là, être une femme est un énorme avantage ! Les voitures s’arrêtaient très rapidement pour m’emmener. Je faisais du stop au moins 1 fois par semaine et à aucun moment je ne me suis sentie en insécurité. Au contraire, je tombais à chaque fois sur des personnes bienveillantes et très avenantes.
Les trails angels sont un autre exemple d’aide bienveillante. Ce sont des personnes passionnées du PCT qui aident les randonneurs durant leur parcours. Cette aide prend différentes formes : dons de nourriture / hébergement / transport / dépose d’eau potable sur le parcours...
J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer Lisa au départ de mon PCT. C’est devenu ma trail angel « officielle », un peu ma seconde maman !
Lorsque je suis arrivée à San Diego, à quelques kilomètres du point de départ du PCT à El campo (frontière mexicaine) je n’avais pas d’endroit où dormir. J’ai mis un message sur les réseaux sociaux pour avoir des conseils d’hébergement sur place. Lisa m'a tout de suite proposé de venir chez elle. Elle m’a accueilli pendant 2 nuits et c’est là que notre amitié est née ! Outre le fait de rendre service et de partager un bon moment, elle m’a avoué qu'en lisant mon message sur les réseaux elle ne voulait pas que je tombe sur une mauvaise personne. Elle m’a pris sous son aile pendant tout le reste de mon voyage en m’envoyant les rapports des points d’eau sur le PCT, m’indiquant les incendies à ma proximité, etc.
Sur le trail c’est pareil, je n’ai rencontré que des passionnés animés par le même objectif que moi, aller au bout de son rêve, marcher jusqu’au Canada !
Sur ce point, j'ai vraiment eu de la chance car j’ai entendu des histoires pas très sympa d’hommes cherchant à abuser des femmes sur le PCT… Je suis restée prudente mais sans vraiment me méfier, j’avais confiance.
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Flo, Nick and Luna - amis de la Sierra
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Concernant la vie sur le trail lorsque l’on est une femme, il faut aimer vivre en mode « roots ».
Les douches, c’est pas tous les jours ! En 105 jours je n'ai pu me doucher que 10 fois... Mais on s’y fait ! On laisse tomber le maquillage, et surtout l’épilation . C’est assez marrant de voir les jambes de toutes les randonneuses, sans exception, couvertes de poils. Mais c’est comme ça, personne n’y porte vraiment attention. On est en mode nature, ça se voit, et ça se sent aussi ! J’ai aussi laissé à la maison mon déodorant. Les odeurs humaines « sent bon » sont très attirantes pour les animaux et particulièrement les ours alors... on évite !
Il faut aussi aimer dormir au milieu de la nature avec les animaux qui rodent... les ours, les serpents à sonnettes, les pumas et autres. Ma plus grande crainte était justement de me retrouver seule face à un ours... n’ayant jamais vu cet animal, cela m’inquiétait.
Alors au début, dans les zones vraiment à risques, j’essayais de camper avec d’autres randonneurs pour ne pas avoir de mauvaise surprise comme un ours qui viendrait renifler autour de ma tente. Heureusement ça ne m’est jamais arrivé, du moins pas à ce que je sache .
Ma deuxième crainte étaient les serpents à sonnette. Et ça n’a pas manqué, j’en ai vu des dizaines ! La première rencontre a eu lieu au kilomètre 10 en plein milieu de mon chemin. Il me fixait... j'ai fait un immense détour pour le contourner ! J’y repense en souriant car ce fut la première rencontre d'une longue série. Heureusement je m'y suis habituée et je n'avais plus du tout la même réaction. Je faisais simplement un pas de côté pour l’éviter et j’aimais même les observer.
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Au début de mon voyage j’ai beaucoup marché seule, je ne croisais quasiment personne, ayant démarré le 31 mai. En effet, toute la traversée du sud de la Californie (la partie désertique avec le désert de Mojave) est une véritable épreuve au mois de juin. J’ai subi de très fortes chaleurs et un grand manque d’eau, c’est la raison pour laquelle personne ne parcourt cette partie-là à cette période de l'année. Je le savais mais, en raison d'une opération du genou en janvier suite à la rupture d'un ligament croisé puis de la rééducation, je ne pouvais pas démarrer le PCT plus tôt.
Passé cette partie j’ai commencé à voir plus de monde sur le trail. J’ai pu rencontrer des personnes incroyables, mais mon rythme de marche beaucoup plus soutenu (40 km/jour) que la majorité ne me permettait pas de rester avec mes nouveaux amis plus de 2 jours...
Ce rythme je me l’étais imposé pour plusieurs raisons. Tout d’abord pour le challenge, marcher un marathon par jour, ensuite pour être présente le jour de ma rentrée scolaire (en école d’ingénieur) le 17 septembre ; et enfin parce que l'opération non prévue de mon genou avait réduit à 110 jours mon temps disponible pour boucler mon PCT... timing serré mais jouable !
C’est que vers la moitié du PCT, kilomètre 2150 que j’ai rencontré Sauer, un Américain de mon âge, qui parcourait lui aussi le PCT en totalité. On s’est très vite lié d’amitié et nous avons marché ensemble jusqu’à l’arrivée au Canada ! Ça été une rencontre incroyable et une belle amitié. Nous sommes très vite devenus des « best trail partners » sans aucune ambiguïté.
Ça été génial de partager cette aventure avec quelqu’un rencontré sur place. Nous nous sommes tous les deux challengés à plusieurs reprises. La première fois, nous nous sommes lancé le défi de parcourir les 700 km de l’Oregon en 14 jours, soit 50 km/ jour. Nous avons fini ce défi en se challengeant une seconde fois : marcher pendant 24h non-stop ! Finalement objectif atteint, nous avons parcouru 105 km en 25h30 et bouclé l’Oregon en 13 jours et demi !
Cela reste mes plus beaux souvenirs avec l’ascension du mont Whitney à 4400m d’altitude (le point culminant des USA hors Alaska).
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Enfin, voyager seule offre une grande liberté !
La possibilité de faire ce que l’on veut quand on veut, de suivre et vivre ses envies tout simplement. On est plus ouvert aux rencontres, et on se laisse porter par les opportunités qui s’offrent à nous.
À l’avenir, je pense continuer à voyager en réalisant des trails seule. C’est pour moi devenu une révélation, voyager seule en autonomie et sur un rythme sportif. Une façon de découvrir un pays, sa population tout en en prenant plein les yeux !
Pour finir, je conseille vivement aux filles qui souhaitent faire un voyage solo de tenter l’aventure !
Faites-vous confiance et surtout ayez confiance dans les autres...
Happy trails !
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Tracé du PCT (carte par Anne-Sophie Rodet)
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