Eté 2022 : Seatrekking à Ouessant (BZH)
Nage en eau libre itinérante sur 3 jours autour de l'île d'Ouessant
(30 min de lecture)
La nage en eau libre et l’apnée de compétition sont des sports. Le seatrekking est leur incarnation et leur fusion spirituelle qui procure une expérience immersive dans l’écosystème marin et qui nous amène à reconsidérer l’échelle du temps et des éléments.
"L'océan est notre campement.
Nous sommes faits de l'étoffe dont sont tissés les vents et les courants"
(A. Damasio)
(30 min de lecture)
La nage en eau libre et l’apnée de compétition sont des sports. Le seatrekking est leur incarnation et leur fusion spirituelle qui procure une expérience immersive dans l’écosystème marin et qui nous amène à reconsidérer l’échelle du temps et des éléments.
"L'océan est notre campement.
Nous sommes faits de l'étoffe dont sont tissés les vents et les courants"
(A. Damasio)
apnée
randonnée/trek
randonnée aquatique
nage
/
Durée : 3 jours
Distance globale :
31.6km
Dénivelées :
+154m /
-203m
Alti min/max : -78m/54m
Carnet publié par Sov Strochnis
le 08 sept. 2022
modifié le 30 mars 2023
modifié le 30 mars 2023
1452 lecteur(s)
-
Vue d'ensemble
Le topo : Jour 1 (mise à jour : 20 sept. 2022)
Distance section :
11.2km
Dénivelées section :
+19m /
-30m
Section Alti min/max : 1m/23m
Description :
Premier jour du seatrek : Bourg de Lampaul --> Porz Gwenn --> Port d'Arlan --> Penn ar Roc'h
Conditions météorologiques (résumé) : Ensoleillé + bonne brise (34 km/h) matin et après-midi + pas de houle + courants
Vent : Nord-Est, 18 nœuds, force force 5 sur l'échelle de beaufort
Houle : Nord-Ouest, période 8s et hauteur 0,4m
Température de l'air : 20°C
Température de l'eau : 13°C
Marées : basses-eaux, coefficient 48 / 47
Conditions météorologiques (résumé) : Ensoleillé + bonne brise (34 km/h) matin et après-midi + pas de houle + courants
Vent : Nord-Est, 18 nœuds, force force 5 sur l'échelle de beaufort
Houle : Nord-Ouest, période 8s et hauteur 0,4m
Température de l'air : 20°C
Température de l'eau : 13°C
Marées : basses-eaux, coefficient 48 / 47
Milieu traversé :
Environnement : [île, mer, côte, falaise, grotte]
Biotope : [marin, minéral]
Le compte-rendu : Jour 1 (mise à jour : 20 sept. 2022)
07h00 : Le réveil
Le soleil se lève doucement sur la Baie de Lampaul tandis que chacun émerge progressivement de sa nuit.
Tout le monde se retrouve dans la cuisine pour un café et des gâteaux bretons fourrés à la framboise et au caramel beurre salé.
Vient ensuite le check-up des affaires dans le jardin et la présentation des nouvelles astuces matérielles élaborées par chacun depuis la dernière excursion.
Comme à l’accoutumée, certaines s’avèreront boiteuses et d’autres fabuleuses. C’est ainsi que la pratique évolue d’années en années comme bien d'autres sports de passionnés. Ceux qui ont déjà eu la chance de vivre ces instants savent combien les préparatifs sont un moment clé et chaleureux avant le départ.
Le soleil se lève doucement sur la Baie de Lampaul tandis que chacun émerge progressivement de sa nuit.
Tout le monde se retrouve dans la cuisine pour un café et des gâteaux bretons fourrés à la framboise et au caramel beurre salé.
Vient ensuite le check-up des affaires dans le jardin et la présentation des nouvelles astuces matérielles élaborées par chacun depuis la dernière excursion.
Comme à l’accoutumée, certaines s’avèreront boiteuses et d’autres fabuleuses. C’est ainsi que la pratique évolue d’années en années comme bien d'autres sports de passionnés. Ceux qui ont déjà eu la chance de vivre ces instants savent combien les préparatifs sont un moment clé et chaleureux avant le départ.
Le débriefing entre nous est terminé et notre motivation est chargée à bloc. Autant que peuvent l’être les batteries de nos téléphones, frontales, appareils photos, VHF et autres instruments à la pointe de la modernité. Les affaires sont soigneusement réparties entre les sacs et nous nous mettons en route pour une marche vers le port d'Arlan, situé au sud-est de l'île.
09h30 : Les rives du Styx
A quelques encablures de nous circule un puissant courant marin : le Fromveur, au nom tragique, qui signifie "Grand effroi", et qui apparait comme une menace pour tous ceux qui souhaiteraient aborder l’île.
Comme si celle-ci était encore jalousement défendue par les dieux marins du contact impur de l’homme. deux géants impassibles et bien connus des bretons gardent ses entrées : le phare de La Jument à l’ouest et le phare de Kéréon à l’est (cf. carte touristique ci-dessous).
A quelques encablures de nous circule un puissant courant marin : le Fromveur, au nom tragique, qui signifie "Grand effroi", et qui apparait comme une menace pour tous ceux qui souhaiteraient aborder l’île.
Comme si celle-ci était encore jalousement défendue par les dieux marins du contact impur de l’homme. deux géants impassibles et bien connus des bretons gardent ses entrées : le phare de La Jument à l’ouest et le phare de Kéréon à l’est (cf. carte touristique ci-dessous).
Bordé par l'archipel de Molène au sud, et l'île d'Ouessant au nord, c'est un lieu où les courants sont parmi les plus violents d’Europe et peuvent atteindre jusqu'à 9 nœuds localement. L’équivalent de 4 mètres par seconde. La navigation y est dangereuse lorsque le vent se dresse contre le courant et que la mer se creuse considérablement. L’inventivité de l’Homme a eu la bonne idée d’implanter une hydrolienne expérimentale, posée au fond de ce passage, afin d’alimenter en électricité une partie de l'île.
Avec le phare du Créac’h, le phare de Nividic et le phare du Stiff, ils constituent à eux cinq une fratrie soudée comme nous face aux éléments.
L’envie d’aller titiller cette rivière marine pour découvrir de nouvelles sensations de glisse nous démange. Mais nous savons pertinemment qu’y tremper ne serait-ce que le bout d’une palme, nous emporterait vers le large sans l’ombre d’un espoir de rattraper la côte.
Nous nous contenterons donc de raser les cailloux, sous l’œil bienveillant des falaises abruptes qui nous toisent.
Avec le phare du Créac’h, le phare de Nividic et le phare du Stiff, ils constituent à eux cinq une fratrie soudée comme nous face aux éléments.
L’envie d’aller titiller cette rivière marine pour découvrir de nouvelles sensations de glisse nous démange. Mais nous savons pertinemment qu’y tremper ne serait-ce que le bout d’une palme, nous emporterait vers le large sans l’ombre d’un espoir de rattraper la côte.
Nous nous contenterons donc de raser les cailloux, sous l’œil bienveillant des falaises abruptes qui nous toisent.
11h00 : « L’Arlantide »
Nous apercevons au détour d’une pointe, le port antique d’Arlan, devenu impraticable par gros temps pour les navettes maritimes modernes. L’état de dégradation avancé du môle témoigne de la violence des tempêtes hivernales qui désolidarisent les gigantesques blocs de granit qui le constituent. Son accès est désormais interdit au grand public
La transparence de la mer à cet endroit est telle, que l'on distingue aisément des blocs immenses tombés au fond de l'eau et l'on dirait des vestiges de l’Atlantide.
Nous apercevons au détour d’une pointe, le port antique d’Arlan, devenu impraticable par gros temps pour les navettes maritimes modernes. L’état de dégradation avancé du môle témoigne de la violence des tempêtes hivernales qui désolidarisent les gigantesques blocs de granit qui le constituent. Son accès est désormais interdit au grand public
La transparence de la mer à cet endroit est telle, que l'on distingue aisément des blocs immenses tombés au fond de l'eau et l'on dirait des vestiges de l’Atlantide.
11h30 : Pause midi
Nous engloutissons un repas fait de céréales en vrac et de saucissons sous un beau soleil et à l'abri du vent. Nous appelons le CROSS (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) pour lui signaler notre mise à l'eau, le nombre de participants et le parcours envisagé.
Nous engloutissons un repas fait de céréales en vrac et de saucissons sous un beau soleil et à l'abri du vent. Nous appelons le CROSS (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) pour lui signaler notre mise à l'eau, le nombre de participants et le parcours envisagé.
12h30 : Au commencement
J’enfile cette combinaison qui me sert de seconde peau et ces palmes qui constituent le prolongement évident de mes membres inférieurs. J’entends le bruit lointain des vagues en fin de course venues terminer leur voyage sur le sable de la plage en contrebas.
Assis sur le rebord de la cale, les pieds flottant dans l’eau, j’observe mes palmes immergées danser au gré des vaguelettes. Je ne peux ôter de ma tête le fait que la vie soit sortie de l’eau il y a trois milliards d’années pour explorer la terre. Cocasse situation que celle-ci. Voilà que nous-mêmes, fruit de cette évolution, nous surprenons à rebrousser chemin à la poursuite de nos origines.
Est-ce l’impatience de me jeter à l’eau qui me rend soudain si philosophe ou l’hésitation devant la fraicheur engourdissante de l’eau qui remplit ma combinaison progressivement ?
J’enfile cette combinaison qui me sert de seconde peau et ces palmes qui constituent le prolongement évident de mes membres inférieurs. J’entends le bruit lointain des vagues en fin de course venues terminer leur voyage sur le sable de la plage en contrebas.
Assis sur le rebord de la cale, les pieds flottant dans l’eau, j’observe mes palmes immergées danser au gré des vaguelettes. Je ne peux ôter de ma tête le fait que la vie soit sortie de l’eau il y a trois milliards d’années pour explorer la terre. Cocasse situation que celle-ci. Voilà que nous-mêmes, fruit de cette évolution, nous surprenons à rebrousser chemin à la poursuite de nos origines.
Est-ce l’impatience de me jeter à l’eau qui me rend soudain si philosophe ou l’hésitation devant la fraicheur engourdissante de l’eau qui remplit ma combinaison progressivement ?
Ça y est, la horde est dans l’eau. Les sacs préalablement équilibrés à terre flottent parfaitement entre eux et manifestent un certain désaccord quant au choix des binômes que nous venons de constituer. Maudits leashs qui s’entremêlent.
Tandis que certains terminent d’arrimer leur gourde, appareils photos et autres éléments de sécurité sur le haut de leur sac, j’incline ma tête cagoulée dans l’eau, la bouche fermée. Ma respiration est coupée l’espace d’un instant par la fraicheur du liquide sur mon visage : reflexe d’immersion hérité de nos ancêtres et propre à certains mammifères.
Tandis que certains terminent d’arrimer leur gourde, appareils photos et autres éléments de sécurité sur le haut de leur sac, j’incline ma tête cagoulée dans l’eau, la bouche fermée. Ma respiration est coupée l’espace d’un instant par la fraicheur du liquide sur mon visage : reflexe d’immersion hérité de nos ancêtres et propre à certains mammifères.
15h00 : La chèvre Amalthée
Après deux heures passées dans une eau à 13°C, certains d'entre nous commencent à ressentir les premiers signes du froid.
Nous trouvons une petite flaque chauffée au soleil et à l'abri du vent puis faisons chauffer de l'eau pour une tournée de thé / café, agrémenté d'une larmichette de lait concentré de notre ami Dodo.
C'est à ce moment que nous apercevons au-dessus de nos têtes une chèvre et son petit en train de nous regarder et de brouter l'herbe paisiblement. Le rocher étant isolé du continent à marée haute, elles ont dû se faire coincer par la marée sans que cela ne vienne perturber leur occupation.
* Amalthée : figure de la mythologie grecque associée à l’enfance de Zeus. De ses cornes coulaient le nectar et l'ambroisie qui rendaient immortel.
Après deux heures passées dans une eau à 13°C, certains d'entre nous commencent à ressentir les premiers signes du froid.
Nous trouvons une petite flaque chauffée au soleil et à l'abri du vent puis faisons chauffer de l'eau pour une tournée de thé / café, agrémenté d'une larmichette de lait concentré de notre ami Dodo.
C'est à ce moment que nous apercevons au-dessus de nos têtes une chèvre et son petit en train de nous regarder et de brouter l'herbe paisiblement. Le rocher étant isolé du continent à marée haute, elles ont dû se faire coincer par la marée sans que cela ne vienne perturber leur occupation.
* Amalthée : figure de la mythologie grecque associée à l’enfance de Zeus. De ses cornes coulaient le nectar et l'ambroisie qui rendaient immortel.
15h30 : Poésie de l’eau
Fini la récréation. C’est l’heure de se remettre en route. Un grognement primaire venu du fond des entrailles s'échappe de nos poumons lorsque nous replongeons dans l'eau. Le choc thermique est saisissant et nous mettrons plusieurs centaines de mètres à rééquilibrer le thermomètre interne.
Les corps s’allongent dans l’eau et les mentons se collent progressivement à la poitrine. Les têtes sont maintenant dans l’axe du corps, nos doigts serrés comme des écailles de nageoires plongent dans l’eau sans bulles et sans bruit.
Les jambes atteignent leur régime de croisière et nos corps creusent un sillon dans cette immense étendue d’eau salée.
Nos battements cardiaques se mettent à résonner à nos tempes avec une chaleur douce et réconfortante. Ce métronome physiologique nous fait redécouvrir les codes et les secrets du corps et nous suivra tout au long du seatrek.
Nous sommes des humains aquatiques.
S’immerger dans la mer et faire partie de ces éléments est pour nous un besoin primaire. (G. Néry)
Fini la récréation. C’est l’heure de se remettre en route. Un grognement primaire venu du fond des entrailles s'échappe de nos poumons lorsque nous replongeons dans l'eau. Le choc thermique est saisissant et nous mettrons plusieurs centaines de mètres à rééquilibrer le thermomètre interne.
Les corps s’allongent dans l’eau et les mentons se collent progressivement à la poitrine. Les têtes sont maintenant dans l’axe du corps, nos doigts serrés comme des écailles de nageoires plongent dans l’eau sans bulles et sans bruit.
Les jambes atteignent leur régime de croisière et nos corps creusent un sillon dans cette immense étendue d’eau salée.
Nos battements cardiaques se mettent à résonner à nos tempes avec une chaleur douce et réconfortante. Ce métronome physiologique nous fait redécouvrir les codes et les secrets du corps et nous suivra tout au long du seatrek.
Nous sommes des humains aquatiques.
S’immerger dans la mer et faire partie de ces éléments est pour nous un besoin primaire. (G. Néry)
17h00 : Le chant des sirènes : l'apnée
Au détour d'une grotte au fond de laquelle nous avons extrait une bouée de pécheur coincée dans une faille, je laisse mes yeux hagards se poser progressivement vers le fond de l'océan, vers l’immensité de ce cosmos sans fin.
J’aperçois divaguer dans mon champ de vision des myodésopsies*, sorte de petites « mouches volantes » translucides, qui apparaissent sous forme de points, taches ou filaments de formes diverses. Ce trouble oculaire fréquent est amplifié par le fond bleu cobalt de l’océan qui se dévoile sous mes yeux.
*Myodésopsies : impuretés microscopiques flottant dans l’humeur vitrée de l’œil et qui se déplacent avec le mouvement des yeux.
Au détour d'une grotte au fond de laquelle nous avons extrait une bouée de pécheur coincée dans une faille, je laisse mes yeux hagards se poser progressivement vers le fond de l'océan, vers l’immensité de ce cosmos sans fin.
J’aperçois divaguer dans mon champ de vision des myodésopsies*, sorte de petites « mouches volantes » translucides, qui apparaissent sous forme de points, taches ou filaments de formes diverses. Ce trouble oculaire fréquent est amplifié par le fond bleu cobalt de l’océan qui se dévoile sous mes yeux.
*Myodésopsies : impuretés microscopiques flottant dans l’humeur vitrée de l’œil et qui se déplacent avec le mouvement des yeux.
Balloté par le clapot, je suis suspendu à la frontière du ciel et de la mer. Je me laisse porter, allongé sur ce tapis liquide qui m’apporte un réconfort salvateur. J’en profite pour effectuer une apnée récréative après avoir pris le soin de ventiler suffisamment en surface.
De nouvelles pensées me traversent l’esprit.
Je veux me détacher de la surface, plonger le plus profond possible pour ralentir le temps qui passe et réorganiser certaines briques de vie laissées de côté par nos modes de vie, nos engagements familiaux et professionnels. Que ce soit là-dessous sous ces tonnes d’eau ou là-dessus chevauchant ces flots, la promesse de l’inconnu m’attend. La nage m’offre une fenêtre sur l’ailleurs.
Je prends une grande inspiration et bascule mon corps en avant vers le fond. Chaque ondulation me propulse avec vigueur entre les molécules d’eau sans qu’Archimède n’y puisse rien. Rien ne trouble l’extase absolue de cet instant. Je réalise sous cette masse d’eau ce qui est exactement en moi, dans l’abîme de ma conscience : une harmonie du corps et de l'esprit.
De nouvelles pensées me traversent l’esprit.
Je veux me détacher de la surface, plonger le plus profond possible pour ralentir le temps qui passe et réorganiser certaines briques de vie laissées de côté par nos modes de vie, nos engagements familiaux et professionnels. Que ce soit là-dessous sous ces tonnes d’eau ou là-dessus chevauchant ces flots, la promesse de l’inconnu m’attend. La nage m’offre une fenêtre sur l’ailleurs.
Je prends une grande inspiration et bascule mon corps en avant vers le fond. Chaque ondulation me propulse avec vigueur entre les molécules d’eau sans qu’Archimède n’y puisse rien. Rien ne trouble l’extase absolue de cet instant. Je réalise sous cette masse d’eau ce qui est exactement en moi, dans l’abîme de ma conscience : une harmonie du corps et de l'esprit.
Bien loin d’être un apnéiste chevronné, mes immersions peuvent paraitre dérisoire à certains.
Je commence par compenser le poids de l’eau sur mes tympans par des manœuvres de BTV* répétées.
* BTV (béance tubulaire volontaire) : manœuvre d'équilibrage volontaire des muscles autour des trompes d'Eustache, utilisée en plongée pour ré-équilibrer les pressions entre l'oreille externe et l'oreille moyenne.
Sentir cette pression comprimer progressivement mon corps au fil des mètres parcourus sous l’eau, crée une sorte de vide. Mon pouls ralentit, la température diminue et je sens une voluptueuse béatitude s’emparer de moi, m’enlacer.
Le peu d’air restant dans mes poumons me permet une courte pause pour contempler le bleu qui m’entoure. Il est omniprésent. Seul le reflet inversé de la lumière diffracté par les vaguelettes en surface vient perturber ce monochrome infini. Je reste un court moment immobile en forme de recueillement.
La quantité d’eau au-dessus de ma tête est étourdissante. Il fait plus froid et plus sombre que quelques mètres plus hauts. La pression m’étreint et génère un sentiment de vulnérabilité soudain. Je ne suis en boule replié dans le ventre de la mer, souvenir inconscient d’un stade fœtal resté en hibernation depuis ma première inspiration.
Mon corps et mon esprit ne font qu’un. Le temps ruisselle sur cette entité unique et fige l’instant présent. Ne subsiste que la conscience d’être totalement présent.
Je laisse divaguer mon regard vers le bas et constate le néant qui gît sous mes pieds palmés. Je relève la tête et observe les rides d’un plafond liquide qui happe mes pensées. Je n’ai plus que quelques secondes avant que mes alvéoles pulmonaires ne clament leur soif d’air. Il est temps de renaitre.
D’un battement de jambes je remonte vers la lumière, entouré de bulles d’air tout aussi pressées que moi d’éclore à la surface. J’accueille la bouche grande ouverte cet air nourricier qui pénètre au fond de mes poumons et reste un instant immobile allongé sur le dos à regarder le ciel bleu. Je renais.
Je commence par compenser le poids de l’eau sur mes tympans par des manœuvres de BTV* répétées.
* BTV (béance tubulaire volontaire) : manœuvre d'équilibrage volontaire des muscles autour des trompes d'Eustache, utilisée en plongée pour ré-équilibrer les pressions entre l'oreille externe et l'oreille moyenne.
Sentir cette pression comprimer progressivement mon corps au fil des mètres parcourus sous l’eau, crée une sorte de vide. Mon pouls ralentit, la température diminue et je sens une voluptueuse béatitude s’emparer de moi, m’enlacer.
Le peu d’air restant dans mes poumons me permet une courte pause pour contempler le bleu qui m’entoure. Il est omniprésent. Seul le reflet inversé de la lumière diffracté par les vaguelettes en surface vient perturber ce monochrome infini. Je reste un court moment immobile en forme de recueillement.
La quantité d’eau au-dessus de ma tête est étourdissante. Il fait plus froid et plus sombre que quelques mètres plus hauts. La pression m’étreint et génère un sentiment de vulnérabilité soudain. Je ne suis en boule replié dans le ventre de la mer, souvenir inconscient d’un stade fœtal resté en hibernation depuis ma première inspiration.
Mon corps et mon esprit ne font qu’un. Le temps ruisselle sur cette entité unique et fige l’instant présent. Ne subsiste que la conscience d’être totalement présent.
Je laisse divaguer mon regard vers le bas et constate le néant qui gît sous mes pieds palmés. Je relève la tête et observe les rides d’un plafond liquide qui happe mes pensées. Je n’ai plus que quelques secondes avant que mes alvéoles pulmonaires ne clament leur soif d’air. Il est temps de renaitre.
D’un battement de jambes je remonte vers la lumière, entouré de bulles d’air tout aussi pressées que moi d’éclore à la surface. J’accueille la bouche grande ouverte cet air nourricier qui pénètre au fond de mes poumons et reste un instant immobile allongé sur le dos à regarder le ciel bleu. Je renais.
17h30 : Penn ar Roc'h
Nous atteignons la pointe de Penn ar Roc’h (« La tête du roc ») qui constitue un petit dédale de passages étroits au milieu desquels nos corps se faufilent La couleur de l’eau contraste avec le bleu profond de tout à l’heure.
Le tour de la pointe nous prendra une petite heure et la diversité de la flore sous-marine ressemble à un véritable aquarium vivant.
Nous atteignons la pointe de Penn ar Roc’h (« La tête du roc ») qui constitue un petit dédale de passages étroits au milieu desquels nos corps se faufilent La couleur de l’eau contraste avec le bleu profond de tout à l’heure.
Le tour de la pointe nous prendra une petite heure et la diversité de la flore sous-marine ressemble à un véritable aquarium vivant.
18h30 : Fin de la nage
Nous sortons de l’eau et partons à la recherche d’un petit coin de verdure, discret et éloigné du sentier côtier pour un bivouac minimaliste.
Nous reviendrons prendre le repas le soir en haut de la cale de Penn ar Roc'h à l'abri du vent.
Au menu ce soir : Rougail breton
(saucisses fumées d'Ouessant coupées en rondelles / oignons rosés de Roscoff caramélisés au miel / tomates émincées / riz coco / sauce foie gras et pointe de tabasco fumé). C'est aussi ça le seatrekking. Optimiser le matériel pour avoir plus de place dans son sac et mettre les lyophilisés de côté pour se faire plaisir avec des vrais repas .
Nous sortons de l’eau et partons à la recherche d’un petit coin de verdure, discret et éloigné du sentier côtier pour un bivouac minimaliste.
Nous reviendrons prendre le repas le soir en haut de la cale de Penn ar Roc'h à l'abri du vent.
Au menu ce soir : Rougail breton
(saucisses fumées d'Ouessant coupées en rondelles / oignons rosés de Roscoff caramélisés au miel / tomates émincées / riz coco / sauce foie gras et pointe de tabasco fumé). C'est aussi ça le seatrekking. Optimiser le matériel pour avoir plus de place dans son sac et mettre les lyophilisés de côté pour se faire plaisir avec des vrais repas .
22h00 : Songes homériques
Le ciel de cette première nuit dehors est illuminé par les feux des balises et phares qui nous entourent. Ça scintille de partout et de toutes les couleurs.
Nous discernons au loin les phares de Saint-Mathieu sur le continent, les Pierres Noires et même celui d’Ar Men au large de l’île de Sein. Leur halo crépusculaire ouvre de brèves avenues de désolation sur la mer. Un vent léger porte à nos narines les notes de parfums humides et iodés de l’océan, ce qui ne manque pas de me faire frissonner de plaisir.
Je griffonne dans ma tête sur un atlas imaginaire, des itinéraires que j’accomplirai un jour. Je rêve de l’Ecosse, de ses eaux limpides et de ses lochs verdoyants qui s’étirent à perte de vue. Mon crayon serpente entre les innombrables petites îles grecques aux eaux de couleurs turquoise et chaudes, dont l’exotisme des noms me rappelle Ulysse, son Odyssée, et les innombrables autres mythes qui ont nourri l’imaginaire de mon enfance.
Je me plais à fixer une dernière fois l'horizon les yeux plissés, et à compter les secondes avant les prochains éclats de La Jument et de Kéréon, nos deux sentinelles de la journée.
Je m'endors.
Le ciel de cette première nuit dehors est illuminé par les feux des balises et phares qui nous entourent. Ça scintille de partout et de toutes les couleurs.
Nous discernons au loin les phares de Saint-Mathieu sur le continent, les Pierres Noires et même celui d’Ar Men au large de l’île de Sein. Leur halo crépusculaire ouvre de brèves avenues de désolation sur la mer. Un vent léger porte à nos narines les notes de parfums humides et iodés de l’océan, ce qui ne manque pas de me faire frissonner de plaisir.
Je griffonne dans ma tête sur un atlas imaginaire, des itinéraires que j’accomplirai un jour. Je rêve de l’Ecosse, de ses eaux limpides et de ses lochs verdoyants qui s’étirent à perte de vue. Mon crayon serpente entre les innombrables petites îles grecques aux eaux de couleurs turquoise et chaudes, dont l’exotisme des noms me rappelle Ulysse, son Odyssée, et les innombrables autres mythes qui ont nourri l’imaginaire de mon enfance.
Je me plais à fixer une dernière fois l'horizon les yeux plissés, et à compter les secondes avant les prochains éclats de La Jument et de Kéréon, nos deux sentinelles de la journée.
Je m'endors.