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France - Espagne à vélo

(réalisé)
De Toulouse à Leon à vélo avec les enfants
vélo de randonnée
Quand : 30/07/2017
Durée : 17 jours
Carnet publié par Alex81 le 30 janv. 2018
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Le compte-rendu (mise à jour : 30 janv. 2018)

La quadrature du cercle
Comment concilier aventure et garde alternée

L’Isle-Jourdain dimanche 30 juillet 18h14. On descend à bonne allure la descente bordée de platanes qui permet d’entrer dans la ville. C’est agréable et le bivouac n’est pas loin : j’ai repéré un endroit qui me semble propice sur la carte copiée de mon atlas routier. Vlardada, bling, clang. Ce bruit derrière moi me glace car je sais que l’un des enfants, ou les deux, a loupé la transition route bordée d’herbe vers trottoir. Je freine à mort et immobilise mon lourd engin, je me retourne. C’est Lily, empêtrée dans son vélo. Noé a réussi à s’arrêter avant de lui passer dessus. Du premier coup d’œil je pose un premier diagnostic en bon secouriste que je suis : menton / épaule droite / genou droit, et peut-être tête. Le genou la préoccupe quand je surveille surtout le menton du coin de l’œil, et surtout que je guette sa manière de se relever, de se mouvoir. Ça débouchera sur une belle rencontre avec une famille qui nous regardaient admiratifs dans le rétroviseur de leur voiture.

L’aventure, c’est beau et c’est bien. C’est encore mieux quand on peut la partager, notamment en tant que parent. Papa « à mi-temps » je suis toujours tiraillé entre l’envie de partir vadrouiller seul (ou entre adultes) ce qui permet de l’aventure plutôt engagée, ou avec les enfants, ce qui donne un autre aspect, tout aussi intéressant.

La particularité du mi-temps, c’est que c’est difficile de partir au long cours : je n’ai pas envie de laisser mes enfants pendant très longtemps, car ils ont besoin de moi (et en plus ils me manquent sérieusement au bout d’un moment les bougres) et aussi il faut avoir suffisamment de congés pour passer avec eux la moitié des vacances scolaires, ce qui limite les jours disponibles pour la vadrouille solo. Bon mon employeur est plutôt conciliant mais il y a des limites. D’un autre côté leur maman n’est bizarrement pas très ouverte à me les laisser plus de 4 semaines d’affilée…De plus sa conception des vacances est radicalement opposée à la mienne avec toutes les angoisses que ça peut générer chez les enfants avant le départ.

De manière générale dans la vie, et en particulier pour l’aventure avec enfants en garde alternée, il ne faut pas se laisser intimider par ceux qui regardent par-dessus votre épaule en disant : ça ne va pas marcher. Tu te rends compte… Des enfants ! Ils sont petits. Si vous avez le moindre problème on vient vous chercher (ça fait chaud au cœur, mais ce n’est pas le but...sauf gros gros pépin) ! L’enfer est pavé de bonnes intentions. Non pas que je sois un ange !

L’aventure, surtout si l’on vise l’autonomie, demande de la flexibilité et du temps, pour pouvoir se laisser porter par les événements et les rencontres, et ne pas être enfermé dans un planning et un parcours rigides. Et seul ou avec les enfants, du temps je n’en ai que dans la limite d’environ 4 semaines et souvent plutôt 3 avec les contraintes professionnelles des 2 parents. Dans ces 4 semaines il faut aussi concilier un minimum leurs envies et les miennes. Eux, 13 et 11 ans, donc en mode ado ou presque (cf CA#46 et autres : l’ado aime rester dans sa tanière!), moi en mode baroud total. Je ne suis pas un grand aventurier mais je pratique pas mal la montagne et j’aime bien l’autonomie en rando notamment. Mais porter pour deux enfants, il faut être plutôt costaud (ça se fait hein mais j’aime économiser mon dos).

Donc cela revient à essayer de résoudre la quadrature du cercle (tracer avec seulement règle et compas un cercle et un carré d’aires égales). De manière strictement mathématique, c’est un problème insoluble. Mais ce qui est bien, c’est qu’on peut néanmoins tenter des les tracer et qu’après quelques tentatives on arrive à des aires égales, à l’épaisseur du trait près. Les sceptiques arriveront toujours à démontrer que ce n’est pas rigoureusement correct, mais le temps qu’ils fassent leur démonstration, vous avez le temps de partir faire votre trip et de revenir : ah c’était pas ça ? Pourtant on s’est bien amusés !Et il y en aura toujours pour vous donner un coup de coude intentionnel au moment où vous êtes en train de tracer avec application l’un des côtés de votre carré. Sans le savoir, ils aident parfois à obtenir rigoureusement la même surface que le cercle tracé auparavant, même si le carré résultant paraît un peu bancal au premier coup d’œil.

C’est comme ça qu’après quelques essais, grâce à Maud et Gaël (les Cyclopathes CA#???), je m’essaie à l’itinérance à vélo à 2 reprises en 2016 (avril canal du midi en bivouac sur 5 jours, novembre canal latéral à la Garonne en mode confort car avec des amis). Je ne peux pas me lancer dans un Nantes – Mer Noire faute de temps. Néanmoins l’été 2017 coup de chance je peux poser 4 semaines de congés et avoir les enfants pendant cette période. Le pied !

Je prévois donc de rejoindre Léon (en Castille et Léon!) à vélo depuis Toulouse avec départ le 30 juillet. Et comme les enfants veulent aussi se poser et que j’ai un rendez-vous : on restera quelques jours au nord de Léon et Burgos avant de rentrer par le train le 26 août. Au programme pour le début : 17 jours de vélo et 850km environ avec l’itinéraire que j’ai choisi, avec l’obligation d’être dans une ville le 11 août pour l’anniversaire de Lily. Et de mon côté : le maximum du temps en bivouac, au pire en camping, car les zones « civilisées » impliquent propriétés privées et hygiène minimum pour pouvoir visiter certains endroits. Et un col Pyrénéen pour ne pas passer pas la côte et ses hordes de plagistes. Globalement, sans le vouloir, mon itinéraire suit une route millénaire : le chemin de Saint Jacques. C’est pratique et intéressant mais je ne compte pas en rester prisonnier.

Le temps de préparer les vélos au printemps et de tester le matériel, et nous voilà partis. Le premier jour commence par des trains annulés et se termine donc par un magnifique gadin de Lily en bas d’une grande descente : bienvenue dans le Gers. La solidarité joue pour avoir du réconfort, soigner menton et genoux et déposer Lily qui ne veut pas remonter en selle dans un parc de l’autre côté de la ville. La suite du Gers permet de préparer les mollets pour les Pyrénées et le mental. Mais aussi de faire une très belle rencontre chez un couple de retraités de 80 ans qui nous accueillent sur leur terrain et nous invitent à manger. Nous repartirons avec des tomates du jardin mûres à point. Et ferons d’autres rencontres de cyclos notamment.

L’ascension du Col d’Ibaneta se passe bien, même si ça restera l’effort du voyage, et l’une des auberges de Roncevalles (Roncevaux) servira de lancement à la partie aventure culinaire de notre périple franco-espagnol. Comme on a bien roulé côté français (une journée à 80km alors que la moyenne prévue est de 50km journaliers), on a du temps en Espagne. Du coup le 11 août, on peut passer toute la journée à Burgos et profiter d’une apothéose de tapas entre deux visites : la cathédrale vaut le détour, les tapas aussi, notamment la Morcilla (délicieux boudin noir local). On découvre la Rioja puis la Castille où un mystère nous attend : champs de blés à perte de vue mais pas une vache, alors qu’en ville impossible de trouver des boulangeries, mais carniceria (boucheries/charcuteries) à chaque coin de rue ou presque. Noé file devant pendant que j’attends Lily, il se responsabilise même si parfois je le perds de vue. Mais en bon ado il se fâche quand je l’empêche de prendre la moitié de notre apéritif d’une seule grosse poignée le dernier soir du périple : « c’est trop nul ce voyage ! » dit-il avant de finalement se calmer.

On aura passé pas mal de temps en bivouac, 9 jours contre 7 en camping : pas assez à mon goût mais ce n’est pas évident de bivouaquer quand on dort près de zones urbaines. Et au final presque 1000km avec les détours pour chercher à manger, visiter, etc. J’en suis le premier surpris. Arrivés à Léon on a droit à un cours de tapas : « tapear » est un art. Normalement : tanto vino, tanto tapas…

Burgos, vendredi 25 août 10h23. Notre train arrive, et dès que la porte s’ouvre une contrôleuse à la cinquantaine très autoritaire et corpulente sort du wagon en disant no, no, no, no, essuie-glace du bras et de l’index à l’appui. Apparemment ce train n’accepte pas les vélos, et bien que ce n’était pas clairement indiqué sur le site internet ni sur nos billets, et que le train est à moitié vide en ce vendredi matin, elle sera intraitable et plutôt très désagréable. Je vois dans les yeux et le comportement de sa jeune collègue qu’elle nous aurait tolérés, elle. Son comportement presque agressif me pousse à m’énerver à mon tour mais rien n’y fait, même si elle n’a que peu de répondant à certaines de mes interrogations (Où est-ce indiqué sur mon billet ou sur le site internet ? Avez-vous été y voir récemment ?). Ceci dit après coup je suis plutôt fier de moi : c’est ma première dispute en espagnol, et je n’ai pas lâché le morceau faute de vocabulaire. Les cours en ligne et notre séjour de presque 4 semaines ont porté leurs fruits. Même les enfants commencent à comprendre ce qui se dit. Et ils observent que parfois il ne faut pas se résigner même si ça ne porte pas ses fruits : au moins je ressors avec fierté de cet incident malgré mon énervement. Heureusement un employé compatissant et débonnaire changera gratuitement notre billet non échangeable car en promo, après que nous ayons patiemment attendu pendant 1h que le serveur central de réservation de la Renfe soit réinitialisé. Il me fait même un joli paragraphe sur nos billets pour expliquer notre situation sous l’œil réprobateur de sa collègue qui persifle que ce n’est pas la procédure. Et coupe court à la litanie de sa collègue qu’il a ignoré superbement tout au long de sa rédaction par trois coups de tampons péremptoires : Chlack ! Chlack ! Chlack ! Il me tend nos billets avec un sourire et nous souhaite bon voyage. On a deux heures : largement de quoi trouver un restaurant de quartier sympa pour manger une dernière tortilla de patata avant de monter dans le train.

Le retour a été assez folklorique, ce n’est pas toujours évident avec les vélos, et en plus je ne veux pas me presser : on rentre en 3 jours et 8 trains (locaux pour la plupart), on fait encore de belles rencontres assez inattendues, et dans le tout dernier train, on se lie d’amitié avec un couple sympa nouvellement arrivé dans notre petite ville et qui rentre d’un bout de chemin de Saint Jacques à pied côté français : on a partagé quelques apéros depuis (oui c’est aussi autorisé hors bivouac!). Pendant le retour les enfants, ravis du voyage, se renseignent sur la possibilité de partir plus longtemps (3 mois? Mais pas forcément à vélo). Mais ils refuseront de l’admettre quelques jours après le retour. Comme d’habitude ! Heureusement que j’ai une bonne mémoire et que j’observe leurs sourires de voyageurs-aventuriers...
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