Kayak de mer
Voyager au fil de l'eau Texte et photos : Olivier Nobili Navigation dans les Kornati en Croatie Voir aussi l'article "Comparatif kayaks de mer" |
Voyager en kayak de mer
Table des matieres Mon kayak, ma libertéLe monde totalise des centaines de milliers de kilomètres de côtes, sans compter les autres centaines de milliers de kilomètres de rivières, de fleuves et de lacs. Autant dire qu'il y a de quoi se balader avec une petite embarcation à rame et qu'on n'est pas près d'en avoir fait le tour. Le kayak constitue un formidable outil de découverte et de liberté. Le volume de chargement élevé autorise une excellente autonomie ; de l’ordre d’une dizaine de jours entre deux approvisionnements en eau douce. De plus, en s'organisant bien, on peut charger du matériel pour une activité annexe (montagne/escalade…). Pouvoir naviguer abstrait le kayak des structures humaines, contrairement au cycliste (et au marcheur dans de nombreux milieux) qui doit souvent se contenter de circuler sur des chemins existants. On navigue partout, même dans les endroits les plus sauvages, les plus reculés. Le cap Horn a déjà été franchi en kayak. Même dans les zones habitées, le kayak permet de se rendre sur des portions de littoral accessibles seulement par la mer. Le milieu marin lui-même ajoute un paramètre de complexité et d'intérêt au voyage en kayak de mer car, en plus des variations du paysage côtier, on navigue sur un milieu changeant ; suivant la météo par exemple, une étape sans vent et sans vague n'aura rien à voir avec la même étape par force 5 et houle de 2 mètres. Kayak pratiqueType d'étape (vitesse/distance)En kayak on fait généralement des étapes journalières de 10 à 30 milles nautiques soit de l'ordre de 15 à 50 km (dans la mesure où le kayak se situe à mi-chemin entre la randonnée et la navigation, nous utilisons invariablement kilomètre et mille nautique). Il est très abordable de tenir les 15 milles par jours avec un kayak rigide, même pour les personnes peu entraînées. 30 milles quotidiennes demandent une bien plus grande habitude, des conditions favorables et des bras entraînés. Il existe quelques mutants qui font encore plus… En navigation tranquille, en comptant les petites pauses et par météo clémente, on peut tabler sur du 5 km/h de moyenne sur la journée avec un rigide. On peut tenir une moyenne haute de 6 à 7 km/h avec de l'entraînement et monter jusqu'à 10 km/h sur de courtes périodes en cas de nécessité, bien entendu tous les kayaks ne sont pas égaux en ce qui concerne la vitesse et l'énergie qu'il faut déployer pour les faire avancer. D'une manière générale, un kayak fin et long ira plus vite mais sera moins stable qu'un kayak plus large. Ce dernier sera, en revanche, plus sécurisant mais il faudra appuyer sur la pagaie pour le faire avancer. PagaiePour le voyage, il est conseillé de prendre une pagaie qui a une pale de petite surface et plutôt longue. Vos articulations seront moins sollicitées et la pagaie sera mieux adaptée à un effort d'endurance. Pour préserver vos tendons, mieux vaut choisir un manche souple. Une rafale peut vous arracher la pagaie des mains : pensez à attacher la pagaie au pont du kayak (leach), une drisse élastique est agréable à l'usage. Ne pas oublier d’emporter une pagaie de secours démontable facilement accessible sur le pont (une pour le groupe, si vous êtes plusieurs, peut suffire). StabilitéPour beaucoup, kayak signifie instabilité, on croit qu'on va forcément se retourner dès qu'une vague nous effleure. En fait, les kayaks de randonnée sont stables et pour certains même très stables ; il est possible de remonter à bord, en mer, sans aide extérieure dans son kayak. Cela est vrai pour un bon nombre de kayaks (Skyros, Bélouga 1 et 2, Laser, Miwok, Kodiak, et même Catchiky chargé avec un peu de technique (mer pas trop formée pour ce dernier), la liste n'est pas exhaustive). On peut se tenir debout dans l'hiloire (trou d'homme) de certains. Même ceux qui sont plus fins, et donc moins stables, s'apprivoisent assez rapidement (nous parlons ici de kayak de randonnée ; les kayaks de mer de course sont nettement plus instables !). L'esquimautage n'est pas forcément une technique à maîtriser avant de partir en voyage avec un kayak (l'esquimautage avec un kayak très chargé est de toutes façons délicat). Mieux vaut connaître les techniques de sécurité de groupe. Quelques clubs/associations en France (voir plus bas) peuvent vous fournir les bases de la sécurité. ChargementLes kayaks de randonnée ont de grosses capacités de chargement. Il faut, dans la mesure du possible, mettre les éléments les plus lourds au plus près du centre de gravité du kayak (vers le pagayeur) et le plus bas possible. Veiller également à équilibrer grosso modo la charge latéralement (il y a tout de même une certaine marge). Ensuite, l'organisation des caissons se fera avec bon sens et en fonction de divers paramètres (charger plus lourdement un équipier plus performant, mettre des éléments étanches dans un caisson pas parfaitement étanche…). Mettre le moins de choses possible sur le pont, la prise au vent est très gênante voire dangereuse lorsqu'il devient fort. Comportement au ventLe comportement d’un kayak au vent est rarement neutre. Avec du vent de travers, le kayak aura soit tendance à remonter au vent (on dit qu'il lofe ; tendance à mettre le nez au vent), soit à se mettre plus « cul au vent » (dans ce cas, on dit qu'il abat). Cela est dû à la position du centre de gravité, de la surface exposée au vent et de la forme de la carène (la surface dans l'eau). Si un kayak lofe, il faudra a priori charger plus son arrière ; s'il abat, on mettra plus de poids à l'avant. Un bateau qui lofe ou qui abat trop est vite fatiguant. La dérive et le gouvernail permettent de pallier ce problème. GouvernailLe gouvernail est très agréable et confortable – on s'abstrait des problèmes de lof ou d’abattée – surtout pour les longues randonnées. Il permet de réduire nettement le déséquilibre latéral (musculaire, articulaire ou tendineux) qui deviendrait gênant sur une étape de plusieurs heures avec un vent de travers. Le gouvernail facilite par ailleurs les manœuvres ; c’est encore plus appréciable sur un kayak biplace, plus long et moins manœuvrant. DériveLa dérive permet aussi de pallier des problèmes de positionnement du kayak par rapport au vent. On travaille sur les appuis dans l'eau. Une dérive réglable permet de trouver la surface la plus adaptée pour contrer la tendance du bateau. Si le bateau lofe, on sort la dérive ; si on la sort complètement, le bateau peut abattre car il sera très « ancré » de l'arrière, il faut donc trouver le juste positionnement pour que le kayak ait un comportement neutre. De nombreux kayakistes utilisent leur dérive de manière binaire (entièrement mise ou entièrement sortie), mais il est possible de l’utiliser plus finement. VoileOn peut mettre des voiles sur les kayaks de mer ; plusieurs types de gréement existent Matériel de sécurité- Gilet Type de voyageSi vous ne connaissez pas l'endroit, renseignez-vous sur les côtes que vous comptez parcourir. Un premier outil très utile est Google Earth, ce logiciel gratuit permet de visualiser (photos satellites) avec une précision intéressante (variable en fonction de la région) les côtes du monde entier. On peut même voir briser les vagues sur les sections où les photos disponibles sont très précises. Il est facile de relever les points pour les rentrer dans un GPS, une version payante de ce logiciel permet d'interfacer directement le GPS. Mers froidesLe kayak de mer prend son origine dans les mers froides du Grand Nord. De nombreuses personnes abordent les régions boréales avec cette embarcation. Il faut un équipement spécifique pour ces navigations, chaud et étanche. Certains isolent même la coque de leur kayak pour mieux supporter le froid. Les destinations du froid sont en général beaucoup plus sauvages que les zones aux températures plus clémentes, on y voit plus de faune (hors poissons) (phoques, morses, ours, nombreux oiseaux migrateurs…). Les côtes de Norvège, du Groenland, du Spitzberg, des Aléoutiennes, du Canada (est et ouest), de l'Alaska, du Chili ont été parcourues en kayak de mer (certaines de ces destinations l'ont été seulement partiellement à notre connaissance). La liste est loin d'être exhaustive. En mers froides, on peut citer la grande épopée de Kim Hafez : départ d’Essonne en mars 2000 à bord d’un kayak de mer biplace avec son chien Unghalak, pour un long périple dans le Grand Nord. La Manche, la Mer du Nord, la Baltique, la Laponie finlandaise, la Mer de Barents, le Cap Nord puis la Norvège et ses nombreuses îles, ils poursuivent ensuite au Groenland puis au Canada. Un magnifique voyage de quatre années dont le récit est paru aux éditions Transboréal sous le titre « Nomade du Grand Nord » ; voir aussi Carnets d’Expé n°4 et 5. Mers chaudesLe kayak en mer chaude a comme avantage, par rapport à la plupart des autres moyens de progression sans moteur, d'être naturellement multi activités : alors qu'à pied ou à vélo, on consacre sa journée exclusivement à son activité, en kayak on s'arrête pour nager, le soir au bivouac on nage encore, on observe les fonds avec son masque, on pêche ou on pratique la chasse sous-marine. De plus, les jambes sont en bon état après l'étape et on peut encore faire une balade à pied. Par ailleurs, le matériel pour le froid n'étant pas utile, on a plus de place dans les caissons (cependant, il faut en général mettre à profit une partie de cette place pour l'eau douce). MétéoDans de nombreux endroits du globe, le temps change vite ; la mer et le vent peuvent devenir très forts en très peu de temps. C'est pourquoi il faut avoir une source de prévision météo : baromètre de poignet, radio, VHF, bulletins affichés sur les capitaineries, infos glanées en croisant les marins ou plaisanciers et, la plupart du temps, un mélange de tout cela. Les divers types de kayaksVoir aussi les articles "Comparatif kayaks de mer" et "comparatif kayaks gonflables" Kayaks rigidesLes kayaks rigides sont d'une manière générale les plus marins. Ils filent bien sur l'eau et peuvent être très longs ce qui leur permet de mieux glisser dans l'eau. Le choix de la matière du kayak est un sujet « difficile », qui fait l'objet de nombreux débats et aussi d'un certain intégrisme. - Kayak en fibreLa fibre présente l'avantage d'être légère et rigide, cela donne des bateaux performants. Le gel-coat est cependant fragile et il faudra être soigneux et ne pas traîner le kayak comme un « sauvage » sur la plage. Cela dit, il est possible de refaire le gel-coat en cas de besoin. On peut aussi facilement réparer de manière efficace, avec des kits de réparation fibre+résine. La fibre la plus utilisée pour fabriquer des kayaks est la fibre de verre, mais on peut utiliser des fibres kevlar carbones qui donnent des kayaks très légers et très rigides et… très chers (attention, rigide ne veut pas dire solide). Les compartiments sont en règle générale bien étanches sur ces kayaks. - Kayak en polyéthylèneLe polyéthylène permet de faire des kayaks sérieux et beaucoup moins chers que leurs frères en fibre. Ils sont aussi plus compréhensifs dans le sens où ils ne feront pas trop la tête si vous les malmenez en les frottant sur les rochers ou lorsque vous les tirez sur une plage de galets abrasifs. D'un autre côté, ils vieillissent un peu moins bien (ils deviennent un peu plus cassant avec le temps et les UV) et sont difficilement réparables. On peut réparer les petites avaries avec un réchaud et du polyéthylène (éventuellement des morceaux de plastique ramassés sur une plage), mais ce n'est pas forcément très aisé suivant l'emplacement ; les grosses avaries sont quasi irréparables. Les « polyeth » sont censés être un peu moins rapides que les fibres, mais pour avoir une vraie idée sur la question, il faudrait faire le test avec les mêmes coques dans les deux matières. On peut dire qu’en général, les polyéthylènes ont des coques plus « grand public », c'est à dire plus stables et donc moins rapides qu'un kayak aux formes radicales en fibre. Les cloisons ne sont pas toujours très étanches sur les « polyeth » (l'eau peut circuler au niveau des cloisons, entre le trou d'homme et les compartiments). Attention, pour les biplaces, le polyéthylène étant plus souple que la fibre, on ne peut pas vraiment fabriquer de kayak long ; du coup, les biplaces sont un peu patauds et l'étanchéité des cloisons sera probablement difficile à conserver. - Kayak en boisDe bien jolis kayaks sont construits en bois. Mais là, on entre dans le domaine des passionnés. Nous n'avons jamais navigué avec ces kayaks et nous ne pouvons donc pas en dire grand-chose si ce n'est que c'est « classe » un kayak en bois… - Sit-on-topVoici donc le rigide le plus abordable, le sit-on-top ; il cartonne au niveau des ventes ce kayak-là parce qu'il respire le facile. Voyager avec un sit-on-top ? pourquoi pas, certains crieront au sacrilège, pas moi. C'est vrai que c'est moins bien en navigation, mais ça navigue et on peut les charger (attention à la prise au vent). Naturellement, les zones ventées ne sont pas pour cette embarcation, mais un itinéraire mixte rivière / mer tranquille lui ira bien. Kayaks démontablesEn matière de démontable, il existe toutes sortes d'hybrides. Nous allons aborder ici seulement les armatures bois ou alu + toile qui ont fait leurs preuves. Ces kayaks sont marins, gros porteurs, et surtout transportables en avion. Ils existent en mono et biplace. Ils sont pontés et peuvent donc naviguer en mer formée. L'armature si elle est très sollicitée peut se rompre partiellement, Il faut donc éviter de descendre une rivière tumultueuse avec un kayak chargé. Sinon, ce sont de bons bateaux destinés à l'aventure. La plupart des grandes expéditions lointaines dans les zones reculées ont utilisé ces kayaks. Leur inconvénient principal réside dans le prix. Kayaks gonflablesLe gonflable de qualité est un nouveau venu sur le marché. Les toiles utilisées actuellement (type hypalon) sont très résistantes. Tout en étant robustes, ces kayaks restent légers et se transportent extrêmement facilement. Bien entendu, ils sont plus difficiles à charger puisque l'espace est pris par les boudins qu'on ne peut remplir de matériel. Il faudra donc faire attention à la prise au vent et naviguer dans du temps maniable. La pression d'air élevée confère une certaine rigidité au kayak, mais ses performances (vitesse) sont tout de même nettement inférieures aux autres solutions. Reste que pour mettre dans un avion ou même transporter à pied sur une étape « terrestre », il n'y a pas mieux. Unité de mesuresDistance : le mille nautique fait 1852 mètres. Un mille nautique correspond à une minute d'angle (cela est vrai en latitude mais pas en longitude où 1 minute d'angle (en longitude) est égale à 1 mille nautique seulement au niveau de l'équateur ; dans les plus hautes latitudes, 1 minute de longitude représente une distance inférieure à 1 mille). Sachant cela, on peut calculer la circonférence de la terre. On a donc 360° soit 360x60 minutes = 21 600 minutes d'angle, ce qui représente 21 600x1852 = 40 003 200 m soit environ 40 000 km, voilà un scoop ! Associations kayak de merCK/Mer (Connaissance du Kayak de Mer) qui édite régulièrement un bulletin très agréable à lire avec des récits de randonnées en kayak et des articles techniques (www.ckmer.com). L'association édite également un CD regroupant ses 100 premiers bulletins classés par thèmes, une mine d'informations sur les techniques du kayak de mer et les destinations. Littérature La pêcheIl est facile de traîner derrière un kayak, il ne faut donc pas hésiter à mettre un poisson nageur ou une mitraillette. Et puis, un peu de persévérance devrait porter ses fruits (de mer). On peut aussi se poster au niveau d'un cap pour lancer une ligne avec appât, ou faire nager un leurre. Cela complétera bien vos vivres. Il est possible dans les zones poissonneuses de couvrir une bonne partie des besoins en pêchant, ce qui augmente en conséquence votre autonomie. |
Mono / biplaceLe kayak monoplace donne de l’autonomie et de l’indépendance ; il offre deux caissons par personne, de plus ceux-ci sont en général plus gros que ceux d’un biplace. Le monoplace est plus maniable, plus joueur. Comme expliqué plus haut, attention, pour les biplaces en polyéthylène : ce matériau étant plus souple que la fibre, on ne peut pas vraiment fabriquer de kayak long ; du coup, les biplaces en polyéthylène sont un peu patauds (moins rapides, plus d'énergie perdue en déformation), et l'étanchéité des cloisons peut être difficile à conserver (manque de rigidité des intercaissons : déformations mécaniques. Nous avons constaté un manque d'étanchéité des 2 intercaissons du biplace Rainbow Atlantis que nous possédions), et ce malgré la présence dans certains biplaces de barres de rigidification (dans l'Atlantis par exemple). |
Trou d’homme / hiloiresForme de l’hiloire principale (trou d’homme) : il existe globalement 3 formes d’hiloire, la grande*, la petite et l’hiloire en trou de serrure. La grande est la plus confortable et sécurisante (plus facile de s’extraire du kayak en cas de dessalage, ou de le réintégrer après, extraction plus rapide lors d’une arrivée sur une plage à rouleaux, etc.), elle sera souvent la solution par défaut des grands gabarits. La petite hiloire est la plus traditionnelle, elle laisse de la place à un large pont ce qui permet de poser une carte par exemple. Elle est plus marine ; la jupe, plus petite, offre moins de prise aux paquets de mer ; en revanche elle demande davantage de pratique du kayak de mer, de sérénité et de souplesse… L’hiloire en trou de serrure est un compromis très intéressant entre ces deux solutions (moins de surface exposée à la mer et confort). |
Les fermetures des hiloires de caissons (jupe ou couvercle)2 systèmes principaux existent. Les jupes néoprène recouvertes d’un cache et le couvercle. |