Vélo+ski dans les Alpes du sud
Ne pas savoir dire non est souvent perçu comme un défaut plutôt qu’une qualité. Mais quand des potes me proposent des projets fantaisistes, je ne sais pas dire non. Un peu à la manière d’un Jim Carrey dans Yes man, voilà comment je me retrouve à Nice avec mon vélo et mes skis. Objectif : remonter un bout des Alpes. Advienne que pourra !
ski de randonnée
vélo de randonnée
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Carnet publié par Anthony
le 19 sept.
modifié le 20 sept.
modifié le 20 sept.
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en
train
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Vue d'ensemble
Le compte-rendu : De la mer à la montagne (mise à jour : 20 sept.)
Tout commence avec un projet qui tombe à l’eau. Quelques mois plus tôt, Seb, fidèle partenaire d’aventures singulières, me propose une itinérance à ski-pulka dans les Balkans. Mais le faible enneigement, entre autres, nous fait renoncer. Seb concocte alors illico un plan B : une traversée des Alpes françaises à vélo+ski. Quatre connaissances se joignent à nous, abaissant la moyenne d’âge au passage. Tous conscients que l’itinéraire emprunte des cols encore fermés à la circulation, mesurons-nous dans quelle galère aventure nous nous projetons ? En guise de bref tutoriel, nous avons tous regardé le film Ice&Palms.
Voilà comment, ce 17 mars, six hurluberlus débarquent du train, en plein cœur de Nice, ravis de se prêter à l’expérience. Clopin-clopant, nous apprivoisons nos montures aux gabarits et poids hors norme. C’est dimanche, la promenade des Anglais est bondée, et notre allure d’extraterrestre se devine dans la stupéfaction des passants. Faisant mine de rien, nous pédalons en papotant quand… Patatra ! Les deux compères devant moi chutent dans un grand fracas. Miraculeusement, les cascadeurs involontaires et leur matériel s’en sortent indemnes, à quelques égratignures près. L’incident vite oublié, les discussions reprennent bon train : Et toi, t’as déjà fait du vélo+ski en bivouac ? Non, et toi ? Non plus. On nage en pleine insouciance heureuse, celle-là même que je regrettais de ne plus éprouver. Celle qui échappe à une volonté de (sur)contrôle des paramètres, au profit d’un mantra simple : “advienne que pourra !”. Quoi qu’il en soit, notre peloton formé sur le tas semble s’accorder à merveille, ce qui n’augure que du bon pour la suite. On ne sait pas où on va, mais on y va avec le sourire.
Après un échauffement en bord de mer, il est temps de quitter le rez-de-chaussée de notre planète et d’en rejoindre les hauteurs enneigées. Mais la sortie de la métropole nous réserve un choc brutal : nous passons sans transition d’une piste cyclable plate à des rues étroites aux pourcentages à deux chiffres . Nous roulons à l’allure d’un piéton asthmatique, au grand dam d’automobilistes bloqués derrière notre convoi. Ils s'impatientent, les embrayages patinent, et nous on s’essouffle, plus inquiétés par l’ampleur du dénivelé qui nous attend que par l’embouteillage que nous créons. Le passage du col de Vence dans un épais brouillard nous plonge définitivement dans le voyage. Nous tournons le dos à la fourmillante Côte d’Azur pour nous diriger vers des vallées aux densités de population radicalement opposées.
Dans le but de chausser enfin les skis, nous nous dirigeons vers Valberg, une petite station connue des Niçois qui peuvent s’y rendre à la journée. Tandis qu’à vélo et lestés de notre barda, il nous aura fallu une bonne journée et demie pour y parvenir. À cette allure, nous avons eu tout le loisir de profiter de chaque nuance de rouge des gorges du cyan Cians. La comparaison de vitesse prête à sourire, mais cette lenteur participe pour beaucoup au changement de perspective de l’approche à vélo. Quand bien même nous ne brûlons pas de pétrole, quelques milliers de calories sont allègrement dépensées pour nous hisser vers les sommets convoités. Réservoir qu’il convient de recharger dès que possible : en guise de station-service, les boulangeries et autres épiceries croisées en chemin sont le théâtre de razzias en règle. Croissants, fromages, beurre de cacahuètes… Tout y passe ! Par respect, je tairai le nom de celui qui a testé le sandwich spéculoos-beurre de cacahuètes-spéculoos. La légende raconte que certaines pizzérias ont pris congé après notre passage, ayant fait leur chiffre du mois.
Cette débauche d’énergie dépensée est largement récompensée en foulant le mont Mounier de nos spatules. Nous célébrons l’instant, seuls au monde, dans une euphorie non dissimulée. Quelques heures plus tôt, au moment d’abandonner nos vélos, les sentiments étaient mitigés entre la joie de skier (enfin) et la crainte que les jambes – alourdies par la journée de vélo de la veille terminée à la frontale – ne suivent pas la motivation. À l’issue de cette journée, le ton du séjour est donné : un groupe aux envies et rythmes homogènes, qui évolue sans pression même quand le doute s’immisce. Le tout pimenté de péripéties mémorables.