COVID le voyage interdit
Octobre 2020, en plein Covid, un second confinement se dessine.
Nous prendrons la route depuis Agay dans le sud de la France et nous mettrons le cap sur Zakopane en Pologne, pays d'origine de ma compagne, en espérant des jours meilleurs une fois là-bas. Mais la liberté a un prix, seule issue : la route, les forêts, l'inconnu... Nous enchaînerons les kilomètres à l'aide de deux vieux vélos, ils nous faudra faire face aux problèmes, seuls, autonomes, affrontant des conditions météorologiques compliquées, les forêts comme ange gardien de nos nuits dehors, puis parfois, une rencontre, une porte qui s'ouvre, la Providence. Durant cette aventure hors du commun, nous serons les spectateurs d'un monde paralysé, où la peur règne, où les restrictions durcissent de jour en jour, où faire des plans n'existe plus, où le gîte et la douche chaude, quand l'appel du confort arrive, ne seront plus qu'un lointain souvenir. Nous vivrons au jour le jour ne pouvant compter que sur nous-mêmes et nos modestes connaissances en survie. Nous apprendrons énormément, ferons de belles rencontres, vivrons des émotions très fortes et dépasserons nos limites. Nous parviendrons à atteindre notre but le 3 janvier 2021 après 65 jours de route à travers l'Europe, une aventure qui restera gravée dans nos mémoires.
Nous prendrons la route depuis Agay dans le sud de la France et nous mettrons le cap sur Zakopane en Pologne, pays d'origine de ma compagne, en espérant des jours meilleurs une fois là-bas. Mais la liberté a un prix, seule issue : la route, les forêts, l'inconnu... Nous enchaînerons les kilomètres à l'aide de deux vieux vélos, ils nous faudra faire face aux problèmes, seuls, autonomes, affrontant des conditions météorologiques compliquées, les forêts comme ange gardien de nos nuits dehors, puis parfois, une rencontre, une porte qui s'ouvre, la Providence. Durant cette aventure hors du commun, nous serons les spectateurs d'un monde paralysé, où la peur règne, où les restrictions durcissent de jour en jour, où faire des plans n'existe plus, où le gîte et la douche chaude, quand l'appel du confort arrive, ne seront plus qu'un lointain souvenir. Nous vivrons au jour le jour ne pouvant compter que sur nous-mêmes et nos modestes connaissances en survie. Nous apprendrons énormément, ferons de belles rencontres, vivrons des émotions très fortes et dépasserons nos limites. Nous parviendrons à atteindre notre but le 3 janvier 2021 après 65 jours de route à travers l'Europe, une aventure qui restera gravée dans nos mémoires.
Quand : 29/10/2020
Durée : 65 jours
Durée : 65 jours
Distance globale :
1782km
Dénivelées :
+11873m /
-10980m
Alti min/max : 10m/1167m
Carnet publié par Chris et Ada
le 25 avr.
modifié le 09 oct.
modifié le 09 oct.
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en
train
Précisions :
Une partie se fera en train, entre Théoule-sur-Mer et Vintimille, à la frontière italienne, afin d'éviter de justesse la fermeture du pays. Nous parcourrons également une cinquantaine de kilomètres en voiture en Hongrie, pour honorer la généreuse ...
Une partie se fera en train, entre Théoule-sur-Mer et Vintimille, à la frontière italienne, afin d'éviter de justesse la fermeture du pays. Nous parcourrons également une cinquantaine de kilomètres en voiture en Hongrie, pour honorer la généreuse proposition d'une personne au grand cœur.
Coup de coeur !
760 lecteur(s)
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Vue d'ensemble
Le topo : Section 5 (mise à jour : 29 avr.)
Distance section :
325km
Dénivelées section :
+3856m /
-4157m
Section Alti min/max : 159m/1167m
Description :
Slovénie, une nouvelle fois nous plongeons vers l'inconnu. Le voyage se corse, les températures chutent, l'hiver est là, les montagnes se dressent face à nous. La vraie aventure démarre enfin.
Milieu traversé :
Environnement : [campagne]
Biotope : [neige]
Le compte-rendu : Section 5 (mise à jour : 29 avr.)
27 NOVEMBRE
Je m'affaire sur le vieil étrier de frein Mafac ce matin. Pas simple, mais je m'en sors pas trop mal, et le vélo est vite remis sur pied. Nous sortons de la forêt et découvrons une splendide mer de nuages en contrebas. Le ciel est dégagé, le soleil brille. Nous enfourchons nos vieux coucous et dévalons la pente joyeusement vers Idrsko.
Pas un chat dans le petit bled d'Idrsko. Nous arrivons ensuite à l'embranchement de la route 102 qui longe une rivière et traverse une partie du pays. Elle nous emmènera à Tolmin, une des villes principales, notre prochaine étape où nous espérons trouver refuge.
Ce côté de la vallée est encore dans l'ombre, et le bas-côté est recouvert de givre. On se les caille, et la route continue de descendre. Difficile de pédaler avec nos cinq vitesses. Nous nous laissons filer avant de nous arrêter frigorifiés et d'enfiler nos gants pour la première fois du périple.
Nous entrons dans Tolmin sous un grand soleil qui nous réconforte. Et bonne nouvelle, un bar est ouvert, et nous pouvons consommer à l'extérieur. Nous descendons quelques shots de vodka pour fêter notre entrée en Slovénie et pour, soi-disant, se réchauffer. Nous faisons sourire quelques clients encore au café. Il faut dire qu'il est à peine 11h du matin, et que notre look est plutôt original. Ada a enfiler sa chapka. Ambiance très Europe de l'est, nous sommes vite dans l'ambiance !
Je file prospecter les alentours à la recherche d'une auberge ou autre. Tout semble fermé, et les quelques personnes qui apparaissent sur le palier me refusent catégoriquement l'entrée, lois Covid obligent. Ils n'acceptent aucun client et ont l'air très à cheval sur les règles. Ou alors, c'est peut-être mon look, ou les vapeurs de vodka ? Mais la chance finit par me sourire. Une femme m'annonce qu'un ami à elle peut peut-être nous louer un appartement, et je lui passe un coup de fil. Nous fixons un rendez-vous, et je file retrouver Ada.
Nous rencontrons David, jeune sympa. Il nous ouvre un petit appartement qu'il accepte de nous louer pour une ou deux nuits. Il nous annonce aussi que les restrictions se corsent dès demain : masque obligatoire dans la rue, couvre-feu de 21h à 6h, et seulement les magasins de première nécessité ouverts. Eh bien, nous ferons avec. En attendant, nous sommes les heureux locataires d'un joli appartement, et allons récupérer un peu. Nous filons faire le plein de provisions et trouvons deux petits plaids en laine qui s'ajouteront à notre barda.
Je m'affaire sur le vieil étrier de frein Mafac ce matin. Pas simple, mais je m'en sors pas trop mal, et le vélo est vite remis sur pied. Nous sortons de la forêt et découvrons une splendide mer de nuages en contrebas. Le ciel est dégagé, le soleil brille. Nous enfourchons nos vieux coucous et dévalons la pente joyeusement vers Idrsko.
Pas un chat dans le petit bled d'Idrsko. Nous arrivons ensuite à l'embranchement de la route 102 qui longe une rivière et traverse une partie du pays. Elle nous emmènera à Tolmin, une des villes principales, notre prochaine étape où nous espérons trouver refuge.
Ce côté de la vallée est encore dans l'ombre, et le bas-côté est recouvert de givre. On se les caille, et la route continue de descendre. Difficile de pédaler avec nos cinq vitesses. Nous nous laissons filer avant de nous arrêter frigorifiés et d'enfiler nos gants pour la première fois du périple.
Nous entrons dans Tolmin sous un grand soleil qui nous réconforte. Et bonne nouvelle, un bar est ouvert, et nous pouvons consommer à l'extérieur. Nous descendons quelques shots de vodka pour fêter notre entrée en Slovénie et pour, soi-disant, se réchauffer. Nous faisons sourire quelques clients encore au café. Il faut dire qu'il est à peine 11h du matin, et que notre look est plutôt original. Ada a enfiler sa chapka. Ambiance très Europe de l'est, nous sommes vite dans l'ambiance !
Je file prospecter les alentours à la recherche d'une auberge ou autre. Tout semble fermé, et les quelques personnes qui apparaissent sur le palier me refusent catégoriquement l'entrée, lois Covid obligent. Ils n'acceptent aucun client et ont l'air très à cheval sur les règles. Ou alors, c'est peut-être mon look, ou les vapeurs de vodka ? Mais la chance finit par me sourire. Une femme m'annonce qu'un ami à elle peut peut-être nous louer un appartement, et je lui passe un coup de fil. Nous fixons un rendez-vous, et je file retrouver Ada.
Nous rencontrons David, jeune sympa. Il nous ouvre un petit appartement qu'il accepte de nous louer pour une ou deux nuits. Il nous annonce aussi que les restrictions se corsent dès demain : masque obligatoire dans la rue, couvre-feu de 21h à 6h, et seulement les magasins de première nécessité ouverts. Eh bien, nous ferons avec. En attendant, nous sommes les heureux locataires d'un joli appartement, et allons récupérer un peu. Nous filons faire le plein de provisions et trouvons deux petits plaids en laine qui s'ajouteront à notre barda.
29 NOVEMBRE
Nous reprenons du service après deux jours de repos bien mérités. Nous en avons profité pour faire le plein de calories, dormir et apprécier la douche chaude. Très peu d'apparition en ville, de toute façon, la situation ne s'y prête pas vraiment. Difficile d'aller vers l'autre en ce moment, et puis on n'est pas là pour faire du tourisme. Ce voyage n'est pas comme les autres, les objectifs sont bien différents, nous ne pouvons rien prévoir. Le comportement des gens a changé, mais après tous mes voyages, celui-ci a un véritable goût d'aventure.
Pâtisseries locales ce matin et un dernier check des vélos avant le départ. Ma roue avant commence à faire des siennes. Les roulements dans le moyeu ont dû en prendre un coup avec le poids des chaussures de ski. Elle a du jeu et vient régulièrement frotter contre les patins. Un coup de clé de temps en temps limite le problème, mais je ne sais pas combien de temps elle va résister.
Nos premiers coups de pédales pour sortir de la ville se font dans un vent de face qui nous glace le visage. L'impression de faire du surplace, surtout que le sac de provisions est chargé à bloc. Un joli tronçon sur la 102 le long d'un cours d'eau, et nous bifurquons sur la 403 en direction du cœur du pays. Une route en lacets au dénivelé positif qui s'accentue peu à peu et finit par nous faire descendre de vélos. Nous jonglons entre des passages à l'ombre et des passages au soleil où les différences de température sont énormes. Nous rentrons dans notre premier col slovène. La route est à nous, il n'y a personne, le calme absolu. Le décor est splendide, quelques sommets apparaissent à l'horizon et d'immenses forêts nous entourent. Un air de grand nord, pourtant un mois sur la route maintenant, mais bizarrement nous sentons que l'aventure commence à peine. Nous rentrons dans le vif du sujet, ce moment tant attendu, solitaire, sauvage au milieu des immenses forêts de pins, des bivouacs et des feux de camps. Un restaurant apparaît à la sortie d'un virage, tout est fermé. Dommage, ils y servent de la truite grillée et le menu nous fait saliver. Puis nous continuons de pousser avant de trouver un coin pour le bivouac.
Nous reprenons du service après deux jours de repos bien mérités. Nous en avons profité pour faire le plein de calories, dormir et apprécier la douche chaude. Très peu d'apparition en ville, de toute façon, la situation ne s'y prête pas vraiment. Difficile d'aller vers l'autre en ce moment, et puis on n'est pas là pour faire du tourisme. Ce voyage n'est pas comme les autres, les objectifs sont bien différents, nous ne pouvons rien prévoir. Le comportement des gens a changé, mais après tous mes voyages, celui-ci a un véritable goût d'aventure.
Pâtisseries locales ce matin et un dernier check des vélos avant le départ. Ma roue avant commence à faire des siennes. Les roulements dans le moyeu ont dû en prendre un coup avec le poids des chaussures de ski. Elle a du jeu et vient régulièrement frotter contre les patins. Un coup de clé de temps en temps limite le problème, mais je ne sais pas combien de temps elle va résister.
Nos premiers coups de pédales pour sortir de la ville se font dans un vent de face qui nous glace le visage. L'impression de faire du surplace, surtout que le sac de provisions est chargé à bloc. Un joli tronçon sur la 102 le long d'un cours d'eau, et nous bifurquons sur la 403 en direction du cœur du pays. Une route en lacets au dénivelé positif qui s'accentue peu à peu et finit par nous faire descendre de vélos. Nous jonglons entre des passages à l'ombre et des passages au soleil où les différences de température sont énormes. Nous rentrons dans notre premier col slovène. La route est à nous, il n'y a personne, le calme absolu. Le décor est splendide, quelques sommets apparaissent à l'horizon et d'immenses forêts nous entourent. Un air de grand nord, pourtant un mois sur la route maintenant, mais bizarrement nous sentons que l'aventure commence à peine. Nous rentrons dans le vif du sujet, ce moment tant attendu, solitaire, sauvage au milieu des immenses forêts de pins, des bivouacs et des feux de camps. Un restaurant apparaît à la sortie d'un virage, tout est fermé. Dommage, ils y servent de la truite grillée et le menu nous fait saliver. Puis nous continuons de pousser avant de trouver un coin pour le bivouac.
3O NOVEMBRE
Température négative ce matin, la tente ressemble à un bout de carton et j'enchaîne les séries de pompes pour me réchauffer en attendant que la cafetière siffle. C'est un énorme réconfort quand les vapeurs de l'arabica encerclent le camp.
Nous plions le bivouac et retrouvons la jolie route en lacets, toutes nos couches de vêtements sur le dos. Nous les enlevons au fur et à mesure que la pente s'accentue et que les corps se réchauffent. Nous passons la matinée à grimper et ne croisons personne. Enfin, nous apercevons le haut du col, descente abrupte et virages serrés. Une vingtaine de bornes jusqu'au prochain village, et le ciel qui se couvre ne nous facilite pas les choses. Très vite, les corps se refroidissent, et le manque de mouvement nous crispe. Pédaler dans le vide ne suffit pas. Nous nous arrêtons régulièrement pour faire quelques exercices. La vallée est gigantesque, le bas-côté est tout blanc, pas un rayon de soleil. Nous sommes en roue libre dans un congélateur. Je me conforte mentalement avec nos premières étapes italiennes, le soleil, les oliviers, on en est maintenant bien loin...
Nous arrivons frigorifiés dans un village fantôme. Je sors le réchaud et prépare du thé. Quelques barres protéinées nous colmatent un peu l'estomac. Nous sommes complètement hagards, le mental en a pris un coup. Mais qu'est-ce qu'on fait là ?
Température négative ce matin, la tente ressemble à un bout de carton et j'enchaîne les séries de pompes pour me réchauffer en attendant que la cafetière siffle. C'est un énorme réconfort quand les vapeurs de l'arabica encerclent le camp.
Nous plions le bivouac et retrouvons la jolie route en lacets, toutes nos couches de vêtements sur le dos. Nous les enlevons au fur et à mesure que la pente s'accentue et que les corps se réchauffent. Nous passons la matinée à grimper et ne croisons personne. Enfin, nous apercevons le haut du col, descente abrupte et virages serrés. Une vingtaine de bornes jusqu'au prochain village, et le ciel qui se couvre ne nous facilite pas les choses. Très vite, les corps se refroidissent, et le manque de mouvement nous crispe. Pédaler dans le vide ne suffit pas. Nous nous arrêtons régulièrement pour faire quelques exercices. La vallée est gigantesque, le bas-côté est tout blanc, pas un rayon de soleil. Nous sommes en roue libre dans un congélateur. Je me conforte mentalement avec nos premières étapes italiennes, le soleil, les oliviers, on en est maintenant bien loin...
Nous arrivons frigorifiés dans un village fantôme. Je sors le réchaud et prépare du thé. Quelques barres protéinées nous colmatent un peu l'estomac. Nous sommes complètement hagards, le mental en a pris un coup. Mais qu'est-ce qu'on fait là ?
1 DECEMBRE
Les plaids en laine nous offrent un gain de chaleur intéressant. Malgré les températures, nous n'avons pas eu froid. On s'enroule dedans comme des crêpes avant de s'engouffrer dans les duvets. Pour l'isolation, tout est bon à prendre. En plus des tapis de sol, on ajoute veste de ski, ponchos, sac plastique et sac à dos vide. Tout est utilisé et fait le job. Il faut également penser à filtrer l'eau la veille, sinon impossible de la filtrer une fois prise en glace le matin. Un tas de petits détails s'ajoute à notre quotidien.
Nous mettons le cap sur Celje, ville importante au centre du pays. Le ciel est chargé, et ça sent la neige à plein nez.
Première crevaison et dépannage express devant un supermarché. Les gens curieux mais sympathiques discutent avec nous et nous souhaitent bonne route. Ça fait plaisir d'échanger un peu et de voir que l'on a tous un peu la même vision des choses.
Difficile de dégoter le bivouac ce soir, mais nous parvenons à trouver un petit balcon dans une forêt en dévers. Ce soir, c'est feu de camp et pomme de terre à la braise. D'ailleurs, il me faudra trouver du matériel pour débiter le bois, une petite scie pliante et une hachette. Ce soir, on se débrouille comme on peut. Le bonheur des flammes et du crépitement des pommes de pins nous remonte le moral.
Un bruit fracassant nous fait bondir comme des lapins. Nos vélos, calés maladroitement contre un arbre du mauvais côté de la pente, viennent de dévaler en contrebas. Merde !
Je passe les vélos au scanner, et le vélo de Ada a la roue arrière légèrement voilée. Après m'être lamenté pendant cinq minutes comme à mon habitude, je passe en mode MacGyver, sors la clé à rayon et la lampe frontale, et rentre en action. Je dormirai mieux si je sais son vélo prêt à démarrer. Il doit faire zéro degré, le feu crépite, et je dévoile une roue dans une forêt slovène. Oui, l'aventure a bel et bien démarré !
Les plaids en laine nous offrent un gain de chaleur intéressant. Malgré les températures, nous n'avons pas eu froid. On s'enroule dedans comme des crêpes avant de s'engouffrer dans les duvets. Pour l'isolation, tout est bon à prendre. En plus des tapis de sol, on ajoute veste de ski, ponchos, sac plastique et sac à dos vide. Tout est utilisé et fait le job. Il faut également penser à filtrer l'eau la veille, sinon impossible de la filtrer une fois prise en glace le matin. Un tas de petits détails s'ajoute à notre quotidien.
Nous mettons le cap sur Celje, ville importante au centre du pays. Le ciel est chargé, et ça sent la neige à plein nez.
Première crevaison et dépannage express devant un supermarché. Les gens curieux mais sympathiques discutent avec nous et nous souhaitent bonne route. Ça fait plaisir d'échanger un peu et de voir que l'on a tous un peu la même vision des choses.
Difficile de dégoter le bivouac ce soir, mais nous parvenons à trouver un petit balcon dans une forêt en dévers. Ce soir, c'est feu de camp et pomme de terre à la braise. D'ailleurs, il me faudra trouver du matériel pour débiter le bois, une petite scie pliante et une hachette. Ce soir, on se débrouille comme on peut. Le bonheur des flammes et du crépitement des pommes de pins nous remonte le moral.
Un bruit fracassant nous fait bondir comme des lapins. Nos vélos, calés maladroitement contre un arbre du mauvais côté de la pente, viennent de dévaler en contrebas. Merde !
Je passe les vélos au scanner, et le vélo de Ada a la roue arrière légèrement voilée. Après m'être lamenté pendant cinq minutes comme à mon habitude, je passe en mode MacGyver, sors la clé à rayon et la lampe frontale, et rentre en action. Je dormirai mieux si je sais son vélo prêt à démarrer. Il doit faire zéro degré, le feu crépite, et je dévoile une roue dans une forêt slovène. Oui, l'aventure a bel et bien démarré !
2 DECEMBRE
Les premiers flocons s'invitent ce matin. Le temps de plier le bivouac que la route est déjà recouverte d'une bonne couche de neige. Il nous est difficile de pédaler, et nous poussons donc nos montures en rythme au son de nos semelles fendant la neige fraîche. L'étape se corse rapidement avec une montée à 11 pour cent. Un panneau annonce Vransko à 15 kilomètres et la neige continue de tomber. La journée s'annonce longue, et les prochains bivouacs difficiles. Il faut absolument trouver du matériel pour faire du feu dans de bonnes conditions. Il va falloir se chauffer, sinon on ne fera pas de vieux os.
Nous atteignons Vransko après quelques heures d'effort. Pousser un vélo chargé dans la neige fraîche n'est pas de tout repos. Par chance, un supermarché est ouvert, et un attentat calorique s'ensuit. Le sucré se mélange au salé, il n'y a plus de règles dans des moments de fringale pareils. Un flash de vodka en guise de digestif, bref, c'est un vrai massacre... En temps normal, j'imagine que ce genre de comportement nous emmènerait droit vers la crise de foie, mais là, rien à signaler.
Une fois calmés, nous scrutons la carte pour préparer un plan. La nuit va vite arriver, la ville est déserte, et il faut trouver un coin pour la nuit. Trois options s'offrent à nous. La première, qui nous paraît qu'une illusion, est une auberge à quelques pas d'ici. Un oasis en ces temps de Covid. Le second est un camping à la sortie de la ville, fermé à coup sûr, mais pourquoi pas s'y introduire ? On serait sûr de trouver un coin pour le bivouac, peut-être même abrité. Et enfin, la dernière option est de continuer jusqu'à la prochaine forêt où l'on est sûr d'être bien accueillis.
En avant pour la première. Bizarrement, dans cette rue déserte et recouverte de neige, la pancarte de l'auberge est éclairée. Une auberge restaurant-pizzeria, un mirage ? Pourtant, il y a l'air d'y avoir de la vie. Ada décide de s'engouffrer par un couloir ouvert et revient deux minutes plus tard avec un grand bonhomme vêtu d'un tablier et de sabots de cuisine, surpris de voir deux pèlerins à vélo sous la neige. Il parle très bien l'anglais et nous explique rapidement que les lois autorisent la vente à emporter, mais l'auberge et le restaurant sont fermés, évidemment au vu des circonstances et de la météo neigeuse annoncée pour les 3 prochains jours. Il nous invite à rentrer après un regard furtif à droite et à gauche.
En quelques minutes, la situation bascule. On se retrouve avec deux babkas au chocolat (pâtisseries locales) sorties du four dans les mains et les clés d'une chambre où un bain chaud nous attend. Les bivouacs sous la neige attendront un peu !
Les premiers flocons s'invitent ce matin. Le temps de plier le bivouac que la route est déjà recouverte d'une bonne couche de neige. Il nous est difficile de pédaler, et nous poussons donc nos montures en rythme au son de nos semelles fendant la neige fraîche. L'étape se corse rapidement avec une montée à 11 pour cent. Un panneau annonce Vransko à 15 kilomètres et la neige continue de tomber. La journée s'annonce longue, et les prochains bivouacs difficiles. Il faut absolument trouver du matériel pour faire du feu dans de bonnes conditions. Il va falloir se chauffer, sinon on ne fera pas de vieux os.
Nous atteignons Vransko après quelques heures d'effort. Pousser un vélo chargé dans la neige fraîche n'est pas de tout repos. Par chance, un supermarché est ouvert, et un attentat calorique s'ensuit. Le sucré se mélange au salé, il n'y a plus de règles dans des moments de fringale pareils. Un flash de vodka en guise de digestif, bref, c'est un vrai massacre... En temps normal, j'imagine que ce genre de comportement nous emmènerait droit vers la crise de foie, mais là, rien à signaler.
Une fois calmés, nous scrutons la carte pour préparer un plan. La nuit va vite arriver, la ville est déserte, et il faut trouver un coin pour la nuit. Trois options s'offrent à nous. La première, qui nous paraît qu'une illusion, est une auberge à quelques pas d'ici. Un oasis en ces temps de Covid. Le second est un camping à la sortie de la ville, fermé à coup sûr, mais pourquoi pas s'y introduire ? On serait sûr de trouver un coin pour le bivouac, peut-être même abrité. Et enfin, la dernière option est de continuer jusqu'à la prochaine forêt où l'on est sûr d'être bien accueillis.
En avant pour la première. Bizarrement, dans cette rue déserte et recouverte de neige, la pancarte de l'auberge est éclairée. Une auberge restaurant-pizzeria, un mirage ? Pourtant, il y a l'air d'y avoir de la vie. Ada décide de s'engouffrer par un couloir ouvert et revient deux minutes plus tard avec un grand bonhomme vêtu d'un tablier et de sabots de cuisine, surpris de voir deux pèlerins à vélo sous la neige. Il parle très bien l'anglais et nous explique rapidement que les lois autorisent la vente à emporter, mais l'auberge et le restaurant sont fermés, évidemment au vu des circonstances et de la météo neigeuse annoncée pour les 3 prochains jours. Il nous invite à rentrer après un regard furtif à droite et à gauche.
En quelques minutes, la situation bascule. On se retrouve avec deux babkas au chocolat (pâtisseries locales) sorties du four dans les mains et les clés d'une chambre où un bain chaud nous attend. Les bivouacs sous la neige attendront un peu !
5 DECEMBRE
La neige est tombée ces deux derniers jours, et nous sommes restés sous la couette, bain chaud et pizzas, moi qui croyais que l'aventure commençait à peine ! Enfin bon, quand la chance nous sourit... J'en ai profité pour nettoyer les vélos à fond. Certainement dû au sel répandu sur les routes, de la corrosion s'est logée sur les chaînes, les roues et les rayons, et je préfère intervenir tout de suite. Une bonne couche de lubrifiant et le tour est joué. Puis je me suis occupé de mon sac de couchage. J'ai trouvé une méthode efficace pour résoudre ce problème de fermeture éclair. Je l'ai remonté de bas en haut en mettant un collier de serrage tous les centimètres, en les faisant passer par des trous que j'ai faits dans les rubans de fermeture pour ne pas massacrer le duvet. Évidemment, le duvet est condamné à être fermé, mais une fois enfilé dedans, aucun risque qu'il ne s'ouvre pendant la nuit. Ce n'est pas non plus hermétique à cent pour cent, mais ça fait le job.
Je note dans ce voyage à quel point la créativité apparaît en cas de pépins. Pas trop le choix que de bricoler, de rafistoler, de chouchouter le matériel qui reprend de la valeur. Tout redevient utile, précieux, il en va de notre sécurité. Il y a encore un mois, j'étais un piètre bricoleur, impatient, nerveux. Je m'améliore doucement. Ce voyage est une belle leçon de vie.
Nous avons dégoté une hachette et une scie pliante avec une lame d'environ vingt centimètres, parfaites pour bosser sur le bivouac. Il est temps de reprendre la route. La météo est pourrie, mais la neige a cessé et la route est bien dégagée par les chasse-neige. Les températures sont remontées, et c'est la pluie qui menace maintenant. Au moins, on devrait pouvoir pédaler !
Nous traversons aujourd'hui la Cité des Princes, Celje, troisième ville slovène. On se passera de la visite du château et filons excités à l'idée de faire un super feu de camp ce soir et de tester le nouveau matos sur le bivouac.
Sur les bivouacs, il y a du boulot ! Nos tâches sont bien réparties, les gestes de plus en plus sûrs. Ça tourne comme une horloge, la routine. Ada monte la tente et nous prépare un bouillon pendant que je m'affaire à la collecte du bois avant la nuit. Puis la coupe. Il faut compter deux bonnes heures avant de se retrouver près du feu. Puis je fais fondre de la neige pour rincer les vélos. Dérailleurs, chaînes et étriers de freins sont couverts de boue et de neige qui gèlent pendant la nuit et peuvent compliquer le départ. Ça évite aussi que le sel ne s'accumule. Puis vient le moment du repas. Ada prend maintenant plaisir à cuisiner au feu de bois. On économise ainsi le gaz difficile à trouver, et elle peut faire mijoter de bonnes goulash dans les flammes pendant que les patates cuisent dans les braises...
La neige est tombée ces deux derniers jours, et nous sommes restés sous la couette, bain chaud et pizzas, moi qui croyais que l'aventure commençait à peine ! Enfin bon, quand la chance nous sourit... J'en ai profité pour nettoyer les vélos à fond. Certainement dû au sel répandu sur les routes, de la corrosion s'est logée sur les chaînes, les roues et les rayons, et je préfère intervenir tout de suite. Une bonne couche de lubrifiant et le tour est joué. Puis je me suis occupé de mon sac de couchage. J'ai trouvé une méthode efficace pour résoudre ce problème de fermeture éclair. Je l'ai remonté de bas en haut en mettant un collier de serrage tous les centimètres, en les faisant passer par des trous que j'ai faits dans les rubans de fermeture pour ne pas massacrer le duvet. Évidemment, le duvet est condamné à être fermé, mais une fois enfilé dedans, aucun risque qu'il ne s'ouvre pendant la nuit. Ce n'est pas non plus hermétique à cent pour cent, mais ça fait le job.
Je note dans ce voyage à quel point la créativité apparaît en cas de pépins. Pas trop le choix que de bricoler, de rafistoler, de chouchouter le matériel qui reprend de la valeur. Tout redevient utile, précieux, il en va de notre sécurité. Il y a encore un mois, j'étais un piètre bricoleur, impatient, nerveux. Je m'améliore doucement. Ce voyage est une belle leçon de vie.
Nous avons dégoté une hachette et une scie pliante avec une lame d'environ vingt centimètres, parfaites pour bosser sur le bivouac. Il est temps de reprendre la route. La météo est pourrie, mais la neige a cessé et la route est bien dégagée par les chasse-neige. Les températures sont remontées, et c'est la pluie qui menace maintenant. Au moins, on devrait pouvoir pédaler !
Nous traversons aujourd'hui la Cité des Princes, Celje, troisième ville slovène. On se passera de la visite du château et filons excités à l'idée de faire un super feu de camp ce soir et de tester le nouveau matos sur le bivouac.
Sur les bivouacs, il y a du boulot ! Nos tâches sont bien réparties, les gestes de plus en plus sûrs. Ça tourne comme une horloge, la routine. Ada monte la tente et nous prépare un bouillon pendant que je m'affaire à la collecte du bois avant la nuit. Puis la coupe. Il faut compter deux bonnes heures avant de se retrouver près du feu. Puis je fais fondre de la neige pour rincer les vélos. Dérailleurs, chaînes et étriers de freins sont couverts de boue et de neige qui gèlent pendant la nuit et peuvent compliquer le départ. Ça évite aussi que le sel ne s'accumule. Puis vient le moment du repas. Ada prend maintenant plaisir à cuisiner au feu de bois. On économise ainsi le gaz difficile à trouver, et elle peut faire mijoter de bonnes goulash dans les flammes pendant que les patates cuisent dans les braises...
6 DECEMBRE
Ce matin, nous dégustons un énorme chocolat avec le café, et pas n'importe lequel ! Aujourd'hui, nous fêtons la Saint-Nicolas et Ada a pris soin d'en dissimuler un gros en chocolat au lait lors de nos dernières emplettes. Je n'ai rien vu venir et ce petit geste me fait énormément de bien. La Pologne étant un pays très pieux, le 6 décembre fait partie des dates importantes du calendrier. Après la dégustation, nous démarrons la journée de bonne humeur, jusqu'à ce qu'un vent glacial mette fin au plaisir et vienne nous fouetter sur la 687. La route est sans pitié, un enchaînement de petites côtes entre 10 et 14 % nous coupe les jambes. Impossible de prendre un rythme, nous naviguons dans une brume épaisse digne d'un film de Tim Burton. L'ambiance est rude, lugubre. Nous nous engouffrons dans une nouvelle forêt brumeuse en fin d'après-midi, la pluie menace et viendra abréger le spectacle des flammes en milieu de soirée. Nous ne tarderons pas à nous endormir, bercés par le son apaisant de la pluie.
Ce matin, nous dégustons un énorme chocolat avec le café, et pas n'importe lequel ! Aujourd'hui, nous fêtons la Saint-Nicolas et Ada a pris soin d'en dissimuler un gros en chocolat au lait lors de nos dernières emplettes. Je n'ai rien vu venir et ce petit geste me fait énormément de bien. La Pologne étant un pays très pieux, le 6 décembre fait partie des dates importantes du calendrier. Après la dégustation, nous démarrons la journée de bonne humeur, jusqu'à ce qu'un vent glacial mette fin au plaisir et vienne nous fouetter sur la 687. La route est sans pitié, un enchaînement de petites côtes entre 10 et 14 % nous coupe les jambes. Impossible de prendre un rythme, nous naviguons dans une brume épaisse digne d'un film de Tim Burton. L'ambiance est rude, lugubre. Nous nous engouffrons dans une nouvelle forêt brumeuse en fin d'après-midi, la pluie menace et viendra abréger le spectacle des flammes en milieu de soirée. Nous ne tarderons pas à nous endormir, bercés par le son apaisant de la pluie.
7 DECEMBRE
Les premiers signes d'infiltration se sont manifestés ce matin. Il faut dire que la tente en prend un sacré coup et n'est plus toute neuve non plus. Nous vivons dans l'humidité ; rien ne sèche. Heureusement, nous restons au sec, nos duvets sont épargnés et les nuits sont bonnes, c'est l'essentiel.
Ce matin, grand soleil et la route est plutôt roulante. Nous avalons les kilomètres sans forcer et échouons sur le parking d'un supermarché pour une pause casse-croûte au soleil, suivie d'une petite sieste. Nous savourons ce moment et rechargeons les batteries à fond.
Cet après-midi, nous traversons rapidement la ville de Ptuj, où les feux et les klaxons nous reconnectent à la civilisation le temps d'un instant. Ensuite, nous récupérons quelques journaux dans une station-service. Nous viendrons les mettre sous les tapis de sol ce soir pour éponger un peu l'eau stagnante et nous isoler un peu plus. Ce n'est pas très esthétique mais efficace.
Impossible de démarrer le feu ce soir ; tout est terriblement humide et il est difficile de le monter en température. Les flammes s'estompent rapidement. Nous perdons patience, peut-être à cause de la fatigue, les gestes sont moins efficaces. Le fait est que nous n'aurons pas le plaisir des flammes ce soir.
Les premiers signes d'infiltration se sont manifestés ce matin. Il faut dire que la tente en prend un sacré coup et n'est plus toute neuve non plus. Nous vivons dans l'humidité ; rien ne sèche. Heureusement, nous restons au sec, nos duvets sont épargnés et les nuits sont bonnes, c'est l'essentiel.
Ce matin, grand soleil et la route est plutôt roulante. Nous avalons les kilomètres sans forcer et échouons sur le parking d'un supermarché pour une pause casse-croûte au soleil, suivie d'une petite sieste. Nous savourons ce moment et rechargeons les batteries à fond.
Cet après-midi, nous traversons rapidement la ville de Ptuj, où les feux et les klaxons nous reconnectent à la civilisation le temps d'un instant. Ensuite, nous récupérons quelques journaux dans une station-service. Nous viendrons les mettre sous les tapis de sol ce soir pour éponger un peu l'eau stagnante et nous isoler un peu plus. Ce n'est pas très esthétique mais efficace.
Impossible de démarrer le feu ce soir ; tout est terriblement humide et il est difficile de le monter en température. Les flammes s'estompent rapidement. Nous perdons patience, peut-être à cause de la fatigue, les gestes sont moins efficaces. Le fait est que nous n'aurons pas le plaisir des flammes ce soir.
8 DECEMBRE
Le soleil n'aura pas duré bien longtemps. Ce matin, nous roulons sous une fine bruine et un vent glacial, retrouvant les montagnes russes. Sur une échelle du plaisir de zéro à dix, je pense que l'on frôle à peine le deux ! Nous luttons pour avancer, la tête dans nos guidons.
Après une courte pause sous un abribus pour croquer dans un bout de fromage sec, le pire finit par arriver : la pluie. Sans forêts dans le coin, nous sommes pris au piège. J'en repère une sur la carte à une dizaine de kilomètres à peine de la frontière hongroise. Pas tout près, mais il nous faut rouler.
Les freins nous abandonnent, les patins ne répondent plus. Il nous faut garder nos distances. Nous sommes rapidement trempés comme des soupes ! En plus de la pluie battante, quelques voitures en rajoutent une couche en nous arrosant. Je rumine à voix haute, demandant au ciel de nous épargner, mais rien n'y fait. Ada est dans ma roue et avance sans broncher. Le mental est mis à rude épreuve.
Enfin, la forêt apparaît. Nous y entrons par un sentier boueux et bizarrement, la pluie cesse. Cela nous laisse une fenêtre pour monter le bivouac. L'énergie de cette forêt immense est étrange, sans bruits, terne, sans vie. Ce n'est pas comme d'habitude. À peine le temps de s'installer que la pluie reprend de plus belle. Nous resterons confinés et cuisinerons au réchaud sous la toile ce soir.
9 DECEMBRE
Ada me réveille dans la nuit ; elle a des crampes d'estomac qui la tordent en deux. Je veille avec elle un moment, alors que la pluie continue de déverser des trombes d'eau. Nous ressombrons dans le sommeil vers 3h, un sommeil rapidement troublé par des cauchemars. Il m'arrive que des soucis, et il m'est impossible de me sortir de là, jusqu'à ce que je me réveille en sueur. Ada a l'air de bien dormir. J'essaie de me détendre en respirant profondément, puis j'entends un bruit étrange dans mon demi-sommeil. Quelque chose a l'air de se déchirer. Ça continue. J'ouvre les yeux et attrape la lampe frontale. Et là, surprise : un trou béant dans le plafond et la tension qui déchire la toile de plus en plus. Je me rends compte que ce n'est pas un cauchemar quand les premières gouttes de pluie me tombent sur le nez. Et là, panique, je cherche frénétiquement mes lentilles de contact à quatre pattes, en injuriant tous les Dieux. Ada se réveille, ne comprenant pas ce qui se passe. Elle doit encore me prendre pour un fou ! Pas le temps de lui faire un dessin, il faut agir et vite. Le plafond s'affaisse peu à peu, l'instinct de survie se met en route et tout se passe très rapidement. Je m'extirpe de la tente en pyjama et constate les dégâts : un arceau pointe droit vers le ciel, il a cassé et lacéré la toile. Premièrement, je stoppe la tension pour éviter plus de dégâts et enlève les sardines. La toile s'effondre sur Ada qui ne comprend toujours pas ce qui se passe. J'essaie de lui commenter la situation tout en essayant de résoudre le problème. J'attrape le duct tape dans la trousse à outils, chope l'arceau sectionné, le remboîte comme je peux et l'enroule d'une grosse couche de tape en serrant fort. Puis je remonte le tout en priant que ça tienne. Je plante les piquets, reforme le tout, puis ramène les lambeaux de toiles en les recouvrant avec mon poncho. Le tour est joué. Je me jette trempé sous la tente et prie fort pour que ça ne casse pas.
Difficile de retrouver le sommeil après une action pareille. J'ai le cœur à 180. C'est quoi ce cauchemar ? La pluie, les crampes, le trou, les araignées qui jouent à Spider-Man. Est-ce une forêt maudite ? Une malédiction ? Une version plus rationnelle nous fait penser à une faute dans le montage. Peut-être que les arceaux étaient mal emboîtés et, avec la sur-sollicitation, le métal a cédé. Ou simplement que l'arceau était usé, en fin de vie, et qu'il a cédé au mauvais endroit, au mauvais moment. Mystère...
Le jour se lève et la pluie ne cesse pas. Nous resterons confinés jusqu'à ce que la météo s'améliore. Ma réparation de fortune a l'air de tenir le coup. Nous organisons un petit espace de vie sous la tente, un petit coin cuisine. Nous essayons d'optimiser le moindre petit espace. Ada m'apprend à coudre et je me rafistole mes premiers trous. Nous cassons la croûte et portons un toast à nos aventures. La journée passe gentiment et nous nous apprêtons à une deuxième nuit dans cette forêt hantée. La Hongrie n'est qu'à quelques kilomètres, mais elle me paraît tellement loin.
Le soleil n'aura pas duré bien longtemps. Ce matin, nous roulons sous une fine bruine et un vent glacial, retrouvant les montagnes russes. Sur une échelle du plaisir de zéro à dix, je pense que l'on frôle à peine le deux ! Nous luttons pour avancer, la tête dans nos guidons.
Après une courte pause sous un abribus pour croquer dans un bout de fromage sec, le pire finit par arriver : la pluie. Sans forêts dans le coin, nous sommes pris au piège. J'en repère une sur la carte à une dizaine de kilomètres à peine de la frontière hongroise. Pas tout près, mais il nous faut rouler.
Les freins nous abandonnent, les patins ne répondent plus. Il nous faut garder nos distances. Nous sommes rapidement trempés comme des soupes ! En plus de la pluie battante, quelques voitures en rajoutent une couche en nous arrosant. Je rumine à voix haute, demandant au ciel de nous épargner, mais rien n'y fait. Ada est dans ma roue et avance sans broncher. Le mental est mis à rude épreuve.
Enfin, la forêt apparaît. Nous y entrons par un sentier boueux et bizarrement, la pluie cesse. Cela nous laisse une fenêtre pour monter le bivouac. L'énergie de cette forêt immense est étrange, sans bruits, terne, sans vie. Ce n'est pas comme d'habitude. À peine le temps de s'installer que la pluie reprend de plus belle. Nous resterons confinés et cuisinerons au réchaud sous la toile ce soir.
9 DECEMBRE
Ada me réveille dans la nuit ; elle a des crampes d'estomac qui la tordent en deux. Je veille avec elle un moment, alors que la pluie continue de déverser des trombes d'eau. Nous ressombrons dans le sommeil vers 3h, un sommeil rapidement troublé par des cauchemars. Il m'arrive que des soucis, et il m'est impossible de me sortir de là, jusqu'à ce que je me réveille en sueur. Ada a l'air de bien dormir. J'essaie de me détendre en respirant profondément, puis j'entends un bruit étrange dans mon demi-sommeil. Quelque chose a l'air de se déchirer. Ça continue. J'ouvre les yeux et attrape la lampe frontale. Et là, surprise : un trou béant dans le plafond et la tension qui déchire la toile de plus en plus. Je me rends compte que ce n'est pas un cauchemar quand les premières gouttes de pluie me tombent sur le nez. Et là, panique, je cherche frénétiquement mes lentilles de contact à quatre pattes, en injuriant tous les Dieux. Ada se réveille, ne comprenant pas ce qui se passe. Elle doit encore me prendre pour un fou ! Pas le temps de lui faire un dessin, il faut agir et vite. Le plafond s'affaisse peu à peu, l'instinct de survie se met en route et tout se passe très rapidement. Je m'extirpe de la tente en pyjama et constate les dégâts : un arceau pointe droit vers le ciel, il a cassé et lacéré la toile. Premièrement, je stoppe la tension pour éviter plus de dégâts et enlève les sardines. La toile s'effondre sur Ada qui ne comprend toujours pas ce qui se passe. J'essaie de lui commenter la situation tout en essayant de résoudre le problème. J'attrape le duct tape dans la trousse à outils, chope l'arceau sectionné, le remboîte comme je peux et l'enroule d'une grosse couche de tape en serrant fort. Puis je remonte le tout en priant que ça tienne. Je plante les piquets, reforme le tout, puis ramène les lambeaux de toiles en les recouvrant avec mon poncho. Le tour est joué. Je me jette trempé sous la tente et prie fort pour que ça ne casse pas.
Difficile de retrouver le sommeil après une action pareille. J'ai le cœur à 180. C'est quoi ce cauchemar ? La pluie, les crampes, le trou, les araignées qui jouent à Spider-Man. Est-ce une forêt maudite ? Une malédiction ? Une version plus rationnelle nous fait penser à une faute dans le montage. Peut-être que les arceaux étaient mal emboîtés et, avec la sur-sollicitation, le métal a cédé. Ou simplement que l'arceau était usé, en fin de vie, et qu'il a cédé au mauvais endroit, au mauvais moment. Mystère...
Le jour se lève et la pluie ne cesse pas. Nous resterons confinés jusqu'à ce que la météo s'améliore. Ma réparation de fortune a l'air de tenir le coup. Nous organisons un petit espace de vie sous la tente, un petit coin cuisine. Nous essayons d'optimiser le moindre petit espace. Ada m'apprend à coudre et je me rafistole mes premiers trous. Nous cassons la croûte et portons un toast à nos aventures. La journée passe gentiment et nous nous apprêtons à une deuxième nuit dans cette forêt hantée. La Hongrie n'est qu'à quelques kilomètres, mais elle me paraît tellement loin.
10 DECEMBRE
La pluie ne tombe plus, mais le ciel gris ne me dit rien qui vaille. Nous croupissons dans une mare à sanglier ; tout est trempé. Il y a des infiltrations dans la tente, les tapis de sol sont imbibés d'eau, les duvets humides. La tente a vraiment morflé ; il faut quitter les lieux au plus vite. Nous faisons quelques emplettes dans une épicerie à Bogojina. La Hongrie est à quelques kilomètres, la pression monte. Nous bifurquons sur la 725. Au bout de la ligne droite, la frontière : une barrière est en travers de notre chemin. La route est fermée, une voiture stationne sur le parking du poste-frontière, mais personne ne vient à notre rencontre. Nous avons le culot de prendre quelques photos et nous contournons la barrière pour nous infiltrer en Hongrie en retenant notre souffle pour que personne ne nous surprenne. Nous disparaissons au plus vite à travers la forêt hongroise et célébrons enfin notre victoire. Nous chantons, rions et dévalons la pente à tombeau ouvert. La Slovénie nous aura donné du fil à retordre, mais l'étape hongroise ne nous réserve pas de grosses difficultés. Ça devrait être roulant, et à peine 300 bornes nous séparent de la Slovaquie en restant sur le flanc ouest. Cap sur Bratislava.
Le décor a changé à l'approche du premier village. On se croirait dans une autre époque: une caravane dans chaque jardin, les cheminées qui fument, des voitures des années 60, la route est fracassée. Beaucoup de charme ! À Magyarszombatfa, le premier village, nous nous arrêtons dans un gîte pour prendre la température et rencontrons Daniel. Il comprend très vite qu'il nous faudrait faire escale, seulement le gîte est fermé et ils en profitent pour faire des travaux. Mais il nous propose de rester boire le thé. Je sors la vodka, et nous portons un toast. Daniel a l'apéro facile et nous ramène une bouteille de palinka, un tord-boyaux local. Nous descendons quelques verres en dégustant des cookies encore chauds, et la journée défile...
Il est temps de décoller. Daniel nous offre la palinka, une confiture de citrouille et un bon lait frais. Il nous invite également à venir boire le café demain matin et s'excuse même de ne pas pouvoir nous héberger. Mais ça ne rigole pas avec les lois ici. Nous remontons en selle légèrement éméchés. Le village est désert, et la nuit tombe. Une lueur à travers la lucarne d'une maisonnette nous interpelle. Au vu de l'hospitalité du coin, pourquoi ne pas demander refuge pour cette nuit ?
Un visage sympathique nous ouvre la porte. Attila nous accueille dans son atelier de poterie, à côté de sa maison. Il est calme, souriant et dégage une énergie incroyable. Il parle très peu l'anglais, mais suffisamment pour nous lancer un "my home is your home" qui me laisse sans voix et me fout les larmes aux yeux. Le four marche à fond, nous avons du mal à croire ce qui se passe depuis que l'on a franchi cette frontière hostile. La Providence. Il nous présente son voisin qui maîtrise bien l'anglais et nous accompagne dans la salle polyvalente du village. Ici, nous pouvons nous doucher. Il nous laisse même les clés en nous montrant la cachette. Nous passons la soirée à regarder Attila travailler, hypnotisés par cet art ancestral. La chaleur est extrême, nous n'avons plus l'habitude et sommes rouges comme des pastèques. Puis sa femme nous apporte à manger : des croissants chauds fourrés aux saucisses.
La pluie ne tombe plus, mais le ciel gris ne me dit rien qui vaille. Nous croupissons dans une mare à sanglier ; tout est trempé. Il y a des infiltrations dans la tente, les tapis de sol sont imbibés d'eau, les duvets humides. La tente a vraiment morflé ; il faut quitter les lieux au plus vite. Nous faisons quelques emplettes dans une épicerie à Bogojina. La Hongrie est à quelques kilomètres, la pression monte. Nous bifurquons sur la 725. Au bout de la ligne droite, la frontière : une barrière est en travers de notre chemin. La route est fermée, une voiture stationne sur le parking du poste-frontière, mais personne ne vient à notre rencontre. Nous avons le culot de prendre quelques photos et nous contournons la barrière pour nous infiltrer en Hongrie en retenant notre souffle pour que personne ne nous surprenne. Nous disparaissons au plus vite à travers la forêt hongroise et célébrons enfin notre victoire. Nous chantons, rions et dévalons la pente à tombeau ouvert. La Slovénie nous aura donné du fil à retordre, mais l'étape hongroise ne nous réserve pas de grosses difficultés. Ça devrait être roulant, et à peine 300 bornes nous séparent de la Slovaquie en restant sur le flanc ouest. Cap sur Bratislava.
Le décor a changé à l'approche du premier village. On se croirait dans une autre époque: une caravane dans chaque jardin, les cheminées qui fument, des voitures des années 60, la route est fracassée. Beaucoup de charme ! À Magyarszombatfa, le premier village, nous nous arrêtons dans un gîte pour prendre la température et rencontrons Daniel. Il comprend très vite qu'il nous faudrait faire escale, seulement le gîte est fermé et ils en profitent pour faire des travaux. Mais il nous propose de rester boire le thé. Je sors la vodka, et nous portons un toast. Daniel a l'apéro facile et nous ramène une bouteille de palinka, un tord-boyaux local. Nous descendons quelques verres en dégustant des cookies encore chauds, et la journée défile...
Il est temps de décoller. Daniel nous offre la palinka, une confiture de citrouille et un bon lait frais. Il nous invite également à venir boire le café demain matin et s'excuse même de ne pas pouvoir nous héberger. Mais ça ne rigole pas avec les lois ici. Nous remontons en selle légèrement éméchés. Le village est désert, et la nuit tombe. Une lueur à travers la lucarne d'une maisonnette nous interpelle. Au vu de l'hospitalité du coin, pourquoi ne pas demander refuge pour cette nuit ?
Un visage sympathique nous ouvre la porte. Attila nous accueille dans son atelier de poterie, à côté de sa maison. Il est calme, souriant et dégage une énergie incroyable. Il parle très peu l'anglais, mais suffisamment pour nous lancer un "my home is your home" qui me laisse sans voix et me fout les larmes aux yeux. Le four marche à fond, nous avons du mal à croire ce qui se passe depuis que l'on a franchi cette frontière hostile. La Providence. Il nous présente son voisin qui maîtrise bien l'anglais et nous accompagne dans la salle polyvalente du village. Ici, nous pouvons nous doucher. Il nous laisse même les clés en nous montrant la cachette. Nous passons la soirée à regarder Attila travailler, hypnotisés par cet art ancestral. La chaleur est extrême, nous n'avons plus l'habitude et sommes rouges comme des pastèques. Puis sa femme nous apporte à manger : des croissants chauds fourrés aux saucisses.