Nouvelles du 25/11
Apres quelques jours à Punta Arenas pour remettre en état homme et matériel, en particulier tous dessaler, Christian Clot est reparti pour les montagnes de la Cordillera Darwin.
Il s'est fait déposer au fond d'un fjord du Nord des montagnes, avec tout son matériel de montagne, assez de nourriture pour parer à toute éventualité et un kayak, afin de pouvoir trouver le meilleur endroit pour entamer sa montée dans les parois toujours raides qui surplombent les fjords.
Depuis quelques jours, les vents sont arrivés. Il sont déjà très puissants, annonçant d'après les anciens une année de forte rafales. Cela va compliquer la tâche de progression, en particulier sur les arrêtes en altitude où les rafales sont toujours imprévisibles. Mais qui peut vraiment prédire la météorologie ici ? En contre partie, les journées sont les plus longues de l'année et un peu plus chaude. La plage de débarquement n'en est que plus agréable sous un jour passager de soleil.
Actuellement, le temps est à la pluie à nouveau ..
Et maintenant ? A nouveau seul pour une période indéterminée dans cet univers sans concession, Christian va une fois de plus tenter de réaliser cette idée de traverser la partie inexplorée de la Cordillera Darwin. Réaliste ou non, ce rêve est celui qui l'a conduit jusque là, et qui continue de le faire avancer. Mais si l'envie est là et toujours aussi forte, si l'ambition demeure, il reste une certitude : Arriver à fouler la partie inexplorée serait déjà une immense satisfaction.. Voir cet univers tant de fois imaginé depuis un sommet serait l'aboutissement d'un rêve.. Traverser ces montagnes en solitaire, une chance inouïe !
Mais la chance se construit et ne s'offre qu'a ceux qui tentent. Et c'est bien ce que va faire Christian, dans cet ultime expérience dans les montagnes du bout du monde, qui voient pour la première un homme seul venir a leur rencontre.
Episode précédent : nouvelles du 18/11
Le debarquement depuis le bateau Punta Arenas - Puerto Williams a été un peu complique : Repoussé une première fois en raison de l'etat de la mer, le second passage a été le bon. Le canal Beagle etait à nouveau passablement agitée, mais j'ai tout de meme pris la décision de débarquer cette fois-ci. Avec mon zodiac, moteur equipement et moi, le poids de plus de 400 kilos rendait finalement l'embarcation assez stable pour naviguer sur la distance relativement courte dans le canal, avant d'enter dans la Bahia Espagna, mieux protegée et donc plus tranquille. Il faisait alors déjà nuit, mais les reperages photos et releve GPS ont bien joué leur rôle, et j'ai assez facilement trouvé une première plage pour la nuit.
Le temps s'est calmé quelques instants, et j'ai eu l'espace d'un instant, la vision fugitive des montagnes imposantes qui m'entouraient... J'etais bien de retour en Cordillera Darwin... certe trempé a l'eau de mer, mais en montagne tout de meme.
Je me trouvais en ce point a 11 kilometres en ligne droite et un peu plus de 17 kilometres avec les meandres du fond du fjord ou se trouve l'unique point de debarquement permettant, grâce a un decrochement dans les parois verticales, de monter vers le centre des montagnes.
Une distance que je me suis empressé, dès le lendemain, de chercher a parcourir. Sans succès. Des le troisième kilomètres, je me suis trouve face a des glaces flottantes plus ou moins grosses, mais de plus en plus nombreuses, jusqu'à remplir totalement la baie apres un coude, a un peu plus de 5 kilomètres de la destination finale... Une couche de glaces flottantes compactes, impénétrable en zodiac et trop dissociée néanmoins pour pouvoir y marcher. Une frontiere a priori infranchissable.
Les jours suivants, je me suis employé à la franchir néanmoins, esperant que les tempêtes de la nuit et le courant pouvait à certain moment ouvrir des breches dans le tapis glaciaire, je suis retourné voir chaque jour, prenant le risque qu'un morceau de glace ne frappe et ne rompe l'hélice. J'ai tenté de fabriquer un chasse-glace à l'image de nos chasses-neige, avec du bois a l'avant du bateau. Mais je n'ai reussi qu'à avancer de 100 mètres de plus. Frustrant tout de meme, je ne sais pas à quoi j'avais cru, mais j'ai ete très déçu de ma splendide construction que, de dépit (et aussi parce qu'elle ne me servait en fait a rien), j'ai laissé sur place.
Ai-je trop forcé sur le moteur lors de cette tentative ? toujours est-il qu'il a fini par serrer... et donc ne plus fonctionner, dans un moment assez mauvais alors que le vent et la tempete s'etaient levés qui aurait pu mal se terminer.... Mais qui m'a juste vu revenir fatigue apres un passage à l'eau et pas mal d'heures de rame dans des conditions sevères de mer.
Moteur irreparable et bras fatigué (sic) je perdais de meme mon seul moyen de me réchapper de la baie en cas de problème... ou bêtement pour rentrer, puisque je devais absolument rejoindre le centre du Beagle pour etre pris au passage. Apres consultation par telephone satellite, pas question que le bateau envoie une annexe me chercher. Logique au vu des hauts fond de l'entree, qui peuvent etre dangereux.
Bateau inutile, j'ai lancé plusieurs reconnaissances terrestres pour tenter de parcourir par le fil de crête au dessus de la baie la distance me separant de... mon point de depart d'expedition (si tant est qu'elle n'avait pas encore debute). Mais comme je le savais avant meme d'aller voir, cette option n'etait pas envisageable, dans un terrain fracasse, aux nombreuses parois rocheuses ou glaciaires représentant parfois plusieurs centaines de metres pour la plus importante. Peut-etre franchissable, mais cela aurait represente une expedition de plusieurs semaines, mois, en soi, en me demandant l'ensemble de mon energie et de ma nourriture... pour n'avancer que jusqu'au fond du fjord. Un objectif bien eloigne de mon but premier, en soi inutile.
J'ai donc pris la décision d'abandonner provisoirement l'acces aux montagnes par cette baie et de me rabattre sur un autre acces, sans doute à nouveau par le Nord, par un fjord que je connais mieux : J'en sais les difficultes, mais aussi les avantages. Aussi j'ai decidé de retourner à Punta Arenas, soigner mon materiel qui souffert tant du mauvais temps que de l'eau de mer, et un peu moi en meme temps.
Restait le probleme du moteur et de sortir de la baie avec le zodiac chargé. Sans pouvoir demander d'autorisation officielle, j'ai donc decidé d'aider un peu le bateau a etre oblige de me recupérer.... Le jour dit du passage du bateau, je me suis sorti de la baie a la rame pour me laisser deriver dans le canal et ses trois noeuds de courant. Une fois la barque en vue, il m'a suffit de les appeler a l'aide d'une fusee pour voir la tranche arriere du bateau s'ouvrir pour me recuperer... et sans meme avoir besoin de devier de route. Une chance pour eux comme pour moi. Je precise neanmois que les marins de cette embarcation sont des gens adorables et qu'ils etaient tres heureux de me recuperer. J'ai ete soigne comme un roi durant les deux jours de mer avec eux....
Me voila provisoirement donc a nouveau a Punta Arenas, jusqu'au debut environ de la semaine prochaine, ou je repartirai a la poursuite de cette objectif illusoire mais si important pour moi, connaitre ces montagnes dans leurs parties les plus secretes. Je sais qu'il me manque une partie de materiel pour cet accès imprevu, mais les programmes sont faits pour etre changes. Je ne cesse de me dire que la chance peut tourner, et que le terrain, les montagnes, cette fois, me laisseront un espace de vie, une trouee dans leurs tempetes... Je ne pourrai que voir sur place, et c'est le merveilleux des expeditions.
Je sais deja cependant que,
cette fois, au bout de cette expedition et quoi qu'en soit le resultat, j'aurai termine ma quete, et que je ne reviendrai plus ensuite en Cordillera Darwin. Ce sera mes ultimes pas sur les glaciers de ces lieux. Et cela me donne une force et une serenite que je n'ai peut-être encore jamais connu ici.
Alors quelques jours de vie, de monde et de musique, pas mal de travail pour tout remettre en etat... et à nouveau la joie de monter sur un bateau, de repartir..... Partir, assurement pour mieux revenir. Comme toujours.
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