2 membres et 15 invités en ligne

Croatie en kayak

par Johanna dans Récits et entretiens 31 mai 2006 mis à jour 30 oct. 2012 67067 lecteurs 2 commentaires
Lecture 7 min.
Voyage en kayak dans un archipel de 1200 îles

Kayak Croatie île de Cres Article de Johanna Nobili paru dans Carnets d'Expé n°4
Photos : Carnets d'Expé

Cet article tel qu'il est paru dans Carnets d'Expé n°4 est disponible en PDF (cliquez bouton droit et "enregistrez cible sous" pour le télécharger sur votre ordinateur).

Un archipel de 1 185 îles dont seulement 66 habitées, en Méditerranée, là, pas loin de chez nous, un climat agréable, un tourisme pas encore trop envahissant… Un paradis pour kayakistes. Récit et impressions d’un voyage au fil de l’eau dans cet archipel qui borde sur 500 km le littoral croate.



Kayak Croatie

Le petit village de Plomin Luka, à l’est de la péninsule de l’Istrie, est choisi pour l’embarquement. Nous déchargeons les kayaks et sortons des voitures ce que nous devons emporter : un monticule d’affaires, de matériel et de nourriture ! Comment tout cela va-t-il rentrer ? Comme à chaque voyage kayak, nous nous posons la même question… et comme à chaque fois, à force de compactage, de tri et de persévérance, nous parvenons à tout insérer dans les compartiments étanches et au fond des cockpits (*). Quelques affaires potentiellement utiles en navigation trouvent leur place sur les ponts (gilets de sauvetage, bidons étanches d’appareil photo, barres de céréales, eau, masques et tubas…).
Lire l'encart sur le matériel ainsi que l'encart Chiffres et infos pratiques.

Nos premiers coups de pagaie nous emmènent vers l’île de Cres. Après une heure de navigation, nous faisons une rencontre surprenante sous ces latitudes : un macareux (**) – égaré peut-être mais pas farouche pour autant – qui se laisse gentiment photographier ! Mis à part quelques orages nocturnes, la météo est clémente et nous permet de naviguer dans de bonnes conditions ; les côtes offrent de nombreux sites parfaits pour le bivouac… l’archipel croate nous accueille plutôt bien !

Kayak Croatie île de CresNous sommes surpris par le caractère sauvage et paisible des îles : très peu de gens, très peu de bateaux. Le calme, un plaisir rare dans nos vies d’occidentaux toujours pressés. Quel bien-être de prendre progressivement le rythme de cette vie nomade et de se rapprocher de la nature. Quiétude des sens et de l’esprit.

Les nuits sont très silencieuses et notre sommeil est réparateur. Ponctuellement, tout de même, quelques décibels parviennent à nos oreilles, vent, orage, va et vient des vagues, passage d’animaux… Dès l’apparition du soleil, alors que la faune nocturne s’est cachée depuis plusieurs heures, une autre – diurne – prend le relais de façon vigoureuse : les cigales… des centaines, des milliers de cigales chantent en cœur dans les nombreuses pinèdes de l’archipel. En mer, leur chant lointain vient parfois se mêler au clapotis rythmé des pagaies pour bercer agréablement notre navigation.

Kayak Croatie île de CresKayak Croatie

Cres est pleine de variété. Un jour, les cigales, le maquis et d’accueillantes pinèdes baignées de soleil offrent une ambiance méditerranéenne estivale. Le lendemain s’imposent de hautes falaises calcaires qui appellent à la varappe. Un autre jour – nuageux celui-ci –, c’est en montagne que l’on se croirait en longeant une vallée bordée de grands conifères ! Sans oublier l’habitat des vautours-fauves, protégés sur Cres, qui nous survolent ou nous observent depuis les pentes escarpées de ce côté de l’île.

En direction de l’île de Lošinj, le vent est portant. Sensation grisante de filer à toute vitesse ! Nous nous amusons à faire la course en beuglant des commentaires effrénés, version journaliste sportif commentant en direct l’arrivée d’une étape du Tour de France ! Sur Lošinj, nous faisons un arrêt ravitaillement au village de Mali Lošinj auquel nous trouvons, comme à quelques autres patelins colorés et fleuris de l’archipel, des airs de Saint-Tropez, la masse des touristes en moins. Nous sommes souvent étonnés de constater combien quelques jours de vie nomade dans la nature suffisent à nous déshabituer de la civilisation. Comme des gamins qui découvrent une nouveauté, nous contemplons avec amusement la profusion de nourriture dans une petite épicerie ou le luxe d’un lavabo avec savon et essuie-mains dans un café !

Kayak CroatieBrève incursion dans le monde moderne et nous repartons vers la nature sauvage. Sauvage, peut-être, mais pas forcément inhabitée… nous rebaptisons “goélands city” la petite île déserte de Tramerka. Celle-ci avait attiré notre regard en nous présentant une longue plage claire, qui semblait bien être recouverte de sable. Il faut préciser que les plages de sable n’étant pas légion en Croatie, et la variété étant souvent la bienvenue, nos pieds et nos dos se prirent à réclamer une douce alternative aux galets, nous poussant alors vers des plages de couleur beige clair potentiellement recouvertes de sable ! A chaque fois cependant l’issue est la même : des galets. Après tout, c’est aussi du sable… avec des grains gros comme des œufs d’autruche ! Bref, nous voici donc à “goélands city” sous un ciel plutôt menaçant. Le bivouac monté – hamacs et bâches posés tant bien que mal dans le maquis ras et épineux pour certains, tapis de sol et bâches tendues entre 2 kayaks pour d’autres –, nous écoutons la panoplie des cris produits par les goélands. Tantôt moqueurs, tantôt rieurs, conversant en chœur ou s’époumonant en solo, ils semblent tous d’accord sur un point : nous sommes sur leur territoire et ils sont décidés à nous le faire savoir ! Heureusement, s’apercevant que nous ne sommes ni des méchants, ni des mangeurs de goélands, ils finissent par se taire et viennent nous rejoindre sur la grève.

Kayak Croatie Archipel des Kornati

Continuant notre route vers le sud‑est, nous serpentons entre les nombreuses îles. Par endroits, il s’en dresse dans toutes les directions, on n’aperçoit alors plus la lointaine ligne d’horizon, on se croirait sur un lac ! Puis c’est la réserve des Kornati qui s’étend devant nous, un groupe d’îles, assez différentes de celles que nous avons vues avant ou que nous verrons après, mais assez semblables entre elles : rocailleuses et pauvres en végétation, recouvertes d’herbe jaunie qui leur donne des allures de dunes sahariennes. Nous nous perchons sur les sommets de deux de ces îles, le panorama est superbe ; c’est agréable, après des jours au ras de l’eau, de prendre un peu de hauteur pour quelques instants ! Les plaisanciers, pourtant très rares dans certaines belles zones de l’immense archipel, sont présents en plus grand nombre dans les Kornati, peut-être parce qu’il y a écrit “réserve naturelle” dans les guides touristiques… Même si nous trouvons l’endroit joli, notre préférence se porte sur le nord de l’archipel.

Kayak CroatieAprès l’île de Zirje, nous retouchons la Croatie continentale que nous n’avions plus abordée depuis notre départ de l’Istrie, 250 km plus au nord. Mais pas pour longtemps : une longue étape nous amène sur l’île de Solta où nous faisons, au village de Maslinica, une courte escale ravitaillement. Nous repartons en début de soirée, confiants de trouver rapidement un bon bivouac au vu des différentes anses successibles mentionnées sur la carte. La plus proche n’offre aucun endroit propice au débarquement des kayaks, qu’à cela ne tienne : nous irons à la suivante ! Deuxième, troisième, quatrième anse : même topo… Nulle part où accoster. La “je ne sais plus combientième” anse offre une microscopique plage bordée de maquis touffu et en pente. Le soleil s’en est allé. Je poursuis seule une demi-heure espérant dénicher le fameux “bivouac majeur”, mais rien ! Plus loin, des falaises tombent dans la mer, inutile de continuer la moitié de la nuit pour rien ! Je rebrousse chemin et rejoins les autres, anéantissant d’un signe de tête leur maigre espoir. Nous accostons à la nuit tombante dans la susnommée “je ne sais plus combientième” anse, les kayaks occupent quasiment tout l’espace de la microscopique plage. Aucun spot à hamac bien sûr (c’est rare, mais là vraiment il n’y a pas moyen !), nous dormons sur une toute petite surface de galets en pente, coincés entre les kayaks et des rochers. (lire l'encart sur la "bivouacabilité".) Un point positif tout de même pour moi ce soir – sans doute dû au confort sommaire qui retarde l’arrivée de mon sommeil, mais retenons les bons côtés – : je vois des tas d’étoiles filantes ! Le lendemain, Solta est plus clémente avec nous : outre le spectacle de ses falaises et tombants sous-marins, elle nous offre, à sa pointe sud-est, un beau bivouac arboré dans une baie abritée. Nous décidons d’y prendre un jour de repos que nous espérons réparateur pour les douleurs tendineuses et dorsales des uns et des autres. Nous occupons cette journée entre autres à capturer notre repas du soir : fricassée de rougets en entrée, suivie du plat le plus élaboré que nous cuisinions en bivouac : poulpe à l’américaine (poulpe, bouillons, épices, concentré de tomates et riz) le luxe !
Lire l'encart apnées et balades aquatiques.

Kayak Croatie île de Cres

Nous terminons notre périple sur Hvar. Bordée de plusieurs petits îlots et de baies et plages accueillantes, cette île est relativement plus touristique que les autres. Plutôt que deux d’entre nous aillent chercher les voitures, garées au nord dans l’Istrie, en stop ou en bus, nous décidons d’essayer de remonter en ferry. La compagnie de ferry accepte-t-elle des kayaks en fret ? Seul le capitaine du navire peut prendre ce genre de décision, nous dit l’hôtesse du standard téléphonique. Nous tentons directement notre chance au guichet de vente des billets, 2 heures avant le départ de “notre” ferry. L’employé, après avoir compris de quoi il relevait en voyant la photo des kayaks sur le petit écran de l’appareil numérique, est amusé par le fait que nous venions du nord de la Croatie avec ces embarcations. Il nous en demande les dimensions approximatives afin de calculer le tarif qui dépend du volume. Il fait un calcul qu’il arrondit largement au chiffre inférieur avec un sourire. Nous payons une misère, merci monsieur ! Munis du précieux ticket, nous transportons les kayaks dans le ventre du navire, au milieu des voitures et des bus. Retour à la civilisation, le bivouac ce soir c’est sur la moquette du ferry…


Ont participé à ce voyage : Yves, Stéphane, Jean, Floriane, Sébastien, ainsi qu’Olivier et Johanna de Carnets d’Expé.

* Selon le volume du cockpit et la longueur des jambes de la personne, il reste plus ou moins de place au fond, derrière les pieds, pour mettre quelques affaires.
** Macareux : Oiseau vivant dans des pays du nord de l’Europe et de l’Amérique. Vers le sud, on en trouve en France dans les Côtes d’Armor.

Commentaires
05 févr. 2016
Invité (utilisateur non inscrit)
Bonjour
J'envisage de faire un voyage similaire cet été avec un ami et voulait vous demander si premièrement il est nécessaire d'avoir déjà de l'expérience dans la rando kayak avant car nous n'en avons jamais fait, j'ai fait un peu de voile et du surf mais jamais du kayak. Est t'il nécessaire de savoir bien lire les cartes marines etc?
Ensuite, je voulais savoir si vous aviez loué vos kayak sur place ou avez vous enmenné les votrse?
Merci

06 févr. 2016
Invité (utilisateur non inscrit)
Bonjour Joaquim, nous avons emporté nos propres kayaks, mais je crois il y a peut-être des endroits où il est possible d'en louer sur place. Quant à l'expérience, elle ne nous semble pas indispensable (nous avons commencé sans :)) moyennant d'être raisonnable et de connaitre un peu le milieu marin, ce qui semble être ton cas. Je ne peux que te recommander la lecture de notre numéro spécial Voyager sur l'eau CA# 20 ainsi que de cet article. Bonne balade !