L'avis de Sylvain Tesson sur le récit de Slavomir Rawicz
Point de départ du voyage de Sylvain : A marche forcée, livre dans
lequel Slavomir Rawicz retrace son évasion du goulag en 1941. La
véracité de tout ou partie de ce récit a été souvent contestée. Même si
Sylvain ne partait pas pour enquêter, il a pu se forger une opinion au
cours de ce voyage. Selon lui, l'aventure est possible, le récit est
plausible dans son ensemble, mais comporte des anomalies absolues,
comme "10 jours sans boire dans le Gobi". Sylvain explique la présence
de ces anomalies par plusieurs raisons :
- Le récit a été écrit 10 ans après un voyage réalisé sans qu'aucune
note n'ait jamais été prise. Les évadés ne possédaient bien entendu
aucune carte et n'avaient, à l'époque, qu'une idée très approximative
de la géographie.
- Les monstrueuses maltraitances physiques et morales subies en camp
ainsi que les conditions extrêmes de survie dans lesquelles voyageaient
les évadés : sous-alimentation, maladies, climats difficiles, n'ont
sûrement pas contribué à une bonne mémorisation de tous les événements
du voyage.
- Le livre a été écrit par l'intermédiaire d'un journaliste.
- Il a été écrit dans les années 50, époque où l'on romançait
volontiers les récits de voyages. Personne n'allait alors dans ces
pays, personne ne pouvait rien vérifier. De nos jours, on se doit
d'être rigoureux et précis dans les récits de voyage.
Sylvain ajoute que "tout n'est peut-être pas vrai, mais qu'une personne
dont l'intention aurait été de faire un faux aurait pris la précaution
de ne pas écrire d'anomalies évidentes !"
Finalement, peu lui importe si Rawicz l'a fait ou non car il sait que
des milliers d'évadés ont suivi cette route de la liberté. Pendant son
voyage, en discutant avec des gens, en consultant des archives, il a
rencontré leurs traces, et c'est ça qui compte pour lui.