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Vêtements techniques et écologie

par Anne Michel
09 sept. 2020
mis à jour 09 févr.
109 lecteurs

Vêtements techniques et écologiques : l'impossible équation ?

Par Anne Michel, auditrice pour des labels écologiques.

Réduire l’impact carbone de nos vêtements et matériel outdoor, c’est l’objectif de l’éco-conception. Décryptage de ce qui se cache derrière tout cela, de la décision d'achat à la fin de vie, en passant par la conception.

Nous renouvelons régulièrement notre garde-robe, que ce soit pour les vêtements de tous les jours ou les vêtements de sport. Nous ne sommes pas sans savoir que tout achat a un coût environnemental et social. Chaque étape de la chaîne de production d’un vêtement ou d’un matériel représente une partie de ces coûts : exploiter la matière première, la transformer, confectionner le produit final puis le distribuer. Son entretien quotidien et sa fin de vie en font également partie. Plusieurs solutions existent pour réduire ces impacts au minimum. Sans être exhaustif, nous allons faire un tour d’horizon de nos leviers d’actions. Même si cet article s’intéresse plus spécifiquement aux textiles outdoor, les principes sont généralisables au reste du matériel ainsi qu’à nos vêtements de tous les jours.

Ai-je besoin d’acheter ?

Pleine de bonnes intentions j’entre dans un magasin pour acheter un t-shirt dont j’ai besoin, et voilà qu’une heure plus tard, j’en sors avec 2 t-shirts, un pull, un collant… À qui cela n’est-il jamais arrivé ? Le risque de ce comportement, c’est d’acheter des vêtements qui prendront la poussière, parce que tout compte fait, je n’en avais pas vraiment besoin.
Avant de se pencher sur les caractéristiques d’un produit, il est donc primordial de se poser la question suivante : « en ai-je vraiment besoin ? ».

Quel achat ?

Si toutefois la réponse est oui, alors je peux me demander « ai-je vraiment besoin de l’acheter neuf ou puis-je me le procurer d’une autre façon ? ». Peut-être que je peux le louer ou qu’un ami peut me le prêter.
Si l’achat semble indispensable, on peut commencer par jeter un œil aux produits dépréciés pour leur offrir une seconde vie. Par exemple, les sites CampSaver.com et Rei.com proposent à la vente du matériel d’occasion, de démonstration et des échantillons de fournisseurs.
Si acheter neuf est la seule option, on préférera un achat durable. Mais concrètement, ça veut dire quoi ? D’une part, cela implique l’achat d’un produit de qualité pour qu’il dure dans le temps. Les tests de matériel réalisés par plusieurs organismes indépendants (comme Carnets d’Av. 😊) sont vos alliés pour identifier les produits les plus robustes qui correspondent à vos usages et attentes. Évitez par exemple le light à tout prix. Achetez light si vous en avez réellement besoin, car c’est parfois synonyme de fragilité donc moindre durabilité. D’autre part, cela suppose un produit dont toutes les étapes de fabrication, depuis la matière première jusqu’à la mise en rayon, ont eu le moins d’impacts possibles, qu’ils soient environnementaux ou sociaux. Cependant, cette information n’est pas toujours accessible ni facilement compréhensible. Acheter à un artisan français, par exemple, permet d’avoir des garanties concernant une moindre pollution de l’environnement puisque les lois françaises sont plus exigeantes que dans certains pays d’Asie grands producteurs de vêtements. C’est aussi le cas concernant les conditions de travail des salariés.

Si si, j'en avais vraiment besoin !
Si si, j'en avais vraiment besoin !

Choix des matières premières

Pour démarrer, voici les impacts environnementaux des matières premières que l’on retrouve le plus souvent dans nos vêtements outdoor.

Coton

Cette matière est peu utilisée dans nos vêtements outdoor. Sa production (principalement cultivé en Inde et en Chine) utilise beaucoup d’eau, d’engrais et de pesticides, 75% est issue d’OGM. Il est donc préférable de privilégier les fibres de coton recyclées, le coton bio Global Organic Textile Standard (GOTS) mais qui ne représente que 1% de la production mondiale environ, ou encore le coton avec un label environnemental. Le lin, dont la France est le premier producteur mondial, et le chanvre, sont de bonnes alternatives au coton car leur culture est moins gourmande en eau et en pesticides.

Duvet

Certains canards et oies sont plumés vivants plusieurs fois dans leur vie. Cette technique est extrêmement douloureuse et peut entraîner leur mort. Elle est beaucoup utilisée dans le principal pays producteur de duvet, la Chine. Le standard Responsible Down Standard (RDS) garantit que les oiseaux n’ont pas subi de maltraitance (absence de plumage vivant et de gavage pour le foie gras).

Laine mérinos

La majorité de la production vient d’Australie. Le surpâturage par des troupeaux de moutons peut endommager l'écosystème local en favorisant l'érosion des sols ainsi que la pollution des rivières et ruisseaux. La plupart du temps, les moutons mérinos subissent le mulesing. Cette opération consiste en une ablation de la peau plissée au niveau de l’arrière-train du mouton. En cicatrisant, la peau se tend et évite que des œufs de larves parasites s’y développent. Ces pratiques douloureuses ne sont pas toujours accompagnées d’anesthésiant ou d’antalgique. Le label Responsible Wool Standard (RWS) garantit que les moutons ne subissent pas de mulesing et que les zones de pâturage soient préservées via une approche durable.

Soie

Même si son utilisation dans l’outdoor reste marginale, on peut la retrouver dans les doublures de sac de couchage par exemple car elle améliore la résistance du produit. Le bombyx mori domestiqué (le ver à soie du mûrier) produit l'essentiel de la soie commerciale grâce à sa salive. La chenille est tuée en étant piquée par une aiguille ou alors placée dans de l’eau bouillante puis consommée dans des snacks asiatiques. Pas de gâchis ! Préférez de la soie certifiée bio (GOTS) pour garantir le maximum de durabilité dans son procédé de fabrication tant pour l’environnement que pour les travailleurs.

Matériaux synthétiques et artificiels

Aujourd’hui, plus de 60% des fibres textiles nécessitent des matières premières chimiques. On distingue les fibres synthétiques des fibres artificielles.

  • Les fibres synthétiques sont obtenues par synthèse de composés chimiques qui proviennent du pétrole. De grandes quantités d'énergie sont utilisées dans leur production avec de nombreuses implications environnementales, y compris la libération de gaz à effet de serre et le rejet de microplastiques dans l’environnement (nous détaillons ce point un peu plus loin).
  • Les fibres artificielles sont obtenues par synthèse chimique basée sur des ressources naturelles, telle que la cellulose de bois qui permet de fabriquer le lyocell, la viscose ou l’acétate. Cette production peut être à l’origine de déforestation impactant négativement la biodiversité, elle peut entraîner de la sylviculture illégale, un épuisement des sols causé par de la monoculture ou encore la perte de terres pour les communautés locales. Il est donc préférable d’économiser les ressources en choisissant des tissus comme la polaire, assez souvent issue du recyclage de polyesters et bouteilles en plastique.

L’imperméabilisation

La fabrication d’un vêtement nécessite de nombreux produits chimiques dont la plupart sont extrêmement nocifs pour l’environnement, la biodiversité et aussi pour les personnes en contact avec ces substances. Nous allons nous attarder sur un traitement particulier qui fait débat : l’imperméabilisation. Pour ce faire, l’industrie textile a recours à des traitements DWR (Durable Water Repellent), imperméables à l’eau et la saleté (« matières grasses »). Or, les traitements DWR les plus efficaces sont basés sur des perfluorocarbures (PFC) qui sont des gaz fluorés très polluants. De plus en plus d’entreprises tentent de supprimer leur utilisation, à l’instar de Vaude qui annonçait ne plus en faire l’usage à partir de 2020. Cependant, le traitement qui le remplace est, sur le papier, moins performant car non imperméable aux taches de graisse. Qu’en est-il de son efficacité hydrophobe ? Et de sa durabilité ? À ce jour, aucun traitement DWR n’est aussi efficace ni durable que celui à base de PFC. Par conséquent, un produit imperméabilisé sans PFC risque d’être remplacé plus rapidement, ce qui pose un autre problème écologique ! Face à ce constat, la marque Patagonia a choisi de ne pas supprimer complètement le PFC de ses gammes tant qu’elle n’aura pas trouvé un traitement alternatif aussi efficace.

L’efficacité ambivalente des labels

La production et la consommation sont aujourd’hui mondialisées. La complexité et l’opacité des chaînes d'approvisionnement masquent souvent les informations pertinentes et réduisent le niveau de contrôle externe. La certification existe entre autres pour atténuer cette problématique. À l’image du développement de nombreux labels liés à notre alimentation, la filière textile compte de plus en plus de labels de développement durable. Des entreprises pionnières dans le domaine ont par exemple développé leurs propres programmes tels que le Traceable Down Standard (TDS) de Patagonia (approvisionnement en duvet durable et traçable). Même si cela ne concerne actuellement qu'une faible partie des volumes de production globaux, la demande est grandissante. Si cette pression peut augmenter le nombre de produits certifiés, les exigences affichées sont parfois volontairement faibles pour permettre à un maximum d’industriels de les atteindre. Beaucoup de labels développés aujourd’hui sont « à la carte », ne répondent qu’à quelques aspects des problématiques de la filière. Les marques priorisent des exigences pour satisfaire un maximum de clients. Rares sont les labels qui couvrent l'ensemble du cycle de vie du produit tel que le fait Green Shape de Vaude. Le marché des produits certifiés n’est donc pas forcément alimenté par des entreprises réellement vertueuses, même si, petit à petit, les industriels cherchent à améliorer leurs pratiques en leur donnant une image résolument plus responsable. Si vous souhaitez avoir une idée de comment votre entreprise fétiche est vertueuse, vous pouvez consulter le classement de plusieurs marques réalisé par l’ONG Rank A Brand (qui a fusionné en 2019 avec Good On You) selon leur degré d’action en faveur du développement durable.

FOCUS 3 labels

Nos choix de vêtements peuvent s’appuyer sur les labels environnementaux et de durabilité affichés sur les étiquettes ou sur d’autres supports de communication. Mais attention, tous ne se valent pas.
Voici 3 labels que l’on aperçoit régulièrement. Malgré leurs noms abscons, de nombreuses exigences de qualité se cachent derrière. Ces 3 labels sont contrôlés par une tierce partie, premier gage de fiabilité. Les voici, du moins exigeant au plus exigeant :

Oeko-Tex Made in Green 

Il combine une certification de produit axé sur l’environnement (Oeko-Tex Standard 100) et une certification des usines de fabrication (STeP : Sustainable Textile & leather Production). Le label s’applique à tous les sites de production textiles jusqu’aux détaillants et est utilisé pour tous types de textiles.
+     Utilisation restrictive de produits chimiques dangereux avec tests sur des produits finis (standard 100).
   Le client a accès à la traçabilité du produit via un identifiant dédié à chaque produit et apposé sur l’étiquette, sous réserve que les fabricants acceptent d’être transparents ! (Made In Green).
-    Certains critères du label manquent parfois de clarté, de cohérence (STeP).
-    Critères peu exigeants concernant l’approvisionnement en matières premières (STeP).

Bluesign 

Il s’applique aux sites de production textiles et produits chimiques ainsi qu’aux grossistes et détenteurs de marques. Il est utilisé pour tous types de textiles
+    Exigences sociales et environnementales également pour les fournisseurs de produits chimiques.
+    Utilisation restrictive de produits chimiques dangereux et gestion de l’eau scrupuleuse dans tout le processus de fabrication.
   Interdiction des PVC.
-    Critères peu exigeants concernant l’approvisionnement en fibres naturelles (sauf duvet).

Global Organic Textile Standard (GOTS) 

Il s’applique à toute la chaîne de production textile ainsi qu’au transport. Il est utilisé pour tous les textiles naturels (non synthétiques).
+    Garantit que les fibres sont issues au minimum à 70 % de l’agriculture biologique et interdit toute fibre OGM.
+    Utilisation de produits chimiques dangereux très restrictive dans le processus de fabrication.
+    Critères exigeants concernant l’étiquetage et le transport.
   Absence de critères sociaux en lien avec la culture de fibres naturelles telle que la culture de coton (applicable aussi à Bluesign et Oeko Tex).
   Ne prend pas en compte la fin de vie (applicable aussi à Bluesign et Oeko-Tex).
-    Absence d’un salaire minimum garanti, de prime pour les projets collectifs, c’est ce qui en fait une différence notable avec les labels de commerce équitable (applicable aussi à Bluesign et Oeko-Tex ).

 

 

Entretien et fin de vie

Lavage, séchage et microplastiques

Le lavage et le séchage représentent à eux seuls 50 % de l’impact environnemental de nos vêtements. Pour que ces derniers puissent être portés propres, il faut dépenser une quantité non négligeable d’eau et d’énergie. Mais le plus impactant est avant tout le rejet de microplastiques dans les eaux usées. Appelés également microfibres, ils viennent des matières synthétiques et se détachent du vêtement tout au long de sa vie, notamment au lavage. Les usines de traitement d’eau filtrent une bonne partie de ces microfibres, mais certaines échappent à ce filtrage et sont rejetées dans les océans. N’étant pas facilement dégradables, elles sont plus polluantes encore que les sacs plastique ! À ce jour, la connaissance scientifique sur les microfibres est faible. Des recherches sont en cours pour identifier si de nouvelles méthodes de fabrication (filature, tissage, teinture, recyclage de matières premières, etc.) pourraient diminuer leur libération au quotidien.
Les solutions à envisager sont de limiter le lavage des vêtements au strict nécessaire. Préférez un lavage avec un cycle court et à basse température (30°C ou moins) pour sauvegarder de l’énergie et faire durer vos vêtements plus longtemps. Lavez-les avec des lessives écolabellisées ou fabriquées par vos propres soins (il existe des recettes très simples qui ne nécessitent pas de matériel spécifique). Évitez les lessives et adoucissants fortement parfumés car souvent très polluants. Si vous tenez à utiliser un assouplissant, le vinaigre fait très bien l’affaire. Séchez à l’air libre sans exposer trop longtemps aux UV un tissu en polyester car cela rendrait moins résistant les fibres, et pourrait donc entrainer une augmentation des pertes de microfibres. Un point essentiel est d’éviter le nettoyage à sec car il fait intervenir, la plupart du temps, des solvants et dégraissants toxiques pour l’homme et son environnement.
Pour diminuer la présence de microfibres dans les eaux usées, il est possible de se procurer des sacs filtrants. Il en existe 2 types. Le premier peut se fixer directement dans la machine à laver (mais pour cela il faut des connaissances en plomberie). Le Filtrol 160 de Wexco est un exemple de ce premier type de filtre. Pour le second, il faut mettre ses vêtements dedans. Il est adapté à un lavage à la main tout autant qu’un lavage en machine. Par exemple, le sac filtrant et recyclable GuppyFriend qui est disponible auprès de Patagonia.

Réparation

La durée de vie d’un produit est difficilement prévisible puisqu’elle dépend de l’utilisation que l’on en fait, de la fréquence d’usage, de lavage, etc. Mais nous pouvons tous prendre soin de nos affaires au quotidien. C’est un point crucial qui optimisera sa durée de vie. Les t-shirts à fine couche de mérinos sont par exemple assez fragiles et nécessitent d’être précautionneux, surtout si vous n’aimez pas recoudre les trous 😊. Si vous vous posez des questions au sujet de l’entretien d’un matériel outdoor, n’hésitez pas à jeter un œil au site rei.com (Recreational Equipment, Inc). Vous y trouverez de nombreux conseils. Et si le produit casse (il n’est pas immortel), alors priorisez la réparation à l’achat d’un remplaçant, quand cela est possible bien sûr. Vous pouvez tenter de réparer vos produits par vous-même grâce à de nombreux tutoriels disponibles en ligne, ou les confier à un professionnel. Si vous avez besoin de pièces spécifiques, le fabricant de votre matériel est certainement apte à vous les envoyer. Il est bon de savoir que certaines marques vous obligent à commander la pièce manquante via le vendeur chez qui le produit a été acheté. Le fabricant pourra également vous proposer de confier la réparation à l’un de ses centres dédiés. De plus en plus de marques y ont recours. Vous pouvez bien évidemment aussi privilégier un artisan local ou confier / envoyer votre produit auprès d'un atelier spécialisé qui propose de réparer tous types de vêtements et accessoires de l'industrie outdoor (il y en a de plus en plus, comme Green Wolf situé en Haute-Savoie ou La Clinique du Chausson et du Matos à Grenoble).

Fin de vie

Votre veste est déchirée, déteinte, plus imperméable, une odeur de transpiration infecte est imbibée… Bref, il est temps de lui trouver une seconde vie ! Si votre produit est encore en bon état, vous préférerez peut-être le vendre afin de récupérer quelques euros pour diminuer le coût de son remplaçant. Autrement, vous pouvez le troquer ou le donner. De nombreuses associations et entreprises nationales récupèrent, recyclent et réutilisent les produits, telles que Les Fils d’Ariane, Le Relais, La Recyclerie Sportive (située en région parisienne et proche de Bordeaux uniquement). Certains fabricants textiles reprennent n’importe quel type de vêtement (tout type de matière, de marque, etc.), alors que d’autres sont plus sélectifs. Par exemple, Patagonia et Smartwool proposent de recycler les vêtements mérinos usés. Vous pouvez aussi le recycler à votre propre manière comme chiffon ou tissu pour rapiécer d’autres vêtements.