GTJ raquettes
Grande Traversée du Jura en raquettes, hiver 2019, de Metabief à Giron.
raquettes
randonnée/trek
/
Quand : 22/02/2019
Durée : 10 jours
Durée : 10 jours
Carnet publié par cirkapt
le 02 févr. 2020
Mobilité douce
Précisions :
TGV Paris Gare de Lyon Frasne puis bus jusqu'à Métabief. Retour Giron - Bellegarde en stop ou taxi, puis TGV Bellegarde - Paris gare de Lyon.
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Vue d'ensemble
Le topo : Bellecombe - Giron (mise à jour : 02 févr. 2020)
Description :
Les deux dernières étapes de cette GTJ : la météo s'arrange un peu puis se dégrade de nouveau et je sors de l"hiver au terminus.
Le compte-rendu : Bellecombe - Giron (mise à jour : 02 févr. 2020)
Neuvième étape : refuge La Dalue - La Pesse, 3 mars
Au petit matin, le soleil est de retour. Allez hop. Un dernier coup d’oeil à la Dalue – où le repas était bon et où j’ai dormi comme un loir, fauché par la fatigue – et à nous les combes sauvages!
Je longe scrupuleusement les perches jaunes et mets mes pas dans les empreintes de raquettes. Sauf que, à un moment, je me rends compte que les balises me ramènent en arrière, dans la direction de Lajoux. Qu’est-ce à dire? Je grimpe sur une bosse pour faire le point. Panorama superbe sur les monts du Jura, au passage. Bon, réglons notre orientation. IPhiGéNie ne va pas mieux : faute de réseau, elle me fait des plaques grises et jaunes. En revanche, la boussole est formelle : c’est dans l’autre sens, chef. J’ai dû rater quelque chose là-haut, avant de redescendre vers cette ruine, pourtant portée sur mon plan.
Que faire? Deux options. 1/ Remonter une demi-heure de raidillons jusqu’à un croisement, sous les lignes à haute tension. Il se peut que j’ai loupé un truc à cet endroit. 2/ descendre plein pot la bosse et emprunter cette piste de fond qui semble contiguë au GR d’été pour filer ensuite au sud. Allez : courage, descendons. Sans se vautrer, belle perf. Je remonte ensuite la piste pendant plusieurs kilomètres. Parcourue de skieurs, de sorte que j’ai l’impression désagréable d’être au bord d’une route fréquentée. Un croisement me laisse un moment penser que j’ai rejoint la GTJ. Mais non. La trace est bien au-dessus, sur la crête. Pourquoi toutes ces confusions?
Je vous explique : la GTJ raquettes est fléchée par des perches jaunes fluo et des fanions en sous-bois comme on l'a vu précédemment. Du moins, précisément, pas tout à fait. Et c'est là qu'on s'y perd.
Des dizaines de perches jaunes fluo balisent les sentiers mais, pour la GTJ, elles doivent être de surcroît surmontées d'un scotch bleu nuit estampillé GTJ. Les jaunes fluo sans scotch indiquent donc une simple piste raquettes en boucle. Une balade, quoi. De loin, bien sûr, on peut confondre. On ne fait que ça, d'ailleurs, confondre...
En principe, les balades, elles, sont balisées, normalement, par des perches jaune-orangé. Sauf que certaines balades sont balisées en jaune fluo et que, pire encore, les jaunes orangées empruntent aussi parfois la GTJ.
Voyez le merdier? Les jaune fluo qui jouent le rôle des jaune-orangé et vice-versa. Avec un V majuscule à vice… Le tout, évidemment, empruntant la plupart du temps des chemins qui n’existent pas l’été et partant, ne figurent pas sur les fonds de carte.
Un petit coup d’inattention – un chant d’oiseau, une trace d’animal, un rai de soleil sur un tas de neige, bref, tout ce qui fait le charme contemplatif de la marche – et vous voilà fourvoyé.
Reste le cap à la boussole : on n’a pas fait mieux depuis que Marco Polo l’a barbotée aux chinois. Marchons donc, le nez sur l’aiguille aimantée, on arrivera bien toujours quelque part. A la borne au lion, par exemple, qui offre une vue magnifique. Et puis, de là, retrouvons miraculeusement la GTJ – en fait, un diverticule, il y en a, sinon ce serait trop simple – qui descend sur la Pesse.
Comme je demande à l’office du tourisme où se trouve mon hôtel, j’apprends qu’il se situe en fait à 1,5 kilomètres… À côté de l’Office, un saloon. J’entre boire une bière, au zinc, et je reprends la route. L’église de La Pesse est plaquée zinc, elle aussi.
Et puis enfin, l’écurie. 15 kilomètres au compteur contre les 8 prévus. Vive le sport!
Dixième et dernière étape : L'Embossieux - Giron, 4 mars.
Je me lève, prêt à en découdre, et j’écarte les rideaux : il pleut. Zut.Tant pis, je me ferai saucer. Telle est la dure loi du Grand Air.
Petit déjeuner, pliage du sac, emballé dans sa housse de pluie – et c’est parti. Il fait 4 degrés. Malgré l’altitude, pas de flocons. J’ai droit à une petite grêle d’aiguilles fines et glacées. Je coupe par les prés pour regagner La Pesse, le visage protégé par la visière de ma casquette. Je croise des fermes abandonnées – ou fermées pour l’hiver, je ne sais pas.
Le redoux a mis à jour des tas de ruisseaux au franchissement scabreux. Ici, je saute - certes, je suis déjà bien humide, mais ce n’est pas une raison pour aller se baigner - là, je franchis le rû sur une planche de la largeur d’une raquette. Ne pas glisser.
Par ailleurs, je découvre également que la neige mouillée a un comportement bien pire que la poudreuse : la couche s’effondre en cône, tordant le pied vers l’intérieur sans prévenir, ou l’extérieur, c’est selon. On peut faire une trentaine de pas sans souci, puis s’enfoncer d’un coup – et d’une seule jambe – dans 50 centimètres de quelque chose qui ressemble à la glace chez le poissonnier. Usant. En apercevant une petite route et tandis que la pluie s’intensifie, je songe à faire du stop. Marre de patauger dans la soupe, sous des rideaux de gouttes fines qui dessinent des stries de nylon dans le paysage. Mais aucune voiture ne circule ici. Et puis immobile, à attendre, je vais basculer en hypothermie. Pas le choix, il faut continuer. En pestant contre les effondrements soudain qui gobent les pieds.
J’entre dans un village mort. Plus loin, la route que j’emprunte et qui s’élève au milieu de “collines farouches”, m’évoque à présent l’incipit de La couleur tombée du ciel, de Lovecraft, un livre d’une gaieté folle, puis je gagne progressivement en altitude et, à l’orée de la forêt de Champfromier, la pluie cesse. La neige est également de meilleure qualité. J’en discute avec deux pisteurs à motoneige qui s’arrêtent à ma hauteur. Les deux seuls êtres humains que je rencontrerai de toute la marche.
Je poursuis dans la forêt, montant progressivement. Ces dix jours passés à crapahuter plusieurs heures durant ont du bon : gavé de globules rouges, je suis moins essoufflé qu’au début. L’effort est bien moindre, alors pourtant que le relief est identique. Sensation très agréable.
J’atteins quelques temps plus tard une ligne de crête. Le chemin révèle des plaques de terre et de feuilles. Il fait froid ; j’enfile la doudoune sous la veste humide, puis je grignote quelques tranches de saucisson. Au sommet de ce plateau, la vue depuis la Roche Fauconnière évoque un paysage des rocheuses américaines. Le point de vue est sublime.
Après quoi, je redescends. Les plaques d’humus se multiplient et, au bout d'une ultime langue de neige… je déchausse définitivement les raquettes. C’est drôle : comme de sortir physiquement de l’hiver.
Sur quoi, en longeant une petite route, je parviens à Giron. Dans l’Ain. Changement subtil d’architecture. Mais pour le reste : calme plat. Et mauvaise surprise. Ma chambre d'hôte n'oute qu'à 17 heures! Il n'en est que 14. Je suis trempé. Je ne sens pas bon – et j’aurais aimé célébrer mon terminus autrement qu’en errant je ne sais où.
Machinalement, mes pas me portent vers le cimetière – rien de morbide, il est en haut de la rue. Et là, miracle : un bar. Ouvert!
Les deux pisteurs croisés tantôt y sont attablés. Les cuisines sont fermées, mais j’ai droit à une gaufre et une bière. La fête ! J’en profite pour rédiger ce dernier article et faire les comptes : 10 jours, 117 kilomètres prévus mais 173 parcourus si j’en crois mon podomètre, lequel affiche également un total de 1392 étages montés. Délirant, dit comme ça, non?
Au petit matin, le soleil est de retour. Allez hop. Un dernier coup d’oeil à la Dalue – où le repas était bon et où j’ai dormi comme un loir, fauché par la fatigue – et à nous les combes sauvages!
Je longe scrupuleusement les perches jaunes et mets mes pas dans les empreintes de raquettes. Sauf que, à un moment, je me rends compte que les balises me ramènent en arrière, dans la direction de Lajoux. Qu’est-ce à dire? Je grimpe sur une bosse pour faire le point. Panorama superbe sur les monts du Jura, au passage. Bon, réglons notre orientation. IPhiGéNie ne va pas mieux : faute de réseau, elle me fait des plaques grises et jaunes. En revanche, la boussole est formelle : c’est dans l’autre sens, chef. J’ai dû rater quelque chose là-haut, avant de redescendre vers cette ruine, pourtant portée sur mon plan.
Que faire? Deux options. 1/ Remonter une demi-heure de raidillons jusqu’à un croisement, sous les lignes à haute tension. Il se peut que j’ai loupé un truc à cet endroit. 2/ descendre plein pot la bosse et emprunter cette piste de fond qui semble contiguë au GR d’été pour filer ensuite au sud. Allez : courage, descendons. Sans se vautrer, belle perf. Je remonte ensuite la piste pendant plusieurs kilomètres. Parcourue de skieurs, de sorte que j’ai l’impression désagréable d’être au bord d’une route fréquentée. Un croisement me laisse un moment penser que j’ai rejoint la GTJ. Mais non. La trace est bien au-dessus, sur la crête. Pourquoi toutes ces confusions?
Je vous explique : la GTJ raquettes est fléchée par des perches jaunes fluo et des fanions en sous-bois comme on l'a vu précédemment. Du moins, précisément, pas tout à fait. Et c'est là qu'on s'y perd.
Des dizaines de perches jaunes fluo balisent les sentiers mais, pour la GTJ, elles doivent être de surcroît surmontées d'un scotch bleu nuit estampillé GTJ. Les jaunes fluo sans scotch indiquent donc une simple piste raquettes en boucle. Une balade, quoi. De loin, bien sûr, on peut confondre. On ne fait que ça, d'ailleurs, confondre...
En principe, les balades, elles, sont balisées, normalement, par des perches jaune-orangé. Sauf que certaines balades sont balisées en jaune fluo et que, pire encore, les jaunes orangées empruntent aussi parfois la GTJ.
Voyez le merdier? Les jaune fluo qui jouent le rôle des jaune-orangé et vice-versa. Avec un V majuscule à vice… Le tout, évidemment, empruntant la plupart du temps des chemins qui n’existent pas l’été et partant, ne figurent pas sur les fonds de carte.
Un petit coup d’inattention – un chant d’oiseau, une trace d’animal, un rai de soleil sur un tas de neige, bref, tout ce qui fait le charme contemplatif de la marche – et vous voilà fourvoyé.
Reste le cap à la boussole : on n’a pas fait mieux depuis que Marco Polo l’a barbotée aux chinois. Marchons donc, le nez sur l’aiguille aimantée, on arrivera bien toujours quelque part. A la borne au lion, par exemple, qui offre une vue magnifique. Et puis, de là, retrouvons miraculeusement la GTJ – en fait, un diverticule, il y en a, sinon ce serait trop simple – qui descend sur la Pesse.
Comme je demande à l’office du tourisme où se trouve mon hôtel, j’apprends qu’il se situe en fait à 1,5 kilomètres… À côté de l’Office, un saloon. J’entre boire une bière, au zinc, et je reprends la route. L’église de La Pesse est plaquée zinc, elle aussi.
Et puis enfin, l’écurie. 15 kilomètres au compteur contre les 8 prévus. Vive le sport!
Dixième et dernière étape : L'Embossieux - Giron, 4 mars.
Je me lève, prêt à en découdre, et j’écarte les rideaux : il pleut. Zut.Tant pis, je me ferai saucer. Telle est la dure loi du Grand Air.
Petit déjeuner, pliage du sac, emballé dans sa housse de pluie – et c’est parti. Il fait 4 degrés. Malgré l’altitude, pas de flocons. J’ai droit à une petite grêle d’aiguilles fines et glacées. Je coupe par les prés pour regagner La Pesse, le visage protégé par la visière de ma casquette. Je croise des fermes abandonnées – ou fermées pour l’hiver, je ne sais pas.
Le redoux a mis à jour des tas de ruisseaux au franchissement scabreux. Ici, je saute - certes, je suis déjà bien humide, mais ce n’est pas une raison pour aller se baigner - là, je franchis le rû sur une planche de la largeur d’une raquette. Ne pas glisser.
Par ailleurs, je découvre également que la neige mouillée a un comportement bien pire que la poudreuse : la couche s’effondre en cône, tordant le pied vers l’intérieur sans prévenir, ou l’extérieur, c’est selon. On peut faire une trentaine de pas sans souci, puis s’enfoncer d’un coup – et d’une seule jambe – dans 50 centimètres de quelque chose qui ressemble à la glace chez le poissonnier. Usant. En apercevant une petite route et tandis que la pluie s’intensifie, je songe à faire du stop. Marre de patauger dans la soupe, sous des rideaux de gouttes fines qui dessinent des stries de nylon dans le paysage. Mais aucune voiture ne circule ici. Et puis immobile, à attendre, je vais basculer en hypothermie. Pas le choix, il faut continuer. En pestant contre les effondrements soudain qui gobent les pieds.
J’entre dans un village mort. Plus loin, la route que j’emprunte et qui s’élève au milieu de “collines farouches”, m’évoque à présent l’incipit de La couleur tombée du ciel, de Lovecraft, un livre d’une gaieté folle, puis je gagne progressivement en altitude et, à l’orée de la forêt de Champfromier, la pluie cesse. La neige est également de meilleure qualité. J’en discute avec deux pisteurs à motoneige qui s’arrêtent à ma hauteur. Les deux seuls êtres humains que je rencontrerai de toute la marche.
Je poursuis dans la forêt, montant progressivement. Ces dix jours passés à crapahuter plusieurs heures durant ont du bon : gavé de globules rouges, je suis moins essoufflé qu’au début. L’effort est bien moindre, alors pourtant que le relief est identique. Sensation très agréable.
J’atteins quelques temps plus tard une ligne de crête. Le chemin révèle des plaques de terre et de feuilles. Il fait froid ; j’enfile la doudoune sous la veste humide, puis je grignote quelques tranches de saucisson. Au sommet de ce plateau, la vue depuis la Roche Fauconnière évoque un paysage des rocheuses américaines. Le point de vue est sublime.
Après quoi, je redescends. Les plaques d’humus se multiplient et, au bout d'une ultime langue de neige… je déchausse définitivement les raquettes. C’est drôle : comme de sortir physiquement de l’hiver.
Sur quoi, en longeant une petite route, je parviens à Giron. Dans l’Ain. Changement subtil d’architecture. Mais pour le reste : calme plat. Et mauvaise surprise. Ma chambre d'hôte n'oute qu'à 17 heures! Il n'en est que 14. Je suis trempé. Je ne sens pas bon – et j’aurais aimé célébrer mon terminus autrement qu’en errant je ne sais où.
Machinalement, mes pas me portent vers le cimetière – rien de morbide, il est en haut de la rue. Et là, miracle : un bar. Ouvert!
Les deux pisteurs croisés tantôt y sont attablés. Les cuisines sont fermées, mais j’ai droit à une gaufre et une bière. La fête ! J’en profite pour rédiger ce dernier article et faire les comptes : 10 jours, 117 kilomètres prévus mais 173 parcourus si j’en crois mon podomètre, lequel affiche également un total de 1392 étages montés. Délirant, dit comme ça, non?