Journal de cavale : La Grande Traversée du confinement
Récit d'une traversée du Vercors originale
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vélo de randonnée
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Quand : 17/03/2020
Carnet publié par Vinc1
le 16 avr. 2021
modifié le 15 mai 2021
modifié le 15 mai 2021
Mobilité douce
Précisions :
Départ au col de Comboire en accès possible en bus ou vélo depuis Grenoble
392 lecteur(s)
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Vue d'ensemble
Le compte-rendu : Jour 1 (mise à jour : 16 avr. 2021)
Nouvelles du front - Jour 1
*** Grenoble ***
Annoncée la veille par le chef de l’Etat, les dernières restrictions de liberté sont importantes : plus personne ne peut sortir de chez lui sauf motif important valable.
J’ai vite réuni matériel et vivres : tout le monde s’est rué dans les magasins, c’était noir de monde, des queues aux caisses, et une panique certaine qui rappelait étrangement le premier épisode de la série télévisée “Effondrement” toujours en cours de diffusion. Dimanche, j’étais passé au marché pour prendre mes fromages préférés où l’ambiance était encore insouciante. Dans mon sac, j’ai de quoi tenir une semaine voir une dizaine de jours en me rationnant un peu. Pour le gaz, c’est plus compliqué car les magasins de sport font partie des commerces considérés comme non indispensables, alors j’ai réuni toutes les précieuses bonbonnes de gaz au 3/4 vides qui trainaient chez moi.
A midi, ça y est, les mesures en place pour l’Etat d’Urgence s’appliquent. Moi je suis déjà en fuite, mon vélo m’a déposé à l’accès le plus rapide du Vercors : Malhivert, 573m d’altitude, accès numéro 17 déniché dans le topoguide “50 Montagnes à découvrir en Isère sans voiture”. Dans un fourré j’accroche à un arbre ma monture car poursuivre à pied et loin des voies de circulation sera beaucoup plus discret. J’y croise un tracteur qui me salue amicalement. L’agriculture fait partie d’une des rares activités encore autorisée, même si on la méprise, il faut bien nourrir la population. J’ai donc décidé de me diriger vers le sud pour aller trouver refuge dans une zone peu peuplée et probablement moins surveillée. Par les pistes les moins parcourues et les moins connues, tel Sylvain Tesson sur ses chemins noirs, je cheminerais.
*** Grenoble ***
Annoncée la veille par le chef de l’Etat, les dernières restrictions de liberté sont importantes : plus personne ne peut sortir de chez lui sauf motif important valable.
J’ai vite réuni matériel et vivres : tout le monde s’est rué dans les magasins, c’était noir de monde, des queues aux caisses, et une panique certaine qui rappelait étrangement le premier épisode de la série télévisée “Effondrement” toujours en cours de diffusion. Dimanche, j’étais passé au marché pour prendre mes fromages préférés où l’ambiance était encore insouciante. Dans mon sac, j’ai de quoi tenir une semaine voir une dizaine de jours en me rationnant un peu. Pour le gaz, c’est plus compliqué car les magasins de sport font partie des commerces considérés comme non indispensables, alors j’ai réuni toutes les précieuses bonbonnes de gaz au 3/4 vides qui trainaient chez moi.
A midi, ça y est, les mesures en place pour l’Etat d’Urgence s’appliquent. Moi je suis déjà en fuite, mon vélo m’a déposé à l’accès le plus rapide du Vercors : Malhivert, 573m d’altitude, accès numéro 17 déniché dans le topoguide “50 Montagnes à découvrir en Isère sans voiture”. Dans un fourré j’accroche à un arbre ma monture car poursuivre à pied et loin des voies de circulation sera beaucoup plus discret. J’y croise un tracteur qui me salue amicalement. L’agriculture fait partie d’une des rares activités encore autorisée, même si on la méprise, il faut bien nourrir la population. J’ai donc décidé de me diriger vers le sud pour aller trouver refuge dans une zone peu peuplée et probablement moins surveillée. Par les pistes les moins parcourues et les moins connues, tel Sylvain Tesson sur ses chemins noirs, je cheminerais.
*** A la Tourbière du Peuil ***
Après une heure de marche, je parviens à la fameuse tourbière du Peuil, une curiosité pour un massif calcaire comme le Vercors qui a l’habitude d’aspirer toute l’eau dans ses galeries souterraines.
Cette tourbière résulte en fait d’un lac formé au fil des dernières glaciations et réchauffements. Ainsi, il y a 200 000 ans, la glaciation du Riss a provoqué un éboulement de la falaise à l’origine de la formation du plateau du Peuil, puis lors de la dernière glaciation de la période du Würm, un énorme glacier recouvrait la vallée du Drac dont il est difficile d’imaginer la taille : il y a plus de 25 000 ans, sa glace laissait tout juste émerger le haut des falaises qui se trouvent sous mes yeux… et c’est donc lors du dernier retrait glaciaire il y a 16 000 ans que le lac est naturellement apparu avant de se refermer comme c’est le destin de tout lac sur notre planète.
Ce milieu naturel est fragile : composé d’eau, de mousses aquatiques (ces “sphaignes” peuvent retenir 40 fois le poids en eau !), de plantes carnivores et de végétaux en décomposition, il permet désormais à des arbres de recoloniser l’espace et abrite ainsi une grande richesse de biodiversité ; il est désormais protégé en tant qu’Espace Naturel Sensible. Les scientifiques y reconstituent le climat passé à partir de carottage des pollens déposés au cours de la décomposition des végétaux.
Les dernières recherches montrent par ailleurs que les tourbières et leurs mousses constituent des milieux naturels particulièrement adaptés dans le contexte du réchauffement climatique : elles constituent des puits de carbone des plus efficaces pour capter le CO2 tout en résistant aux sécheresses.
Après une heure de marche, je parviens à la fameuse tourbière du Peuil, une curiosité pour un massif calcaire comme le Vercors qui a l’habitude d’aspirer toute l’eau dans ses galeries souterraines.
Cette tourbière résulte en fait d’un lac formé au fil des dernières glaciations et réchauffements. Ainsi, il y a 200 000 ans, la glaciation du Riss a provoqué un éboulement de la falaise à l’origine de la formation du plateau du Peuil, puis lors de la dernière glaciation de la période du Würm, un énorme glacier recouvrait la vallée du Drac dont il est difficile d’imaginer la taille : il y a plus de 25 000 ans, sa glace laissait tout juste émerger le haut des falaises qui se trouvent sous mes yeux… et c’est donc lors du dernier retrait glaciaire il y a 16 000 ans que le lac est naturellement apparu avant de se refermer comme c’est le destin de tout lac sur notre planète.
Ce milieu naturel est fragile : composé d’eau, de mousses aquatiques (ces “sphaignes” peuvent retenir 40 fois le poids en eau !), de plantes carnivores et de végétaux en décomposition, il permet désormais à des arbres de recoloniser l’espace et abrite ainsi une grande richesse de biodiversité ; il est désormais protégé en tant qu’Espace Naturel Sensible. Les scientifiques y reconstituent le climat passé à partir de carottage des pollens déposés au cours de la décomposition des végétaux.
Les dernières recherches montrent par ailleurs que les tourbières et leurs mousses constituent des milieux naturels particulièrement adaptés dans le contexte du réchauffement climatique : elles constituent des puits de carbone des plus efficaces pour capter le CO2 tout en résistant aux sécheresses.
*** Pré du Four ***
Je poursuis mon chemin en direction du Plateau de St Ange. Au Pré du Four, j’aperçois au loin une bête au pelage roux en train de paître tranquillement dans le champ, je m’en approche doucement tout en restant à distance pour ne pas la faire fuir.
Petits bois hissés sur la tête. C’est un chevreuil, en fait 2, non 3...4... 5 chevreuils. Je me pose pour mieux les contempler. En levant la tête, quel panorama ! On aperçoit les sommets du Sud de la Chartreuse, faiblement enneigé en cette fin d’hiver à cause d’une saison particulièrement chaude. Plus à l’Est, les chaînes de montagnes encore bien blanches : Belledonne, Le Taillefer et un peu plus loin les Ecrins, je rêverais d’être catapulté dans ces combes enneigées pour cette période particulièrement appropriée pour le ski de printemps.
Je poursuis mon chemin en direction du Plateau de St Ange. Au Pré du Four, j’aperçois au loin une bête au pelage roux en train de paître tranquillement dans le champ, je m’en approche doucement tout en restant à distance pour ne pas la faire fuir.
Petits bois hissés sur la tête. C’est un chevreuil, en fait 2, non 3...4... 5 chevreuils. Je me pose pour mieux les contempler. En levant la tête, quel panorama ! On aperçoit les sommets du Sud de la Chartreuse, faiblement enneigé en cette fin d’hiver à cause d’une saison particulièrement chaude. Plus à l’Est, les chaînes de montagnes encore bien blanches : Belledonne, Le Taillefer et un peu plus loin les Ecrins, je rêverais d’être catapulté dans ces combes enneigées pour cette période particulièrement appropriée pour le ski de printemps.
*** Saint Paul de Varces ***
Le froid m’incite à poursuivre pour trouver une cabane pour la nuit. En consultant le site Refuges.info, je trouve la cabane la plus proche, la baraque forestière de l’Echarina. Je dois d’abord descendre sur le village de Saint Paul de Varces où j’arrive de nuit. Me voilà au village que je dois traverser. Ne pas se faire repérer. Mais j’avais pas pensé aux chiens… à la première maison venue, ça aboie…
Je jette un coup d’oeil à ma carte IGN : je dois remonter une route de 3km de long bordée de maisons, ça va pas être évident….
Tant pis, je reprends ma respiration et j'accélère le pas sans me retourner. Toutes les 5 minutes, ça aboie.
Mais voici enfin la fin du village. Sauvé!
Je passe devant le monument aux morts rappelant cette époque où nos ancêtres avaient sû résister face à l’oppression. Le Vercors était parsemé de telles croix érigées, siglées des noms des nombreux villageois qui avaient choisi en conscience de rejoindre le maquis malgré le risque que cela représentait.
De là, il ne me reste plus que 150m de dénivelé pour rejoindre ma cabane.
Suivre la grosse piste jusqu’au bout.
Mais voilà je me retrouve soudainement dans une impasse. Aurais-je raté la bonne piste ?
Du bruit. Je me sens observer.
Je vois 2 yeux briller dans le noir. Puis 4, puis 6, puis 8.
Je finis par distinguer une forme, un sanglier !
Je pointe ma frontale dans sa direction et je découvre toute la famille.
Autour de moi, des réservoirs avec du maïs, sans doute un coup des chasseurs pour faire proliférer cette espèce et pouvoir continuer de chasser.
C’est pas tout mais il va bien falloir trouver cette maudite cabane.
Je rebrousse chemin et découvre un carrefour que je n’avais pas aperçu avec mon trop faible éclairage. La nouvelle piste se poursuit par un semblant de sentier au milieu de hautes broussailles. Je tente. Bonne pioche, voilà une maisonnette.
Le froid m’incite à poursuivre pour trouver une cabane pour la nuit. En consultant le site Refuges.info, je trouve la cabane la plus proche, la baraque forestière de l’Echarina. Je dois d’abord descendre sur le village de Saint Paul de Varces où j’arrive de nuit. Me voilà au village que je dois traverser. Ne pas se faire repérer. Mais j’avais pas pensé aux chiens… à la première maison venue, ça aboie…
Je jette un coup d’oeil à ma carte IGN : je dois remonter une route de 3km de long bordée de maisons, ça va pas être évident….
Tant pis, je reprends ma respiration et j'accélère le pas sans me retourner. Toutes les 5 minutes, ça aboie.
Mais voici enfin la fin du village. Sauvé!
Je passe devant le monument aux morts rappelant cette époque où nos ancêtres avaient sû résister face à l’oppression. Le Vercors était parsemé de telles croix érigées, siglées des noms des nombreux villageois qui avaient choisi en conscience de rejoindre le maquis malgré le risque que cela représentait.
De là, il ne me reste plus que 150m de dénivelé pour rejoindre ma cabane.
Suivre la grosse piste jusqu’au bout.
Mais voilà je me retrouve soudainement dans une impasse. Aurais-je raté la bonne piste ?
Du bruit. Je me sens observer.
Je vois 2 yeux briller dans le noir. Puis 4, puis 6, puis 8.
Je finis par distinguer une forme, un sanglier !
Je pointe ma frontale dans sa direction et je découvre toute la famille.
Autour de moi, des réservoirs avec du maïs, sans doute un coup des chasseurs pour faire proliférer cette espèce et pouvoir continuer de chasser.
C’est pas tout mais il va bien falloir trouver cette maudite cabane.
Je rebrousse chemin et découvre un carrefour que je n’avais pas aperçu avec mon trop faible éclairage. La nouvelle piste se poursuit par un semblant de sentier au milieu de hautes broussailles. Je tente. Bonne pioche, voilà une maisonnette.
*** Baraque de l’Echarina ***
La propreté de cette cabane est l’affaire de tous. Signé l’ONF.
Aménagement intérieur sommaire : 2 chaises, une petite table et un poêle à bois mais sans le tuyau pour évacuer la fumée. J’allume les bougies. Je pense à cet anniversaire que nous aurions dû fêter ce soir si je n’avais pas dû fuir. Epuisé, j engloutie vite fait mon délicieux repas : soupe au milles et un légumes et couscous-maquereaux à la moutarde-fromage.
Je découvre aussi un petit carnet bleu complété par quelques hôtes de passages. On y parle de mouflons, de neige, de grimpettes et d’aventures. Et si moi aussi je racontais la mienne ?
C’est ainsi que je commence à griffonner cette histoire sur ce petit carnet. Il me suivra tout au long de mon périple.
La propreté de cette cabane est l’affaire de tous. Signé l’ONF.
Aménagement intérieur sommaire : 2 chaises, une petite table et un poêle à bois mais sans le tuyau pour évacuer la fumée. J’allume les bougies. Je pense à cet anniversaire que nous aurions dû fêter ce soir si je n’avais pas dû fuir. Epuisé, j engloutie vite fait mon délicieux repas : soupe au milles et un légumes et couscous-maquereaux à la moutarde-fromage.
Je découvre aussi un petit carnet bleu complété par quelques hôtes de passages. On y parle de mouflons, de neige, de grimpettes et d’aventures. Et si moi aussi je racontais la mienne ?
C’est ainsi que je commence à griffonner cette histoire sur ce petit carnet. Il me suivra tout au long de mon périple.