Voyager en mobilité douce
Même lorsqu'on pratique le voyage itinérant sans moyen motorisé - à moins de commencer le voyage dès le pas de sa porte d'y revenir- on utilise des transports motorisés au moins pour se rendre au point de départ du voyage, et pour rentrer.
Une part significative de nos émissions de gaz à effet de serre a pour origine le transport (~40% en France), en particulier les transports routiers et aérien. Face au paradigme du « tout voiture », le concept de mobilité douce, d'écomobilité ou de mobilité durable, regroupe « des modes de transport jugés moins nuisibles pour l'environnement, sûrs et sobres, en particulier à moindre contribution aux émissions de gaz à effet de serre » (Wikipédia). La mobilité douce offre une alternative écoresponsable aussi bien lors de nos déplacements quotidiens que de nos voyages.
Conjointement avec les dossiers "Mobilité douce" publié dans Carnets d'Aventures 56 et 69, cet article se propose d'explorer un peu plus le concept de mobilité douce, et donne des infos et conseils pour préparer son voyage en mobilité douce. Nous vous conseillons également vivement la lecture de notre article CO2 mon amour - Les transports motorisés !
« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux »
Marcel Proust
« En vérité, je ne voyage pas, moi, pour atteindre un endroit précis, mais pour marcher : simple plaisir de voyager »
Robert Louis Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes
Une part significative de nos émissions de gaz à effet de serre a pour origine le transport (~40% en France), en particulier les transports routiers et aérien. Face au paradigme du « tout voiture », le concept de mobilité douce, d'écomobilité ou de mobilité durable, regroupe « des modes de transport jugés moins nuisibles pour l'environnement, sûrs et sobres, en particulier à moindre contribution aux émissions de gaz à effet de serre » (Wikipédia). La mobilité douce offre une alternative écoresponsable aussi bien lors de nos déplacements quotidiens que de nos voyages. C’est ce dernier point que nous abordons plus spécialement dans cet article, mais gardons en tête que c’est l’ensemble de nos actions qui fera une différence sur la santé du climat. Par mobilité douce, nous entendons donc les moyens non motorisés (la marche, le vélo, le kayak...) ainsi que le train et plus généralement les transports en commun de surface car ce sont des alternatives pertinentes pour réduire l’impact global de nos déplacements.
Partons de deux exemples :
- Paris - Grenoble : 575 km par la route. En voiture, ce voyage vous prendra 5h20, consommera 30L de carburant et rejettera environ 100 kg de CO2 (pour une voiture récente), disons donc 50 kg par passager car c’est toujours plus agréable de voyager à deux. Allons-y à présent en train, on arrivera en 3 heures, durant lesquelles nous auront bouquiné Carnets d’aventures, on aura virtuellement consommé 0L de pétrole et les émissions de CO2 seront d’environ 2 kg par passager…
- Un vol aller-retour Paris - Buenos-Aires émettra 4 tonnes de CO2 par passager, de quoi environ doubler son bilan carbone annuel. Les chiffres parlent d’eux-mêmes… Nous sommes de plus en plus écoresponsables dans nos gestes du quotidien, mais pour ce qui est de nos vacances, nous avons souvent tendance à oublier ces bonnes résolutions et à sous-estimer (par méconnaissance ?) l’impact réel de nos actions (« je fais des efforts toute l’année, ce n’est donc pas gênant si je fais un trajet aérien pour mes vacances » sans prendre en compte que celui-ci peut doubler mon bilan carbone annuel).
Il est vrai que la mobilité douce impose quelques contraintes, notamment en transport en commun, comme des horaires précis, parfois des correspondances à gérer, et potentiellement le coût qui peut être plus élevé par personne (c’est le cas dans notre exemple Paris - Grenoble). Mais demandons-nous plutôt pourquoi favoriser la mobilité douce, nous voyons ici trois raisons pertinentes :
- Accessibilité : partons du constat qu’en France le réseau ferré est particulièrement bien développé et des zones, mêmes reculées, sont accessibles en train ou transport en commun. Par ailleurs, on compte aujourd’hui 20.000 km de véloroute juste en France. Des solutions existent déjà mais il faut évidemment développer et favoriser une politique cohérente ayant pour but de proposer aux usagers une alternative écoresponsable à la voiture (comme par exemple, ne pas supprimer les trains de nuits, ou proposer des alternatives fiables), notamment pour les trajets du quotidien. De même pour les déplacements en Europe, la mobilité douce est une bonne alternative à la voiture ou l’avion. Lors d’un voyage que j’ai pu faire en Laponie, le train depuis Oslo restait plus intéressant que le « tout avion » si nous prenions en compte l’intégralité des horaires et les coûts associés.
- Écoresponsabilité : la raison principale de choisir la mobilité douce est évidemment environnementale. Se déplacer à vélo a un impact qui n’est en rien comparable à celui d’un trajet, même court, en voiture. Là encore, souvent par méconnaissance des ordres de grandeur de l’impact de nos actions, on peut remarquer des « incohérences » dans nos comportements : par exemple, on constate que jeter en montagne les ordures de son pique-nique ne viendrait à l'idée de (quasiment) personne et est massivement considéré comme écologiquement choquant, alors prendre quotidiennement la voiture pour des petits trajets qui seraient aisément faisables autrement est dans les habitudes de beaucoup, sans que l'on prenne conscience de l’impact de ces trajets sur le réchauffement climatique, la destruction des espaces sauvages... En France, le nombre moyen d’occupants d’une voiture pour des déplacements de loisir se situe aux alentours de 2 (1,5 pour les transports quotidiens domicile-travail). Les Français parcourent par an environ 725 milliards de kilomètres en voiture contre 8 milliards en transport en commun. Imaginez le gain environnemental majeur que représenterait une baisse ne serait-ce que de 5% de notre utilisation de la voiture.
- Santé et société : si c’est bon pour la planète, ça l’est également (surtout) pour nous et notre qualité de vie, à court, moyen, et long terme. Se déplacer à vélo ou à pied permet de pratiquer une activité physique, avec tous les bénéfices que cela procure dans nos vies souvent trop sédentaires. De plus la réduction des polluants atmosphériques a une incidence directe sur la qualité de l’air et donc sur notre santé (la pollution de l’air est responsable de 800.000 décès par an en Europe). En se déplaçant en train, on réduit la fatigue par rapport à la voiture. On peut lire, dormir, rencontrer de nouvelles personnes, etc.
Outre ces raisons, la mobilité douce nous apporte une autre richesse : elle permet de changer notre conception du voyage et l’approche que l’on en a. Elle remet l’humain et sa connexion à son monde au centre du voyage. Prenons de nouveau un exemple. Si je pars d’Orléans pour Nantes, je peux le faire en quelques heures en voiture, c’est bien, c’est efficace… En train également, même durée approximative, mais déjà j’ai le temps de suivre les paysages, de voir la Loire sinuer le long de son cours, de savourer un peu plus l’instant.
Et pourquoi ne pas l’envisager à vélo ? Vous partirez alors pour quelques jours (et pour certains quelques douleurs aux fesses ) mais finalement, vous allez vivre la Loire de l’intérieur, passer au cœur d’une zone classée au patrimoine mondial de l’Unesco, pique-niquer à Chambord plutôt que sur une aire d’autoroute, le soir vous camperez ou bien vous logerez dans une petite maison d’hôte… Bref, le trajet prend une ampleur tout autre et finalement un banal Orléans - Nantes se transforme en aventure !
Nous oublions trop souvent cette dimension dans nos déplacements ; pouvoir voyager loin rapidement est devenu si évident que cela en a perdu sa part de magie. Le trajet ne fait plus vraiment partie de l’expérience, alors que la mobilité douce le remet au cœur de l’aventure. Le lien qui relie les points A et B fait partie du voyage et n’est plus une contrainte. À terme ce qui était un moyen devient une fin en soi. On ne voyage plus forcément pour partir quelque part mais c’est partir qui devient un voyage.
À l’heure du « toujours plus » – plus vite, plus loin –, la mobilité douce propose donc un contrepied, celui de la vraie découverte et par là même, une approche plus romantique du voyage. Nous pourrions (devrions) nous demander systématiquement : « Ai-je besoin d’aller au bout du monde pour mes vacances ? N’y a-t-il pas à portée de main de belles aventures à vivre ? »
Il n’est pas toujours simple de changer ses habitudes mais si nous souhaitons encore profiter des espaces sauvages, nous le devons ; encore plus nous tous, les amoureux de la nature. Changeons pas à pas, réalisons une transition douce. De mon côté, je continue à remettre en question mon mode de vie au quotidien ; longue est ma route mais la graine est là et elle germe...
Préparer son voyage en mobilité douce
Internet est évidemment une bonne source d’informations pour préparer son voyage, trouver les transports adaptés, consulter des horaires, réserver un trajet, etc.
Voici quelques liens et notes :
- Notre article CO2 mon amour - Les transports motorisés !
- Calculer son bilan carbone : Good Planet, MicMac d'avenirclimatique.org
- Rome2Rio répertorie de nombreuses solutions pour vous rendre partout en train, bus, ferry…
Trains
- Mollow, No Plane To Go et Hourrail : infos pratiques et idées de voyages en France et dans le monde, sans avion ni voiture
- Seat 61 : véritable petite bible (anglophone) pour prendre le train dans le monde entier, pays par pays.
- Le monde en train : moins complet mais intéressant aussi (et en français).
Note sur les trains de nuit : même si leur nombre se réduit malheureusement drastiquement en France, il en existe encore ailleurs dans le monde (cf. lien ci-dessous). Remarquons que voyager de nuit, en train ou en ferry où l’on peut bien dormir, permet de mieux profiter de son temps et ainsi mieux « rentabiliser » la durée du trajet.
Note : le phénomène nommé « flygskam » en Suède – qui signifie « la honte de prendre l'avion » – gagne de plus en plus la population européenne et pousse les voyageurs à favoriser le train – « trainbrag » : « fierté du train » (cf. CO2 mon amour - Les transports motorisés).
- voyagerentrain.fr et leurs 2 livres guides en France et en Europe.
Ferries : il existe de nombreuses lignes de ferries en Europe, pensons-y ! C’est parfois très économique, surtout sans véhicule. Voir par exemple Ferry Center, A Ferry, Direct Ferries…
Voile : la coopérative Sailcoop propose des traversées à la voile vers la Corse et en Bretagne, en plein développement, des transat à venir...
Bus : ils se sont multipliés en Europe ces dernières années et sont souvent économiques (Euro Lines, Flixbus, Ouibus/BlablaBus, etc.), voir par ex. Comparabus. Ils ont parfois la fâcheuse tendance à remplacer les trains de nuit malheureusement, et il est souvent malaisé d’y emporter un vélo (gros flou : certains cars ont des porte-vélos, d’autres non, parfois il faut démonter le vélo pour le mettre en soute, parfois le chauffeur ne veut pas, parfois on ne peut pas réserver à l’avance…), mais ils existent tout de même !
Vélos et transports en commun : notre article complet pour voyager avec son vélo.
Avec Changer d'Approche, Mountain Wilderness promeut les sorties en montagne avec accès en transports en commun. Voir leurs brochures « 10 idées de sorties en montagne sans voiture » déclinées dans de plus en plus de zones de France. Voir également le Mobiguide 50 randonnées sans voiture en Isère publié par l'association Alpes Là !
Pour de plus amples informations, liens et outils utiles sur l'empreinte carbone des différentes modes de transport, le calcul de son bilan carbone... rdv sur CO2 mon amour - Les transports motorisés
Plusieurs sites internet permettent de calculer notre bilan carbone. Cf. ci-dessus ! Certains sont plus complets que d’autres. Celui qui nous semble le plus complet tout en restant facile à utiliser est MicMac d’Avenir Climatique.
Nous nous sommes amusés à calculer le bilan carbone avec et sans avion. Sans avion on augmente le kilométrage annuel en voiture, car pour partir ça pourra être le moyen de voyager utilisé comme alternative à l’avion.
Donc pour une personne qui consomme peu de viande, mange bio, se chauffe au bois, fait 5.000 km de voiture par an et fait un aller-retour Paris Buenos-Aires, l’émission d’équivalent carbone sera de 2,75 tonnes (soit à peu près dans la moyenne française malgré ses efforts par ailleurs).
Si on refait le calcul en supprimant le vol et en doublant son kilométrage annuel en voiture (on passe de 5.000 à 10.000 km avec une berline qui consomme autour de 5,5l/100km) son bilan va malgré tout baisser à 1,6 tonnes d’équivalent carbone !
Le vol en avion vers l’Amérique du Sud va majorer de plus de 70% le bilan annuel global de la personne, et cela malgré l’augmentation très significative du nombre de kilomètres parcourus en voiture. Ainsi, le moyen le plus simple de faire très nettement baisser son bilan carbone, quand on est voyageur, qu’on fait déjà attention par ailleurs à son impact, est de ne pas prendre l’avion…