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Longue marche en Norvège

par Mariette Nodet
16 Dec 2024
75 lecteurs

Des lignes dans la montagne

Une longue marche pour écrire. Mariette (cf. CA46 et 54) part s’isoler, traverser les massifs du sud-ouest de la Norvège pour trouver les mots d’un livre dédié à sa fille auquel elle pense depuis longtemps. Ce récit singulier nous plonge dans les coulisses de la littérature, où l’aventure pédestre est le personnage secondaire.

Horizon XXL. Le Hardangervidda, massif ancien, offre une marche plus contemplative que sportive. Il fait partie des immenses espaces que j’ai traversés durant presque six semaines.
Horizon XXL. Le Hardangervidda, massif ancien, offre une marche plus contemplative que sportive. Il fait partie des immenses espaces que j’ai traversés durant presque six semaines.

En 1896, il n’y a sur l’étendue norvégienne du Hardangervidda absolument rien qui inspire l’envie de s’y installer. Au centre du massif à 1222 m d’altitude, la zone dite de Finse n’est qu’un paysage désolé mangé par la brume et la neige la plupart de l’année, encerclé par l’immense glacier du Hardangerjøkulen, un sombre lac battu par le vent et des versants d’herbe rase striés de cours d’eau.

Un lieu à l’histoire spéciale

Pourtant un homme y élit domicile. Cet homme est de la trempe des Vikings comme on en rencontre encore au détour d’un sommet ou d’un glacier : un grand blond mutique vêtu d’une pelisse élimée, longs skis aux pieds, visage buriné. Erling Hakestad n’est pas là pour le plaisir, il travaille officiellement aux services postaux de la compagnie des chemins de fer nationale, la Norges Stastbaner. Pourquoi l’avoir basé, seul, dans cette montagne déserte à 300 km de Bergen et autant de Christiania (ancien nom d’Oslo) ? Parce qu’Erling est un maillon, au même titre que plus de 15.000 autres femmes et hommes, d’un projet gigantesque : celui de la construction de la ligne Bergen-Christiania. Un fil de fer reliant le pôle économique et le pôle politique d’un pays en mal d’unité et d’indépendance vis-à-vis de la Suède. Outre l’acheminement du courrier à travers la montagne, Erling fait partie de ceux qui étudient le tracé de la ligne dans la zone la plus compliquée du trajet nommée le « département des hautes montagnes ». Il est l’homme de la situation : montagnard infatigable, il accompagne et guide avec expertise les missions de reconnaissance qui se succèdent hiver après hiver entre 1896 et 1907. Car les difficultés de la topographie sont une chose. Celles liées à la neige en sont une autre. Il faudra treize ans pour que les travaux entamés à l’est et à l’ouest se rejoignent enfin à quelques kilomètres de Finse. Quand la ligne est inaugurée, Erling reste sur place en tant que chef de gare, développant à ses heures perdues un autre réseau avec passion, cette fois-ci pour l’organisme naissant du DNT (l’équivalent du CAF français) : celui des sentiers. Avec l’essor de l’alpinisme, Finse connaît alors une relative prospérité. Les explorateurs Nansen, Amundsen ou Scott s’y rendent régulièrement pour s’entraîner en vue de leurs expéditions polaires. Mais le hameau demeurera toujours un simple îlot humain, isolé au centre d’un grand désert d’altitude.

... et la suite ?