Edito Carnets d'Aventures #34
L’autonomie longue duréeQue signifie « être autonome » ? Pour une personne paraplégique, c’est se déplacer seule grâce à un siège roulant. Pour un enfant, c’est être capable de passer une journée sans aucun adulte. Pour beaucoup de voyageurs, c’est partir sans agence de tourisme. Il existe une conception plus forte de l’autonomie. |
Porter son abri pour la nuit. S’alimenter avec ce que l’on a dans le sac. Boire l’eau trouvée en chemin. Compter avant tout sur soi-même en cas d’imprévu. Avoir pour seules contraintes la faim, le froid, la fatigue, la nuit. N’utiliser sa montre qu’une ou deux fois par jour, pour se lever avant l’aube ou arriver au col à l’heure du coucher du soleil. Caresser le tronc, enlacer la montagne, plonger dans le lac, se fondre dans la nature et se nourrir de sa beauté. Sentir son corps éprouvé par l’effort, mais plus vigoureux que jamais. Partager l’essentiel avec ses compagnons sans avoir besoin de leur parler. Vivre le temps d’un cycle lunaire une autre existence dans un monde parallèle. Partir loin de tout, longtemps ! Les voyageurs qui nous racontent leurs aventures dans ce numéro ont tous voyagé en itinérance dans la nature pendant une durée relativement longue. À pied ou à vélo, ils sont partis quelques semaines en autonomie. En kayak ou à ski-pulka, certains ont voyagé plus d’un mois sans se ravitailler. Ils ont parcouru les déserts du Grand Nord, ceux du Chili ou d’Asie centrale, les forêts immenses des Rocheuses. Ces régions non habitées de notre planète ont un point commun : la nature y est grandiose et émouvante. Peut-être parce qu’à force de vivre dans un monde où l’Homme maîtrise tout, il est bon de se sentir à nouveau vulnérables et insignifiants face à un horizon libre de toute trace humaine. Ou au contraire, parce qu’à trop être dilué dans une société où l’individu ne contrôle plus rien à part ce qu’il achète au supermarché, le voyageur nature aime de temps en temps se sentir capable de vivre avec le minimum de technologie et de redevenir ainsi le seul maître de son existence. Pour partir en autonomie plusieurs semaines d’affilée, il n’est pas nécessaire de disposer d’un physique ou d’un mental hors du commun. Il faut simplement prendre le temps de s’y préparer. Vous lirez dans les pages qui suivent des nombreux conseils dispensés par des voyageurs expérimentés. Que ce soit au milieu de montagnes vierges, de déserts glacés ou brûlants, ils nous racontent tous le sentiment de symbiose avec la nature qu’ils ont ressenti, les moments intenses partagés avec leurs compagnons d’itinérance, les gestes simples qui permettent de revenir à l’essentiel. Ils nous parlent aussi de la joie de retrouver la civilisation à la fin du voyage. Car ce que nous enseignent également nos longues immersions dans la nature, c’est que notre destin est toujours de revenir, plus humble et généreux, parmi les hommes. Pour un jour, sûrement, partir à nouveau…
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