Grande boucle du Parc Naturel Régional Périgord-Limousin
Quand : 21/07/2021
Durée : 7 jours
Durée : 7 jours
Distance globale :
211km
Dénivelées :
+3839m /
-3803m
Alti min/max : 141m/467m
Carnet publié par Béryl
le 24 juil. 2021
modifié le 05 nov. 2021
modifié le 05 nov. 2021
Mobilité douce
Précisions :
Depuis toutes les grandes gares, direction Périgueux puis La Coquille.
1367 lecteur(s)
-
Vue d'ensemble
Le topo : Jour 4 - St-Estèphe / Cheronna.. (mise à jour : 05 nov. 2021)
Description :
Indications GPS :
Distance : 44,84Km
Dénivelé positif : 809m
Dénivelé négatif : 756m
Temps de marche : 10h02
Temps d'arrêt : 1h10
Cliquez sur la trace pour faire apparaître le dénivelé.
Distance : 44,84Km
Dénivelé positif : 809m
Dénivelé négatif : 756m
Temps de marche : 10h02
Temps d'arrêt : 1h10
Cliquez sur la trace pour faire apparaître le dénivelé.
Le compte-rendu : Jour 4 - St-Estèphe / Cheronna.. (mise à jour : 05 nov. 2021)
C'est ici qu'elle est tombée la météorite !
Dimanche 18 juillet 2021
Extrait de mon petit carnet de notes :
"Ah le camping de beaufs ! Boucan jusqu'à pas d'heure (gosses en colo), voisins qui s'engueulent à cause des chiens, discussions enflammées jusqu'à 2h du mat', bref bouchons dans les oreilles. Lever à 4h00 ; envie de fuir ce repère de casse-couilles..."
Ambiance !
Je file mettre mon téléphone en charge discrètement. Pas comme certains qui viennent de se lever, vont aux toilettes en claquant bien les portes à l'entrée et à la sortie et qui tapent la causette comme s'il était 4h00 de l'après-midi.
Je démarre à 5h30, à la frontale, avec l'envie de hurler le titre du dernier film d'Albert Dupontel.
Je ne sais pas où je vais dormir ce soir. Je vise Maisonnais-sur-Tardoire à une trentaine de kilomètres.
Ma frustration d'être privé de petit café matinal est vite oubliée quand le soleil commence à montrer sa face toute rougeaude d'avoir été réveillé une fois de plus à l'aube.
À Piégut-Pluviers, où j'arrive par la voie romaine, tout est fermé. J'ai beau tourner, aller et venir dans le village, rien ne bouge.
Je pousse jusqu'à Saint-Barthélémy-de-Bussière, mais le chemin est trop excentré et ne passe pas par le village.
Bon, tant pis, allez ardich pitit ! faut que les talons claquent !
Dimanche 18 juillet 2021
Extrait de mon petit carnet de notes :
"Ah le camping de beaufs ! Boucan jusqu'à pas d'heure (gosses en colo), voisins qui s'engueulent à cause des chiens, discussions enflammées jusqu'à 2h du mat', bref bouchons dans les oreilles. Lever à 4h00 ; envie de fuir ce repère de casse-couilles..."
Ambiance !
Je file mettre mon téléphone en charge discrètement. Pas comme certains qui viennent de se lever, vont aux toilettes en claquant bien les portes à l'entrée et à la sortie et qui tapent la causette comme s'il était 4h00 de l'après-midi.
Je démarre à 5h30, à la frontale, avec l'envie de hurler le titre du dernier film d'Albert Dupontel.
Je ne sais pas où je vais dormir ce soir. Je vise Maisonnais-sur-Tardoire à une trentaine de kilomètres.
Ma frustration d'être privé de petit café matinal est vite oubliée quand le soleil commence à montrer sa face toute rougeaude d'avoir été réveillé une fois de plus à l'aube.
À Piégut-Pluviers, où j'arrive par la voie romaine, tout est fermé. J'ai beau tourner, aller et venir dans le village, rien ne bouge.
Je pousse jusqu'à Saint-Barthélémy-de-Bussière, mais le chemin est trop excentré et ne passe pas par le village.
Bon, tant pis, allez ardich pitit ! faut que les talons claquent !
Vers 9h00 je me pose dans un bois pour me faire un café "ragougnasse". C'est du lyophilisé, pas le choix en rando si je ne veux pas alourdir inutilement le sac, déjà ce n'est pas du vrai café, mais en plus, si je prends la tasse en photo avec mon petit téléphone, ça ressemble étrangement à une mixture verte dans laquelle flottent d'improbables grumeaux ! De la ragougnasse, quoi ; une recette de sorcière !
Bon je vous rassure, pour l'œil humain, c'est du jus marron tout ce qu'il y a de plus café. Il n'y a que le goût pour en douter !
Ça passe quand même, je ne fais pas le difficile quand je traine mes guêtres ma maison sur le dos.
Je suis en train de me masser les pieds quand arrivent une dame et son chien. Une chienne, d'ailleurs. Pas tenue en laisse, elle me fonce dessus et met en péril le frêle équilibre avec lequel je suis installé, un pied en l'air pour ne pas renverser mon réchaud et l'autre replié sur la cuisse opposée à se faire masser au Voltaren.
Oh bon sang !
La bestiole est jeune et fougueuse. Cela semble plus un jeu qu'une attaque. Quand bien même, me voilà parti cul par-dessus tête à éviter de renverser mon petit chaudron. Fort heureusement, le hasard a voulu que je me cale en partie contre mon sac à dos. Il me sauve et bloque ma chute en s'ouvrant - pas attaché - laissant filer toute sa partie haute. Partie haute qui contient ma réserve de bouffe. Réserve de bouffe qui contient mon saucisson. Saucisson que la chienne a bien senti ! Voilà ce qui l'a attirée la bougresse !
De suite, je parviens à m'en emparer avant qu'elle l'attrape et me redresse dans un mouvement d'abdos qui hurlent sous la charge de travail peu habituelle.
"Elle n'est pas méchante !", s'empresse de me dire sa patronne.
"Aucun chien n'est méchant, c'est juste une question d'éducation", je lui rétorque passablement agacé.
Non, c'est sûr, elle n'est pas méchante, elle est joueuse voilà tout. Aucune agressivité, mais on dirait que ses maîtres ne l'ont pas nourrie depuis des jours !
"Oh que si", me répond la dame quand je lui en fais part, "elle mange comme quatre, mais elle se dépense beaucoup !"
Je sors mon couteau, taille une tranche : allez fripouille, t'as de la chance que j'adore les chiens ; tiens, le voilà ton bout de saucisson ! Puis elles s'en repartent comme elles sont venues après avoir discuté un peu du temps et des champignons.
Bon, me reste à tout ranger. Coup de bol, mon café est toujours sur le réchaud qui n'a pas bougé. Encore heureux que je l'aie éteint avant !
Bon je vous rassure, pour l'œil humain, c'est du jus marron tout ce qu'il y a de plus café. Il n'y a que le goût pour en douter !
Ça passe quand même, je ne fais pas le difficile quand je traine mes guêtres ma maison sur le dos.
Je suis en train de me masser les pieds quand arrivent une dame et son chien. Une chienne, d'ailleurs. Pas tenue en laisse, elle me fonce dessus et met en péril le frêle équilibre avec lequel je suis installé, un pied en l'air pour ne pas renverser mon réchaud et l'autre replié sur la cuisse opposée à se faire masser au Voltaren.
Oh bon sang !
La bestiole est jeune et fougueuse. Cela semble plus un jeu qu'une attaque. Quand bien même, me voilà parti cul par-dessus tête à éviter de renverser mon petit chaudron. Fort heureusement, le hasard a voulu que je me cale en partie contre mon sac à dos. Il me sauve et bloque ma chute en s'ouvrant - pas attaché - laissant filer toute sa partie haute. Partie haute qui contient ma réserve de bouffe. Réserve de bouffe qui contient mon saucisson. Saucisson que la chienne a bien senti ! Voilà ce qui l'a attirée la bougresse !
De suite, je parviens à m'en emparer avant qu'elle l'attrape et me redresse dans un mouvement d'abdos qui hurlent sous la charge de travail peu habituelle.
"Elle n'est pas méchante !", s'empresse de me dire sa patronne.
"Aucun chien n'est méchant, c'est juste une question d'éducation", je lui rétorque passablement agacé.
Non, c'est sûr, elle n'est pas méchante, elle est joueuse voilà tout. Aucune agressivité, mais on dirait que ses maîtres ne l'ont pas nourrie depuis des jours !
"Oh que si", me répond la dame quand je lui en fais part, "elle mange comme quatre, mais elle se dépense beaucoup !"
Je sors mon couteau, taille une tranche : allez fripouille, t'as de la chance que j'adore les chiens ; tiens, le voilà ton bout de saucisson ! Puis elles s'en repartent comme elles sont venues après avoir discuté un peu du temps et des champignons.
Bon, me reste à tout ranger. Coup de bol, mon café est toujours sur le réchaud qui n'a pas bougé. Encore heureux que je l'aie éteint avant !
Il commence à faire chaud. Arrivé à Champniers-et-Reilhac, je dévie légèrement et entre dans le village où j'ai repéré un troquet. Du monde déjeune en terrasse et ça cause pas mal, même entre les tables. Là des Anglais, ici des Anglais et dans le coin là-bas des Anglais. La serveuse vient me voir et prend ma commande avec un charmant accent... anglais. Dos à la devanture, c'est en me retournant que je m'aperçois que j'ai atterri dans un pub irlandais.
J'aurais bien pris un plat quelconque, mais ils ne servent qu'à partir de midi et il n'est que onze heures. En regardant les tables d'un peu plus près, je remarque en fait qu'ils sont tous au petit-déjeuner ! Un breakfast de onze heures, quoi !
Une fois ma boisson fraîche et pétillante d'orge et de houblon brassés avalée, je repars le ventre vide en pensant que d'ici une heure, je serai déjà loin.
J'aurais bien pris un plat quelconque, mais ils ne servent qu'à partir de midi et il n'est que onze heures. En regardant les tables d'un peu plus près, je remarque en fait qu'ils sont tous au petit-déjeuner ! Un breakfast de onze heures, quoi !
Une fois ma boisson fraîche et pétillante d'orge et de houblon brassés avalée, je repars le ventre vide en pensant que d'ici une heure, je serai déjà loin.
14h00, allez je me pose un moment. Tiens, cette douce pelouse qui annonce une vaste propriété peu avant Maisonnais me parait fort accueillante. Je me cale contre une grosse pierre, retire tout ce que la décence (et la pudeur aussi, quand même) permet de retirer et envoie mes orteils se faire caresser par les courts brins d'herbe. Le thermomètre a pris quelques degrés, mais l'ombre d'un grand sapin me protège et rend la chaleur compatible avec une petite sieste d'après saucisson.
Pas vraiment une sieste - je ne dors pas - mais une somnolence bienvenue où je laisse mon esprit battre la campagne. La merveilleuse sensation d'être bien, ici et maintenant. Dix minutes suffisent. Quand je rouvre les yeux, je prends une grande inspiration et je vide mes poumons lentement et surtout complètement. C'est presque devenu un rituel. Une fois rechaussé, je prends une grande gorgée d'eau (en faisant attention qu'il m'en reste assez), je renfile mon sac à dos, et, mon bâton en main, je fais le tour de l'endroit que je m'apprête à quitter afin d'être sûr de le laisser au moins aussi propre que je l'ai trouvé.
Un petit jeu de maniaque : je fais en sorte que mon passage se repère le moins possible, allant même jusqu'à redresser les brins d'herbe où je me suis assis !
Et je repars, plein de sang neuf, comme si je démarrais le matin.
Enfin, presque !
Pas vraiment une sieste - je ne dors pas - mais une somnolence bienvenue où je laisse mon esprit battre la campagne. La merveilleuse sensation d'être bien, ici et maintenant. Dix minutes suffisent. Quand je rouvre les yeux, je prends une grande inspiration et je vide mes poumons lentement et surtout complètement. C'est presque devenu un rituel. Une fois rechaussé, je prends une grande gorgée d'eau (en faisant attention qu'il m'en reste assez), je renfile mon sac à dos, et, mon bâton en main, je fais le tour de l'endroit que je m'apprête à quitter afin d'être sûr de le laisser au moins aussi propre que je l'ai trouvé.
Un petit jeu de maniaque : je fais en sorte que mon passage se repère le moins possible, allant même jusqu'à redresser les brins d'herbe où je me suis assis !
Et je repars, plein de sang neuf, comme si je démarrais le matin.
Enfin, presque !
J'arrive à Maisonnais-sur-Tardoire une grosse heure après.
Je suis passé en pays limousin quelques lieux avant en traversant le Nauzon, un endroit où Dordogne, Charente et Haute-Vienne se rejoignent.
Maisonnais est un joli petit village, mais désespérément vide. Désespérément, car mes réserves d'eau sont au plus bas. Je passe devant deux grand-mères posées dans l'encadrement de leur porte, quasiment en vis-à-vis. Je dis "posées", car c'est vraiment l'impression que j'ai. L'une dort, la tête avachie sur la poitrine, l'autre me regarde passer sans répondre à mon bonjour. Je suis peut-être le seul qu'elle verra passer dans ce lieu désert aujourd'hui !
En continuant un peu, je tombe enfin sur un homme qui trifouille son portable assis sur une marche. Il veut bien me donner de l'eau, pas de problème. Il traverse la rue et m'amène chez lui. Bon, je ne rentre pas et attends patiemment sur le trottoir. Il revient avec deux bouteilles de Volvic ! Je lui dis que l'eau du robinet me va tout autant, mais je n'ai pas le choix, il n'a pas l'adduction, prétextant qu'il habite une maison "bizarre". Bizarre ? Je m'en étonne et demande quelques éclaircissements :
"C'est une maison héritée de ma grand-mère. Il s'y passe des trucs bizarres, oui et les canalisations en font partie. Elles faisaient du bruit sans arrêt et l'eau coulait parfois toute seule, alors je l'ai fait couper. J'ai bien un puits, mais il faudrait que je le fasse curer. Ne vous en faites pas, j'ai un gros stock de bouteilles !", me répond-il.
Je vous la fais courte, parce que bien content de trouver une oreille attentive, le voilà qui me raconte l'histoire du village. Et ça dure !
J'arrive quand même à m'en dépêtrer et n'insiste surtout pas quand son verbiage commence à se tarir.
Je ne m'amuse même pas de lui faire remarquer l'opulence dans laquelle il vit, prenant manifestement ses douches à l'eau minérale !
Je suis passé en pays limousin quelques lieux avant en traversant le Nauzon, un endroit où Dordogne, Charente et Haute-Vienne se rejoignent.
Maisonnais est un joli petit village, mais désespérément vide. Désespérément, car mes réserves d'eau sont au plus bas. Je passe devant deux grand-mères posées dans l'encadrement de leur porte, quasiment en vis-à-vis. Je dis "posées", car c'est vraiment l'impression que j'ai. L'une dort, la tête avachie sur la poitrine, l'autre me regarde passer sans répondre à mon bonjour. Je suis peut-être le seul qu'elle verra passer dans ce lieu désert aujourd'hui !
En continuant un peu, je tombe enfin sur un homme qui trifouille son portable assis sur une marche. Il veut bien me donner de l'eau, pas de problème. Il traverse la rue et m'amène chez lui. Bon, je ne rentre pas et attends patiemment sur le trottoir. Il revient avec deux bouteilles de Volvic ! Je lui dis que l'eau du robinet me va tout autant, mais je n'ai pas le choix, il n'a pas l'adduction, prétextant qu'il habite une maison "bizarre". Bizarre ? Je m'en étonne et demande quelques éclaircissements :
"C'est une maison héritée de ma grand-mère. Il s'y passe des trucs bizarres, oui et les canalisations en font partie. Elles faisaient du bruit sans arrêt et l'eau coulait parfois toute seule, alors je l'ai fait couper. J'ai bien un puits, mais il faudrait que je le fasse curer. Ne vous en faites pas, j'ai un gros stock de bouteilles !", me répond-il.
Je vous la fais courte, parce que bien content de trouver une oreille attentive, le voilà qui me raconte l'histoire du village. Et ça dure !
J'arrive quand même à m'en dépêtrer et n'insiste surtout pas quand son verbiage commence à se tarir.
Je ne m'amuse même pas de lui faire remarquer l'opulence dans laquelle il vit, prenant manifestement ses douches à l'eau minérale !
Il est encore tôt j'ai un peu de jus en rab'. Et si je continuais jusqu'à Chéronnac ? Oui, ça fait une trotte, mais j'ai l'avantage de pouvoir me poser où je veux si j'en ai assez. Un rapide calcul : bon sang oui, ça fait loin. Bon, allez, j'avance et on verra bien.
Oui ça fait loin, mais quand j'ai une idée en tête...
Je m'arrête encore dans un bled dont j'ai oublié le nom pour demander de l'eau. Ça grimpe dans le coin, mais c'est surtout du bitume. Mes pauvres pieds ! Moi qui apprécie les grimpettes en temps normal, là c'est un calvaire sur la route.
Ma trace GPS, officielle téléchargée sur le site du Parc rappelons-le, n'est pas raccord avec les balises, m'obligeant à revenir en arrière parfois longuement, l'horreur du randonneur !
Je n'en vois pas la fin et commence à chercher un endroit de bivouac, mais j'ai toujours espoir d'y arriver.
Et si c'était derrière ce bosquet ? Ah non.
Après ce virage, alors ? Toujours pas.
Bon, si j'y arrive pas dans le quart d'heure qui suit, je m'arrête.
Et vingt minutes après, je remets ça !
Oui ça fait loin, mais quand j'ai une idée en tête...
Je m'arrête encore dans un bled dont j'ai oublié le nom pour demander de l'eau. Ça grimpe dans le coin, mais c'est surtout du bitume. Mes pauvres pieds ! Moi qui apprécie les grimpettes en temps normal, là c'est un calvaire sur la route.
Ma trace GPS, officielle téléchargée sur le site du Parc rappelons-le, n'est pas raccord avec les balises, m'obligeant à revenir en arrière parfois longuement, l'horreur du randonneur !
Je n'en vois pas la fin et commence à chercher un endroit de bivouac, mais j'ai toujours espoir d'y arriver.
Et si c'était derrière ce bosquet ? Ah non.
Après ce virage, alors ? Toujours pas.
Bon, si j'y arrive pas dans le quart d'heure qui suit, je m'arrête.
Et vingt minutes après, je remets ça !
Le panneau "Cheronnac" entre enfin dans mon champ de vision ; je ne vous dis pas la banane que j'ai à ce moment-là !
Il est 18h20 quand j'entre dans le troquet. Nous sommes dimanche, j'appréhendais qu'il soit fermé. Je me pose à la première table et demande une pression.
Après 10h de marche sac au dos, je peux vous dire que je sais exactement ce que signifie l'expression "en avoir plein les pattes" !
Les habitués du coin me regardent d'un air goguenard sans piper mot. La télé diffuse l'arrivée du Tour de France que personne ne regarde. D'entrée, j'ôte mes chaussures et c'est donc pieds nus que je vais chercher mon verre posé sur le comptoir. Vu les haussements de sourcils des autochtones, cela ne semble pas commun. Mais je m'en fous ! J'éteins mon GPS avec un grand sourire : 44,84km, j'ai pété mon record !
Il est 18h20 quand j'entre dans le troquet. Nous sommes dimanche, j'appréhendais qu'il soit fermé. Je me pose à la première table et demande une pression.
Après 10h de marche sac au dos, je peux vous dire que je sais exactement ce que signifie l'expression "en avoir plein les pattes" !
Les habitués du coin me regardent d'un air goguenard sans piper mot. La télé diffuse l'arrivée du Tour de France que personne ne regarde. D'entrée, j'ôte mes chaussures et c'est donc pieds nus que je vais chercher mon verre posé sur le comptoir. Vu les haussements de sourcils des autochtones, cela ne semble pas commun. Mais je m'en fous ! J'éteins mon GPS avec un grand sourire : 44,84km, j'ai pété mon record !
Les bistrots sont de drôles d'endroits où l'on rencontre souvent une faune endémique. Cela va du docteur au météorologue en passant par le psychiatre, l'agent secret au courant de tous les complots et bien sûr le sélectionneur de l'équipe de France de foot. Tout cela dans une voire deux personnes.
Celui-ci abrite la perle rare. Le savant ultime. Plus sachant que savant, pour plaire à Alexandre Dumas ! Lui il sait tout. Tout sur tout. Je l'entends, plus que ne l'écoute, donner son avis sur tout. Un avis qui fait autorité, semble-t-il. Enfin, personne pour le contredire. Les autres, quelque peu blasés manifestement, le laissent disserter à loisir.
Sauf qu'aujourd'hui, un gus aux pieds nus boit une bière, un gros sac à dos calé contre la table sur laquelle il consulte sa carte en se demandant où il va bien pouvoir dormir ce soir.
Le peu d'attention que je porte à sa logorrhée ne le dissuade pas et il finit immanquablement par s'adresser à moi.
Je vous passe le début.
Par contre, les yeux écarquillés de tout le monde quand je réponds à la question fatale "combien de kilomètres aujourd'hui ?", ça vaut la photo, croyez-moi !
Un du fond se le fait répéter par le patron, même : "Quarante-cinq kilomètres ?! Pétard, autant que moi en voiture, ce jour !".
Le penseur du groupe se lance alors dans un cours magistral sur les bienfaits de la marche. Je ne l'écoute qu'à moitié quand soudainement il m'interpelle à nouveau : "tenez, une colle : quelle est la pointure des bottes de sept lieux ?"
La question me sèche. Je reste un instant interdit. Déjà, je ne comprends pas comment il en est arrivé à parler des bottes de sept lieux, puis je réfléchis quand même deux secondes à la réponse. Je finis par lâcher : "elles n'ont pas de pointure, ou plutôt elles les ont toutes. Elles s'adaptent à celui qui les porte, la preuve : elles vont aussi bien à un chat qu'à l'ogre à qui il les a volées."
Là, c'est lui qui est séché !
"Excellente réponse ! Vraiment, j'aurais pas dit mieux !", et le voilà qui continue à pérorer sans réel public.
Après avoir vidé ma dernière gourde, je m'offre un second demi pour fêter mon record. C'est à ce moment-là que la cloche de l'église se met à sonner. Prof s'en empare et se tournant vers moi :
"Puisque vous semblez connaître pas mal de choses, savez-vous pourquoi les cloches sonnent à cette heure ?"
Oui je le sais et lui réponds illico : "Il est 19h00, c'est l'Angelus.
- Ah bin ça alors ! Vous avez fait votre catéchisme ?
- Pas du tout, il n'y avait pas de place pour les bondieuseries à la maison, mais il y avait quand même L'Angélus de Millet accroché dans le couloir, comme dans beaucoup de maisons.
- Vous connaissez Millet ? Ah comme ça fait plaisir de rencontrer un érudit comme vous, enfin quelqu'un avec qui discuter sérieusement !"
Là, j'ai senti le piège se refermer sur moi. Surtout qu'il se lève d'un bond et vient me tendre la main. Et le voilà parti à me raconter sa jeunesse chez les scouts. Un problème d'élocution me fait rater un mot sur trois dans son laïus et j'ai du mal à suivre.
Il enchaine : "Savez-vous qu'une météorite est tombée dans le coin ? Une énorme météorite qui a tout dévasté il y a des millions d'années !
- ah non, je ne sais pas.
- Ah ah, vous voyez, vous ne savez pas tout !
- Je n'ai pas cette prétention, non.
- Et bien figurez-vous qu'une énoooooooorme météorite est tombée pas loin d'ici à Montoume. Elle est connue la météorite de Montoume, c'est ici qu'elle est tombée !
- Non, je ne connais pas.
- Et bien allez voir ! Oh on ne voit plus grand-chose, les scientifiques l'ont sortie et l'ont cachée dans un coin top secret, parce que les gens allaient la gratter pour tirer des pierres et construire leurs maisons avec. Oui, comme je vous le dis ! Les maisons du coin, elles sont toutes construites en pierre de la météorite !"
Je ne dis mot, mais n'en pense pas moins. Pensez donc, une météorite de cette taille qui percute la Terre, les "scientifiques" ont dû la chercher un moment avant de la trouver et la planquer. Cela dit, il y a un peu de vrai dans ses racontars : en consultant mon petit guide, je découvre en effet l'histoire de la météorite de Montoume – plus connue sous le nom de météorite de Rochechouart et dont le point d'impact serait plutôt sur la commune de Pressignac en Charente – un monstre d'un kilomètre et demi de diamètre qui a pulvérisé toute forme de vie sur deux cents kilomètres à la ronde voilà deux cents millions d'années. L'impact a évidemment vaporisé (sublimé, pour être exact) l'astéroïde dont les morceaux ont été agglomérés aux roches existantes qui se sont vitrifiées sous l'effet de la chaleur dégagée. Ces roches-là, les impactites, ont effectivement servi à construire pas mal d'édifices dans la région.
J'en ai assez. Je termine ma bière et demande au patron : "Vous connaissez un coin discret où je pourrais planter ma tente ce soir ? Je serai parti demain avant l'aube.
- Vous pouvez aller à la source, vous y serez comme un coq en pâte, il y a même des tables pour manger.
- Ah une source, c'est bien pour l'eau. Et c'est loin ?
- Non c'est juste là-derrière, à une centaine de mètres."
Ouvrant des yeux comme des soucoupes, professeur Tournesol me prend à partie : "Comment ? Vous ne connaissez pas la source ? La source de la Charente, voyons ! Elle est juste derrière !
- Oui, je viens de l'apprendre. Je l'avais lu dans mon guide, mais cela m'avait échappé.
- Et vous comptiez partir sans voir la source ? Mais il y en a qui font de milliers de kilomètres pour venir la voir, elle est célèbre !
- Oui oui, sûrement, j'ai même lu qu'en mettant le pied en travers du filet d'eau un moment, les gens d'Angoulême, Saintes ou Rochefort seraient forts étonnés de la retrouver à sec par chez eux !"
Ah là, j'avais dépassé une ligne rouge, un tabou. Il s'énerve et s'agite comme un pauvre diable : "Si vous jouez à ça, tout le village vous tombera dessus et il vous en cuira, croyez-moi ! On ne plaisante pas avec la Charente, ici !
- Ah pardon, je disais ça pour rire", dis-je un peu dépité.
Il reprend : "La Charente est un fleuve et on ne rigole pas avec un fleuve ! Tiens, Monsieur Je-sais-tout, connaissez-vous la différence entre un fleuve et une rivière ?
- Oui, Monsieur Je-sais-tout sait à peu près : un fleuve se jette dans la mer déjà, encore que c'est pas toujours vrai. Il y a une question de débit aussi, je pense.
- Vous pensez, vous pensez, et donc la Charente, c'est quoi pour vous ?
- Je dirais un fleuve, vu qu'elle se jette effectivement dans la mer et qu'en outre vous venez de le dire.
- Oui c'est un fleuve, évidemment que c'en est un vous croyez quoi ?"
Là, clairement, le bonhomme m'ennuie. Les autres se marrent en voyant que je le balade un peu. Je suis fatigué de ma journée et désire me mettre au calme. Alors je porte l'estocade :
"Vous savez, je suis né et j'ai grandi au bord de la Dordogne, alors la Charente pour moi, c'est un ruisseau, un ru, un fossé, rien de plus."
Et là, je l'ai achevé. Il a littéralement explosé. Rouge comme il était, je n'en attendais pas moins. Il m'a traité de tous les noms d'oiseaux jusqu'au "savant de pacotille aux pieds nus", a payé son addition et s'est dirigé vers la sortie en me passant devant sans même un regard. Les autres ont bien pouffé et m'ont rassuré quand je leur ai demandé s'il n'irait pas jusqu'à "foutre le feu à ma tente dans la nuit" comme il m'en a menacé : "il aboie beaucoup, mais il mord pas !".
Celui-ci abrite la perle rare. Le savant ultime. Plus sachant que savant, pour plaire à Alexandre Dumas ! Lui il sait tout. Tout sur tout. Je l'entends, plus que ne l'écoute, donner son avis sur tout. Un avis qui fait autorité, semble-t-il. Enfin, personne pour le contredire. Les autres, quelque peu blasés manifestement, le laissent disserter à loisir.
Sauf qu'aujourd'hui, un gus aux pieds nus boit une bière, un gros sac à dos calé contre la table sur laquelle il consulte sa carte en se demandant où il va bien pouvoir dormir ce soir.
Le peu d'attention que je porte à sa logorrhée ne le dissuade pas et il finit immanquablement par s'adresser à moi.
Je vous passe le début.
Par contre, les yeux écarquillés de tout le monde quand je réponds à la question fatale "combien de kilomètres aujourd'hui ?", ça vaut la photo, croyez-moi !
Un du fond se le fait répéter par le patron, même : "Quarante-cinq kilomètres ?! Pétard, autant que moi en voiture, ce jour !".
Le penseur du groupe se lance alors dans un cours magistral sur les bienfaits de la marche. Je ne l'écoute qu'à moitié quand soudainement il m'interpelle à nouveau : "tenez, une colle : quelle est la pointure des bottes de sept lieux ?"
La question me sèche. Je reste un instant interdit. Déjà, je ne comprends pas comment il en est arrivé à parler des bottes de sept lieux, puis je réfléchis quand même deux secondes à la réponse. Je finis par lâcher : "elles n'ont pas de pointure, ou plutôt elles les ont toutes. Elles s'adaptent à celui qui les porte, la preuve : elles vont aussi bien à un chat qu'à l'ogre à qui il les a volées."
Là, c'est lui qui est séché !
"Excellente réponse ! Vraiment, j'aurais pas dit mieux !", et le voilà qui continue à pérorer sans réel public.
Après avoir vidé ma dernière gourde, je m'offre un second demi pour fêter mon record. C'est à ce moment-là que la cloche de l'église se met à sonner. Prof s'en empare et se tournant vers moi :
"Puisque vous semblez connaître pas mal de choses, savez-vous pourquoi les cloches sonnent à cette heure ?"
Oui je le sais et lui réponds illico : "Il est 19h00, c'est l'Angelus.
- Ah bin ça alors ! Vous avez fait votre catéchisme ?
- Pas du tout, il n'y avait pas de place pour les bondieuseries à la maison, mais il y avait quand même L'Angélus de Millet accroché dans le couloir, comme dans beaucoup de maisons.
- Vous connaissez Millet ? Ah comme ça fait plaisir de rencontrer un érudit comme vous, enfin quelqu'un avec qui discuter sérieusement !"
Là, j'ai senti le piège se refermer sur moi. Surtout qu'il se lève d'un bond et vient me tendre la main. Et le voilà parti à me raconter sa jeunesse chez les scouts. Un problème d'élocution me fait rater un mot sur trois dans son laïus et j'ai du mal à suivre.
Il enchaine : "Savez-vous qu'une météorite est tombée dans le coin ? Une énorme météorite qui a tout dévasté il y a des millions d'années !
- ah non, je ne sais pas.
- Ah ah, vous voyez, vous ne savez pas tout !
- Je n'ai pas cette prétention, non.
- Et bien figurez-vous qu'une énoooooooorme météorite est tombée pas loin d'ici à Montoume. Elle est connue la météorite de Montoume, c'est ici qu'elle est tombée !
- Non, je ne connais pas.
- Et bien allez voir ! Oh on ne voit plus grand-chose, les scientifiques l'ont sortie et l'ont cachée dans un coin top secret, parce que les gens allaient la gratter pour tirer des pierres et construire leurs maisons avec. Oui, comme je vous le dis ! Les maisons du coin, elles sont toutes construites en pierre de la météorite !"
Je ne dis mot, mais n'en pense pas moins. Pensez donc, une météorite de cette taille qui percute la Terre, les "scientifiques" ont dû la chercher un moment avant de la trouver et la planquer. Cela dit, il y a un peu de vrai dans ses racontars : en consultant mon petit guide, je découvre en effet l'histoire de la météorite de Montoume – plus connue sous le nom de météorite de Rochechouart et dont le point d'impact serait plutôt sur la commune de Pressignac en Charente – un monstre d'un kilomètre et demi de diamètre qui a pulvérisé toute forme de vie sur deux cents kilomètres à la ronde voilà deux cents millions d'années. L'impact a évidemment vaporisé (sublimé, pour être exact) l'astéroïde dont les morceaux ont été agglomérés aux roches existantes qui se sont vitrifiées sous l'effet de la chaleur dégagée. Ces roches-là, les impactites, ont effectivement servi à construire pas mal d'édifices dans la région.
J'en ai assez. Je termine ma bière et demande au patron : "Vous connaissez un coin discret où je pourrais planter ma tente ce soir ? Je serai parti demain avant l'aube.
- Vous pouvez aller à la source, vous y serez comme un coq en pâte, il y a même des tables pour manger.
- Ah une source, c'est bien pour l'eau. Et c'est loin ?
- Non c'est juste là-derrière, à une centaine de mètres."
Ouvrant des yeux comme des soucoupes, professeur Tournesol me prend à partie : "Comment ? Vous ne connaissez pas la source ? La source de la Charente, voyons ! Elle est juste derrière !
- Oui, je viens de l'apprendre. Je l'avais lu dans mon guide, mais cela m'avait échappé.
- Et vous comptiez partir sans voir la source ? Mais il y en a qui font de milliers de kilomètres pour venir la voir, elle est célèbre !
- Oui oui, sûrement, j'ai même lu qu'en mettant le pied en travers du filet d'eau un moment, les gens d'Angoulême, Saintes ou Rochefort seraient forts étonnés de la retrouver à sec par chez eux !"
Ah là, j'avais dépassé une ligne rouge, un tabou. Il s'énerve et s'agite comme un pauvre diable : "Si vous jouez à ça, tout le village vous tombera dessus et il vous en cuira, croyez-moi ! On ne plaisante pas avec la Charente, ici !
- Ah pardon, je disais ça pour rire", dis-je un peu dépité.
Il reprend : "La Charente est un fleuve et on ne rigole pas avec un fleuve ! Tiens, Monsieur Je-sais-tout, connaissez-vous la différence entre un fleuve et une rivière ?
- Oui, Monsieur Je-sais-tout sait à peu près : un fleuve se jette dans la mer déjà, encore que c'est pas toujours vrai. Il y a une question de débit aussi, je pense.
- Vous pensez, vous pensez, et donc la Charente, c'est quoi pour vous ?
- Je dirais un fleuve, vu qu'elle se jette effectivement dans la mer et qu'en outre vous venez de le dire.
- Oui c'est un fleuve, évidemment que c'en est un vous croyez quoi ?"
Là, clairement, le bonhomme m'ennuie. Les autres se marrent en voyant que je le balade un peu. Je suis fatigué de ma journée et désire me mettre au calme. Alors je porte l'estocade :
"Vous savez, je suis né et j'ai grandi au bord de la Dordogne, alors la Charente pour moi, c'est un ruisseau, un ru, un fossé, rien de plus."
Et là, je l'ai achevé. Il a littéralement explosé. Rouge comme il était, je n'en attendais pas moins. Il m'a traité de tous les noms d'oiseaux jusqu'au "savant de pacotille aux pieds nus", a payé son addition et s'est dirigé vers la sortie en me passant devant sans même un regard. Les autres ont bien pouffé et m'ont rassuré quand je leur ai demandé s'il n'irait pas jusqu'à "foutre le feu à ma tente dans la nuit" comme il m'en a menacé : "il aboie beaucoup, mais il mord pas !".
Le coin effectivement est idéal pour bivouaquer.
La tente est vite montée et, pendant que mon mélange de céréales glougloute sur mon réchaud, je vais prendre quelques photos de "la source".
Quand je disais "un fossé", j'étais même loin de la vérité, du moins dans le coin.
J'ai quand même mis discrètement mon pied en travers pour voir.
Les gens d'Angoulême, de Saintes ou de Rochefort semblent n'avoir rien remarqué.
La tente est vite montée et, pendant que mon mélange de céréales glougloute sur mon réchaud, je vais prendre quelques photos de "la source".
Quand je disais "un fossé", j'étais même loin de la vérité, du moins dans le coin.
J'ai quand même mis discrètement mon pied en travers pour voir.
Les gens d'Angoulême, de Saintes ou de Rochefort semblent n'avoir rien remarqué.