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COVID, Le Voyage Interdit

(réalisé)
Octobre 2020, en plein Covid, un second confinement se dessine. 
Nous prendrons la route depuis Agay dans le sud de la France et nous mettrons le cap sur Zakopane en Pologne, pays d'origine de ma compagne, en espérant des jours meilleurs une fois là-bas. Mais la liberté a un prix, seule issue : la route, les forêts, l'inconnu... Nous enchaînerons les kilomètres à l'aide de deux vieux vélos, ils nous faudra faire face aux problèmes, seuls, autonomes, affrontant des conditions météorologiques compliquées, les forêts comme ange gardien de nos nuits dehors, puis parfois, une rencontre, une porte qui s'ouvre, la Providence. Durant cette aventure hors du commun, nous serons les spectateurs d'un monde paralysé, où la peur règne, où les restrictions durcissent de jour en jour, où faire des plans n'existe plus, où le gîte et la douche chaude, quand l'appel du confort arrive, ne seront plus qu'un lointain souvenir. Nous vivrons au jour le jour ne pouvant compter que sur nous-mêmes et nos modestes connaissances en survie. Nous apprendrons énormément, ferons de belles rencontres, vivrons des émotions très fortes et dépasserons nos limites. Nous parviendrons à atteindre notre but le 3 janvier 2021 après 65 jours de route à travers l'Europe, une aventure qui restera gravée dans nos mémoires.
vélo de route
Quand : 29/10/2020
Durée : 65 jours
Distance globale : 1782km
Dénivelées : +11873m / -10980m
Alti min/max : 10m/1167m
Carnet publié par Chris et Ada le 25 avr. 2024
modifié le il y a 2 jours
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en train
Précisions : Une partie se fera en train, entre Théoule-sur-Mer et Vintimille, à la frontière italienne, afin d'éviter de justesse la fermeture du pays. Nous parcourrons également une cinquantaine de kilomètres en voiture en Hongrie, pour honorer la généreuse ...
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Vue d'ensemble

Le topo : Section 6 (mise à jour : 29 avr. 2024)

Distance section : 201km
Dénivelées section : +233m / -399m
Section Alti min/max : 111m/282m

Description :

La Hongrie, l'hospitalité, une expérience humaine incroyable, du repos, de belles rencontres, des émotions fortes.

Milieu traversé :

Environnement : [campagne]

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Le compte-rendu : Section 6 (mise à jour : 29 avr. 2024)

11 DECEMBRE 

Légère gueule de bois ce matin, la palinka a fait mal, le contrecoup des derniers jours aussi. La météo est encore pourrie, on n'a pas envie mais il nous faut avancer. Tout le matos est bien sec, j'en profite pour rafistoler la toile de tente. J'ai des morceaux de toile dans le fond de sac et j'en découpe quelques bandes. La toile est découpée sur au moins 60 centimètres. Je rejoins les lambeaux puis les recouvre des bandes neuves. Une bonne couche de duct tape et le tour est joué. Une sacrée balafre !
Nous faisons nos adieux à Attila et sa femme. Ils nous offrent deux petites tasses en céramique fabrication maison. Une rencontre si courte et pourtant tellement intense. Comme promis, nous passons voir notre copain Daniel en espérant qu'il nous épargne la palinka pour le petit déjeuner. Nous passons un bon moment ensemble et lui offrons un savon de Marseille avant notre départ. Un petit geste en guise de remerciement. Lui qui avait tellement aimé cette ville lors de son voyage en France est ravi.
Difficile de reprendre la route. On resterait bien ici, dans ce petit village hors du temps, ces gens simples, gentils. On n'est pas prêt d'oublier notre arrivée en Hongrie. Nous traînons aujourd'hui et avalons à peine une dizaine de kilomètres jusqu'à Őriszentpéter. Tout est fermé, l'heure est déjà bien avancée. Nous décidons de bivouaquer dans les alentours et d'y revenir demain matin pour faire quelques courses si on y trouve de la vie.
Nous veillons la dernière bûche ce soir dans un état méditatif, hypnotisés par les flammes. Nous repensons à toutes ces rencontres, à cette aventure hors du commun.


12 DECEMBRE 

De retour en ville ce matin, nous avons décidé de rester dans le coin en espérant trouver un petit nid. Nous sommes crevés, la fatigue est profonde : les kilomètres, la météo pourrie, tous ces bivouacs... difficile d'avancer. Nous avons besoin d'une pause, mais c'est plus facile à dire qu'à faire.
Nous scrutons la carte et repérons quelques hébergements, mais il s'avère que tout est fermé, les portes closes. Il nous reste peut-être une chance : quelques guest houses apparaissent tout au bout d'un chemin. C'est à l'extrémité de la ville et le chemin rentre dans la forêt. Le quartier devrait être plus discret, et puis si rien ne se passe, on s'enfoncera dans la forêt pour quelques jours.
En effet, l'endroit est joli, paisible, et de belles maisons bordent le chemin, mais tout semble fermé. Nous laissons les vélos devant le portail d'une maison et rentrons dans la forêt pour trouver un endroit où établir le campement. En revenant sur nos pas, nous apercevons un jeune, une bonne bouille avec un cartable sur le dos. Il baragouine un peu d'anglais. Nous le questionnons à propos des hébergements dans le coin, en lui expliquant nos intentions de rester par ici pour quelques jours. Ça tombe bien : ses parents sont les proprios d'une de ces jolies guest houses, mais ils sont fermés à cause du Covid, bien sûr. On s'y attendait ! 
Mais on s'attendait aussi à ce qu'il nous propose le thé, hospitalité hongroise oblige ! Le jeune Matti nous propose de le suivre chez lui. La maison est en terre cuite, du bois, de la pierre et un four central traditionnel, c'est magnifique ! Il passe un coup de fil à ses parents pour leur annoncer la venue de voyageurs, mais il ne sera pas possible d'être hébergé. Ils ont trop peur d'un contrôle. Ça ne rigole pas dans la région. L'armée et la police patrouillent et ils risqueraient de tout perdre. Nous avons l'étrange sensation d'être deux résistants en pleine guerre essayant de trouver refuge.
Nous expliquons à Matti que nous allons bivouaquer dans le bout de forêt pour quelques jours. Il est plutôt content à l'idée d'avoir de nouveaux voisins, et nous aussi. Il partait faire des courses quand on l'a croisé et il nous propose de nous y emmener. Nous faisons le plein de provisions pour quelques jours et à notre retour, Matti nous offre du bois sec et des bières artisanales fabrication maison. Décidément, nous ne partirons jamais de ce pays !
Une fois le bivouac en place, nous invitons notre nouveau copain sur le campement. Nous passons une super soirée : bières, patates braisées au beurre salé, poitrine fumée... Et demain, c'est grasse matinée !



13 DECEMBRE


       
J'ai passé une nuit pourrie à cause de brûlures d'estomac, mes excès de charcuteries certainement. Je traîne au lit jusqu'à 11h et finis par émerger complètement groggy. Une bonne diète ne me fera pas de mal. Ada nous prépare un bouillon brûlant et je m'affaire rapidement à la coupe du bois. Il y a du boulot sur le camp, ce n'est pas le moment de faiblir ! Il faut démarrer le feu et pouvoir l'alimenter jusqu'au soir car il ne fait pas chaud. Puis je suis soudainement pris de frissons, de migraines et je sens la fièvre monter.
Nous avons de la visite cet après-midi, une jeune fille vient vers nous, prudente. Il s'agit de notre voisine. Elle vit dans une yourte près d'ici et nous apprenons que nous sommes en fait dans son "jardin". Cette parcelle de forêt lui appartient et elle vient rencontrer les squatteurs. Nous papotons un peu et je la sens soulagée quand nous lui expliquons notre périple et le fait que nous avons rencontré son voisin Matti hier et avons passé la soirée avec lui. Nous sommes là que pour quelques jours et évidemment nous ne laisserons aucun déchet derrière nous malgré que nous aurons brûlé pas mal de bois ! Je la vois réfléchir un peu puis elle nous fait une proposition. Elle et son mari sont propriétaires d'une jolie guest house juste derrière et elle nous invite à venir discrètement passer la prochaine nuit si on le souhaite. Une douche chaude, un four à bois et une cuisine à notre disposition. D'abord surpris avec Ada, nous ne réfléchissons pas deux fois et acceptons sa proposition. Nous décidons de laisser le camp sur place avec son autorisation et de prendre que le nécessaire.
Quelques minutes plus tard, nous sommes dans un joli petit nid, bois et pierres apparentes, four à bois avec quelques bûches, un grand lit et une petite cuisine. Vu mon état, ça tombe vraiment bien !
Je m'effondre sur le lit. La fièvre est montée, je suis brûlant et pourtant je me les gèle. Je suis pris de frissons emmitouflé dans mon pull en laine, mon immunité est au plus bas, mes batteries à plat.
Ada prend les choses en main et me fait croquer quelques gousses d'ail. Ensuite, j'ai le droit à une infusion d'orties avec du citron pressé puis une grosse soupe de lentilles bien relevée. Elle me soigne à l'ancienne. Je m'enfonce ensuite sous la couette et laisse la fièvre finir son travail. Elle tombera vers 3h du matin et la migraine finira par m'achever et me laisser m'endormir.






Notre refuge d'une nuit.
Notre refuge d'une nuit.
14 DECEMBRE

J'ouvre les yeux à l'aube ce matin. J'ai pas beaucoup dormi, mais la fièvre est tombée et la migraine a disparu. Mes forces retrouvées, je tiens à honorer l'invitation de Matti qui nous avait proposé de venir boire le café et de nous présenter ses parents. Ada dort profondément et je la laisse récupérer. Vers 8h, je file chez Matti. Comme prévu, toute la famille est présente, y compris les chats. La cafetière siffle et la table est ornée de pâtisseries, à la bonne heure !
Son père, discret, ne parle que quelques mots d'anglais, mais sa mère le parle correctement et fait office de traductrice. Je leur raconte un peu notre périple. Ils sont surpris et m'encouragent pour atteindre notre but. Je leur promets de les tenir informés dès notre arrivée en Pologne.
Son père ouvre une carte du pays au milieu de la table. Je leur ai fait part de nos inquiétudes sur la frontière avec la Slovaquie et nous étudions les différentes options possibles. Le Danube, célèbre fleuve, complique la situation, car il fait office de frontière sur des kilomètres. Les traversiers reliant les deux pays sont à l'arrêt depuis le Covid, et des ponts plus à l'est nous feraient faire un énorme détour, avec certainement des postes frontière en place. Puis nos yeux se posent à l'extrême ouest, près de la ville de Rijeka. De nombreuses petites routes rejoignent la Slovaquie par l'intermediaire de ponts moins importants. Cela devrait être plus discret et nous éviter un long détour. Il nous faut tirer droit vers Bratislava, 200 bornes tout au plus, et plutôt roulant, ce qui pourrait être torché en 3 ou 4 jours, enfin sur le papier. Il me dit que l'on pourra trouver un Decathlon sur la route à 60 bornes d'ici. Il nous faut recharger en gaz absolument.
Cet après-midi, nous quittons notre petit nid pour rejoindre le camp. Revigoré, je débite un maximum de bois et attaque le nettoyage et la révision complète des vélos. Ada, elle, s'occupe de la déco et orne la tente de branchages, de pommes de pins, s'occupe du feu et nous prépare une bonne soupe. Le camp se transforme en petit village.
Il y a du bois pour l'hiver !
Il y a du bois pour l'hiver !
Tarzan et Jane !
Tarzan et Jane !
Mon atelier.
Mon atelier.
On repart sur une alimentation saine !
On repart sur une alimentation saine !
15 DECEMBRE


Déjà 5 jours en Hongrie et seulement 20 km parcourus... À ce rythme, on n'est pas prêt d'arriver ! Mais comment ne pas profiter de toutes ces belles rencontres ? Le périple est déjà bien assez rude comme ça. Nous profitons, laissons nos corps récupérer. La fatigue est profonde, fourbe, le mental est malmené jour après jour. Ce n'est pas un voyage comme les autres.
Il nous faut maintenant franchir la Hongrie puis la Slovaquie, ce qui ne sera pas une épreuve facile. Nous retrouverons les cols de montagne plus au nord et l'hiver menace, déjà mi-décembre.
Malgré toutes ces visions, nous traînons autour du feu ce matin, café bien chaud, du bois à profusion, la soupe mijote sur les braises. J'ai le sentiment que nous prenons dangereusement goût à cette sédentarité. On se sent bien ici, et pourquoi pas rester là ? Le voisinage nous a maintenant adoptés. On partagerait la goulash du dimanche, on trinquerait à la palinka, on ferait les fêtes de Noël ensemble près du sapin. On pourrait les aider pour différentes tâches, on se rendrait utiles. Et on reprendrait la route aux beaux jours. L'idée nous traverse l'esprit mais étrangement, une sensation d'abandonner, de ne pas atteindre notre objectif, nous rappelle à l'ordre. On voulait se faire le cadeau d'arriver pour Noël ou au nouvel an et de passer l'hiver à la montagne, chez nous dans les Tatras. J'ai même embarqué les skis ! Non non, on ne lâchera pas, c'est décidé. Demain, nous reprenons la route, cap au nord !
Je fais un saut chez Matti boire le thé et j'invite toute la famille à venir boire un coup sur le camp ce soir pour les remercier avant notre départ. J'avais promis à Matti que je jetterais un œil à son VTT. En bon mécano novice, je lui mets un coup de propre : dégraissage, réglage du dérailleur et dévoilage de la roue arrière. En gros, tout ce que j'ai appris entre les tutos internet et ma modeste expérience du terrain. Je suis assez fier de moi !
Nous sommes tous réunis ce soir. Nous partageons quelques bonnes bières autour du feu ainsi que quelques grillades. Un bon moment que le couvre-feu viendra abréger à 20h, heure à laquelle nos amis rejoindront leur chez eux. Nous autres, légèrement enivrés par le houblon, continuons de veiller les dernières bûches, loin des écrans, de la télé, des médias et autres poisons de ce genre. Nous sommes heureux et trinquons à la Liberté, seule et vraie richesse.


16 DECEMBRE


Nous sirotons notre café silencieusement ce matin. Nous traînons en observant le bivouac. On y aura passé 5 jours et repris des forces. Une sensation de quitter la maison, une fois de plus. C'est drôle mais pas nouveau pour nous autres nomades. Maintenant, il faut se mobiliser et mettre les voiles.
Nous passons chez Matti faire nos adieux à la famille et, surprise à notre arrivée, tout le monde nous attend. La table est prête, une grosse marmite de goulash mijote sur le feu et nous sommes conviés au déjeuner. Difficile de refuser l'invitation. On déguste ce met local avec du vin. On se régale. Ici, tout est fait maison, le vin, la bière, la palinka, ils ne lésinent pas sur la qualité. Nous refaisons le monde, passons un bon moment et l'horloge tourne. Je fais part de nos plans de passer chez Decathlon pour recharger en gaz au père de Matti et spontanément il se propose de nous charger dans le pick-up pour nous y accompagner. C'est à Szombathely, à 60 bornes. Encore une fois difficile de ne pas honorer son geste. Décidément, nous ne pédalerons jamais dans ce pays !
Nous faisons nos adieux à Matti et sa maman qui nous offre un bocal de plantes à infuser, un mélange de plantes aux vertus immunitaires. Sur le bocal, une étiquette marquée "Ada and Chris", ça nous fait chaud au cœur. Comme au moment de quitter Attila et sa femme quelques jours auparavant, nous les quittons la boule au ventre.
Nous voilà partis dans la grisaille. Le père de Matti, ne parlant pas un mot d'anglais, se plonge dans un mutisme total. L'ambiance est au rendez-vous. Nous filons à travers une légère brume, les routes cabossées, quelques vieilles bagnoles, les phares encore jaunes, nous croisent par moment. Une vraie scène de film, l'impression d'être deux partisans en pleine guerre, épaulés par quelques résistants volontaires. Nous vivons une époque étrange et le passé refait surface.
Après une heure de rallye, nous voilà sur le parking du Decathlon de Szombathely. Le choc. Il y a quelques heures encore, nous étions près du feu et maintenant des hordes de gens masqués défilent dans un grand magasin. Nous en avons le mal de terre !
Une poignée de main ferme, un "good luck" suivi d'un "thank you" sera notre dernier échange avec le père de Matti. Il n'en faut pas plus pour se comprendre.
Malheureusement, pas de gaz chez Decathlon, mais je ne ressors pas bredouille puisque je dégotte un tee-shirt en laine de mérinos manches longues qui viendra remplacer mon tee-shirt de surf en synthétique dont l'odeur me poursuit depuis des jours.
La nuit nous surprend, équipés de nos gilets fluo et de nos lampes frontales, nous réussissons à sortir de ce vacarme entre les camions, les klaxons, les phares. Tout nous paraît comme une agression. On s'échappe vite de là et retrouvons la campagne une vingtaine de kilomètres plus loin où nous finirons par jeter l'ancre.
Autour de la goulash avec Matti et ses parents.
Autour de la goulash avec Matti et ses parents.






Decathlon nous a bien aidés lors de cette aventure.
Decathlon nous a bien aidés lors de cette aventure.
17 DECEMBRE

Difficile de se remettre dans le bain. Ces quelques jours de repos ont fait du bien mais ont complètement cassé le rythme. Je n'avance pas ce matin et peine à rester dans la roue de Ada qui ouvre le bal. C'est seulement après avoir englouti une plaquette de chocolat et un demi-litre de café sur une petite place de village que je retrouve un peu de pêche. Oui, ma diète est catastrophique, mais ça fait un moment que le chaos s'est installé dans ce périple. On trouve l'énergie là où l'on peut et quand on peut !
Le nouveau problème maintenant, c'est le manque de forêt. Il nous faut étudier un peu plus la carte pour anticiper le bivouac, évaluer les distances entre chaque forêt pour éviter de trop longues étapes. Donc, ne pas hésiter à profiter d'un coin sympa même si on n'a fait que 30 bornes. Le bivouac est notre seul endroit de réconfort. On veut être discret et avoir le temps de faire un bon feu. L'abri bus, c'est pour les cas d'urgence !
Bizarrement, nous ressentons moins la monotonie que sur les longues portions plates italiennes, certainement parce qu'ici, les routes sont tellement en mauvais état qu'il nous faut rester sans arrêt vigilant de peur de passer par-dessus bord en ramassant un nid-de-poule. Puis je trouve que ce pays a du caractère, un certain charme avec sa météo maussade, ses arbres dénudés, ses voitures d'une autre époque qui nous dépassent péniblement à grand coup de rupteur. C'est le dépaysement, c'est ce que l'on cherche dans le voyage et c'est de plus en plus compliqué. Tout est tellement aseptisé aujourd'hui, stérile...





18 DECEMBRE


Le matin, je relance toujours le feu. Il fait de plus en plus froid et rien de tel qu'un bon café près des flammes. Et puis, on conserve le gaz devenu rare seulement pour les cas d'urgence. Le feu est devenu notre meilleur ami. J'y prépare le café le matin et Ada prend plaisir à cuisiner le soir venu. C'est sûr qu'entre des nouilles chinoises cuites en 5 min au réchaud et une goulash mijotée au feu de bois, le choix est vite fait ! Le sac de bouffe est d'ailleurs devenu une épicerie ambulante : légumes, épices, herbes fraîches, charcuterie, fromage, etc. Rester au chaud et bien manger nous aide donc à conserver le maximum de calories et de poids, la clé pour rester en vie lors de voyages au long cours, c'est le confort dans l'inconfort.
Nous avons augmenté tous nos curseurs pour venir à bout de cette aventure : les rations quotidiennes en graisse, en sucre, etc., mais aussi en chaleur avec des feux de camp bien fournis. Puis le sommeil, les nuits sont bonnes et on ne se met aucune pression. On passe au minimum 10 heures dans les duvets, on se remplume le plus possible. Ici, on peut trouver des barres protéinées peu chères et pas trop mauvaises. On en avale pas mal durant la journée, fruits secs, noix également. On grignote tout au long de la journée. Il ne faut pas oublier qu'en cette période de Covid, rien n'est ouvert mis à part les épiceries et petites supérettes. D'ailleurs, aujourd'hui, on fait le plein dans une épicerie : 1 kg de patates et 1 kilo de poulet frais. Le menu ce soir, c'est patate et brochette de poulet au feu de bois.
Nous avons repéré une forêt à une trentaine de kilomètres où on espère pouvoir faire escale ce soir. L'étape sera courte mais nous évitera une trop longue journée, car rejoindre la prochaine forêt nous ferait abattre presque 100 bornes. Donc autant faire deux étapes, encore une fois, rien ne presse.
Une fois sur place, un long chemin mène au cœur de la forêt. Non sans peine, boue, caillasse, racines. On finit par s'enfoncer et trouver un super spot : un point d'eau pas trop loin et pas mal de bouleau dont je récupère de l'écorce, un excellent combustible naturel. Puis la routine : je débite du bois, Ada démarre le feu et prépare les brochettes. Elle taille des pics en bois et vient embrocher de gros morceaux de poulet qu'elle a fait mariner dans des épices. Elle sépare les morceaux par des oignons et des poivrons. Nous passons une super soirée et filons au lit l'estomac bien rempli.











Il me faut débiter du bois pour le soir mais aussi pour le matin.
Il me faut débiter du bois pour le soir mais aussi pour le matin.






19 DECEMBRE

Le repas gargantuesque de la veille nous a assommés. Nous traînons au lit ce matin. Le ciel est toujours gris, la forêt est humide, une petite brise s'infiltre dans le bois, peut-être 5 ou 6 degrés, on n'a clairement pas envie. On décide de rester là aujourd'hui, nouveau jour de repos, enfin presque car il y a du boulot. Premièrement, aller filtrer de l'eau pour la journée. L'eau est stagnante et il me faudra la faire bouillir quelques minutes en plus de la filtrer pour éliminer tout risque de contamination. Ensuite, débiter du bois, beaucoup de bois, et mon matériel a ses limites. La hache fait bien le job mais la petite scie, lorsqu'il s'agit de faire du gros boulot et de débiter des grosses sections, et bien ça se corse. Ça me bouffe beaucoup d'énergie et me demande plus de temps. Ada me parle de faire mijoter une goulash avec le reste de poulet, ce qui me redonne un gain d'énergie. J'organise mes fagots et taille quelques grosses bûches, puis les isole du sol en les disposant sur un lit de branchage. Nous profitons d'avoir du temps pour nous exercer à l'allumage du feu. L'objectif du jour est de démarrer le feu dans ces conditions avec de l'écorce de bouleau et un allume-feu, un exercice pas si simple. En temps normal, on utilise un briquet et disposons quelques journaux ou emballages de chocolat, ce qui nous évite de gaspiller trop d'énergie, car pour maîtriser un feu dans l'humidité, il faut s'armer de patience. Nous réussissons la mission et finissons par maîtriser les flammes au bout de 30 minutes de bataille. Il faut bien l'oxygéner, l'alimenter petit à petit pour le faire monter en température. Nous sommes assez fiers de nous et préparons un bon thé au miel et des grosses tartines de fromage pour le casse-croûte. Noël approche à grands pas et nous rêvassons d'une chaleureuse auberge, d'un grand sapin et d'un gros festin. Je suis curieux de savoir ce que l'avenir nous réserve pour les fêtes de fin d'année. Nos ambitions d'atteindre la Pologne pour Noël se sont estompées. Il faudrait faire de trop grosses étapes, on n'a clairement plus l'énergie. On avance maintenant doucement mais sûrement.


Et ça mijote !
Et ça mijote !
20 DECEMBRE

L'étape est vraiment dure aujourd'hui, la météo est toujours aussi minable, bon ça c'est la routine, j'ai envie de dire, mais le décor est vraiment triste, sans vie, et s'ajoute à cela de plus en plus de détritus sur les bords de route. Le vent les éparpille et certains finissent en guirlandes dans les arbres, ça pue, et pour clôturer le tout, nous suivons de près une autoroute et une voie ferrée. On a là la totale ! Nous peinons à avaler la quarantaine de bornes qui nous sépare de la prochaine forêt. Ada n'est pas dans sa meilleure forme et souffre en silence en s'accrochant à ma roue. Notre seule motivation est la Slovaquie qui se rapproche et les montagnes plus au nord. Vivement qu'on quitte ce décor. Par chance, nous tombons sur une belle forêt de pins, elle tombe vraiment à pic. On s'y échoue, épuisés par la journée. La frontière n'est plus qu'à quelques kilomètres, ce sera la surprise de demain matin. À peine le bivouac en place, que Ada s'engouffre dans son duvet, elle est ko et à aucun moment elle ne s'est plainte. Moi, je râle à longueur de journée, ce qui ne résout rien aux problèmes. Je nous prépare un bon feu et m'improvise cuisinier, bien loin du niveau de Ada. J'improvise une bonne soupe chaude. Ada fait une brève apparition pour venir manger et retourne dans son lit. Je veille seul autour du feu ce soir et en profite pour scruter la carte. L'endroit repéré avec le père de Matti est à en croire la carte une piste cyclable qui enjambe la frontière, un tronçon de l'EuroVelo 6 d'ailleurs. Reste à savoir si les douanes nous feront barrage.











Pause snickers !
Pause snickers !
Endroit parfait pour le bivouac.
Endroit parfait pour le bivouac.
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