Chemins de terre et d'eau de Harrison Barker
Je cherchais un parcours pour essayer mon nouveau matériel en vue du GR10 que je désirais faire dans son intégralité.
Le Chemin de Terre et d'Eau de Harrison Barker était pile calibré pour le peu de jours dont je disposais.
Le Chemin de Terre et d'Eau de Harrison Barker était pile calibré pour le peu de jours dont je disposais.
Quand : 06/05/2019
Durée : 3 jours
Durée : 3 jours
Distance globale :
74.5km
Dénivelées :
+1417m /
-1534m
Alti min/max : 74m/298m
Carnet publié par Béryl
le 02 sept. 2019
modifié le 04 nov. 2021
modifié le 04 nov. 2021
Mobilité douce
1821 lecteur(s)
-
Vue d'ensemble
Le topo : J2 - Castelnaud/Après Urval (mise à jour : 28 sept. 2019)
Distance section :
31.9km
Dénivelées section :
+810m /
-779m
Section Alti min/max : 74m/254m
Description :
Distance parcourue réelle relevée par mon GPS : 35,35Km
Cliquez sur la trace pour faire apparaître le dénivelé
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Le compte-rendu : J2 - Castelnaud/Après Urval (mise à jour : 28 sept. 2019)
Mardi 7 mai 2019
Nuit moyenne dans ce gîte pas chauffé. Pas de souci avec mon sac de couchage, mais froid à la tête. Soit je m'enfouis entièrement et j'étouffe, soit je respire et je me caille. Réveillé à plusieurs reprises à cause de l'un ou de l'autre.
Je finis par me lever à 6h40. Le petit-déjeuner est rapide et, le temps de rassembler mes affaires, je démarre une heure après.
Une montgolfière s'apprête à prendre son envol dans le pré voisin ; j'en verrai encore deux ou trois dans le ciel aujourd'hui. Peut-être un rassemblement.
C'est dans le coin que Barker fait la rencontre d'un gabarier :
«(...) L’aubergiste était un ancien batelier de la Dordogne qui avait conduit plus d’un chargement de vin flottant. Mais c’était avant que le phylloxera eût dévasté les vignes.
En gagnant de nouveau le bord de la rivière, j’aperçus que la descente des Auvergnats avait commencé. Tous les gens qui vivent sur le bord de la haute Dordogne, soit qu’ils appartiennent au Puy-de-Dôme, au Cantal ou à la Corrèze, sont appelés Auvergnats en Périgord, ou plutôt ceux d’entre eux qui descendent le courant avec leur petite barque chargée de bois, quand les pluies d’automne ont commencé et qu’il y’a assez d’eau dans la rivière pour faciliter la navigation. Quelquefois, dans leur désir envieux d’échanger leur bois contre de l’argent, ils partent un peu trop tôt et fourvoyés par une augmentation temporaire du courant, ils échouent après peu de jours de navigation. J’ai vu une de ces barques enfoncée sur un banc de sable au milieu du courant tandis que les rapides voisins l’inondaient avec un mugissement qu’on pouvait entendre à un ‘mile’ de distance.
Ces bateaux sont bons seulement pour un seul voyage qui est le premier et le dernier. Les hommes reviennent, mais pas les bateaux qui sont vendus à Libourne, comme bois de chauffage, lorsqu’on a débarqué leur chargement. (...) Le voyage annuel dans le Bordelais leur procure le moyen de revoir les vieux amis qu’ils ont rencontrés pendant des années dans les auberges du bord de l’eau où ils ont abordé pour la nuit, car la descente de la Dordogne dans l’obscurité est trop dangereuse.
Il se risque pour bien peu de chose lorsqu’il part pour son voyage annuel. Quand il a vendu son bois il est impatient de partir loin du danger, aussi vite que possible.»
Je quitte alors son "chemin de terre" et entre sur son "chemin d'eau" qu'il poursuit en bateau.
Nuit moyenne dans ce gîte pas chauffé. Pas de souci avec mon sac de couchage, mais froid à la tête. Soit je m'enfouis entièrement et j'étouffe, soit je respire et je me caille. Réveillé à plusieurs reprises à cause de l'un ou de l'autre.
Je finis par me lever à 6h40. Le petit-déjeuner est rapide et, le temps de rassembler mes affaires, je démarre une heure après.
Une montgolfière s'apprête à prendre son envol dans le pré voisin ; j'en verrai encore deux ou trois dans le ciel aujourd'hui. Peut-être un rassemblement.
C'est dans le coin que Barker fait la rencontre d'un gabarier :
«(...) L’aubergiste était un ancien batelier de la Dordogne qui avait conduit plus d’un chargement de vin flottant. Mais c’était avant que le phylloxera eût dévasté les vignes.
En gagnant de nouveau le bord de la rivière, j’aperçus que la descente des Auvergnats avait commencé. Tous les gens qui vivent sur le bord de la haute Dordogne, soit qu’ils appartiennent au Puy-de-Dôme, au Cantal ou à la Corrèze, sont appelés Auvergnats en Périgord, ou plutôt ceux d’entre eux qui descendent le courant avec leur petite barque chargée de bois, quand les pluies d’automne ont commencé et qu’il y’a assez d’eau dans la rivière pour faciliter la navigation. Quelquefois, dans leur désir envieux d’échanger leur bois contre de l’argent, ils partent un peu trop tôt et fourvoyés par une augmentation temporaire du courant, ils échouent après peu de jours de navigation. J’ai vu une de ces barques enfoncée sur un banc de sable au milieu du courant tandis que les rapides voisins l’inondaient avec un mugissement qu’on pouvait entendre à un ‘mile’ de distance.
Ces bateaux sont bons seulement pour un seul voyage qui est le premier et le dernier. Les hommes reviennent, mais pas les bateaux qui sont vendus à Libourne, comme bois de chauffage, lorsqu’on a débarqué leur chargement. (...) Le voyage annuel dans le Bordelais leur procure le moyen de revoir les vieux amis qu’ils ont rencontrés pendant des années dans les auberges du bord de l’eau où ils ont abordé pour la nuit, car la descente de la Dordogne dans l’obscurité est trop dangereuse.
Il se risque pour bien peu de chose lorsqu’il part pour son voyage annuel. Quand il a vendu son bois il est impatient de partir loin du danger, aussi vite que possible.»
Je quitte alors son "chemin de terre" et entre sur son "chemin d'eau" qu'il poursuit en bateau.
À la sortie de Castelnaud, je longe un moment la Dordogne dont Barker appréciait tant la nature généreuse :
«parmi les rivières apportant à la population un supplément de nourriture, la Dordogne est une des plus riches de France ; et vu son courant rapide et la pureté de ses eaux, le poisson est d’excellente qualité !»
Il s'installe d'ailleurs quelques semaines à Beynac, sur la rive en face et s'initie à la pêche avec un dénommé "la Loutre" qui a sa façon bien à lui d'attraper du poisson :
«en quelques secondes, la veste bleue et autres vêtements étaient jetés bas, et les poissons étaient terrifiés par la descente sous l’eau d’une tête noire et d’une barbe de même couleur, suivies par le reste de cette forme humaine que Carlyle a nommé « un radis fourchu».
Mais très vite, Harrison veut reprendre son chemin ; il emprunte alors un bateau à la Loutre :
«Là sur les rochers au milieu de l’eau, je reconnus la forme humaine supportée par des jambes nues dans la position d’une personne sur le point de faire un plongeon, ce qui peut n’être pas fort gracieux, mais prête du caractère aux paysages des bords de rivière en France : deux ou trois femmes étaient en train de laver leur linge.»
«En approchant de St Cyprien le courant devint plus fort, et les tourbillons des rapides si violents que je me préparais en pensée à être englouti par les flots. La question de savoir si je devais abandonner mon sac en cas de naufrage, ou essayer de le sauver était angoissante. Le risque étant sur le bateau, c’est avec un soupir de soulagement que je le quittais. Il était à moitié plein d’eau, et c’est à l’endroit le plus proche de la ville que je débarquais.
Le lendemain matin alors que je rembarquais, j’étais en train de quitter le rivage quand un homme me cria : ‘votre bateau ne vaut rien ! si vous essayez de passer le troisième pont, vous coulerez bas !!!’ il parlait très sérieusement...».
Barker abandonne alors son bateau, reprend son "chemin de terre" et entre dans la vallée des châteaux.
«parmi les rivières apportant à la population un supplément de nourriture, la Dordogne est une des plus riches de France ; et vu son courant rapide et la pureté de ses eaux, le poisson est d’excellente qualité !»
Il s'installe d'ailleurs quelques semaines à Beynac, sur la rive en face et s'initie à la pêche avec un dénommé "la Loutre" qui a sa façon bien à lui d'attraper du poisson :
«en quelques secondes, la veste bleue et autres vêtements étaient jetés bas, et les poissons étaient terrifiés par la descente sous l’eau d’une tête noire et d’une barbe de même couleur, suivies par le reste de cette forme humaine que Carlyle a nommé « un radis fourchu».
Mais très vite, Harrison veut reprendre son chemin ; il emprunte alors un bateau à la Loutre :
«Là sur les rochers au milieu de l’eau, je reconnus la forme humaine supportée par des jambes nues dans la position d’une personne sur le point de faire un plongeon, ce qui peut n’être pas fort gracieux, mais prête du caractère aux paysages des bords de rivière en France : deux ou trois femmes étaient en train de laver leur linge.»
«En approchant de St Cyprien le courant devint plus fort, et les tourbillons des rapides si violents que je me préparais en pensée à être englouti par les flots. La question de savoir si je devais abandonner mon sac en cas de naufrage, ou essayer de le sauver était angoissante. Le risque étant sur le bateau, c’est avec un soupir de soulagement que je le quittais. Il était à moitié plein d’eau, et c’est à l’endroit le plus proche de la ville que je débarquais.
Le lendemain matin alors que je rembarquais, j’étais en train de quitter le rivage quand un homme me cria : ‘votre bateau ne vaut rien ! si vous essayez de passer le troisième pont, vous coulerez bas !!!’ il parlait très sérieusement...».
Barker abandonne alors son bateau, reprend son "chemin de terre" et entre dans la vallée des châteaux.
Un peu après le château des Milandes, je passe au bord d'un champ où un canon tire des coups aléatoires pour faire fuir les oiseaux. Je sursaute à chaque explosion et ça commence à devenir pénible ! J'accélère donc le pas et finis même par me boucher les oreilles. Pas très pratique pour marcher !
Plus loin, un homme dans son jardin m'arrête et me demande si je "fais Compostelle".
Non, pas Compostelle, le Barker.
Le quoi ?!
Et c'est reparti. Bien entendu, il ne connaît pas et je ressors mon laïus sur ce chemin méconnu.
Jamais entendu parlé !
Et le voilà qui commence à me raconter sa vie, lui aussi. Il vient de Grenoble et a suivi sa femme qui a flashé (oh le vilain mot !) sur la région. Ils ont tout vendu là-bas pour faire construire ici.
Manque de bol, le gars est un fou de ski nordique et avoue qu'il s'ennuie pas mal ici ! Tu m'étonnes ! Oh, avec une bonne averse de neige une fois tous les dix ans, ça pourrait être pire !
Quelques mètres après, c'est un couple de randonneurs qui m'arrêtent. Ils font le chemin entre Bergerac et Rocamadour. Nous papotons un moment, d'autant plus que je suis intéressé par ce chemin, moi aussi, bien que la majorité du Barker y soit mêlée.
Bientôt sûrement je suivrai leurs traces...
Plus loin, un homme dans son jardin m'arrête et me demande si je "fais Compostelle".
Non, pas Compostelle, le Barker.
Le quoi ?!
Et c'est reparti. Bien entendu, il ne connaît pas et je ressors mon laïus sur ce chemin méconnu.
Jamais entendu parlé !
Et le voilà qui commence à me raconter sa vie, lui aussi. Il vient de Grenoble et a suivi sa femme qui a flashé (oh le vilain mot !) sur la région. Ils ont tout vendu là-bas pour faire construire ici.
Manque de bol, le gars est un fou de ski nordique et avoue qu'il s'ennuie pas mal ici ! Tu m'étonnes ! Oh, avec une bonne averse de neige une fois tous les dix ans, ça pourrait être pire !
Quelques mètres après, c'est un couple de randonneurs qui m'arrêtent. Ils font le chemin entre Bergerac et Rocamadour. Nous papotons un moment, d'autant plus que je suis intéressé par ce chemin, moi aussi, bien que la majorité du Barker y soit mêlée.
Bientôt sûrement je suivrai leurs traces...
Barker nous fait une description d'un des châteaux périgordins :
«Je pus voir distinctement et se détachant du ciel, la masse noire du château et de l’église, qui se dressaient au-dessus de ma tête, et de minute en minute vers l’ouest, l’éclair d’un orage lointain faisait briller la sombre maçonnerie et les rochers.
Plusieurs siècles auparavant, le roc, la forteresse et l’église ont pu présenter le même spectacle et le même éclairage féeriques. Un Anglais, guerroyant avec le Prince noir, debout, à la même place où je suis (la route à cette époque était probablement un chemin muletier) a pu voir, se dressant contre le ciel, le même tableau qui me fait songer au temps passé.
Mais la tranquillité de la nuit d’été peut avoir été troublée par des bruits que l’on n’entend plus à présent. Il est peu vraisemblable qu’un château aussi grand, renfermant autant de soldats en armes et d’officiers qu’on jugeait nécessaires à sa défense et à sa dignité, ait pu être à cette heure matinale plongé dans un silence plus complet que celui qui règne en ce moment dans la vallée de la Dordogne.
Sûrement, outre le guetteur de nuit, il devait y avoir des gens respirant la fraîcheur sur le donjon, quelques soldats arpentant le
chemin de ronde, bien que des jours pacifiques pussent être revenus sur la malheureuse contrée de la Guyenne, et la clameur des voix retentissantes pouvait descendre jusqu’à la rivière.
Mais à présent, le château est tranquille comme son rocher, qui a été battu par les vagues de la mer aujourd’hui disparue, et ceux qui l’habitent sont comme les gardiens d’un cimetière.
Le donjon dont la simple silhouette semble se dresser au milieu des étoiles, ne sert qu’à montrer une de ces nombreuses tombes de la féodalité qui s’élève sur les coteaux au bord de la capricieuse Dordogne, comme les menhirs, monuments des vieilles illusions le long des côtes dentelées de la Bretagne.»
J'hésite entre Castelnaud et Beynac, mais penche plus pour le second.
«Je pus voir distinctement et se détachant du ciel, la masse noire du château et de l’église, qui se dressaient au-dessus de ma tête, et de minute en minute vers l’ouest, l’éclair d’un orage lointain faisait briller la sombre maçonnerie et les rochers.
Plusieurs siècles auparavant, le roc, la forteresse et l’église ont pu présenter le même spectacle et le même éclairage féeriques. Un Anglais, guerroyant avec le Prince noir, debout, à la même place où je suis (la route à cette époque était probablement un chemin muletier) a pu voir, se dressant contre le ciel, le même tableau qui me fait songer au temps passé.
Mais la tranquillité de la nuit d’été peut avoir été troublée par des bruits que l’on n’entend plus à présent. Il est peu vraisemblable qu’un château aussi grand, renfermant autant de soldats en armes et d’officiers qu’on jugeait nécessaires à sa défense et à sa dignité, ait pu être à cette heure matinale plongé dans un silence plus complet que celui qui règne en ce moment dans la vallée de la Dordogne.
Sûrement, outre le guetteur de nuit, il devait y avoir des gens respirant la fraîcheur sur le donjon, quelques soldats arpentant le
chemin de ronde, bien que des jours pacifiques pussent être revenus sur la malheureuse contrée de la Guyenne, et la clameur des voix retentissantes pouvait descendre jusqu’à la rivière.
Mais à présent, le château est tranquille comme son rocher, qui a été battu par les vagues de la mer aujourd’hui disparue, et ceux qui l’habitent sont comme les gardiens d’un cimetière.
Le donjon dont la simple silhouette semble se dresser au milieu des étoiles, ne sert qu’à montrer une de ces nombreuses tombes de la féodalité qui s’élève sur les coteaux au bord de la capricieuse Dordogne, comme les menhirs, monuments des vieilles illusions le long des côtes dentelées de la Bretagne.»
J'hésite entre Castelnaud et Beynac, mais penche plus pour le second.
Il est 13h15 quand je m'arrête dans un parc au bord de la Nauze juste avant Belvès. C'est l'endroit idéal pour pique-niquer.
Déjà 20km dans les pattounes ; il est temps que je me pose.
Deux chiens viennent me renifler le saucisson (rengainez vos arrière-pensées graveleuses, s'il vous plait !) et comme j'adore ces sales cabots en général, je le partage volontiers avec eux.
L'endroit est calme, reposant et incite donc à la sieste, mais j'ai encore de la route à faire. J'espère en effet en faire le maximum aujourd'hui, car la pluie s'invite demain. Je veux bien essayer mon nouveau poncho, mais pas toute la journée !
Il ne reste plus une miette de mon sauciflard, aussi je décide de lever le camp. Un café serait bienvenu et je vise donc un troquet dans le bourg de Belvès, mais il se mérite, car ça monte raide pour atteindre le village !
Le patron du PMU m'offre même de remplir mes gourdes gracieusement avec de l'eau fraîche. Ça tombe bien j'avais besoin d'eau, même si je n'en demandais pas tant !
Harrison, lors de son passage, a dormi chez l'habitant et nous offre une tranche de leur quotidien :
«Comme je sentais le besoin de bavarder pendant la soirée, j’allais chercher le fermier aubergiste dans sa cuisine et je l’invitais à boire avec moi un petit verre de l’eau de vie de fabrication. Il accepta avec empressement et tira de son buffet une bouteille d’une liqueur claire et verdâtre, qu’il dit d’être de l’eau de vie de figues.
C’était une nouveauté pour moi. J’avais goûté déjà à de nombreuses espèces d’alcool faites avec des fruits divers, mais jamais provenant de la distillation de figues. Cette eau de vie, dont l’arôme violent indiquait l’origine, était digne de son nom, car elle était pure et tout à fait spiritueuse. J’amenais cet homme à me parler de la vie des paysans. Tout ce qu’il me dit fut seulement la confirmation de l’opinion que je m’étais déjà faite d’après un autre témoignage relatif aux travaux du Père Adam lorsqu’il eut à lutter contre la nature quand il fut chassé du paradis terrestre.
Laissez à un homme autant de terrain, qu’il peut en cultiver de ses propres mains, donnez-lui une paire de bœufs pour l’aider dans ces conditions, il a besoin pour vivre d’un incessant labeur et d’une rigoureuse frugalité. Telle est la condition normale de l’existence du paysan propriétaire. « Le paysan, qui travaille sérieusement », dit le fermier « ne dort pas plus de quatre heures durant les mois d’été. Il se couche à dix heures, et se lève à deux heures après minuit. Cela ne nuirait pas à sa santé, si sa nourriture était meilleure. Mais il ne mange à peu près que de la soupe et ne boit que de la piquette.»
Il se permet toutefois de critiquer certaines pratiques périgordines la bouche pleine :
«Le dîner fut aussi bon que j’étais en droit de l’attendre ; un plat, auquel l’hôtesse avait dû porter tous ses soins et toutes les ressources de son art culinaire était composé d’oronges au verjus. Mais le plat de résistance était un poulet rôti, infortuné volatile
qui était venu se faire enfiler à la broche (on le comprend aisément) lorsque mon arrivée avait dérangé les habitudes de l’auberge et de la basse-cour. De toute façon ce pauvre poulet avait une juste raison de penser que c’était un mauvais vent qui m’avait poussé dans ce village.
En France, c’est une méchante coutume, à la campagne, que celle de tuer les poulets juste au moment où on en a besoin pour les mettre à la broche. Non seulement il est désagréable de penser qu’on ne laisse pas à un animal le temps de se refroidir avant de commencer à tourner devant le feu, mais encore cette pratique est contraire aux règles de l’art culinaire.
Cependant c’est en vain qu’on essaierait de convaincre les paysans de cette erreur. Même lorsqu’ils tuent les poulets pour eux-mêmes et qu’ils peuvent choisir leur temps, ils persistent dans cette routine et ne veulent pas faire autrement.
En toutes choses les Français sont conservateurs, excepté en politique !»
Déjà 20km dans les pattounes ; il est temps que je me pose.
Deux chiens viennent me renifler le saucisson (rengainez vos arrière-pensées graveleuses, s'il vous plait !) et comme j'adore ces sales cabots en général, je le partage volontiers avec eux.
L'endroit est calme, reposant et incite donc à la sieste, mais j'ai encore de la route à faire. J'espère en effet en faire le maximum aujourd'hui, car la pluie s'invite demain. Je veux bien essayer mon nouveau poncho, mais pas toute la journée !
Il ne reste plus une miette de mon sauciflard, aussi je décide de lever le camp. Un café serait bienvenu et je vise donc un troquet dans le bourg de Belvès, mais il se mérite, car ça monte raide pour atteindre le village !
Le patron du PMU m'offre même de remplir mes gourdes gracieusement avec de l'eau fraîche. Ça tombe bien j'avais besoin d'eau, même si je n'en demandais pas tant !
Harrison, lors de son passage, a dormi chez l'habitant et nous offre une tranche de leur quotidien :
«Comme je sentais le besoin de bavarder pendant la soirée, j’allais chercher le fermier aubergiste dans sa cuisine et je l’invitais à boire avec moi un petit verre de l’eau de vie de fabrication. Il accepta avec empressement et tira de son buffet une bouteille d’une liqueur claire et verdâtre, qu’il dit d’être de l’eau de vie de figues.
C’était une nouveauté pour moi. J’avais goûté déjà à de nombreuses espèces d’alcool faites avec des fruits divers, mais jamais provenant de la distillation de figues. Cette eau de vie, dont l’arôme violent indiquait l’origine, était digne de son nom, car elle était pure et tout à fait spiritueuse. J’amenais cet homme à me parler de la vie des paysans. Tout ce qu’il me dit fut seulement la confirmation de l’opinion que je m’étais déjà faite d’après un autre témoignage relatif aux travaux du Père Adam lorsqu’il eut à lutter contre la nature quand il fut chassé du paradis terrestre.
Laissez à un homme autant de terrain, qu’il peut en cultiver de ses propres mains, donnez-lui une paire de bœufs pour l’aider dans ces conditions, il a besoin pour vivre d’un incessant labeur et d’une rigoureuse frugalité. Telle est la condition normale de l’existence du paysan propriétaire. « Le paysan, qui travaille sérieusement », dit le fermier « ne dort pas plus de quatre heures durant les mois d’été. Il se couche à dix heures, et se lève à deux heures après minuit. Cela ne nuirait pas à sa santé, si sa nourriture était meilleure. Mais il ne mange à peu près que de la soupe et ne boit que de la piquette.»
Il se permet toutefois de critiquer certaines pratiques périgordines la bouche pleine :
«Le dîner fut aussi bon que j’étais en droit de l’attendre ; un plat, auquel l’hôtesse avait dû porter tous ses soins et toutes les ressources de son art culinaire était composé d’oronges au verjus. Mais le plat de résistance était un poulet rôti, infortuné volatile
qui était venu se faire enfiler à la broche (on le comprend aisément) lorsque mon arrivée avait dérangé les habitudes de l’auberge et de la basse-cour. De toute façon ce pauvre poulet avait une juste raison de penser que c’était un mauvais vent qui m’avait poussé dans ce village.
En France, c’est une méchante coutume, à la campagne, que celle de tuer les poulets juste au moment où on en a besoin pour les mettre à la broche. Non seulement il est désagréable de penser qu’on ne laisse pas à un animal le temps de se refroidir avant de commencer à tourner devant le feu, mais encore cette pratique est contraire aux règles de l’art culinaire.
Cependant c’est en vain qu’on essaierait de convaincre les paysans de cette erreur. Même lorsqu’ils tuent les poulets pour eux-mêmes et qu’ils peuvent choisir leur temps, ils persistent dans cette routine et ne veulent pas faire autrement.
En toutes choses les Français sont conservateurs, excepté en politique !»
En sortant de Belvès, confiant, je suis la petite route qui m'amène devant la maison des missionnaires de Caplou indiquée par un énorme panneau. Inratable !
De l'autre côté, un autre panneau de la même taille annonce un abri pour pèlerin, lui non plus inratable !
Sauf que... ce n'est pas sur le chemin ! Un œil sur mon GPS, je remarque que je me suis trompé de route. Retour en arrière. Un de plus !
En fait, si j'avais dézoomé la carte, j'aurai remarqué que cette route rattrapait le chemin plus loin en raccourcissant.
Mais quel intérêt ?
J'entre alors dans la forêt de la Bessède, laquelle du temps de Barker abritait nombre de loups comme en atteste son témoignage :
«À vrai dire, presque toutes ces collines sont revêtues d’un sombre manteau de forêts. C’est avec raison que toute cette contrée est nommée «Périgord Noir». C’est un district de France qui, chaque année, coûte une forte somme au gouvernement pour la prime donnée à ceux qui ont tué des loups».
De l'autre côté, un autre panneau de la même taille annonce un abri pour pèlerin, lui non plus inratable !
Sauf que... ce n'est pas sur le chemin ! Un œil sur mon GPS, je remarque que je me suis trompé de route. Retour en arrière. Un de plus !
En fait, si j'avais dézoomé la carte, j'aurai remarqué que cette route rattrapait le chemin plus loin en raccourcissant.
Mais quel intérêt ?
J'entre alors dans la forêt de la Bessède, laquelle du temps de Barker abritait nombre de loups comme en atteste son témoignage :
«À vrai dire, presque toutes ces collines sont revêtues d’un sombre manteau de forêts. C’est avec raison que toute cette contrée est nommée «Périgord Noir». C’est un district de France qui, chaque année, coûte une forte somme au gouvernement pour la prime donnée à ceux qui ont tué des loups».
J'arrive à Urval vers 17h30 passablement fatigué. C'est un charmant petit village, mais bien vide au moment où j'y passe. Je m'arrête tout de même un moment pour immortaliser le four banal du XIVe qui est toujours en fonctionnement. Il est effectivement utilisé lors de la fête du village au mois d'août.
À côté, l'imposante église du XIe et XIIe siècle domine le bourg.
Je ne verrai pas âme qui vive et surtout susceptible de me renseigner où poser ma tente ! Je continue donc en cherchant à droite à gauche un coin idéal pour mon bivouac.
Les kilomètres s'enchaînent et rien...
Au détour d'un chemin, je peste contre les paysans qui ferment leurs champs d'une clôture électrique alors qu'aucun troupeau n'y pait. Je rate un magnifique spot à cause de cela.
Mais il suffit que je me tourne et je trouve enfin un endroit qui, ma foi, n'est pas pire qu'ailleurs. Je dirais même mieux !
Bien caché au bord d'un bois, il permet de rester discret, ce qui est préférable quand on bivouaque sans autorisation.
Vendu !
J'y pose mon palace de toile, malgré la légère pente. Je mange une partie de mes maigres rations et me couche illico en espérant que la nuit sera sèche. De toute façon, je n'ai pas la force d'aller plus loin.
Dommage, à 300m près je rate le plus beau spot de bivouac du chemin...
À côté, l'imposante église du XIe et XIIe siècle domine le bourg.
Je ne verrai pas âme qui vive et surtout susceptible de me renseigner où poser ma tente ! Je continue donc en cherchant à droite à gauche un coin idéal pour mon bivouac.
Les kilomètres s'enchaînent et rien...
Au détour d'un chemin, je peste contre les paysans qui ferment leurs champs d'une clôture électrique alors qu'aucun troupeau n'y pait. Je rate un magnifique spot à cause de cela.
Mais il suffit que je me tourne et je trouve enfin un endroit qui, ma foi, n'est pas pire qu'ailleurs. Je dirais même mieux !
Bien caché au bord d'un bois, il permet de rester discret, ce qui est préférable quand on bivouaque sans autorisation.
Vendu !
J'y pose mon palace de toile, malgré la légère pente. Je mange une partie de mes maigres rations et me couche illico en espérant que la nuit sera sèche. De toute façon, je n'ai pas la force d'aller plus loin.
Dommage, à 300m près je rate le plus beau spot de bivouac du chemin...