GTJ raquettes
Grande Traversée du Jura en raquettes, hiver 2019, de Metabief à Giron.
raquettes
randonnée/trek
/
Quand : 22/02/2019
Durée : 10 jours
Durée : 10 jours
Carnet publié par cirkapt
le 02 févr. 2020
Mobilité douce
Précisions :
TGV Paris Gare de Lyon Frasne puis bus jusqu'à Métabief. Retour Giron - Bellegarde en stop ou taxi, puis TGV Bellegarde - Paris gare de Lyon.
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Vue d'ensemble
Le topo : Chaux Neuve - La Darbella (mise à jour : 02 févr. 2020)
Description :
Les 3 journées suivantes, de Chaux-Neuve à La Darbella. Longues marches dans la neige, par grand soleil, avec un détour en Suisse, à la recherche de... la Gare du Nord!
Le compte-rendu : Chaux Neuve - La Darbella (mise à jour : 02 févr. 2020)
Quatrième étape : Chaux-Neuve - La Chapelle des Bois, 26 février.
Je quitte Chaux-Neuve de bonne heure, à la fraîche, pour m'en aller gravir les pentes du Grand Gît. Suée matinale garantie – de quoi éliminer la « morbiflette » d’hier soir : une succulente tartiflette au Morbier. Avec des rondelles de Morteau. 5000 calories la portion.
Au sommet, récompense : l’espace!
Je passe ensuite quelques habitations sans croiser âme qui vive, puis je m’offre une pause contemplative en forêt avant de redescendre en sous-bois et de retrouver la civilisation au Pré Poncet : des voitures et des gens. Grimaces de l’ermite.
Je ne m’attarde donc pas et j’entre dans une immense plaine. La Combe de Cive. Interminable. Je marche au soleil, dans une suave odeur de lisier et de purin mêlés – quelques fermes au loin – puis, à la fin bienvenue de ce long plateau, j’aperçois La Chapelle des Bois. Midi. Je grignoterais bien un truc avec une bière. Cap sur le bled.
Mouais, ça sent la ville fantôme. Tiens! Qu’est-ce que je disais? Le seul troquet de la place est fermé.
Un jour, je traverserai la France à pieds, comme Lacarrière en son temps. J’en ferai un livre, moi aussi. Ça s’appellera : à la recherche d’un bistrot ouvert.
Bon. Reprenons la trace sous le ciel bleu Klein, après une tranche de cake et deux gorgées d’eau. La piste longe en encorbellement un paysage de toute beauté, surplombant les lacs siamois de Bellefontaine et des Mortes, tout deux gelés, puis, sur le coup de 14 heures 30, j’arrive à l’étape du soir : refuge chez l’Aimé. Où j’ai enfin droit à une bière !
Douché ensuite, couchette préparée dans le grand dortoir, je butine dans la bibliothèque de la salle commune. Je parcours un guide illustré qui recense les cabanes forestières de la forêt du Risoux, à cheval entre Suisse et France. L'une d'elle me fait sourire : la Gare du Nord.
A table, je fais la connaissance d’un duo de frères qui font ici du ski de fond. L’un, Pierre-Olivier, est un photographe de l’agence Vu, et l’autre, Julien, est professeur d’EPS. A notre table également, cinq femmes, skieuses elles aussi. La conversation oscille entre randonnées d’hiver ou d’été et, naturellement, photographie. L’image, le réel, la responsabilité, le choix, le désir d’image avant l’image elle-même…
Comme on me demande quelle étape je fais demain, je l’annonce – chez l’Aîmé – Bois d’Amont en regrettant qu’elle soit un peu courte. Parfaite en cas de blizzard, mais avec ce soleil printanier… Julien me conseille alors de tenter un détour par la Gare du Nord – la cabane dont je viens d’apprendre l’existence. Problème : elle est en Suisse et iPhiGéNie joue les chauvines. Qu’à cela ne tienne! On déplie une carte suisse et je photographie le coin dont j’ai besoin. Avec ça et la boussole, je suis paré !
Cinquième étape : refuge chez l'Aîmé - Bois d'Amont, 27 février
Au petit matin, je quitte le refuge et tout de suite, en guise d’échauffement, je me prends 250 mètres de dénivelé très raide. Parvenu sur le plateau, je fais un petit crochet jusqu’à la Roche Bernard dont on m’a vanté le panorama. Et en effet. J’y passe un petit moment, très aérien, et je retourne sur mes pas jusqu’à l’intersection. J’ignore délibérément les fanions de la GTJ qui m’appellent à l’Est et je pars plein Nord en direction de la Suisse. iPhiGéNie va me guider jusqu’à la borne frontière.
Le chemin n’est pas très fréquenté mais je parviens sans mal à la borne frontière. Ensuite, je me fie au bout de carte photographié hier soir et j’avance en suivant le muret frontalier, cherchant à apercevoir le sentier qui doit me mener à la cabane. a un moment, un tronc en couché en travers du muret écroulé. J'ai l'intuition que c'est là que je dois aller. Je franchis donc le muret en tournant à gauche, soit au Nord-Est sur la boussole, puis je m’engage en Suisse en suivant mon extrait de carte. Je ne me souviens plus de l’echelle : 1/25000ème en principe, mais je me demande si je n’ai pas lu 1/35 hier. Trompé par ce doute de mesure, je tourne trop tôt en suivant des marques bleues puis j’erre un moment dans la forêt, en bifurquant dans tout ce qui me semble des chemins possibles, fouillant la forêt du regard. Mais rien. J’explore encore quelques pistes, toujours en vain, puis, en superposant ma position dans la zone aveugle d’IphiGéNie et la carte suisse, je me rends compte que je suis remonté trop au Nord. Demi-tour donc, il me faut retourner en arrière. Par où ? Je ne sais déjà plus par quel travers je suis arrivé. Heureusement, il n’y a pas d’autres traces que les miennes.
Je les remonte donc jusqu’au tronc couché en travers du mur écroulé puis j’opte pour le chemin délaissé d’abord, qui descend plein Sud en suivant la frontière. Si je ne me trompe pas une nouvelle fois, je devrais trouver un croisement dans l’équivalent de deux fois la distance que j’ai faite entre la borne et le tronc couché.
Bingo. D’après la carte, je dois prendre la petite montée à droite. Allons-y. Suspense…
La Gare du Nord! Victoire! Hé hé.
J’entre et prends le temps de parcourir le livre de bord de la cabane. Des gens y sont montés il y a trois jours, par pleine lune, pour une fondue aux chandelles. Sympa. J’ajoute un petit mot à mon tour. Je reste un moment attablé, rêveur. Puis je repars dans la forêt, faisant ma propre trace à la boussole pour retrouver la GTJ.
Je la rejoins comme prévu une heure plus tard, avec le sentiment teinté de regret d’un retour au connu. La forêt est magnifique cela dit et j’y suis toujours seul. A midi, je fais halte au Chalet Gaillard. Pierre-Olivier et son frère m’ont demandé de saluer le propriétaire, ce que je fais. On parle de la Gare du Nord : c’est lui qui y est monté de nuit dernièrement, chargé de fondue au vieux comté.
Je reprends la trace ensuite, toujours en forêt. Je rencontre un peu plus de monde en descendant sur Bois d’Amont dont je surplombe la vallée depuis la crête. Et puis, à 14 heures, je parviens à l’hôtel. Belle journée ! Et une bière pour célébrer, forcément, dans un complexe désert qui me fait penser au film de Kubrick, The Shining.
Après la bière, je prends un bain – la chambre est pourvue d’une baignoire – puis le complexe se remplit de bruits en fin de journée : portes qui claquent, cavalcades dans les couloirs, adultes braillards qui s’interpellent, miaulement de gosses excités. Au sortir de la chambre, descendant pour le repas, je découvre une foule bruyante de bermudas multipoches qui vocifèrent au bar.
J’expédie mon repas – la nourriture est exécrable – en solitaire, dévisagé par des regards curieux puis je remonte dans mes quartiers et me bouche les oreilles avec mes précieux tampons de mousse anti-fâcheux, pile à temps pour étouffer des basses qui proviennent d’une soirée dansante, au rez-de-chaussée. Malgré l’inconfort lié au froid, je regrette la cabane de trappeur de ma première nuit, puis je finis par sombrer dans le sommeil.
Sixième étape : Bois d'Amont - La Darbella, 28 février
A peine parti, je m’arrête d’abord à Bois d’Amont, moins désert que je ne le craignais. Je trouve un tabac, des barres chocolatées pour changer du cake, et un syndicat d’initiative pour me procurer les cartes qui me manquent. Comme la 4G s’y affiche de surcroît plein pot, je profite d’un café ouvert pour boucler l’article d’hier. Sur quoi, je me mets en route.
La GTJ suit des pistes de ski de fond dont la monotonie me rappelle la Combe de Cive. Purin en moins. J’avance machinalement. Dit autrement : je m’ennuie. Du coup, je m’amuse pendant un quart d’heure à photographier des herbes sèches.
En contre haut, un skieur de fond curieusement vêtu d’un gilet jaune s’est arrêté et me regarde. Je le fixe à mon tour, sourcils froncés, puis je le reconnais d’un coup : c’est Julien, du refuge chez l’Aimé! Il me demande si j’ai trouvé la Gare du Nord. Je réponds par l’affirmative et précise que j’ai aussi salué de sa part le chalet Gaillard. Il me demande où je vais – je le lui dis et lui avoue que je me traîne le long de cette ligne interminable. Il me conseille alors une piste pas très loin, la petite Laponie. Tu verras! Magnifique. Au bord du lac. Vas-y !
La petite Laponie? On s’y croirait. J’abandonne d’emblée le parcours de ski et marche au jugé entre les bouleaux et les ruisseaux puis je suis récompensé par l’arrivée sur le lac gelé des Rousses. Sur la grève enneigée, les mouillages attendent le retour des barques – lesquelles, l’hiver, migrent vers les pays chauds, c’est connu. Je fais une halte , assis sur mon sac. Puis je reprends la piste pendant quelques kilomètres jusqu’à une cahute, au croisement d’un entrelacs de traces sinueuses. La GTJ semble incliner à gauche. Je décide de déchausser et de me détourner vers les Rousses.
En ville, j’entre dans une échoppe de produits locaux : j’achèterais bien tout le stock de ce brave monsieur, qui trône tout sourire entre ses bocaux, sa charcuterie et ses meules de fromage, mais je marche sans porteurs. Ça se fait moins, de nos jours, les porteurs. Les pique-niques avec tables en chêne et chandeliers d’argent non plus. On ne sait plus vivre. La preuve : je n’emporte qu’un petit saucisson. Nature. En m’excusant presque.
En centre-ville, je m’attable devant une salade succulente – laquelle compense le repas d’hier soir, véritable scandale gustatif – puis je quitte les Rousses, retrouve la forêt un court instant avant de replonger dans les dunes de neige. A n’en plus finir.
Mon étape du jour annonçait 16 kilomètres. Le détour par la Laponie et les Rousses auront un peu étiré l’élastique : mon podomètre, imprécis, m’informe que j’en ai déjà couvert 18. La découverte d'un panneau me tire donc un soupir : je dors à la Darbella. Dans 5 kilomètres!
Mais : n’est-ce pas moi qui me plaignais il y a deux jours encore d’etapes trop courtes? Faut savoir! Allez, zou. Sans blague.
Je ne sais pas très bien où se situe l’hôtel. IPhiGéNie me met des Darbella un peu partout, dont une Darbellaz, et j’ai noté que mon étape se situait à Prémanon, ce qui complique encore la donne par rapport à ma position. Je tente un coup de fil à l’auberge : pas de réponse. En surplomb, à environ un ou deux kilomètres par la piste, j’aperçois une station de ski. Ça doit être là…
– Non, me dit un jeune skiman dans une boutique. Plus loin. Par la route, un petit kilomètre.
Route donc. Voitures. Bruit. Odeurs des gaz d’échappement. Je longe un bâtiment d’apparence soviétique en me demandant avec une légère appréhension s’il s’agit de mon terminus. Mais non. D’ailleurs, l’ensemble a l’air condamné.
Puis je finis par arriver. Le temps de transformer un placard en séchoir à lessive, je descends ensuite jeter un œil à la terrasse côté pistes. La météo annonce un virage à la pluie. Les nuages qui montent semblent hélas le confirmer.
Bah! On verra bien. Pour l’heure : bière, article du jour sur le blog, restaurant sur place. Hop.
Je quitte Chaux-Neuve de bonne heure, à la fraîche, pour m'en aller gravir les pentes du Grand Gît. Suée matinale garantie – de quoi éliminer la « morbiflette » d’hier soir : une succulente tartiflette au Morbier. Avec des rondelles de Morteau. 5000 calories la portion.
Au sommet, récompense : l’espace!
Je passe ensuite quelques habitations sans croiser âme qui vive, puis je m’offre une pause contemplative en forêt avant de redescendre en sous-bois et de retrouver la civilisation au Pré Poncet : des voitures et des gens. Grimaces de l’ermite.
Je ne m’attarde donc pas et j’entre dans une immense plaine. La Combe de Cive. Interminable. Je marche au soleil, dans une suave odeur de lisier et de purin mêlés – quelques fermes au loin – puis, à la fin bienvenue de ce long plateau, j’aperçois La Chapelle des Bois. Midi. Je grignoterais bien un truc avec une bière. Cap sur le bled.
Mouais, ça sent la ville fantôme. Tiens! Qu’est-ce que je disais? Le seul troquet de la place est fermé.
Un jour, je traverserai la France à pieds, comme Lacarrière en son temps. J’en ferai un livre, moi aussi. Ça s’appellera : à la recherche d’un bistrot ouvert.
Bon. Reprenons la trace sous le ciel bleu Klein, après une tranche de cake et deux gorgées d’eau. La piste longe en encorbellement un paysage de toute beauté, surplombant les lacs siamois de Bellefontaine et des Mortes, tout deux gelés, puis, sur le coup de 14 heures 30, j’arrive à l’étape du soir : refuge chez l’Aimé. Où j’ai enfin droit à une bière !
Douché ensuite, couchette préparée dans le grand dortoir, je butine dans la bibliothèque de la salle commune. Je parcours un guide illustré qui recense les cabanes forestières de la forêt du Risoux, à cheval entre Suisse et France. L'une d'elle me fait sourire : la Gare du Nord.
A table, je fais la connaissance d’un duo de frères qui font ici du ski de fond. L’un, Pierre-Olivier, est un photographe de l’agence Vu, et l’autre, Julien, est professeur d’EPS. A notre table également, cinq femmes, skieuses elles aussi. La conversation oscille entre randonnées d’hiver ou d’été et, naturellement, photographie. L’image, le réel, la responsabilité, le choix, le désir d’image avant l’image elle-même…
Comme on me demande quelle étape je fais demain, je l’annonce – chez l’Aîmé – Bois d’Amont en regrettant qu’elle soit un peu courte. Parfaite en cas de blizzard, mais avec ce soleil printanier… Julien me conseille alors de tenter un détour par la Gare du Nord – la cabane dont je viens d’apprendre l’existence. Problème : elle est en Suisse et iPhiGéNie joue les chauvines. Qu’à cela ne tienne! On déplie une carte suisse et je photographie le coin dont j’ai besoin. Avec ça et la boussole, je suis paré !
Cinquième étape : refuge chez l'Aîmé - Bois d'Amont, 27 février
Au petit matin, je quitte le refuge et tout de suite, en guise d’échauffement, je me prends 250 mètres de dénivelé très raide. Parvenu sur le plateau, je fais un petit crochet jusqu’à la Roche Bernard dont on m’a vanté le panorama. Et en effet. J’y passe un petit moment, très aérien, et je retourne sur mes pas jusqu’à l’intersection. J’ignore délibérément les fanions de la GTJ qui m’appellent à l’Est et je pars plein Nord en direction de la Suisse. iPhiGéNie va me guider jusqu’à la borne frontière.
Le chemin n’est pas très fréquenté mais je parviens sans mal à la borne frontière. Ensuite, je me fie au bout de carte photographié hier soir et j’avance en suivant le muret frontalier, cherchant à apercevoir le sentier qui doit me mener à la cabane. a un moment, un tronc en couché en travers du muret écroulé. J'ai l'intuition que c'est là que je dois aller. Je franchis donc le muret en tournant à gauche, soit au Nord-Est sur la boussole, puis je m’engage en Suisse en suivant mon extrait de carte. Je ne me souviens plus de l’echelle : 1/25000ème en principe, mais je me demande si je n’ai pas lu 1/35 hier. Trompé par ce doute de mesure, je tourne trop tôt en suivant des marques bleues puis j’erre un moment dans la forêt, en bifurquant dans tout ce qui me semble des chemins possibles, fouillant la forêt du regard. Mais rien. J’explore encore quelques pistes, toujours en vain, puis, en superposant ma position dans la zone aveugle d’IphiGéNie et la carte suisse, je me rends compte que je suis remonté trop au Nord. Demi-tour donc, il me faut retourner en arrière. Par où ? Je ne sais déjà plus par quel travers je suis arrivé. Heureusement, il n’y a pas d’autres traces que les miennes.
Je les remonte donc jusqu’au tronc couché en travers du mur écroulé puis j’opte pour le chemin délaissé d’abord, qui descend plein Sud en suivant la frontière. Si je ne me trompe pas une nouvelle fois, je devrais trouver un croisement dans l’équivalent de deux fois la distance que j’ai faite entre la borne et le tronc couché.
Bingo. D’après la carte, je dois prendre la petite montée à droite. Allons-y. Suspense…
La Gare du Nord! Victoire! Hé hé.
J’entre et prends le temps de parcourir le livre de bord de la cabane. Des gens y sont montés il y a trois jours, par pleine lune, pour une fondue aux chandelles. Sympa. J’ajoute un petit mot à mon tour. Je reste un moment attablé, rêveur. Puis je repars dans la forêt, faisant ma propre trace à la boussole pour retrouver la GTJ.
Je la rejoins comme prévu une heure plus tard, avec le sentiment teinté de regret d’un retour au connu. La forêt est magnifique cela dit et j’y suis toujours seul. A midi, je fais halte au Chalet Gaillard. Pierre-Olivier et son frère m’ont demandé de saluer le propriétaire, ce que je fais. On parle de la Gare du Nord : c’est lui qui y est monté de nuit dernièrement, chargé de fondue au vieux comté.
Je reprends la trace ensuite, toujours en forêt. Je rencontre un peu plus de monde en descendant sur Bois d’Amont dont je surplombe la vallée depuis la crête. Et puis, à 14 heures, je parviens à l’hôtel. Belle journée ! Et une bière pour célébrer, forcément, dans un complexe désert qui me fait penser au film de Kubrick, The Shining.
Après la bière, je prends un bain – la chambre est pourvue d’une baignoire – puis le complexe se remplit de bruits en fin de journée : portes qui claquent, cavalcades dans les couloirs, adultes braillards qui s’interpellent, miaulement de gosses excités. Au sortir de la chambre, descendant pour le repas, je découvre une foule bruyante de bermudas multipoches qui vocifèrent au bar.
J’expédie mon repas – la nourriture est exécrable – en solitaire, dévisagé par des regards curieux puis je remonte dans mes quartiers et me bouche les oreilles avec mes précieux tampons de mousse anti-fâcheux, pile à temps pour étouffer des basses qui proviennent d’une soirée dansante, au rez-de-chaussée. Malgré l’inconfort lié au froid, je regrette la cabane de trappeur de ma première nuit, puis je finis par sombrer dans le sommeil.
Sixième étape : Bois d'Amont - La Darbella, 28 février
A peine parti, je m’arrête d’abord à Bois d’Amont, moins désert que je ne le craignais. Je trouve un tabac, des barres chocolatées pour changer du cake, et un syndicat d’initiative pour me procurer les cartes qui me manquent. Comme la 4G s’y affiche de surcroît plein pot, je profite d’un café ouvert pour boucler l’article d’hier. Sur quoi, je me mets en route.
La GTJ suit des pistes de ski de fond dont la monotonie me rappelle la Combe de Cive. Purin en moins. J’avance machinalement. Dit autrement : je m’ennuie. Du coup, je m’amuse pendant un quart d’heure à photographier des herbes sèches.
En contre haut, un skieur de fond curieusement vêtu d’un gilet jaune s’est arrêté et me regarde. Je le fixe à mon tour, sourcils froncés, puis je le reconnais d’un coup : c’est Julien, du refuge chez l’Aimé! Il me demande si j’ai trouvé la Gare du Nord. Je réponds par l’affirmative et précise que j’ai aussi salué de sa part le chalet Gaillard. Il me demande où je vais – je le lui dis et lui avoue que je me traîne le long de cette ligne interminable. Il me conseille alors une piste pas très loin, la petite Laponie. Tu verras! Magnifique. Au bord du lac. Vas-y !
La petite Laponie? On s’y croirait. J’abandonne d’emblée le parcours de ski et marche au jugé entre les bouleaux et les ruisseaux puis je suis récompensé par l’arrivée sur le lac gelé des Rousses. Sur la grève enneigée, les mouillages attendent le retour des barques – lesquelles, l’hiver, migrent vers les pays chauds, c’est connu. Je fais une halte , assis sur mon sac. Puis je reprends la piste pendant quelques kilomètres jusqu’à une cahute, au croisement d’un entrelacs de traces sinueuses. La GTJ semble incliner à gauche. Je décide de déchausser et de me détourner vers les Rousses.
En ville, j’entre dans une échoppe de produits locaux : j’achèterais bien tout le stock de ce brave monsieur, qui trône tout sourire entre ses bocaux, sa charcuterie et ses meules de fromage, mais je marche sans porteurs. Ça se fait moins, de nos jours, les porteurs. Les pique-niques avec tables en chêne et chandeliers d’argent non plus. On ne sait plus vivre. La preuve : je n’emporte qu’un petit saucisson. Nature. En m’excusant presque.
En centre-ville, je m’attable devant une salade succulente – laquelle compense le repas d’hier soir, véritable scandale gustatif – puis je quitte les Rousses, retrouve la forêt un court instant avant de replonger dans les dunes de neige. A n’en plus finir.
Mon étape du jour annonçait 16 kilomètres. Le détour par la Laponie et les Rousses auront un peu étiré l’élastique : mon podomètre, imprécis, m’informe que j’en ai déjà couvert 18. La découverte d'un panneau me tire donc un soupir : je dors à la Darbella. Dans 5 kilomètres!
Mais : n’est-ce pas moi qui me plaignais il y a deux jours encore d’etapes trop courtes? Faut savoir! Allez, zou. Sans blague.
Je ne sais pas très bien où se situe l’hôtel. IPhiGéNie me met des Darbella un peu partout, dont une Darbellaz, et j’ai noté que mon étape se situait à Prémanon, ce qui complique encore la donne par rapport à ma position. Je tente un coup de fil à l’auberge : pas de réponse. En surplomb, à environ un ou deux kilomètres par la piste, j’aperçois une station de ski. Ça doit être là…
– Non, me dit un jeune skiman dans une boutique. Plus loin. Par la route, un petit kilomètre.
Route donc. Voitures. Bruit. Odeurs des gaz d’échappement. Je longe un bâtiment d’apparence soviétique en me demandant avec une légère appréhension s’il s’agit de mon terminus. Mais non. D’ailleurs, l’ensemble a l’air condamné.
Puis je finis par arriver. Le temps de transformer un placard en séchoir à lessive, je descends ensuite jeter un œil à la terrasse côté pistes. La météo annonce un virage à la pluie. Les nuages qui montent semblent hélas le confirmer.
Bah! On verra bien. Pour l’heure : bière, article du jour sur le blog, restaurant sur place. Hop.