Voilà, j'ai rédigé un "petit" récit de mon premier voyages pour des amis, je me suis dit que je pourrais aussi vous le proposer rien de bien exceptionnel, mais c'est mon premier voyage, donc j'en suis très fier et très heureux, et je tiens à le faire partager J'ai décidé sur un coup de tête, lundi après-midi de faire le trajet Lorient – Quiberon à pied. La crémaillère de deux amis à Lorient me donnait le point de départ, et comme le trajet m'intéressait beaucoup, j'ai décidé de le tenter. C'est un voyage de test, ou j'espère voir jusqu'ou je peux me pousser. Mon matériel est vétuste, voir néolithique : un sac de rando pas cher emprunté à ma mère, une petite tente vieille de 15ans et à l'étanchéité plus que douteuse, un duvet d'été très fin, un matelas auto-gonflant, des chaussures à grosses semelles pas vraiment taillées pour marcher. En supplément, j'emporte ma tenue propre (un jean et un t-shirt), une tenue de rechange (jean et t-shirt), et une tenue de route (short en jean et t-shirt sans manche). Pour la nuit, je prévois aussi un plaid polaire qui complètera mon sac de couchage. J'ai aussi une carte IGN de la région, deux crayons, un miroir, mon téléphone portable, mon APN, et quelques bricoles. J'emmène aussi 1L d'eau, 4 petits pains au chocolat, deux barres de céréales, 5 pommes et une boite de maquereaux au vin blanc.
Soirée très sympathique chez les Lorientais, et le lendemain matin, départ à 11h grâce à une amie qui m'amène gentillement jusqu'au port de pêche. La navette de 11h30 me permet d'économiser une journée de voyage en rejoignant Port-Louis par la mer. Mon ticket me permet aussi de faire la traversée Port-Louis – Gâvres, parfait. Seul point noir : il pleut ... une petite averse, mais depuis 10h, le ciel est totalement bouché. Pas handicapant, mais génant.
Autre soucis : j'attrape le bus qui fait la navette entre les deux ports, mais je rate l'arrêt qui me permet de prendre le bateau pour Gâvres... pas grave, je décide alors de partir à pied. Le terminal du bus est Riantec, ce sera donc mon départ réel. A peine 1km plus loin, première arrêt pour troquer ma tenue propre contre ma tenue de route, t-shirt sans manche gris foncé et short en jean vert kaki délavé. Première erreur. La route se poursuit, et arrive le premier bled, au nom poétique de Groac'h Carnec. Je prend à droite, et rattrape le GR34, que je vais suivre sur environ 3km jusqu'au lieu-dit de Kevran.
Premier arrêt forcé, car la pluie qui avait disparu depuis l'arrivée à Riantec, revient à la charge et devient vraiment trop drue pour moi qui, par excès de confiance dans les prévisions météo, n'ai pas de protection efficace. Toutefois le sur-sac orange fluo fourni avec le sac s'avère efficace et recouvre intégralement mon sac, matelas et tente compris. Mais moi, je suis mouillé. Pas de quoi s'inquiéter, il fait bon, je profite d'une acalmie pour repartir. Je suis de nouveau le GR34, sur environ 1km, jusqu'au lieu-dit de Kerzine, ou je le perd une première fois. La pluie étant toujours menacante, je poursuis, et passe un second t-shirt pour éviter la petite baisse de température. Seconde erreur. Marchant uniquement avec ma carte et mon sens de l'orientation, j'avance sur encore 3km avant de me rendre à l'évidence : le parcours est mal indiqué, je n'ai pas retrouvé le GR.
Je décide alors de la jouer aventurier, j'y vais au feeling. Et me voici rendu à crapahuter dans les dunes désertes et battues par les vents de la zone militaire du Champs de tir de Gâvres. Je zigzague ainsi sur près de 2km éprouvant physiquement – marcher dans le sable est fatiguant, surtout chargé – et un peu déprimant pour le paysage. Mais j'atteind finalement une route. Me fiant à ma carte, je prend à gauche, et me dirige vers le Vieux Passage, pour franchir la rivière d'Etel par le pont de Kervarlay. Troisième erreur. Encore 2km et me voici au petit port, ou le découragement me frappe. Il est déjà 16h, je n'ai marché qu'à peine 10km, et il m'en reste encore au moins autant à faire pour pouvoir bivouaquer là où je le voudrais ... un petit vieux sur le port m'apprend l'existence d'un bateau navette qui traverse vers Etel, ce qui me ferait gagner 6km et beaucoup de temps ! Mais cette navette se trouve au Magouër, à 3km de là ... soit 500m de la route où j'ai pris à gauche précédemment ...
Mais ne nous laissons pas abattre pour si peu, allons-y gaiement, d'autant que le soleil se met à briller, dégagant un beau ciel bleu. 2Km d'un joli petit sentier cotier par endroit infesté de guèpes suffisent à m'amener à destination, et à attraper presque directement la navette, pilotée par un sympathique marin qui au passage m'explique ou trouver la superette du coin pour les achats nécessaires à la fin de journée.
Me voici enfin à Etel ! Direction la superette, achat du ravitaillement : pain, boite de maquereaux à la moutarde, 2L d'eau, 500gr de pain d'épice et un rouleau de sacs poubelle de 130L. Mais il est déjà 17h quand je sors du Shoppi, et la perspective de camper dans les dunes tristes et peu abrittées du Champs de tir ne me sourie guère ... j'en suis à envisager sérieusement de poursuivre en stop quand, flanant dans les petites rues du village, je tombe sur un panneau Gare Routière. En fait de gare, il s'agit de deux abris bus en verre où les collégiens attendent le bus après les cours ... je ravale mon orgueil d'aventurier débutant et demande aux chauffeurs qui discutent si l'un d'eux va en direction de Quiberon. Une femme me propose de me déposer à Plouharnel avec son transport scolaire, soit à la base de la presqu'ile. Je saute sur l'occasion.
Il est 17h50 quand j'atteind Plouharnel, trichant ainsi une bonne demie-journée de chemin laborieux et ennuyeux. Le temps se maintenant assez bien, je choisi de continuer un peu vers Quiberon, histoire de pouvoir de camper là ou j'en avais vraiment envie. 3Km plus loin, je suis la route principale de Quiberon, qui longe la voix ferrée, et bifurque vers l'ouest dans la zone militaire où se trouve un gigantesque complexe de bunkers allemands de la Seconde Guerre : les canons qui défendaient l'entrée du port de Lorient et prévenaient d'un débarquement sur les plages séparant Gâvres de Plouharnel D'immenses masses de béton armé d'où partent des rails qui servaient à traqueter les canons parcèment la dune et lui donnent une allure de décort hollywoodien à la Band of Brother. Le temps redevient maussage en ce début de soirée, un vent frais de nord-ouest rameute des nuages gris et cotonneux. Les dunes désertes deviennent soudain beaucoup moins attrayantes, les jeunes pins courbés par les vents permanents semble vaguement effrayant, et les bunkers désaffectés ajoutent une touche très glauque au paysage. Après avoir en vain cherché un emplacement pratique, abrité de l'éventuelle pluie et du vent, je renonce, ce n'est pas ici que je dormirai.
Je choisi de tenter ma chance sur la cote est de la presqu'ile, plus boissée et probablement moins venteuse grâce aux grands pins de chaque coté des voies de circulation. Je traverse la route, avance un peu à travers les herbes, et opte finalement pour un petit emplacement entre un ciprès et un pin, à une dizaine de mètre de la voie ferrée. Pratiquement plus aucun train ne passant sur cette voie, je ne serais pas dérangé. Il est 19h30, le camps est installé.
Les nuages gris et l'air se raffraichissant me font craindre la pluie durant la nuit ... ma tente n'étant définitivement pas étanche, je me prépare, au cas ou. Deux sacs poubelles viennent renforcer le tapis de sol de ma tente, pour prévenir les déchirures et infiltration d'eau. Je met également mon sac et toutes mes affaires, sauf le strict nécessaire, dans un autre sac. S'il pleut, et que la tente ne tient pas, je serais mouillé, le matelas et le duvet aussi, mais pas le reste. Me voilà près pour la nuit.
La douleur qui a commencé à se faire sentir à Etel est justifiée : mes jambes sont douloureuses après trop d'inactivité les années passées, et mes pieds se vengent du mauvais traitement que leur font subir mes chaussures inadaptée : j'ai une belle collection d'ampoules. Mais ces soucis mis à part, je suis heureux de mon sort. Un rapide casse-croute composé d'un sandwich pain complet – maquereaux au vin blanc, quelques tranches de pain d'épices, quelques sms, un chapitre d'un bon livre, et un bon sommeil réparateur à partir de 20h.
Sommeil qui durera jusqu'à 4h15 du matin, heure à laquelle je me réveille sans raison apparente. 8h pile de sommeil, serait-ce mon corps qui se règle déjà de lui-même sur un rythme qui lui convient ? Toujours est-il que je ne suis pas bien avancé, ne pouvant pas partir à cette heure là. Je tente donc de me rendormir, en vain avant les environs de 5h30. Les conséquences se font sentir : réveil un peu plus dur à 9h. Je plis le camps un peu précipitamment, des guèpes commencant à s'intéresser d'un peu trop à l'un des arbres qui protègent ma tente. Il est 9h30, une nouvelle journée de marche débute.
Les courbatures aux jambes et au dos passent rapidement, et je prend un bon rythme. J'ai bivouaqué exactement là où je le voulais, à environ 3km avant l'isthme de Quiberon, à la limite de la zone boisée. Suivant la route, je progresse rapidement de 2km avant de rejoindre le GR34 à l'entrée de Penthièvre. Il longe la plage sur 2km jusqu'au Fort Penthièvre, avant de traverser l'isthme pour se prolonger sur la cote est de la presqu'ile. Comptant le suivre afin de retraverser la presqu'ile un peu plus loin et poursuivre mon chemin sur la cote ouest, j'avance sur un petit sentier cotier, et perd une nouvelle fois brutalement le circuit, trop éblouis par le paysage et la joie de cette première expérience. Mais la beauté du paysage est la plus forte, je continue sur ma lancée, et longe la cote sur 1km. Je décide pourtant de me rabattre vers la route, ma réserve d'eau commencant à sérieusement diminuer, j'espère trouver un magasin pour me ravitailler.
Après 2km pénible sur la route ou se succèdent voitures, poids-lourds et bus qui me frolent très vite et très près, il est près de midi quand j'arrive en vue d'un petit bar. Je décide de m'y arrêter, boire un orangina bien frais et demander à recharger ma bouteille d'eau. Le gérant est très sympathique, me ravitaille en eau fraiche, et me guide très précisement vers mon objectif : la gare de Quiberon. Il m'explique comment rejoindre le chemin cotier, et de là, comment savoir jusqu'ou aller pour retrouver facilement la gare. Sur un remerciement, je repars, suivant ses conseils. Ma carte m'aurait fourni les mêmes indications que lui, mais le contact humain avec une personne du coin est tout de même plus appréciable. Après un petit kilomètre à travers des lotissements cossu et un camping luxueux, me voici au Rohu, ou je retrouve la plage. Il est déjà 12h30, et la faim se fait sentir, résultat du frugal petit-dèj (un pain au chocolat et une barre céréalière) avalé en marchant. Mais je décide poursuivre le plus possible, oubliant la faim et la douleur aux pieds qui devient très génante. Je dépasse St-Julien, ou le barman m'avait dit devoir tourner, pour finalement poser le sac à quelques centaines de mètre de Kermorvan, et casser la graine.
Repas simple et délicieux – étonnant comme un aliment simple peut paraitre bon quand on a vraiment faim – composé d'un sandwich aux maquereaux à la moutarde, et de quelques tranches de pain d'épice et d'une pomme, puis une pause bien méritée d'une heure et demie pour lire et se reposer, la chaleur et le soleil déconseillant une marche forcée. Mais le départ est dur, très dur. Les ampoules aux pieds sont très douloureuses, et je n'ai pas de quoi les crever et les panser ; je paie en prime ma première erreur, le frottement de mon short m'irrite les cuisses de manière inquiètante. Si je n'avais pas décidé de rentrer ce jour-là, j'aurai été forcé de le faire quoi qu'il en soit. Je rejoins péniblement la gare, dont je n'étais en fait pas très loin. Je réserve un billet pour le retour à Vannes, via Auray. Le bus partant à 17h15, j'ai encore plus de 2h de libre, et décide d'aller jusqu'au bout du voyage, jusqu'à la Grande Plage de Quiberon. Il est 15h, la route est derrière moi, la plage sous mes semelles, la mer devant moi, ça y est, j'ai atteind mon objectif !
Le retour est sans histoire, un peu déprimant. Ce qui m'a pris plus de 8h à franchir à pied, avec des instants de joies à la découverte de chaque nouveau paysage, n'a pris que 20 petites minutes en bus. Bonus supplémentaire, le bus arrive à la gare d'Auray avec 5min de retard, la correspondance ne m'a pas attendu, et je dois prendre le train suivant. Coup de chance, j'ai hésité à prendre celui de 19h05 et non 18h47. Arrivé à Vannes, je vois à l'arrêt de bus que le dernier trajet de la ligne qui me ramène à ma résidence est à 19h13 ... j'ai bien fais de ne pas contredire l'agent SNCF qui a échangé mon billet, ou j'aurai du clopiner sur encore 4km à travers Vannes pour rentrer chez moi. Finalement arrivé à la résidence, retour violent à la réalité devant tous les étudiants qui me regardaient passer d'un oeil méprisant. Il est vrai que mon accoutrement short tout moche / veste en laine kaki / grosses chaussures / chapeau de paille / barbe d'une semaine / lunette de soleil / odeur du gars qui n'a pas pris de douche depuis 3jours n'est pas la dernière mode dans les amphis, mais bon ... il a aussi fallu passer chez le gardien, puisque j'ai oublié mes clés à Lorient. Non, n'insistez pas, je ne retournerai pas les chercher à pied ! Du moins, pas avant quelques jours
Voilà donc le petit récit d'un petit voyage, qui a l'honneur d'être mon premier et donc particulièrement important ! Je l'ai dis, c'était un test, et globalement, le résultat est positif. J'ai physiquement tenu le coup (ou presque), le moral n'entrant pas vraiment en ligne de compte sur un trajet aussi court, mon matériel de qualité médiocre aussi a tenu. J'ai su faire face aux problèmes, et contourner les difficultés quand elles sont survenues.
Je tire les leçons de mes erreurs :
- prévoir des itinéraires de rechanges, ou à défaut, mieux préparer le trajet de base. Je suis parti un peu dans la précipitation, mais le “voyage” ne comportait aucun danger, puisque je devais toujours être dans des zones habitées. Pour des voyages plus long, je prendrais bien évidemment plus qu'une heure pour étudier la carte
- faire attention aux vêtements choisis, ne pas porter de vieux jean / caleçon en tissu de mauvaise qualité. J'ai de belles iritations aux jambes qui me gènent encore un peu aujourd'hui. Ou alors envisager d'apporter des bandes pour limiter les dégats (j'ai un grain de beauté très mal placé à l'intérieur de la cuisse droite, le bander empêcherait les vêtements quels qu'ils soient de frotter).
- mieux choisir mes chaussures. Si mes grosses chaussures m'ont bien servis dans les parties caillouteuses des sentiers, ou sur les rochers des plages. Mais pour la longue marche sur routes et sable, elles s'avèrent lourdes à porter, et sinonyme de grosses ampoules. Le prochain voyage se fera avec une bonne paire de chaussures de sport.
- emporter divers bricoles que je n'avais pas jugé utile d'acheter (entre autre faute de temps et d'argent) compte tenu du trajet prévu : un couteau suisse qui m'aurai aidé à découper mes sacs poubelles, des pansements éventuellement, qui m'auraient permis de soulager l'iritation des jambes, etc.
- et surtout, ne pas se surestimer
mon objectif était peut-être un peu trop élevé pour moi qui ne suis pas/plus habitué à faire de telles activités physiques. Il faudra s'entrainer ! Bien qu'au final, j'ai marché près de 15km chaque jours, mon manque d'endurance s'est fait sentir le lendemain du retour par de violentes courbatures. Mais l'aventure est vraiment addictive. Si le premier soir du retour, j'ai dormi comme un loir, la nuit dernière a été plus dure, le désir de repartir est une force vraiment ahurissante !!! le simple faire d'avoir marché deux jours, dans la douleur par moment, mais toujours dans la joie, m'a assuré de ma vocation.
Je comprend maintenant pleinement la phrase de Chris McCandless : “The freedom and simple beauty is just to good to pass up”. Marcher, simplement, aller toujours en avant, jusqu'à avoir atteind son but, libre de tout et de tous, est vraiment quelque chose qu'on ne peut oublier quand on en a fait l'expérience. Même le simple fait de marcher un peu à l'aveuglette, de n'avoir qu'une idée approximative de l'endroit ou l'on se trouve sur la carte, de continuer au jugé, se fiant à son instinct et son sens de l'orientation, ce simple fait est grisant. Le regard étrange que vous jettent les gens quand ils vous voient passer avec votre sac sur le dos est envouteur, même s'ils le veulent méprisant ou outré, ce qui du reste est rarement le cas, on vous prend plus souvent pour un original que pour un fou, mais l'on discute amicalement avec vous et on vous aide si vous en manifestez le besoin. Cette vie est décidément très, très attirante
Prochain objectif : même trajet, mais par la cote ouest
Et pour finir, quelques photos
Début du GR34, peu après Groarc'h Carnec :
On poursuit, sur le bord des champs...
... entre les champs ...
... et l'on atteri quelques 3km plus loin, dans les dunes de la zone militaire
parfois des chemins pour véhicules
et au delà, rien que la dune battue par les vents
Encore quelques kilomètres plus loin, le sentier cotier entre le Vieux Passage et le Magouët, ou m'attendant la navette salvatrice
So breizh
Les nuages inquiètant du début de soirée, dans les dunes de la zone de bunkers ...
le toit d'un des bunker, perdu dans les pins
Mon bivouac au petit matin, avant de partir
Alexander Supertramp
La voie ferrée qui s'étend presque tout droit jusqu'à la mer
La piste sur le bord de la route, pour cycles et piétons, très pratiquable
La plage, près de l'isthme
Fort Penthièvre
Panoramique un peu raté de l'isthme
Sentier cotier de l'est
La plage de ma pause midi
Et enfin, panoramique de la grande plage de Quiberon
J'ai décidé sur un coup de tête, lundi après-midi de faire le trajet Lorient – Quiberon à pied. La crémaillère de deux amis à Lorient me donnait le point de départ, et comme le trajet m'intéressait beaucoup, j'ai décidé de le tenter. C'est un voyage de test, ou j'espère voir jusqu'ou je peux me pousser. Mon matériel est vétuste, voir néolithique : un sac de rando pas cher emprunté à ma mère, une petite tente vieille de 15ans et à l'étanchéité plus que douteuse, un duvet d'été très fin, un matelas auto-gonflant, des chaussures à grosses semelles pas vraiment taillées pour marcher. En supplément, j'emporte ma tenue propre (un jean et un t-shirt), une tenue de rechange (jean et t-shirt), et une tenue de route (short en jean et t-shirt sans manche). Pour la nuit, je prévois aussi un plaid polaire qui complètera mon sac de couchage. J'ai aussi une carte IGN de la région, deux crayons, un miroir, mon téléphone portable, mon APN, et quelques bricoles. J'emmène aussi 1L d'eau, 4 petits pains au chocolat, deux barres de céréales, 5 pommes et une boite de maquereaux au vin blanc.
Soirée très sympathique chez les Lorientais, et le lendemain matin, départ à 11h grâce à une amie qui m'amène gentillement jusqu'au port de pêche. La navette de 11h30 me permet d'économiser une journée de voyage en rejoignant Port-Louis par la mer. Mon ticket me permet aussi de faire la traversée Port-Louis – Gâvres, parfait. Seul point noir : il pleut ... une petite averse, mais depuis 10h, le ciel est totalement bouché. Pas handicapant, mais génant.
Autre soucis : j'attrape le bus qui fait la navette entre les deux ports, mais je rate l'arrêt qui me permet de prendre le bateau pour Gâvres... pas grave, je décide alors de partir à pied. Le terminal du bus est Riantec, ce sera donc mon départ réel. A peine 1km plus loin, première arrêt pour troquer ma tenue propre contre ma tenue de route, t-shirt sans manche gris foncé et short en jean vert kaki délavé. Première erreur. La route se poursuit, et arrive le premier bled, au nom poétique de Groac'h Carnec. Je prend à droite, et rattrape le GR34, que je vais suivre sur environ 3km jusqu'au lieu-dit de Kevran.
Premier arrêt forcé, car la pluie qui avait disparu depuis l'arrivée à Riantec, revient à la charge et devient vraiment trop drue pour moi qui, par excès de confiance dans les prévisions météo, n'ai pas de protection efficace. Toutefois le sur-sac orange fluo fourni avec le sac s'avère efficace et recouvre intégralement mon sac, matelas et tente compris. Mais moi, je suis mouillé. Pas de quoi s'inquiéter, il fait bon, je profite d'une acalmie pour repartir. Je suis de nouveau le GR34, sur environ 1km, jusqu'au lieu-dit de Kerzine, ou je le perd une première fois. La pluie étant toujours menacante, je poursuis, et passe un second t-shirt pour éviter la petite baisse de température. Seconde erreur. Marchant uniquement avec ma carte et mon sens de l'orientation, j'avance sur encore 3km avant de me rendre à l'évidence : le parcours est mal indiqué, je n'ai pas retrouvé le GR.
Je décide alors de la jouer aventurier, j'y vais au feeling. Et me voici rendu à crapahuter dans les dunes désertes et battues par les vents de la zone militaire du Champs de tir de Gâvres. Je zigzague ainsi sur près de 2km éprouvant physiquement – marcher dans le sable est fatiguant, surtout chargé – et un peu déprimant pour le paysage. Mais j'atteind finalement une route. Me fiant à ma carte, je prend à gauche, et me dirige vers le Vieux Passage, pour franchir la rivière d'Etel par le pont de Kervarlay. Troisième erreur. Encore 2km et me voici au petit port, ou le découragement me frappe. Il est déjà 16h, je n'ai marché qu'à peine 10km, et il m'en reste encore au moins autant à faire pour pouvoir bivouaquer là où je le voudrais ... un petit vieux sur le port m'apprend l'existence d'un bateau navette qui traverse vers Etel, ce qui me ferait gagner 6km et beaucoup de temps ! Mais cette navette se trouve au Magouër, à 3km de là ... soit 500m de la route où j'ai pris à gauche précédemment ...
Mais ne nous laissons pas abattre pour si peu, allons-y gaiement, d'autant que le soleil se met à briller, dégagant un beau ciel bleu. 2Km d'un joli petit sentier cotier par endroit infesté de guèpes suffisent à m'amener à destination, et à attraper presque directement la navette, pilotée par un sympathique marin qui au passage m'explique ou trouver la superette du coin pour les achats nécessaires à la fin de journée.
Me voici enfin à Etel ! Direction la superette, achat du ravitaillement : pain, boite de maquereaux à la moutarde, 2L d'eau, 500gr de pain d'épice et un rouleau de sacs poubelle de 130L. Mais il est déjà 17h quand je sors du Shoppi, et la perspective de camper dans les dunes tristes et peu abrittées du Champs de tir ne me sourie guère ... j'en suis à envisager sérieusement de poursuivre en stop quand, flanant dans les petites rues du village, je tombe sur un panneau Gare Routière. En fait de gare, il s'agit de deux abris bus en verre où les collégiens attendent le bus après les cours ... je ravale mon orgueil d'aventurier débutant et demande aux chauffeurs qui discutent si l'un d'eux va en direction de Quiberon. Une femme me propose de me déposer à Plouharnel avec son transport scolaire, soit à la base de la presqu'ile. Je saute sur l'occasion.
Il est 17h50 quand j'atteind Plouharnel, trichant ainsi une bonne demie-journée de chemin laborieux et ennuyeux. Le temps se maintenant assez bien, je choisi de continuer un peu vers Quiberon, histoire de pouvoir de camper là ou j'en avais vraiment envie. 3Km plus loin, je suis la route principale de Quiberon, qui longe la voix ferrée, et bifurque vers l'ouest dans la zone militaire où se trouve un gigantesque complexe de bunkers allemands de la Seconde Guerre : les canons qui défendaient l'entrée du port de Lorient et prévenaient d'un débarquement sur les plages séparant Gâvres de Plouharnel D'immenses masses de béton armé d'où partent des rails qui servaient à traqueter les canons parcèment la dune et lui donnent une allure de décort hollywoodien à la Band of Brother. Le temps redevient maussage en ce début de soirée, un vent frais de nord-ouest rameute des nuages gris et cotonneux. Les dunes désertes deviennent soudain beaucoup moins attrayantes, les jeunes pins courbés par les vents permanents semble vaguement effrayant, et les bunkers désaffectés ajoutent une touche très glauque au paysage. Après avoir en vain cherché un emplacement pratique, abrité de l'éventuelle pluie et du vent, je renonce, ce n'est pas ici que je dormirai.
Je choisi de tenter ma chance sur la cote est de la presqu'ile, plus boissée et probablement moins venteuse grâce aux grands pins de chaque coté des voies de circulation. Je traverse la route, avance un peu à travers les herbes, et opte finalement pour un petit emplacement entre un ciprès et un pin, à une dizaine de mètre de la voie ferrée. Pratiquement plus aucun train ne passant sur cette voie, je ne serais pas dérangé. Il est 19h30, le camps est installé.
Les nuages gris et l'air se raffraichissant me font craindre la pluie durant la nuit ... ma tente n'étant définitivement pas étanche, je me prépare, au cas ou. Deux sacs poubelles viennent renforcer le tapis de sol de ma tente, pour prévenir les déchirures et infiltration d'eau. Je met également mon sac et toutes mes affaires, sauf le strict nécessaire, dans un autre sac. S'il pleut, et que la tente ne tient pas, je serais mouillé, le matelas et le duvet aussi, mais pas le reste. Me voilà près pour la nuit.
La douleur qui a commencé à se faire sentir à Etel est justifiée : mes jambes sont douloureuses après trop d'inactivité les années passées, et mes pieds se vengent du mauvais traitement que leur font subir mes chaussures inadaptée : j'ai une belle collection d'ampoules. Mais ces soucis mis à part, je suis heureux de mon sort. Un rapide casse-croute composé d'un sandwich pain complet – maquereaux au vin blanc, quelques tranches de pain d'épices, quelques sms, un chapitre d'un bon livre, et un bon sommeil réparateur à partir de 20h.
Sommeil qui durera jusqu'à 4h15 du matin, heure à laquelle je me réveille sans raison apparente. 8h pile de sommeil, serait-ce mon corps qui se règle déjà de lui-même sur un rythme qui lui convient ? Toujours est-il que je ne suis pas bien avancé, ne pouvant pas partir à cette heure là. Je tente donc de me rendormir, en vain avant les environs de 5h30. Les conséquences se font sentir : réveil un peu plus dur à 9h. Je plis le camps un peu précipitamment, des guèpes commencant à s'intéresser d'un peu trop à l'un des arbres qui protègent ma tente. Il est 9h30, une nouvelle journée de marche débute.
Les courbatures aux jambes et au dos passent rapidement, et je prend un bon rythme. J'ai bivouaqué exactement là où je le voulais, à environ 3km avant l'isthme de Quiberon, à la limite de la zone boisée. Suivant la route, je progresse rapidement de 2km avant de rejoindre le GR34 à l'entrée de Penthièvre. Il longe la plage sur 2km jusqu'au Fort Penthièvre, avant de traverser l'isthme pour se prolonger sur la cote est de la presqu'ile. Comptant le suivre afin de retraverser la presqu'ile un peu plus loin et poursuivre mon chemin sur la cote ouest, j'avance sur un petit sentier cotier, et perd une nouvelle fois brutalement le circuit, trop éblouis par le paysage et la joie de cette première expérience. Mais la beauté du paysage est la plus forte, je continue sur ma lancée, et longe la cote sur 1km. Je décide pourtant de me rabattre vers la route, ma réserve d'eau commencant à sérieusement diminuer, j'espère trouver un magasin pour me ravitailler.
Après 2km pénible sur la route ou se succèdent voitures, poids-lourds et bus qui me frolent très vite et très près, il est près de midi quand j'arrive en vue d'un petit bar. Je décide de m'y arrêter, boire un orangina bien frais et demander à recharger ma bouteille d'eau. Le gérant est très sympathique, me ravitaille en eau fraiche, et me guide très précisement vers mon objectif : la gare de Quiberon. Il m'explique comment rejoindre le chemin cotier, et de là, comment savoir jusqu'ou aller pour retrouver facilement la gare. Sur un remerciement, je repars, suivant ses conseils. Ma carte m'aurait fourni les mêmes indications que lui, mais le contact humain avec une personne du coin est tout de même plus appréciable. Après un petit kilomètre à travers des lotissements cossu et un camping luxueux, me voici au Rohu, ou je retrouve la plage. Il est déjà 12h30, et la faim se fait sentir, résultat du frugal petit-dèj (un pain au chocolat et une barre céréalière) avalé en marchant. Mais je décide poursuivre le plus possible, oubliant la faim et la douleur aux pieds qui devient très génante. Je dépasse St-Julien, ou le barman m'avait dit devoir tourner, pour finalement poser le sac à quelques centaines de mètre de Kermorvan, et casser la graine.
Repas simple et délicieux – étonnant comme un aliment simple peut paraitre bon quand on a vraiment faim – composé d'un sandwich aux maquereaux à la moutarde, et de quelques tranches de pain d'épice et d'une pomme, puis une pause bien méritée d'une heure et demie pour lire et se reposer, la chaleur et le soleil déconseillant une marche forcée. Mais le départ est dur, très dur. Les ampoules aux pieds sont très douloureuses, et je n'ai pas de quoi les crever et les panser ; je paie en prime ma première erreur, le frottement de mon short m'irrite les cuisses de manière inquiètante. Si je n'avais pas décidé de rentrer ce jour-là, j'aurai été forcé de le faire quoi qu'il en soit. Je rejoins péniblement la gare, dont je n'étais en fait pas très loin. Je réserve un billet pour le retour à Vannes, via Auray. Le bus partant à 17h15, j'ai encore plus de 2h de libre, et décide d'aller jusqu'au bout du voyage, jusqu'à la Grande Plage de Quiberon. Il est 15h, la route est derrière moi, la plage sous mes semelles, la mer devant moi, ça y est, j'ai atteind mon objectif !
Le retour est sans histoire, un peu déprimant. Ce qui m'a pris plus de 8h à franchir à pied, avec des instants de joies à la découverte de chaque nouveau paysage, n'a pris que 20 petites minutes en bus. Bonus supplémentaire, le bus arrive à la gare d'Auray avec 5min de retard, la correspondance ne m'a pas attendu, et je dois prendre le train suivant. Coup de chance, j'ai hésité à prendre celui de 19h05 et non 18h47. Arrivé à Vannes, je vois à l'arrêt de bus que le dernier trajet de la ligne qui me ramène à ma résidence est à 19h13 ... j'ai bien fais de ne pas contredire l'agent SNCF qui a échangé mon billet, ou j'aurai du clopiner sur encore 4km à travers Vannes pour rentrer chez moi. Finalement arrivé à la résidence, retour violent à la réalité devant tous les étudiants qui me regardaient passer d'un oeil méprisant. Il est vrai que mon accoutrement short tout moche / veste en laine kaki / grosses chaussures / chapeau de paille / barbe d'une semaine / lunette de soleil / odeur du gars qui n'a pas pris de douche depuis 3jours n'est pas la dernière mode dans les amphis, mais bon ... il a aussi fallu passer chez le gardien, puisque j'ai oublié mes clés à Lorient. Non, n'insistez pas, je ne retournerai pas les chercher à pied ! Du moins, pas avant quelques jours
Voilà donc le petit récit d'un petit voyage, qui a l'honneur d'être mon premier et donc particulièrement important ! Je l'ai dis, c'était un test, et globalement, le résultat est positif. J'ai physiquement tenu le coup (ou presque), le moral n'entrant pas vraiment en ligne de compte sur un trajet aussi court, mon matériel de qualité médiocre aussi a tenu. J'ai su faire face aux problèmes, et contourner les difficultés quand elles sont survenues.
Je tire les leçons de mes erreurs :
- prévoir des itinéraires de rechanges, ou à défaut, mieux préparer le trajet de base. Je suis parti un peu dans la précipitation, mais le “voyage” ne comportait aucun danger, puisque je devais toujours être dans des zones habitées. Pour des voyages plus long, je prendrais bien évidemment plus qu'une heure pour étudier la carte
- faire attention aux vêtements choisis, ne pas porter de vieux jean / caleçon en tissu de mauvaise qualité. J'ai de belles iritations aux jambes qui me gènent encore un peu aujourd'hui. Ou alors envisager d'apporter des bandes pour limiter les dégats (j'ai un grain de beauté très mal placé à l'intérieur de la cuisse droite, le bander empêcherait les vêtements quels qu'ils soient de frotter).
- mieux choisir mes chaussures. Si mes grosses chaussures m'ont bien servis dans les parties caillouteuses des sentiers, ou sur les rochers des plages. Mais pour la longue marche sur routes et sable, elles s'avèrent lourdes à porter, et sinonyme de grosses ampoules. Le prochain voyage se fera avec une bonne paire de chaussures de sport.
- emporter divers bricoles que je n'avais pas jugé utile d'acheter (entre autre faute de temps et d'argent) compte tenu du trajet prévu : un couteau suisse qui m'aurai aidé à découper mes sacs poubelles, des pansements éventuellement, qui m'auraient permis de soulager l'iritation des jambes, etc.
- et surtout, ne pas se surestimer mon objectif était peut-être un peu trop élevé pour moi qui ne suis pas/plus habitué à faire de telles activités physiques. Il faudra s'entrainer ! Bien qu'au final, j'ai marché près de 15km chaque jours, mon manque d'endurance s'est fait sentir le lendemain du retour par de violentes courbatures. Mais l'aventure est vraiment addictive. Si le premier soir du retour, j'ai dormi comme un loir, la nuit dernière a été plus dure, le désir de repartir est une force vraiment ahurissante !!! le simple faire d'avoir marché deux jours, dans la douleur par moment, mais toujours dans la joie, m'a assuré de ma vocation.
Je comprend maintenant pleinement la phrase de Chris McCandless : “The freedom and simple beauty is just to good to pass up”. Marcher, simplement, aller toujours en avant, jusqu'à avoir atteind son but, libre de tout et de tous, est vraiment quelque chose qu'on ne peut oublier quand on en a fait l'expérience. Même le simple fait de marcher un peu à l'aveuglette, de n'avoir qu'une idée approximative de l'endroit ou l'on se trouve sur la carte, de continuer au jugé, se fiant à son instinct et son sens de l'orientation, ce simple fait est grisant. Le regard étrange que vous jettent les gens quand ils vous voient passer avec votre sac sur le dos est envouteur, même s'ils le veulent méprisant ou outré, ce qui du reste est rarement le cas, on vous prend plus souvent pour un original que pour un fou, mais l'on discute amicalement avec vous et on vous aide si vous en manifestez le besoin. Cette vie est décidément très, très attirante
Prochain objectif : même trajet, mais par la cote ouest
Et pour finir, quelques photos
Début du GR34, peu après Groarc'h Carnec :
On poursuit, sur le bord des champs...
... entre les champs ...
... et l'on atteri quelques 3km plus loin, dans les dunes de la zone militaire
parfois des chemins pour véhicules
et au delà, rien que la dune battue par les vents
Encore quelques kilomètres plus loin, le sentier cotier entre le Vieux Passage et le Magouët, ou m'attendant la navette salvatrice
So breizh
Les nuages inquiètant du début de soirée, dans les dunes de la zone de bunkers ...
le toit d'un des bunker, perdu dans les pins
Mon bivouac au petit matin, avant de partir
Alexander Supertramp
La voie ferrée qui s'étend presque tout droit jusqu'à la mer
La piste sur le bord de la route, pour cycles et piétons, très pratiquable
La plage, près de l'isthme
Fort Penthièvre
Panoramique un peu raté de l'isthme
Sentier cotier de l'est
La plage de ma pause midi
Et enfin, panoramique de la grande plage de Quiberon
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