Extraterrestre CA 36 : Les vertus de l’inconnu
Les vertus de l’inconnuChronique publiée dans Carnets d'Aventures n°36.
Cette année j’ai décidé de partir marcher seule dans un coin reculé où je n’étais jamais allée. Mon expérience de randonnée itinérante se limite à trois jours sur un sentier balisé et bien parcouru, le reste du temps je randonne à la journée uniquement. Je n’étais jamais partie seule. Les préparatifs ont été intenses et m’ont occupée jusqu’à la dernière minute. Dans le train, l’excitation du départ est retombée petit à petit pour faire place à un sentiment trouble : contente de partir, j’étais cependant assaillie de doutes. L’angoisse m’a peu à peu envahie : allais-je être capable de marcher seule plusieurs jours d’affilée ? Le chemin serait-il facile à trouver ? Comment faire si je me casse une jambe et que personne ne vient à mon secours ? Suis-je suffisamment préparée ? Ne suis-je finalement pas inconsciente des risques que je prends ? N’ai-je pas fait preuve d’un excès de confiance en moi ? Une semaine plus tard, me revoici sur le même quai, j’ai complètement oublié cette histoire de sac ! J’ai l’impression de ne plus vraiment être la même personne qu’il y a une semaine. J’avais dû me battre avec moi-même pour faire le premier pas, j’avais peur de ce qui m’attendait. La première heure, j’avais du mal à avancer tant le poids de mes doutes m’assaillait. Mais alors que je pique-niquais sur le bord d’un ruisseau, un renard est apparu au loin et semblait m’observer, cette vision m’a rassurée, j’avais l’impression qu’il m’autorisait à pénétrer dans son monde. Le premier soir, je tremblais en montant ma tente, je me réveillais toutes les heures pour m’assurer que je n’entendais aucun bruit et chaque bruissement de feuille me faisait sursauter. Le lendemain, épuisée par ma journée de marche, j’ai dormi comme une pierre. Cela m’a donné confiance et j’ai dormi chaque nuit suivante sur mes deux oreilles, persuadée que la nature m’avait acceptée. Il m’est arrivé de rencontrer d’autres randonneurs, nous nous échangions des informations sur les chemins parcourus, sur les meilleurs lieux de bivouac. Nous partagions parfois un repas, tout était simple. Les moments que je préférais étaient ceux qui suivaient l’installation de la tente : je profitais des derniers rayons de soleil, observais la nature environnante tout en noircissant les pages de mon carnet. Je me sentais totalement à l’aise et sereine. J’avais l’impression que mes facultés d’adaptation étaient décuplées : je surmontais sans peine toutes les petites tracasseries (un lacet qui rompt, la semoule ratée, une belle égratignure lavée et soignée…). Je me découvrais ! Olé Rica ! |