Con un jour, con toujours ?
L’humain est capable du pire comme du meilleur, avec une large palette de nuances. Pour autant, y a-t-il d’un côté des mauvais sapiens n’agissant que de manière déplorable, et de l’autre des bons sapiens ne faisant que de belles choses ? Déjà, il serait hasardeux, déplacé, et surtout impossible, de définir ici le bien et le mal, et de toute façon cela ne veut pas dire grand-chose.
L’ensemble des sociétés humaines ont tenté d’en tracer les contours, et pourtant les dessins sont tous différents… Au sein d’un référentiel socioculturel, on aura tendance à polariser des actions selon leur valeur, « bonne » ou « mauvaise ». Un sapiens, au cours de son existence, va être la source d’un nombre incalculable d’actions et d’interactions. Selon son humeur du jour, sa fatigue, son taux de telle ou telle hormone, les événements qu’il aura vécus, il pourra agir ou réagir de mille façons différentes qui seront perçues de mille autres manières par un autre ! Cet autre n’aura qu’une vision partielle de la situation (la vérité est la somme des reflets d’un miroir brisé en mille fragments, il est important d’avoir conscience que chacun de nous ne voit qu’un seul de ces fragments). Chacun a son interprétation, avec son propre cocktail qui définit son état du jour. Suite à cette interprétation, cet autre pourrait placer la première personne sur une échelle allant de « merveilleux » à « mais quel connard ».
Et la voilà cataloguée et notée par une valeur unidimensionnelle* : 10 merveilleux, 0 connard. Bien entendu c’est une plage raisonnable, la note peut descendre fortement sous 0 . Quand une personne est étiquetée avec une valeur basse, elle aura bien du mal à la faire remonter. En revanche, si elle a la chance d’avoir reçu une bonne note initiale, ses actions suivantes pourront très facilement la faire baisser.
L’erreur est sans doute d’associer l’étiquette à la personne plutôt qu’à l’action. On peut tous faire de belles choses, on peut tous en faire de moins belles (qui ne s’est jamais dit : « tiens, là, j’ai vraiment été un con ! », et s’il ne se l’est jamais dit, peut-être que cela vaut le coup de se poser des questions...). En évitant d’identifier une personne à ses actes ou de lui coller une étiquette, on devient plus tolérant envers les autres et envers nous-même.
De plus, cette dissociation libère et permet à chacun d’agir plus spontanément – et donc de faire de belles choses – que lorsque l’on se sent condamné, étiqueté… Juger l’action plutôt que la personne permet d’éviter les stigmatisations tellement délétères, et si fréquentes, des sociétés humaines.
Étape suivante, ne pas juger du tout : une des clés du bonheur ?
* l’unidimensionnalité porte en elle-même, par définition, sa faiblesse. Raffiner la perception que l’on a des autres et de leurs actions demande de l’empathie. Tiens il m’a grillé la priorité ce connard !! Malgré sa tête de con (qui ne doit pas l’aider tous les jours dans sa vie), il a peut-être une bonne raison d’être super pressé, ou bien il rêvassait ; à qui cela n’arrive-t-il jamais, à moi ? Allez je me fends même d’un petit signe amical, pas de souci man. Quand on commence à adopter cette approche, la bienveillance arrive naturellement, et elle fait du bien, à soi d’abord, et aussi aux autres. Quel plaisir de repartir avec le sourire après s’être fait griller la priorité !