John Muir Trail, Sierra High Route, High Sierra Trail 540km
Voyage en solitaire à partir de Yosemite Village sur le John Muir Trail, puis une portion du sierra High Trail de Tuolumne meadows jusqu'à read meadows, reprise sur le John Muir jusqu'au Mont Whitney et enfin le High Sierra Trail à partir de Cottonwood Lake.
Quand : 10/09/2018
Durée : 23 jours
Durée : 23 jours
Carnet publié par Monneal
le 10 déc. 2018
modifié le 06 mars 2019
modifié le 06 mars 2019
Mobilité douce
Précisions :
Bart San Francisco - Richmond
Train richmond - Merced
Bus Merced - Yosemite Village
1108 lecteur(s)
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Vue d'ensemble
Le compte-rendu : Section 1 (mise à jour : 06 janv.)
Nevers - Nevers
via John Muir Trail, Sierra High Road et High Sierra Trail
Yosemite-Village - Tuolumne Meadows 44 km
"Who is the first ?"
"I am"
"OK, what is your first name?»
"Allan"
Et voilà, c'est parti ! Le ranger m'accorde à moi ainsi qu'au numéro 2, Keith, un beau et sympathique californien, life guard de L.A. qui vient de parcourir le John Muir Trail dans un sens et souhaite repartir dans l'autre, le fameux et précieux permis pour un départ immédiat. Il en avait 2 à distribuer aujourd'hui. Les autres devront revenir à 11h00 pour essayer de profiter des désistements.
J'étais parti la veille de France et avec la magie des "fusées" horaires, le soir même à Merced et le lendemain dès 5H00 dans le bus qui m'a déposé devant le Wildlife Center à 7h20. Timing parfait.
D'abord, prendre un vrai petit déjeuner, je sais que le prochain sera dans plusieurs jours, et puis faire les courses pour remplir ma boite à ours de belle nourriture.
Ce ne sera pas le cas !
Le supermarché, la supérette devrais-je dire, est bien peu achalandée en nourriture de voyageurs. Dans la peur d'être confronté au même problème à Tuolomne Meadows, j'achète 40 barres Clif, 1 kg g de riz, 3 paquets de pâtes chinoises précuites avec sauce et de la viande séchée. Je prends un peu de temps pour rentrer tout cela dans la boîte, téléphoner à Catherine avant le départ et j'enclenche la mécanique en fin de matinée avec un sac plus lourd que nécessaire, la prochaine étape étant à 2 jours.
Je laisse derrière moi, les dernières sensations de ma vie d'avant, les petits meurtres entre amis, les migraines ophtalmiques, ma petite femme derrière les grilles de la gare, mon vélo, mes collègues de travail, tout ce qu'il me faudra déposer dans l'arrière-cuisine pour me consacrer à ce qui m'entoure, passer du virtuel au concret, du reportage des autres à ma propre aventure, la télé rend fou, la vraie vie rend fort.
Ma curiosité va devoir se contenter de ses propres sensations pour satisfaire mon cerveau. Ces moments de départ posent l'attente comme un vestiaire entre l'avant et l'après. J'espère que les angoisses que je laisse à mes proches ne seront pas trop lourdes à porter et à moi d'oublier toutes les inquiétudes ménagères que je laisse derrière.
"Le chauffage est-il bien mis ?"
"L’ordinateur va-t-il fonctionner correctement ?",
"Ai-je bien réparé la machine à laver ?".
«Mon vélo va-t-il m’attendre ? »
Tous ces soucis dont il faut absolument que je débarrasse mon sac à dos pour y placer le juste nécessaire.
Les premiers pas sont traîtres. Le trajet entre Yosemite village pèse une tonne dans le sac. C'est déjà la pleine chaleur et je longe la route à pied ayant snobé le shuttle par oubli que les miles ne sont pas des km. Le Half Dome surplombe la vallée et constitue la principale attraction du paysage. J'atteins enfin le vrai départ avec ce beau panneau "High sierra Loop Trail" et la destination de cette première partie de parcours, pour l'instant magique et inaccessible, "Mount Whitney via John Muir Trail 211 miles 340 km".
Au début, rien n'est magique cependant !
" Mon sac est lourd", me dis-je,
"Je suis vieux",
"Il y a trop de monde",
"Le chemin est trop goudronné",
"Ca monte",
"Il fait trop chaud",
"J'ai fait des mauvais choix de nourriture",
"J'en ai trop pris",
"Qu'est ce que je fais là ?"
Je croise des touristes qui montent, des touristes qui descendent, des gros, des maigres, des couples, des enfants, des couples avec enfants, des sacs à dos, des dos sans sac, des gens qui parlent fort, certains qui disent hello, d'autres pas, des ranger à cheval, bref loin l'idée de solitude à laquelle je m'étais préparé même si je savais que Yosemite village, c'était un peu le Disneyland du parc.
Je continue de monter des 1200 m du départ aux 2400 mètres qui vont être l'altitude minimale de croisière. Comme les gros cargos, je monte doucement pour économiser les moteurs mais mon rythme soutenu me permet de me dégager tranquillement du flot bruyant qui m'accompagne. Quelques rencontres me rassurent, la plupart font juste une randonnée à la journée et je peux imaginer que la foule ne sera pas la dominante du parcours.
Le half Dôme, toujours magnifique, trône sur le flanc gauche de la vallée du Yosemite. C'est la destination première de la plupart des sacs à dos. Ils le monteront à la queue leu leu sur un semblant d’escalier bordé de câbles et de piquets métalliques posés sur la dalle de pierre et arriveront sur un sommet surpeuplé mais offrant une vue exceptionnelle.
La cascade que je vois depuis un moment commence à se faire entendre, magnifique chute d'eau sur une pierre lisse et taillée au couteau. Elle émerge d'un petit plateau pour se laisser plonger dans la vallée après un splendide saut de quelques centaines de mètres. Quand j'y arrive, je vois que les randonneurs se sont pour la plupart arrêtés le long de la rivière, en maillot de bain et profitent de ce lieu aussi sublime que surprenant, les nevada falls, posées sur de belles dalles de granit avec en fond en grand patron, encore le half dôme qui a du mal à laisser la place aux sommets secondaires. Au milieu la rivière plonge dans le vide avec le grognement caractéristique de toutes les cascades. Au dessus, un petit pont de bois la traverse pour emmener le chemin dans la forêt de sapin qui attend d'engloutir les randonneurs les plus audacieux.
Je m'arrête.
....
Et me pose sur une belle dalle, un peu à l'écart pour boire et souffler. J'ai fait environ 6 miles depuis Yosemite village.
Arrive une vieille américaine.
"May I sit there ?"
"Yes of course"
Et ses copines ... fini la tranquillité.
Je repars.
....
"Who is the first ?"
"I am"
"OK, what is your first name?»
"Allan"
Et voilà, c'est parti ! Le ranger m'accorde à moi ainsi qu'au numéro 2, Keith, un beau et sympathique californien, life guard de L.A. qui vient de parcourir le John Muir Trail dans un sens et souhaite repartir dans l'autre, le fameux et précieux permis pour un départ immédiat. Il en avait 2 à distribuer aujourd'hui. Les autres devront revenir à 11h00 pour essayer de profiter des désistements.
J'étais parti la veille de France et avec la magie des "fusées" horaires, le soir même à Merced et le lendemain dès 5H00 dans le bus qui m'a déposé devant le Wildlife Center à 7h20. Timing parfait.
D'abord, prendre un vrai petit déjeuner, je sais que le prochain sera dans plusieurs jours, et puis faire les courses pour remplir ma boite à ours de belle nourriture.
Ce ne sera pas le cas !
Le supermarché, la supérette devrais-je dire, est bien peu achalandée en nourriture de voyageurs. Dans la peur d'être confronté au même problème à Tuolomne Meadows, j'achète 40 barres Clif, 1 kg g de riz, 3 paquets de pâtes chinoises précuites avec sauce et de la viande séchée. Je prends un peu de temps pour rentrer tout cela dans la boîte, téléphoner à Catherine avant le départ et j'enclenche la mécanique en fin de matinée avec un sac plus lourd que nécessaire, la prochaine étape étant à 2 jours.
Je laisse derrière moi, les dernières sensations de ma vie d'avant, les petits meurtres entre amis, les migraines ophtalmiques, ma petite femme derrière les grilles de la gare, mon vélo, mes collègues de travail, tout ce qu'il me faudra déposer dans l'arrière-cuisine pour me consacrer à ce qui m'entoure, passer du virtuel au concret, du reportage des autres à ma propre aventure, la télé rend fou, la vraie vie rend fort.
Ma curiosité va devoir se contenter de ses propres sensations pour satisfaire mon cerveau. Ces moments de départ posent l'attente comme un vestiaire entre l'avant et l'après. J'espère que les angoisses que je laisse à mes proches ne seront pas trop lourdes à porter et à moi d'oublier toutes les inquiétudes ménagères que je laisse derrière.
"Le chauffage est-il bien mis ?"
"L’ordinateur va-t-il fonctionner correctement ?",
"Ai-je bien réparé la machine à laver ?".
«Mon vélo va-t-il m’attendre ? »
Tous ces soucis dont il faut absolument que je débarrasse mon sac à dos pour y placer le juste nécessaire.
Les premiers pas sont traîtres. Le trajet entre Yosemite village pèse une tonne dans le sac. C'est déjà la pleine chaleur et je longe la route à pied ayant snobé le shuttle par oubli que les miles ne sont pas des km. Le Half Dome surplombe la vallée et constitue la principale attraction du paysage. J'atteins enfin le vrai départ avec ce beau panneau "High sierra Loop Trail" et la destination de cette première partie de parcours, pour l'instant magique et inaccessible, "Mount Whitney via John Muir Trail 211 miles 340 km".
Au début, rien n'est magique cependant !
" Mon sac est lourd", me dis-je,
"Je suis vieux",
"Il y a trop de monde",
"Le chemin est trop goudronné",
"Ca monte",
"Il fait trop chaud",
"J'ai fait des mauvais choix de nourriture",
"J'en ai trop pris",
"Qu'est ce que je fais là ?"
Je croise des touristes qui montent, des touristes qui descendent, des gros, des maigres, des couples, des enfants, des couples avec enfants, des sacs à dos, des dos sans sac, des gens qui parlent fort, certains qui disent hello, d'autres pas, des ranger à cheval, bref loin l'idée de solitude à laquelle je m'étais préparé même si je savais que Yosemite village, c'était un peu le Disneyland du parc.
Je continue de monter des 1200 m du départ aux 2400 mètres qui vont être l'altitude minimale de croisière. Comme les gros cargos, je monte doucement pour économiser les moteurs mais mon rythme soutenu me permet de me dégager tranquillement du flot bruyant qui m'accompagne. Quelques rencontres me rassurent, la plupart font juste une randonnée à la journée et je peux imaginer que la foule ne sera pas la dominante du parcours.
Le half Dôme, toujours magnifique, trône sur le flanc gauche de la vallée du Yosemite. C'est la destination première de la plupart des sacs à dos. Ils le monteront à la queue leu leu sur un semblant d’escalier bordé de câbles et de piquets métalliques posés sur la dalle de pierre et arriveront sur un sommet surpeuplé mais offrant une vue exceptionnelle.
La cascade que je vois depuis un moment commence à se faire entendre, magnifique chute d'eau sur une pierre lisse et taillée au couteau. Elle émerge d'un petit plateau pour se laisser plonger dans la vallée après un splendide saut de quelques centaines de mètres. Quand j'y arrive, je vois que les randonneurs se sont pour la plupart arrêtés le long de la rivière, en maillot de bain et profitent de ce lieu aussi sublime que surprenant, les nevada falls, posées sur de belles dalles de granit avec en fond en grand patron, encore le half dôme qui a du mal à laisser la place aux sommets secondaires. Au milieu la rivière plonge dans le vide avec le grognement caractéristique de toutes les cascades. Au dessus, un petit pont de bois la traverse pour emmener le chemin dans la forêt de sapin qui attend d'engloutir les randonneurs les plus audacieux.
Je m'arrête.
....
Et me pose sur une belle dalle, un peu à l'écart pour boire et souffler. J'ai fait environ 6 miles depuis Yosemite village.
Arrive une vieille américaine.
"May I sit there ?"
"Yes of course"
Et ses copines ... fini la tranquillité.
Je repars.
....
Les bois sont maintenant denses, le chemin détendu et solitaire. Les redwoods majestueux l'accompagnent. J'avance. Je passe l'intersection qui mène au half dôme et quitte par là même les sacs à dos qui m'accompagnaient. Je laisse le chemin qui mène à Cloud Rest, dernier bastion à accueillir les randonneurs pour me retrouver seul dans une forêt qui se transforme au fil de ma progression. Je ne vois maintenant que des arbres détruits par le feu sur un sol parsemé de cendres. Je ne sais pas si ce sont les séquelles du "Ferguson fire" qui vient de détruire 40 000 ha. Déjà en 2013 le fameux Rim fire avait brûlé plus de 100 000 ha à cause d'un chasseur qui aurait mal maîtrisé son feu de camp.
Les plantes sous les arbres sont vertes. Ont-elles déjà repoussé depuis le mois de juillet ? Peut-être s'agit-il d’un millésime 2017 ? Difficile de le savoir. Heureusement, les arbres ont cette culture du feu qui semble permettre à certains de survivre.
Il leur faudra encore de la persévérance car les attend un feu monumental qui fera beaucoup parler de lui en octobre.
Je me garde bien d’en parler. Ils n’ont pas mes dons de voyance.
"The deadly Ferguson Fire, near Yosemite National Park, which raged for more than a month has been 100% contained, fire officials announced Sunday.
The massive blaze started on July 13, and its cause is under investigation. The blaze killed two people and injured 19 people.
The sprawling fire that burned 96,901 acres had prompted park authorities to order evacuations and shut popular areas at Yosemite. The closures affected Yosemite Valley, home to famous sites such as El Capitan and Half Dome, for nearly three weeks due to a fire.
The Ferguson Fire was one of several massive fires burning in California in recent weeks."
« Les incendies de 2018 en Californie sont une série de feux de forêts ayant lieu en Californie en 2018. Au 8 août 2018, le California Department of Forestry and Fire Protection a recensé le chiffre de 5 616 feux ayant brûlé plus de 4 346 kilomètres carrés (plus de 1 090 acres).
De juillet à août 2018, une série de grands incendies a éclaté en Californie, principalement dans la partie nord de l'État, dont les plus importants sont dénommés « Carr Fire » et « Mendocino Complex Fire (en) »4.
En novembre 2018, une recrudescence des incendies, attisés par des vents violents, provoque la mort de plusieurs dizaines de personnes. Les plus importants sont « Camp Fire » et « Woolsey Fire ». Il s'agit des incendies les plus meurtriers de l'histoire de la Californie, avec un bilan provisoire qui atteint le nombre de 76 victimes décédées au 18 novembre 2018. »
(Wikipédia)
Je trouve un emplacement plat, perdu au cœur du bois, pour y poser ma tente. Je m'y installe et s'installe également le noir sur mes pieds et mes mains. Ils ne me quitteront plus vraiment car l'eau ne suffira pas à les rendre aussi nettes que celles d'un fonctionnaire et l’usage du savon est déconseillé par souci de protection de la nature. Un exemple à suivre ?
Un ruisseau coule tout proche. Des buissons l'entourent propices aux rencontres. Je laisse la tente ouverte, on ne sait jamais ... un grognement, des bruits de pas, qui sait ?
La nuit me permet de récupérer du Jet Lag, de la fatigue et je commence à ordonner mes pensées vers le but à atteindre. Je mange ma première barre Clif d'où s'échappent quelques pensées mutines.
Si la barre du matin
T’indique le chemin,
N'y mets pas les mains
Hirondelles mutines
Elles briseraient ton élan
En se faisant câlines
Et bloqueraient ton ardeur
A arriver à l'heure
Si la barre du midi
Aiguise ton appétit
Et te dit qu'au soleil
Il est temps de ralentir
Essaie de garder le rythme
Et de ne pas te coucher
Tant pis pour la sieste
Et tant mieux pour les pieds
Si la barre du soir
Nourrit tes espoirs
Te rend nostalgique
Effraie ta solitude
Et excite tes désirs
Concentre ta fatigue
Sur tes muscles défaits
Et endors-toi bien vite
Sur ton matelas gonflé.
Je marche maintenant au milieu d'une forêt torturée. Je n'aurai plus d'eau pendant quelques miles aussi j'ai fait le plein à mon emplacement de bivouac et me suis alourdi d'autant. Le sac m'apprivoise à son rythme. Il essaie de plaire à mon dos et de s'y coller au mieux. Nous avons l’habitude de porter ensemble, ce petit Osprey et moi, et cette complicité nous unit depuis 10 ans. Quelle longévité ! Quelques arbres parmi cet univers calciné ont gardé un feuillage décent et redonnent l'espoir de retrouver une verdure normale.
Et au bout de quelques miles, le vert réapparait.
La forêt redevient dense et je commence à bercer l'espoir de voir un ours. Le chemin s'enfonce dans la noirceur d'une végétation épaisse. Les bruits sont étouffés. Je me mets en mode silence ce qui ne change pas grand-chose. Je guette les animaux, je balaye du regard, je stimule l'audition. Je me transforme en guépard et au détour d'une prairie, j'aperçois ce qui pourrait ressembler ... à des pintades. Il faudra que je m'en contente. Mes copains s'attendent à ce que je vois des ours à chaque intersection. Je ne vois que des volailles !
Avec le gain en altitude, le paysage change, beaucoup plus de rochers, moins d'arbres et quelques magnifiques prairies avec au loin un superbe rocher en pointe, le Cathedral Peak et la Cathedral Pass qui l'accompagne à 2900m. L'alternance de grandes prairies aux herbes sèches et jaunies, les fameuses meadows, et d'excroissances rocheuses qui explosent du paysage, donnent à la vue des perspectives inhabituelles où la progression se fait par des successions de cassures violentes dans le regard, entre plateaux et sommets.
Je passe le col puis descend tranquillement et croise le premier lac de la sierra. Je me rends sur ses berges en attendant encore l'arrivée de gros mammifères qui viendraient se baigner en grognant mais encore seul le silence. Les miles commencent à s'accumuler et me déposent à Tuolumne meadows, étrange village constitué d'un camping, d'une route d'accès et d'une grande tente qui fait office d'épicerie, de post office et de grill.
Le campground est quasi vide et pourtant marqué "no vacancy", ça sent la fin de saison. En mangeant mon hamburger, j'ai la surprise de voir arriver mon life guard du départ.
Le compagnon d'un soir.
Je suis un randonneur facile.
"Hey Keith !"
"Hey Allan !"
Nous passerons avec d'autres backpackers South-North, dans leur phase finale d’atterrissage du John Muir Trail une soirée bière, barbecue, et english talkings au pied du lembert dôme, autre sommet très lisse, très vertical, au bord de la petite route qui permet d’accéder à cet endroit perdu.
La nuit est belle, étoilée et froide. Première d’une série en altitude où je me questionnerai sur la vitalité des plumes qui garnissent mon duvet.
Chère plume, tu me gonfles
....
Les plantes sous les arbres sont vertes. Ont-elles déjà repoussé depuis le mois de juillet ? Peut-être s'agit-il d’un millésime 2017 ? Difficile de le savoir. Heureusement, les arbres ont cette culture du feu qui semble permettre à certains de survivre.
Il leur faudra encore de la persévérance car les attend un feu monumental qui fera beaucoup parler de lui en octobre.
Je me garde bien d’en parler. Ils n’ont pas mes dons de voyance.
"The deadly Ferguson Fire, near Yosemite National Park, which raged for more than a month has been 100% contained, fire officials announced Sunday.
The massive blaze started on July 13, and its cause is under investigation. The blaze killed two people and injured 19 people.
The sprawling fire that burned 96,901 acres had prompted park authorities to order evacuations and shut popular areas at Yosemite. The closures affected Yosemite Valley, home to famous sites such as El Capitan and Half Dome, for nearly three weeks due to a fire.
The Ferguson Fire was one of several massive fires burning in California in recent weeks."
« Les incendies de 2018 en Californie sont une série de feux de forêts ayant lieu en Californie en 2018. Au 8 août 2018, le California Department of Forestry and Fire Protection a recensé le chiffre de 5 616 feux ayant brûlé plus de 4 346 kilomètres carrés (plus de 1 090 acres).
De juillet à août 2018, une série de grands incendies a éclaté en Californie, principalement dans la partie nord de l'État, dont les plus importants sont dénommés « Carr Fire » et « Mendocino Complex Fire (en) »4.
En novembre 2018, une recrudescence des incendies, attisés par des vents violents, provoque la mort de plusieurs dizaines de personnes. Les plus importants sont « Camp Fire » et « Woolsey Fire ». Il s'agit des incendies les plus meurtriers de l'histoire de la Californie, avec un bilan provisoire qui atteint le nombre de 76 victimes décédées au 18 novembre 2018. »
(Wikipédia)
Je trouve un emplacement plat, perdu au cœur du bois, pour y poser ma tente. Je m'y installe et s'installe également le noir sur mes pieds et mes mains. Ils ne me quitteront plus vraiment car l'eau ne suffira pas à les rendre aussi nettes que celles d'un fonctionnaire et l’usage du savon est déconseillé par souci de protection de la nature. Un exemple à suivre ?
Un ruisseau coule tout proche. Des buissons l'entourent propices aux rencontres. Je laisse la tente ouverte, on ne sait jamais ... un grognement, des bruits de pas, qui sait ?
La nuit me permet de récupérer du Jet Lag, de la fatigue et je commence à ordonner mes pensées vers le but à atteindre. Je mange ma première barre Clif d'où s'échappent quelques pensées mutines.
Si la barre du matin
T’indique le chemin,
N'y mets pas les mains
Hirondelles mutines
Elles briseraient ton élan
En se faisant câlines
Et bloqueraient ton ardeur
A arriver à l'heure
Si la barre du midi
Aiguise ton appétit
Et te dit qu'au soleil
Il est temps de ralentir
Essaie de garder le rythme
Et de ne pas te coucher
Tant pis pour la sieste
Et tant mieux pour les pieds
Si la barre du soir
Nourrit tes espoirs
Te rend nostalgique
Effraie ta solitude
Et excite tes désirs
Concentre ta fatigue
Sur tes muscles défaits
Et endors-toi bien vite
Sur ton matelas gonflé.
Je marche maintenant au milieu d'une forêt torturée. Je n'aurai plus d'eau pendant quelques miles aussi j'ai fait le plein à mon emplacement de bivouac et me suis alourdi d'autant. Le sac m'apprivoise à son rythme. Il essaie de plaire à mon dos et de s'y coller au mieux. Nous avons l’habitude de porter ensemble, ce petit Osprey et moi, et cette complicité nous unit depuis 10 ans. Quelle longévité ! Quelques arbres parmi cet univers calciné ont gardé un feuillage décent et redonnent l'espoir de retrouver une verdure normale.
Et au bout de quelques miles, le vert réapparait.
La forêt redevient dense et je commence à bercer l'espoir de voir un ours. Le chemin s'enfonce dans la noirceur d'une végétation épaisse. Les bruits sont étouffés. Je me mets en mode silence ce qui ne change pas grand-chose. Je guette les animaux, je balaye du regard, je stimule l'audition. Je me transforme en guépard et au détour d'une prairie, j'aperçois ce qui pourrait ressembler ... à des pintades. Il faudra que je m'en contente. Mes copains s'attendent à ce que je vois des ours à chaque intersection. Je ne vois que des volailles !
Avec le gain en altitude, le paysage change, beaucoup plus de rochers, moins d'arbres et quelques magnifiques prairies avec au loin un superbe rocher en pointe, le Cathedral Peak et la Cathedral Pass qui l'accompagne à 2900m. L'alternance de grandes prairies aux herbes sèches et jaunies, les fameuses meadows, et d'excroissances rocheuses qui explosent du paysage, donnent à la vue des perspectives inhabituelles où la progression se fait par des successions de cassures violentes dans le regard, entre plateaux et sommets.
Je passe le col puis descend tranquillement et croise le premier lac de la sierra. Je me rends sur ses berges en attendant encore l'arrivée de gros mammifères qui viendraient se baigner en grognant mais encore seul le silence. Les miles commencent à s'accumuler et me déposent à Tuolumne meadows, étrange village constitué d'un camping, d'une route d'accès et d'une grande tente qui fait office d'épicerie, de post office et de grill.
Le campground est quasi vide et pourtant marqué "no vacancy", ça sent la fin de saison. En mangeant mon hamburger, j'ai la surprise de voir arriver mon life guard du départ.
Le compagnon d'un soir.
Je suis un randonneur facile.
"Hey Keith !"
"Hey Allan !"
Nous passerons avec d'autres backpackers South-North, dans leur phase finale d’atterrissage du John Muir Trail une soirée bière, barbecue, et english talkings au pied du lembert dôme, autre sommet très lisse, très vertical, au bord de la petite route qui permet d’accéder à cet endroit perdu.
La nuit est belle, étoilée et froide. Première d’une série en altitude où je me questionnerai sur la vitalité des plumes qui garnissent mon duvet.
Chère plume, tu me gonfles
....