La liberté d’exister serait-elle menacée ?
Chronique publiée dans Carnets d'Aventures n°14.
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Respirer, boire, manger, dormir comptent parmi les libertés fondamentales de l’être humain. La dernière, dormir, nécessite un lieu où l’on peut étendre son corps, en se protégeant un minimum des éléments. Malheureusement, il y de plus en plus d’endroits où cela devient impossible pour cause d’interdiction.
Nous le constatons toujours plus régulièrement lorsque nous tentons de bivouaquer. En France mais pas seulement, le voyage itinérant devient de plus en plus difficile car on se retrouve au contact de personnes qui veulent faire appliquer aveuglément un règlement qui proscrit le camping sauvage. Mais camping sauvage ne signifie pas bivouac. Par camping sauvage, on entend habituellement installation « longue durée » dans le milieu naturel ; par bivouac, montage pour la nuit d’un camp léger que l’on démonte le lendemain matin.
Interdire de bivouaquer équivaut donc à interdire de dormir (!)… et donc potentiellement aussi interdire de passer : en effet, si une zone interdite de bivouac est suffisamment vaste pour qu’il soit impossible d’en sortir en une journée, l’interdiction de bivouaquer implique donc aussi celle de passer… Entrave à la libre circulation des individus ?
Pour quelles raisons ces interdictions tombent-elles de plus en plus régulièrement et pour un nombre croissant de lieux ? La réponse semble liée à une plus grande conscience écologique, et ces interdictions sont le plus souvent formulées au nom de la protection de l’environnement. Mais le voyageur qui a choisi un moyen de déplacement sans moteur, qui aime et respecte la nature, qui est sensibilisé aux problèmes environnementaux, qui, bien entendu, gère ses déchets, etc., est-ce celui-là qui constitue, par le fait même qu’il bivouaque, une menace significative pour l’environnement ?
Lorsque nous quittons un bivouac, il nous plaît de constater que nous ne laissons aucune trace visible (évidemment), ni une feuille de papier toilette, et que, de plus, nous emportons (le cas échéant) au moins un déchet présent sur le lieu avant notre arrivée. Et quand, en voyage itinérant en kayak de mer, nous nous faisons virer par un « garde » qui fait sa patrouille quotidienne en zodiac (motorisé) et qui, besogne effectuée, repart le zodiac vide alors que traînent sur la plage des tas de déchets apportés par la mer ou par des gens venus eux aussi en zodiac pour pique-niquer (mais pas pour bivouaquer)… eh bien nous avons « les boules » ! Mais est-ce vraiment le fait de bivouaquer qui est nuisible ? N’est-ce pas plutôt le comportement global de la personne non sensibilisée qui sera a priori bien plus nuisible à l’environnement que celui du pauvre voyageur itinérant qui dort dans la nature mais qui a un comportement respectueux.
Plutôt que de s’en prendre aux « utilisateurs » soucieux de la nature (et qui utilisent des méthodes douces pour cheminer) en les empêchant de dormir sur des lieux spécifiques, ne faudrait-il pas mieux s’attaquer à ce qui altère vraiment l’environnement dans ces lieux ? Les pollutions des navires qui dégazent impunément en mer, les décharges sauvages sur terre comme dans la mer, les transports qui rejettent de grandes quantités de gaz à effet de serre, le bétonnage massif ou diffus des espaces naturels attractifs, etc. ? Ne faudrait-il pas également sensibiliser tous les usagers de la nature – ceux qui souhaitent y dormir, comme ceux qui en jouissent à la journée – afin qu’ils vivent le plus en harmonie possible avec elle ?
On pourrait nous opposer que le bivouac n’est interdit que dans certaines zones « protégées » et que nous pouvons aller ailleurs. Mais finalement, est-ce que créer des réserves desquelles l’homme est exclu pour qu’il puisse « mieux » détruire la nature ailleurs est une bonne solution ? François Terrasson disait (dans son ouvrage « La peur de la nature », éditions Sang de terre) que l’homme occidental « détruit la planète avec des réserves »… Ne faut-il pas changer de paradigme et apprendre simplement à vivre avec la nature tout en la respectant ? Ce qui ne signifie pas vivre en dehors de la nature, sans conscience de celle-ci. En effet, on a plus facilement envie de protéger ce que l’on connaît et que l’on aime… On constate ainsi que quasiment tous ceux qui partent pour un voyage utilisant des moyens de progression « doux », et qui ont appris à apprécier la nature en y voyageant, ont ou acquièrent une grande sensibilité écologique. Le voyage non motorisé est donc aussi un moyen de sensibiliser la population, et le considérer comme nuisible paraît complètement à l’opposé du but recherché. Interdire pour quoi ? pour que l’on vienne à la place avec un zodiac en aller-retour à la journée ? Cela a-t-il du sens ?
Sans compter, par ailleurs, que lorsque l’on est en train de voyager et bivouaquer dans la nature, on n’est pas chez soi à consommer de l’électricité, utiliser son véhicule, chauffer son logement, etc., notre empreinte écologique est donc même inférieure à d’habitude.
Maintien de la chronique de l’extraterrestre
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