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John Muir Trail, Sierra High Route, High Sierra Trail 540km

(réalisé)
Voyage en solitaire à partir de Yosemite Village sur le John Muir Trail, puis une portion du sierra High Trail de Tuolumne meadows jusqu'à read meadows, reprise sur le John Muir jusqu'au Mont Whitney et enfin le High Sierra Trail à partir de Cottonwood Lake.
randonnée/trek
Quand : 10/09/2018
Durée : 23 jours
Carnet publié par Monneal le 10 déc. 2018
modifié le 06 mars 2019
Mobilité douce
C'est possible (ou réalisé) en train bus
Précisions : Bart San Francisco - Richmond Train richmond - Merced Bus Merced - Yosemite Village
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Vue d'ensemble

Le compte-rendu : Section 3 (mise à jour : 08 mars 2019)

Cela n’a rien d’étonnant comme attitude, j’ai relevé ce commentaire sur internet, assez édifiant sur les dispositions d’esprit de nos amis environnementeurs. Que feront-ils quand il n'y aura plus ni grives, ni randonneurs, ni vttistes ? Quel ennui, quelle tristesse que de ne pouvoir tuer !

« https://www.grives.net/index.php?mod=forum&ac=voir&id=7761&debut=40#r180485
Le 24 octobre 2018
Avec mon collègue nous ne savons plus trot quoi faire face à cette triste saison. On se retrouve donc quand même à la passe aux grives quoiqu'il n'y ait toujours pas eu de passage. Donc hier, après avoir fait le planton pendant plus d'une heure sans avoir vu un oiseau nous sommes parti en vadrouille.
Notre commune est en train de tapisser le territoire de chemins pour randonneur et VTT, histoire que l'on puisse les tirer plus facilement; donc, un de ces chemins et 4/5 mètres à l'intérieur du bois et longe ainsi toute la lisière. Mon collègue prend le chemin et moi l'extérieur et d'un coup il me dit fait gaffe la chienne est à l'arrêt, de fait ça gicle et le temps de l'identifier + la surprise, j'oublie de tirer. Elle se repose 20 mètres plus loin, on la relève, mon pote tire, je la pense morte et je regarde du coté du coup de feu mais elle ressort encore un peu plus loin et j'oublie encore de tirer. Nous avons levé notre première bécasse de la saison, deux fois, mais pas trois..........
Aujourd’hui repos forcé, demain nous allons refaire le même tour. Signé Dougege - Dieu. »

-la chasse est plus qu'une passion c'est une culture- »

Quant à moi, je respecte les règles imposées par la Wildlife Regulation même si personne n’est sur mon dos pour contrôler. Si des drones sont en service, je n’en ai vu aucun … et je ne chasse pas, ce n'est pas nécessaire pour attraper le riz qui tout seul tombera dans la casserole.
"-- Choose a previously impacted campsite at least 100 feet from any water source or trail."
Ma tente trône en général à plus de 100 pieds des lacs, rivières ou points d'eau. A chaque étape, je pose mes pieds les uns derrière les autres pour mesurer la distance et à chaque fois rester dans la norme imposée. Je suis un maître étalon, sans vouloir paraître prétentieux.
Je me lave sans savon. J'ai déjà abordé le sujet et cela commence à se voir. Mes pieds ont l'aspect d'une plaquette de chocolat oubliée dans un  placard. Mes mains ressemblent à celles de mon maraicher, les lignes de vie sont en relief et j'ai le bout des doigts ornementé de belles crevasses bien douloureuses, résultat du grattage de rochers et du tirage de bras. Tous les soirs, je les badigeonne de Tea Tree pour éviter qu'elles ne s'infectent mais l’air est tellement sec, les terrains si terreux ou sableux que ça ne se referme pas totalement.
La tente ne souffre d’aucune condensation ni déchirure.
Elle est en parfaite santé !
Quant à moi, la prochaine fois, je penserai à Nivea !
Je suis un peu pouilleux mais encore lucide.
Je ne sais pas à quoi ressemble ma tête. Ça fait longtemps qu'elle ne donne plus signe de vie et je n'ai aucune idée de son nouvel aspect. C'est drôle et inhabituel de ne pas se voir pendant plusieurs jours. Je pourrais certes prendre un selfie mais je ne suis pas assez cabotin et je ne regarde jamais les images prises sur l'appareil photo pour ne pas user la batterie.
Je ne me regarde pas non plus dans l’eau des lacs, c’est bon pour les contes de fées, dans la réalité, on ne voit rien.
Donc je pourrais être quelqu'un d'autre sans m'en apercevoir ?
C'est effrayant, non ?
Je fais attention de ne pas mettre de produits solaires dans l'eau pour éviter l'effet Amoco Cadiz.
J’essaie de rendre les lieux aussi propres que je les ai trouvés.
Et grande chance, je suis réglé comme une horloge. Quand arrive l'heure du petit caca .... ( je ne suis pas certain que cela va vous mettra l'eau à la bouche ni croire que vous allez avaler mes propos…),  il me faut d'abord trouver l'emplacement adéquat.
"-- All human waste must be buried at least six inches deep and at least 100 feet from water sources, camp areas, and trails."
Je cherche un endroit isolé ce qui ne pose aucun problème vu que je suis toujours tout seul, à 30 mètres de tout point d'eau, rivière, lac ... mais également du bivouac. Ensuite, je creuse un trou profond de 15,24 cm au minimum avec ma petite pelle qui fait partie de l'équipement indispensable et réglementaire du "leave no trace spirit". Pas toujours facile à cause des racines et des pierres mais avec un peu de volonté on y arrive. Se débarrasser du superflu intestinal, reboucher. En théorie, il faudrait emmener le papier avec soi ou utiliser de l'eau mais après l'avoir éloignée de tout point d'eau, rivière, etc ... ce qui sous entendrait de la ramener avec la casserole alimentaire ...
J’ai déjà des repas sommaires, il faut qu’ils restent un minimum attractifs.
"-- Carry out all trash. Do not burn or bury toilet paper or trash."
En bon français et mauvais américain, je préfère brûler ce qui est papier avant de reboucher le trou. C'est incorrect mais je pense que c'est la solution la plus esthétique et la plus pratique.
Et sur la portion du Mont Whitney, dans quelques jours, il faudra même utiliser le "Go anywhere toilet kit" que donnent les rangers au départ de Yosémite et ne rien laisser sur place. Drôles de passagers clandestins pour mon pauvre sac Osprey qui ne mérite pas cela. Au moins, la nature ne ressemble pas à des WC en plein air comme on le rencontre si souvent.
Tout cela est bien trivial, mais je pars les intestins guillerets avec Red Meadows comme objectif du soir.
Je remonte la vallée où je me trouvais en direction d'Iceberg Lake, la neige et les névés lui donnant un bel aspect alpin et glacé comme son nom l'indique puis un énergique hors piste plein de cailloux de toutes tailles m'emmène à Cecile Lake puis Minaret Lake, une beauté aquatique plantée de quelques îles juste pour moi ! Je suis heureux car le lac est bordé d'un chemin… je vais pouvoir distraire mes pieds !
Yesss ! Enfin ! Fun !
Mais je déchante vite car les points sur ma carte m'indiquent le sud et le chemin lui veut absolument aller vers l'est. Impossible de les faire changer d'avis, ni l’un ni l’autre. A la boussole, je repère au loin ce qui doit être la Nancy pass qui me permettra de franchir la montagne mais en attendant tout ce que je vois c'est une vallée aux arbres gras et denses, debout et couchés, à l'herbe épaisse et aux barres rocheuses généreuses. 
Tous les ingrédients pour quelques heures de « Seul face à la nature ».






Sur la carte, il est indiqué pour cette zone "inconspicuous saddle". J'ai essayé de traduire et ça donnerait  "selle discrète" ou avec un zeste d'interprétation "passer inaperçu, discret". Sur le moment, le nom à lui tout seul me dit "Attention, tu ne vas pas t'amuser, sois fort guerrier !"  ou bien "Ben bon courage, tu n'es pas prêt de sortir du bois !". Là encore je traduis par un « Tu vas en chier ! » ce qui nous ramène au paragraphe antérieur mais ne me rassure pas pour autant.
J'en viens à bout.
Derrière la forêt, le paysage se métamorphose minéral et aérien. Quelques pas d'escalade, beaucoup de zigzags, des pierriers, une montée longue, pénible où je commence à regretter la fraicheur des jours précédents.
Passé le col situé à 3100 m, je plonge dans une faille aux rochers branlants et quasiment tous en équilibre. Je me fais la réflexion depuis ce matin que comme dans tout puzzle ou casse-tête, il doit y avoir une clé. Quel est le rocher qui  maintient la montagne en place ? Quel est celui que je vais déplacer et qui entrainera tous les autres dans une farandole de pierres ? Qui va donner le départ de la course de descente en ligne?  Qui va gagner au ‘crash’ ?
J'ai l'impression d'avoir franchi ces derniers jours des milliers de pierriers, des centaines de blocs, des dizaines de falaises, quelques grimpettes peu esthétiques et cette partie encore s'annonce délicate. Je finis au milieu de plantes plus hautes que moi qui me déchirent les vêtements histoire de dire "c'est qui le patron ?" avant de me libérer et de dépasser ces derniers obstacles pour me poser dans une vallée sauvage, genre Adam et Eve sans Eve qui est restée à Nevers, à me tremper dans Superior Lake et m'autoriser un repas généreux avec soupe, viande séchée mélangées à mon reste de riz (La recette Monne Muir), 1 Clif et un café. 
La fin du jour me fait atterrir en douceur à ma destination. J'ai perdu 800 mètres depuis le col, certainement quelques grammes et gagné en température. Je rejoins le John Muir Trail à quelques miles de Red Meadows. De nouveau, je rencontre des gens. Ils viennent voir Devils Postpile Monument, un ensemble de colonnes de basalte extraordinaires qui me rendent hommage et me saluent au passage en pliant leur long corps de pierre. Je leur rends également leur salut en prenant quelques photos et mon sac au dos brisé se plie également.  Le basalte aurait refroidi lentement après avoir émergé des profondeurs et se serait solidifié en grandes colonnes accolées de 120 m de hauteur.  Le résultat frôle le jamais vu !
Le chemin aboutit à la fin d’une route goudronnée où se côtoient un ranch, un restaurant et une épicerie.
Le hamburger rêvé brille dans mes lunettes mais auparavant je passe à l'épicerie locale pour faire le plein de nourriture. Je me gave de pêches fraiches mais pour la nourriture au long cours, c'est un peu la misère. Il me faut affronter maintenant  une dizaine de jours d'autonomie.
Les marchandises sont couvertes de poussières, les bacs sont vides, la boutique bien sombre.
Je me rabats sur des spaghettis complets, des pâtes chinoises, de la viande séchée et encore des barres. Tout cela doit tenir dans ma bear box qui me sert de jauge et surtout de régulateur d’appétit.
Je fais le plein de jus de fruits en absorption directe et bois quelques bières avec un randonneur au long cours qui descend plein sud sur le Pacific Crest Trail, 5000 km du Canada au Mexique ! Quel courage ! Il est cependant respectueux du parcours que j’ai effectué, connu pour sa difficulté. Je suis admiratif du sien. Je termine par mon double cheeseburger au restaurant !
Le bonheur est dans l’assiette.
Je repars à la nuit tombée, car l’habitude de la solitude ne me donne pas envie d’aller rejoindre le campground local. Je croise à la lueur de ma lampe des yeux curieux et lumineux qui loin d’être effrayés se rapprochent de moi. Ouf ! il ne s’agit que de petits cerfs américains, finalement la nuit je préfère que ce ne soit pas des ours. Je marche encore quelques heures avant de poser le bivouac pour une nuit d’exception, à la fois chaude et tranquille.
La lune m'observe avec curiosité.
Je m'endors très impoliment.





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