Blank on the Map
Je loge dans la maison de mon guide Qudrat qui habite Shimshal. Il connaît en partie l’épopée d’Eric Shipton, qui a traversé les glaces du Karakoram, par les histoires qu’on se raconte ici dans le village de génération en génération. Shipton était le dernier d’une longue lignée d’explorateurs anglais qui enquêtaient au service de la couronne d’Angleterre. Au début du siècle dernier, l’Angleterre et la Russie se disputaient aux frontières de leurs empires coloniaux, ce que l’on appelait « le grand jeu », élucubrations géostratégiques dont l’enjeu n’était pas moins que le partage des colonies d’Asie Centrale. Des aventuriers étaient donc envoyés sur place pour étudier la topographie montagneuse située aux confins du monde connu, pour en étudier les faiblesses, cols et vallées qui auraient éventuellement permis à l’une ou l’autre des armées d’envahir le territoire ennemi. Yonghesband, Conway, Schomberg furent ces aventuriers anglais qui partirent dans des incroyables espaces vierges et glacés du Karakoram dont les récits attirèrent à l’époque la curiosité d’un large public. Eric Shipton à qui l’on confia la mission de bâtir la première carte de ces régions pour des raisons stratégiques, continua l’exploration géographique d’une manière plus scientifique et publia l’une de ses aventures sous le titre de Blank on the Map ou « vierge sur la carte ».
Une femme Whaki et son châle très féminin qui rappelle l'Asie Centrale toute proche
Nous souhaitons refaire la route qu’emprunta Eric Shipton en 1938, celle que nous traçons sur ses cartes à la lumière de nos frontales. Il n’y a toujours pas d’électricité car en cette fin mai, les génératrices électriques de Shimshal ne sont pas suffisamment alimentées à cause du gel tardif. Nous partons demain, le temps est exécrable, je saurai plus tard que les Shimshalis avaient fait le pari de nous voir revenir sur nos pas. Ce trek je l’ai voulu sans fioritures, rien ne me sera donc épargné, ni de la nourriture locale, ni du portage.
Sur les hauts pamirs
La montée commence brutalement par un chemin qui sillonne le haut des canyons. Les faces nord du Khunyang Chhish (7852m) et du Pumari Chhish (7492m) se détachent de l’Hispar Muztagh, une gigantesque barre de montagnes dont les cimes courent entre 6000 et 7885 mètres d’altitude ; nous la contournerons par un large détour vers l’est, avant de passer le lointain col de Lukpe La, que nous devrions atteindre dans environ 2 semaines. Nous cheminons vers les hauts pamirs, pâturages d’altitude sans lesquels l’élevage des yaks ne serait pas possible. Les pamirs, ce sont les trésors des Shimshalis, leurs vies et leurs cœurs sont accrochés à ces carrés d’herbe fraîche situés aux limites du monde. Nous accompagnons d’ailleurs un groupe de bergers et son cheptel. Le voyage à travers les paysages immenses de grès rouges et jaunes dure 5 jours, un long périple pour les bêtes. Les bergers portent les bêtes les plus faibles ou leur donnent du pain. Tous les soirs, nous nous entassons à 12 dans les petites cabanes qui jalonnent le chemin. Nous tripatouillons ensemble dans la grande gamelle à la lueur du feu de bois et mâchons patiemment la viande de mouton bouillie. Puis nous nous endormons en rêvant des pamirs sous le toit ouvert sur la voûte céleste. Tous les plafonds des maisons wakhis sont ajourés sur le ciel, les Wakhis n’ont de véritable toit que les nuées d’étoiles de la Voie Lactée. D’ailleurs, ils ne manquent pas d’esprit en nommant la constellation de Cassiopée « Purien » du même nom que leurs chemins en zigzags qui montent vers leurs paradis. Grimperions-nous vers le ciel ?
Nous restons une journée au village d’altitude de Shugerab où les femmes sont inquiètes du froid tardif ; l’herbe ne pousse pas et les bébés yaks meurent de faim. D’ailleurs, nous passons le col de Shimshal dans la tourmente, les milliers de fleurs qui normalement éclosent à cette saison sont recouvertes d’un épais manteau neigeux. À Shuwert, nous empruntons 3 yaks qui nous soulagent le dos et nous permettent de passer les rivières jusqu’à Chikar sans nous mouiller.
Shimshal-AskoleLes yacks font la fierté des villageois de Shimshal et sont utilisés volontiers comme bêtes de somme
Un parfum de bout du monde
C’est en fait ici que commence l’aventure, là où Shipton finissait la sienne en rencontrant son premier berger effrayé de voir des Blancs surgir de nulle part exténués après 4 mois d’errance sauvage. Nous marchons désormais en terrain quasi inconnu ; les cartes ne nous sont plus d’un grand secours, c’est l’énergie de la découverte qui nous mène désormais. Il règne ici un parfum de bout du monde, il ferait presque chaud s’il ne neigeait pas ; averses de grêle et de neige rythment un climat variable, le paysage est immense.
Progression sur les immenses glaciers du Pakistan
Après un rodéo sur le dos de nos yaks en traversant l’impétueuse rivière de Braldu, nous faisons une rencontre incroyable avec des chevaux sauvages. « Kulans ! Kulans ! » comme disent mes porteurs, cet animal était une légende pour eux aussi ! Après inspection des empreintes et des crottes, Qudrat est formel, ce ne sont pas des ânes mais bel et bien des chevaux. Originaires de la vallée chinoise de Shaksgam, ils remontent les vallées adjacentes tous les étés pour brouter l’herbe fraîche des hautes altitudes. Nous observons leurs pelages roux et leurs croupes blanches s’enfuir au loin vers la vallée de Wesm, notre direction. Je garderai longtemps en mémoire cette rencontre irréelle avec ces animaux errants dans ce désert minéral où la vie semblait pourtant interdite.
Shimshal-Askole à dos de yack
Deux porteurs retournent sur leurs pas avec les yaks et la vie s’organise désormais de façon autarcique. J’admire mes compagnons de route ramasser le Zork (taillis secs) pour économiser le kérosène, les pierres tuilières plates pour cuire les chapatis, et le Niltark, une plante au goût de poireau et d’oignon qui agrémente grandement nos plats de riz lentilles. La radio que nous écoutons chaque soir est le seul lien qui nous relie à la civilisation mais son grésillement mélangé au gingle des actualités de « radio Hunza » emprunté à la série américaine de Bonanza sonne de plus en plus mal, les espaces immenses nous engloutissent et leur quiétude désormais nous habite.
Traces d’hommes…
Nous suivons maintenant les indications d’un habitant de Shugerab pour nous rendre sur le lieu d’étranges sépultures dans des cavités. Nous y trouvons effectivement des ossements, mais aussi des débris de poterie et les restes d’un mur écroulé. La grotte a déjà été visitée, au moins par les ibex, il y a même des traces de léopard des neiges. En examinant un fémur, mon guide Qudrat m’explique : « c’est très ancien, il n’existe pas d’hommes enterrés ici dans l’histoire de Shimshal… ». Impossible de savoir si les os appartiennent à un homme ou à une femme, c’est l’expectative, et ce n’est pas dans les habitudes locales que d’enterrer des morts dans des grottes. Nous plongeons probablement tout droit dans l’histoire méconnue des peuples d’Asie Centrale où quelques ruines situées de part et d’autre de la chaîne du Karakoram témoignent d’une hypothétique migration. En interrogeant les populations locales sur l’existence d’un éventuel col, les explorateurs anglais du 19ème siècle découvrirent que de petits groupes d’hommes passaient effectivement certains hauts cols, tel le Lukpe La vers lequel nous nous dirigeons. C’est une incroyable migration quand on sait le peu d’équipement dont ces hommes devaient disposer et le danger encouru sur le terrain crevassé. Mais le mystère toujours entier réside moins dans le comment que dans le pourquoi. Eric Shipton avait alimenté ce débat comme ses pairs dans Blank on the Map sans y apporter de réponse. Avons-nous enfin mis le doigt sur les indices qui permettent de résoudre cette énigme ? C’est bien possible. Il faudrait qu’une expédition à caractère scientifique revienne sur les lieux et y fasse un travail de prospection.
De plus en plus sauvage
Puis nous nous engouffrons dans la vallée de Wesm vers laquelle les chevaux sauvages se sont sauvés. L’histoire s’est arrêtée aux portes de cette vallée depuis que Shipton l’a parcourue 68 ans avant nous. Nous remontons le lit de la vallée avec la sensation de remonter aux origines de la création. Nous traversons pieds nus la rivière tantôt calme, tantôt rugissante. Glissements de terrain, chutes de pierres, névés d’avalanches, torrents de boue : cette vallée ne nous aura rien épargné. Puis la vallée s’ouvre enfin sur un cirque de glaces et de roches verticales et nous mesurons de plus en plus le côté Blank on the Map de cette région. Tout ici témoigne d‘une érosion très active, d’une nature à fleur de croûte terrestre.
En face de nous des montagnes magnifiques de plus de 6000 mètres, absentes de nos cartes, nous tirent leurs langues de glaces. Leurs formes incurvées au front proéminent nous indiquent leur bonne santé. Shipton avait raconté dans son livre sa descente risquée par le chaotique glacier de Wesm d’où il quittait le plateau de Skamri, aujourd’hui en territoire chinois, bouclé et fermé. Nous constatons effectivement le passage risqué, notre route s’arrête donc là, dans le temple d’un génial démiurge ou peut-être seulement au bout du monde.
«une avalanche se rue soudainement sur nous : « Come on ! Go ! Go ! Go ! », des cris, des sifflets, je jette mon sac au sol »
Haute montagne
Plus tard, nous escaladons la quarantaine de kilomètres du glacier de Braldu, bordé à son début par des bigs walls magnifiques dont l’un d’eux rappelle étrangement les Drus de Chamonix. La montée est classiquement épuisante quand le sable laisse sa place aux cailloux, les cailloux à la glace, la glace à la neige. Puis nous débouchons sur un haut plateau glacé que 3 expéditions ont déjà réussi à traverser, notamment celle de David Hamilton en pulka l’année dernière. Le paysage y est arctique. Tel un énorme cairn de glace, les 6414 mètres d’altitude du Bobisghir nous indique la direction du col. C’est une veine que le temps s’améliore et nous ouvre la voie de ce col. Le mauvais temps des derniers jours se révèle une aubaine car la neige, certes profonde, nous protège des crevasses et nous épargne des longs détours. Enchanté et distrait par la magie des lieux, Shipton était en son temps tombé ici dans l’une d’elles et s’en était miraculeusement sorti. Mais si le danger n’est pas sous nos pieds, il est en revanche au-dessus de nos têtes. Près du col, une avalanche se rue soudainement sur nous : « Come on ! Go ! Go ! Go ! », des cris, des sifflets, je jette mon sac au sol et me mets aussi à courir, réflexe désuet face à un phénomène bien trop rapide pour 7 hommes avec un fil à la patte, liés à la vie à la mort. Je cours avec mes compagnons, mon cœur bat à se rompre, le grondement de l’avalanche approche puis vient mourir à nos pieds.
Les Tours de Trango sont les plus hautes tours rocheuses du monde Au fond la célèbre Nameless Tower (6251m) atteinte par John Brown le 8 juillet 1976
Le col de Lukpe La marque la ligne de partage des eaux entre l’Asie Centrale et l’Asie du Sud ; nous le franchissons après 12 heures d’efforts, à 5620m. Nous y plantons nos piquets de tentes comme on plante les pics des drapeaux qui nous manquent, pour mieux marquer notre conquête après 15 jours d’efforts. Le coucher de soleil est splendide sur le troisième pôle, la nuit y est glaciale.
Retour vers la végétation… et la civilisation
Le lendemain, nos pieds recroquevillés dans nos chaussures durcies par le gel, nous plongeons vers les plaines surchauffées de l’Indus, en contournant les bords d’un ice fall. Puis la marche devient plus aisée lorsque nous atteignons la surface plane du glacier de Sim Gang, 80 kilomètres de terrain glaciaire restent à parcourir sur l’un des plus longs glaciers du monde, pôles exceptés. Les 7285 mètres de la face nord du Baintha Brakk ferment les portes de ce jardin extraordinaire que nous parcourons 2 jours durant. Une amplitude thermique de 40 degrés entre le jour et la nuit met nos organismes à rude épreuve ; nous crevons de soif sur le Snow Lake et ma pommade à lèvres me sauve la vie. C’est au camp de Baintha au pied de la montagne du même nom que nous retrouvons une végétation explosive, un cadeau de la nature qui réveille nos sens. Les bergers d’Askole n’aiment guère emmener paître leurs bêtes dans cette verdure par peur des ours. Nous restons une journée à nous prélasser dans cette végétation préservée, puis gagnons enfin Askole, notre premier village après 18 jours passés dans les plus beaux paysages de montagne du monde, aux dires d’un certain Eric Shipton.
camp de baintha
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L’âne sauvage tibétain ou kiang
L’âne sauvage (equus kiang) est appelé kulan dans le Gojal, kiang (ou skyang) au Baltistan et au Tibet. Le kiang est un animal fossile qui a vécu en Europe à côté des mammouths pendant les cycles glaciaires du pléistocène. Des espèces d’ânes sauvages subsistent au Tibet, au Turkménistan, en Somalie et en Inde, le Kiang étant le plus grand de tous (environ 250 kg). Le kiang doit sa survie à ses instincts protecteurs innés. Doté d’une vue excellente, d’un odorat aigu et d’un système auditif perfectionné, le kiang est également capable de trottiner sans arrêt sur de longues distances ; il serait aussi un excellent nageur. En effet, le kiang du Karakoram migre du plateau tibétain, traverse la rivière impétueuse de la Shaksgam pour brouter l’herbe fraîche des hautes vallées du nord du Pakistan jusqu’à 5000 mètres. Au Pakistan, il est présent exclusivement dans la zone comprenant le parc national de Khunjerab, la vallée de la Braldu et le côté nord du col de Mustagh où il a été rarement vu. Le kiang a toujours joui d’une image mythique dans la région. Les deux puissantes montagnes du Khunyang Chhish (7852m) et du Skyang Kangri (7554m) portent son nom, probablement à cause de leurs granits jaunes qui rappellent la couleur de son pelage. À l’est du massif, les marchands de la route de la soie parcouraient le Skyangpoche, le sentier de « l’âne merveilleux » dans les paysages aux tons ocre du Karakoram oriental. C’est l’explorateur William Moorcroft qui le premier a rapporté l’existence de cet animal en Europe en 1821. Enfin, George Schaller a écrit sur le kiang dans son très beau livre « Stones of Silence ». Le kiang est répertorié comme espèce hautement menacée par l'Union Internationale pour la Conservation des ressources Naturelles (IUCN)
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Les secrets du Karakoram
Au 19ème siècle, tout l’Himalaya abritait des royaumes « interdits » comme le Tibet, le Népal, le Bhoutan et le Sikkim, au même titre que le Cachemire. De tous ces royaumes, le nord Cachemire est l’un de ceux qui a su le mieux garder ses secrets. À cause, entre autres, de sa géographie fort complexe, les missions d’explorations de la Survey of India se succédèrent dans les années 30 sans jamais parvenir à percer tous les mystères de cette région. Le livre au titre évocateur de « Blank on the Map » écrit par Eric Shipton illustra le mieux le caractère reculé de cette région. En 1947, le Pakistan est créé mais le traité de partition de l’Inde qui mentionne vaguement un tracé dans des « territoires glacés du nord » est rapidement subordonné aux interprétations. En 1984, l'Inde lâche finalement ses troupes sur le glacier du Siachen, le Pakistan tente d’alerter la communauté internationale sur une agression qu’elle qualifiera précisément de « cartographique ». Aujourd’hui, les informations géographiques de cette région disputée par l’Inde, le Pakistan et la Chine sont toujours secrètement gardées et de vastes no man’s land hérissés de sommets fantastiques restent à l’écart du monde tels que la région du Siachen bien sur mais aussi les inaccessibles massifs du Rimo et d’Apsarasas qui agitent les esprits curieux ; plus incroyable encore, le « petit » Karakoram à l’est du massif abriterait toujours des 7000 vierges ! Dans la zone libre du Karakoram, le Baltoro attire 80% des visiteurs alors que l’énorme majorité du massif reste terra incognita. Rappelons-nous que les incroyables tours rocheuses des vallées de Charakusa et de Nangma désormais mondialement connues ne sont explorées des Occidentaux que depuis une quinzaine d’années seulement. Le cours tourmenté du glacier de Kero Lungma, cher au célèbre explorateur Bill Tilman, a livré ses derniers secrets au cours d’une expédition britannique en 1995. À l’ouest, l’amont du glacier du Batura est considéré actuellement comme la zone de plus fort potentiel de sommets vierges. Au nord, la vallée ensorcelante de Shaksgam et ses affluentes (dont la vallée de Wesm décrite dans cet article) restent des endroits parmi les plus désolés du monde. Les sommets chinois de l’Aghil ne sont toujours pas comptabilisés officiellement. Plus à l’ouest enfin, les sommets et l’énorme calotte de glace du mystérieux massif du Chiantar attendent toujours leurs visiteurs...
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Trek du Baltoro
Fouler les glaces du Baltoro n’est certes plus une aventure, mais la forte activité touristique de l’été sur le glacier ne vous gâchera pas l’énorme choc qui vous attend au pied de la plus forte concentration de 8000 de la planète. K2, Broad Peak, Gasherbrum I et II vous ouvrent les bras accompagnés de leurs satellites verticaux. Marcher dans le Baltoro, c’est aussi se rendre sur un haut lieu de l’alpinisme mondial, où les grandes expéditions se succèdent toujours, parfois heureuses, souvent tragiques. Voici quelques conseils que vous ne lirez pas dans les guides : Les 180 km du parcours d’Askole à Hushe s’avalent en une douzaine d’étapes, les arrêts aux camps d’Urdukas, de Concordia et du Laïla Peak sont recommandés tant la vue y est belle. Il ne faut pas rater non plus le camp de base du K2, ne serait-ce que pour prendre la mesure de cette formidable paroi hiératique muée par une force que l’on imagine titanesque. Partez tôt de Concordia pour parcourir les 21 km de pierrier aller-retour jusqu’au camp de base, et pour avoir le temps de discuter avec les alpinistes et ainsi côtoyer la légende ! Il est largement conseillé de passer le col du Gondokoro sans revenir sur ses pas mais vous devrez dans ce cas bénéficier d’une météo favorable. Le parcours présente alors un dilemme de taille : vous avez le choix entre partir de Hushe ou d’Askole. La dernière option est classiquement choisie mais les porteurs d’Askole, en général mal équipés, sont effrayés par le col, rediscutent souvent leurs salaires en cours de route et nombreux sont les touristes qui reviennent sur leurs pas la mort dans l’âme et ce quelque soit l’agence choisie. En partant de Hushe, les porteurs souvent plus expérimentés n’ont pas d’autre choix que de passer le col mais la pente qui vous hisse brutalement sur les 5620 mètres pose de facto le problème de l’acclimatation. Malgré l’installation de cordes fixes, ne minimisez surtout pas le danger de la pente sud du col ; emporter une paire de crampons n’est pas superflu. Dans la pente, gardez toujours un œil vers le haut en raison des chutes de pierres.
Le Païju Peak (6600m) incarne toute la puissance des montagnes du Karakoram
L’environnement est bien protégé jusqu’au camp d’Urdukas grâce à l’installation récente d’infrastructures. La pollution est en revanche visible et odorante à Concordia, celle de Ali camp est assez effroyable. Veillez à ne rien laisser derrière vous : si vous confiez vos déchets à un porteur, contrôlez s’il ne s’en débarrasse pas en cours de route car cet aspect des choses reste encore le cadet de leurs soucis. Vous devrez vous acquitter d’un permis de trekking (50 USD) et passer un « debriefing » à votre retour dans les locaux du ministère du tourisme à Islamabad. Cet aspect administratif peut être simplifié si vous passez par une agence. Enfin, recourir au portage quasi obligatoire peut représenter une contrainte mais c’est avant tout une occasion rêvée pour se lier d’amitié avec les montagnards très chaleureux du Baltistan.
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Raids à ski à travers le Karakoram
La pratique du ski reste marginale au Karakoram, les possibilités d’excursions y sont pourtant immenses. Quelques groupes s’y sont risqués, principalement britanniques, américains et français, quand le printemps commence à offrir de longues périodes de temps stable. La traversée des glaciers de Biafo et d’Hispar présente une longue course idéale au cœur du massif. Ce raid a été réalisé une dizaine de fois, la première en 1980 par des Américains (Asay, Gillette, Rowell et Schmitz) qui débutèrent à l'ouest du glacier de Bilafond pour accomplir un voyage étonnant jusqu’à Hispar en 6 semaines. C'est la plus longue excursion à ski réalisée dans le Karakoram à ce jour. En 1990, une équipe française de 6 personnes conduite par Bernard Odier fit une excursion atypique à partir d'Askole par les glaciers de Biafo, de Sim Gang, de Nobande Sobande, de Chiring, de Sarpo Lago, de Muztagh et du Baltoro. Ce parcours exigeant passe par 3 hauts cols techniques dont les fabuleux cols de Muztagh. En 1995, 5 Américains encore (Gaines, Knott, Rhoss, Rozell et Thomas) ont accompli un voyage depuis Shimshal parcourant le glacier de Braldu, passant le col du Lupke La jusqu’à Askole, toujours à ski. Pour son voyage en 1996, l’Anglais David Hamilton traversa les glaciers du Biafo et d’Hispar avec 2 autres compagnons. Ils sont restés bloqués par une tempête au-dessus du glacier d’Hispar 6 jours durant, accomplissant finalement l’itinéraire en 21 jours. En 1997, Huw Kingston, qui est surtout connu pour ses aventures à ski dans l’Himalaya indien, faisait sa première visite dans le Karakoram pour devenir la première personne à accomplir la traversée Biafo-Hispar en solitaire en 12 jours d’isolement. David Hamilton revenait en mai 1997 pour accomplir le voyage en 16 jours. Enfin le Français Pierre Neyret a également traversé les glaces de Biafo et d’Hispar en 2004 (voir l’article dans Carnets d’Expé n°6, ndlr). Au printemps 2004, David Hamilton a fait une traversée inédite entre Shimshal et Hushe en passant par 4 hauts cols exposés et techniques, où les pulkas ont parfois été hissées au jumar, le tout par une météo déplorable. Ce multiple vainqueur de l’Everest m’avouait : « ce fut l’expérience la plus épuisante de ma carrière de montagnard ». Il projette un nouveau voyage à ski dans le Karakoram toujours plus original.
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Pour info pour ceux qui s’intéressent au Pakistan, Carnets d’Expé n°6 avait donné la parole à Pierre Neyret pour le récit et les belles photos de sa traversée à ski + pulka de l’incroyable Snow Lake, jonction des glaciers de Biafo et d’Hispar ; ainsi qu’à Philippe Nodet qui a survolé en parapente les glaciers du Karakoram. Pierre Neyret, qui a séjourné plusieurs mois dans le nord du Pakistan, est l’auteur (avec Géraldine Bénestar) de l’ouvrage « Hautes vallées du Pakistan, visions de montagnards » aux éditions Transboréal (128 pages de textes et photos couleur ; épuisé) ;
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