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La traversée du Massif des Vosges, malgré tout !

(done)
Parti pour un trek de 4 mois, abandonné au bout de 16 jours.
Récit d'une aventure qui n'est pas passée du tout comme prévu...
tekking/hiking
When : 6/13/24
Length : 16 days
Total distance : 432km
Height difference : +22478m / -21133m
Alti min/max : 164m/1391m
Guidebook created by Béryl on 05 Nov 2024
updated on 05 Dec 2024
Eco travel
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
Possible with train
Details : Tous les trajets aller et retour ont été faits en train, à part un taxi dans Paris pour aller de la gare de l'Est à la gare Montparnasse.
414 reader(s) -
Global view

Guidebook : Jour 13 - Lac du Schiessrothried/Thann (updated : 09 Nov 2024)

Section distance : 31km
Height difference for this section : +1188m / -947m
Section Alti min/max : 810m/1294m

Description :

Données GPS :

Distance : 31,26 km
Dénivelé positif : 1188 m
Dénivelé négatif : 947 m

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Report : Jour 13 - Lac du Schiessrothried/Thann (updated : 09 Nov 2024)

Lundi 10 juin 2024

Les doigts engourdis sortent de leur cocon duveteux et attrapent mon téléphone. Un appui bref sur la touche power et l'écran s'allume : 4h47. Je le repose aussitôt et ramène ma main dans le sac de couchage. L'air est froid et saturé d'humidité. J'ai envie de rallonger ma nuit peu réparatrice. J'en suis le premier surpris ; d'habitude, dès le réveil, je saute dans mes fringues, déjeune, me toilette de chat et reprends la route au plus vite. Pas ce matin. Je n'ai plus envie, autant ne pas me mentir. Cette pensée m'effraie : "À peine deux semaines de marche et tu n'as déjà plus envie ? Ce n'est pas possible ! Juste un coup de mou, il faut te reprendre, mon gars !"
Je me fous mentalement un coup de pied au cul magistral et parviens à m'habiller. J'ai dormi avec mes vêtements dans le sac pour les garder au chaud. Ils sont tièdes et toujours un peu humides, limite poisseux, et ils puent. Tout pue. Une odeur tenace de fraîchin à des centaines de kilomètres de la mer. Je souris en enfilant mon caleçon et mon tee-shirt en laine mérinos achetés justement pour limiter les odeurs.
Mes chaussures aux pieds, je tire sur la longue fermeture éclair de la tente. Je sais au poids du tissu qu'il est complètement trempé. Je m'extirpe lourdement de mon palace de toile et ausculte le ciel : la boule à facettes brille de mille feux et ça me rassure un peu. Pourvu que ça dure.
Petit-déj rapide, je retourne à la source faire le plein. L'eau filtrée devrait tout de même être plus salubre que les trois litres que j'éponge sur la toile avec ma serviette en microfibre.
Une fois tout rangé à sa place dans le sac à dos, je fais mon tour habituel du bivouac. Je remue la tête de droite à gauche : même l'emplacement où j'ai posé ma tente n'a pas séché, c'est à peine si cela se voit.
Le lac de Schiessrothrieda au petit matin. Au fond à gauche, le refuge des Vosges Trotters, à droite, la maison blanche et la haie derrière laquelle j'ai planté ma tente.
Le lac de Schiessrothrieda au petit matin. Au fond à gauche, le refuge des Vosges Trotters, à droite, la maison blanche et la haie derrière laquelle j'ai planté ma tente.
Bel éboulement au lac de Fischboedle.
Bel éboulement au lac de Fischboedle.
Passage sur la barrage du lac d'Altenweiher.
Passage sur la barrage du lac d'Altenweiher.
Gros arbre en travers du chemin ? Pas de problème !
Gros arbre en travers du chemin ? Pas de problème !
Le relief s'accentue au fur et à mesure de mon avancée et quelques cols sont prévus au programme aujourd'hui. La pente se raidit à partir du lac de Fischboedle et me fera progressivement passer de 800 à 1300 mètres.
La longue montée dans les bois après le lac d'Altenweiher me hisse jusqu'au Rainkopf (1305m). Là-haut, un vent glacial souffle avec force et me déstabilise à plusieurs reprises en me poussant sur le côté. Je redescends vers le col du Rothenbach (1205m) avant de remonter sur le Rothenbachkopf (1316m). La suite est à l'identique : montée, descente, montée, descente, restant globalement à la même altitude, je passe le Batteriekopf (1311m), le Schweisel (1271m), le Hundskopf (1237m), jusqu'au Hahnenbrunnen (1186m) en suivant la route des crêtes.
Le temps est beau, mais le vent froid gâche un peu la fête. Certains en profitent quand même en nous offrant un ballet de grands planeurs de modélisme, faisant preuve de maestria dans le pilotage de leurs machines dans les bourrasques.
Vue sur la vallée depuis les crêtes.
Vue sur la vallée depuis les crêtes.
Panorama magnifique en rebondissant de cols en cols.
Panorama magnifique en rebondissant de cols en cols.
Pilotes chevronnés de planeurs dans les bourrasques !
Pilotes chevronnés de planeurs dans les bourrasques !
Au bout de ces quelques montagnes russes, j'arrive au Markeim où Thierry m'a indiqué un refuge où se poser ce soir. Derrière moi, il compte d'ailleurs m'y rejoindre. Refroidi par la porte close d'hier, je lui demande s'il est sûr que celui-ci est ouvert. Le "normalement" dans sa réponse me décide d'appeler illico. Je tombe sur un monsieur charmant qui m'explique qu'il n'en est plus le gérant et me donne le numéro de l'actuel responsable en ajoutant : "En cette saison, je serais fort étonné qu'il soit ouvert un jour de semaine". Le couperet tombe rapidement à l'appel suivant : fermé. Évidemment.
Je rentre dans le restaurant ouvert du site, prends une bière et pars à la pêche aux infos locales.
Plan B : il en existe un plus loin. Je tente. Ça sonne... et la réponse me plombe un peu plus : "Désolé, nous ne sommes ouverts que le week-end et les vacances."
Plan C : un hôtel juste à côté, tant pis pour les frais. Porte fermée. J'appelle : aucune réponse.
Je reviens vers le restaurant. Apparemment, l'hôtel est fermé. Mes épaules s'affaissent. J'ai froid, le vent glacé n'a rien séché, je pue, mon empire pour une douche et dormir au sec et au chaud !
C'est alors que le patron du resto propose de me déposer à l'entrée de Thann, la grande ville où je devais arriver demain. C'est pas du jeu, je sais, mais je ne culpabilise pas bien longtemps. Sur la longueur, ce ne sont pas dix bornes en voiture qui vont changer la donne. J'accepte et me sens soulagé. Il y a un gite à Thann et il est fort réputé, en plus. Je n'ai plus qu'à me laisser porter et tout va s'arranger.
Normalement.
Une dernière vue sur les hauteurs avant d'arriver au Markeim.
Une dernière vue sur les hauteurs avant d'arriver au Markeim.
L'arrivée au Markeim avec "La Bulle" où on peut boire un café.
L'arrivée au Markeim avec "La Bulle" où on peut boire un café.
La discussion s'engage avec mon chauffeur. Il possède aussi un magasin de sport à Bitschwiller-lès-Thann et voit passer de plus en plus de randonneurs au long cours devant son restaurant là-haut ; il a d'ailleurs eu l'idée d'aménager un coin du resto avec plusieurs articles de première nécessité. Il suit de loin l'évolution du projet Hexatrek et se réjouit qu'au moins un de ses commerces soit sur la trace !
Après avoir garé sa Tesla sur le parking du magasin, nous nous saluons cordialement et me voilà parti sur une piste cyclable le long de la Thur, charmante rivière qui m'amène à l'entrée de Thann après trois kilomètres de bitume. Ici, pas de vent, il ferait même bon, mais le temps se couvre et je sais que la météo n'annonce rien de bon pour la nuit. Je presse le pas.
Sur la piste cyclable, un endroit enchanteur qui me tire des sourires.
Sur la piste cyclable, un endroit enchanteur qui me tire des sourires.
Peu avant l'entrée dans la ville, j'appelle quand même le gite, au cas où. Eh oui, bien sûr, comment ai-je pu en douter ? Gite complet...
Je laisse quand même mon numéro, au cas où il y aurait un désistement dans la soirée, mais j'ai peu d'espoir et surtout je ne tente pas le diable à attendre benoitement que l'aubaine se présente. Il me faut un plan... où en sommes-nous ?... D ? Ah non, le plan D, c'était le gite. E, alors ! Va pour le plan E : direction l'office du tourisme.
Là, je suis accueilli par une jeune fille. Un homme plus âgé est occupé avec une dame à côté.
"Bonjour, je voudrais savoir quels sont les hébergements possibles sur Thann, s'il vous plait.
- Ah, bin vous avez les hôtels, me répond la jeune fille avec un grand sourire.
- Oui, mais voyez-vous, je suis en itinérance longue durée, aussi j'essaie de faire attention à mes dépenses et je cherche quelque chose plus raisonnable, on va dire !
- Je comprends. Avez-vous essayé un Airbnb ?
- Non, je ne suis pas familier avec ce système et pour tout dire, je ne le cautionne pas, mais faute de mieux...
- Je ne vois rien d'autre, désolé, me dit-elle en lançant un regard d'au secours à l'homme d'à côté.
- Un camping peut-être ? lui dis-je intrigué.
- C'est-à-dire... je ne suis pas d'ici et cela ne fait qu'une semaine que j'ai commencé.
Là, je m'étrangle !
- Quoi ? vous n'êtes pas d'ici et vous travaillez à l'office du tourisme ?!
- Je suis en formation, pour tout dire, mais ne vous en faites pas, nous allons vous aider !" me lance-t-elle d'un air joyeux.
Vous le sentez comment, vous, le plan E ? Parce que moi, à cet instant, j'ai comme qui dirait des envies violentes. Vocalement parlant, bien sûr.
Coup d'œil sur mon téléphone : 4G moyenne et 25% de batterie. Ça pue.
Je me connecte avec dépit sur le site d'Airbnb. Bien entendu, il faut créer un compte. Très à cheval sur les questions de données personnelles, j'évite ce genre de prédateur, mais là, manifestement, pas le choix. La mort dans l'âme, je me crée un compte avec tout de même une adresse mail temporaire, faut pas déconner !
Ça prend du temps. Batterie : 23%
Je fouille. Sur son ordinateur, la fille me vient en aide : "Je vous ai trouvé quelque chose sur Thann !
- Voyons ? Oui, c'est ce que j'ai trouvé aussi sur mon téléphone..."
Le prix de la location ajouté à la marge du site, on n'est pas loin du prix d'une chambre d'hôtel !
Je ne réfléchis pas trop et valide la transaction. Connexion au site de ma banque. Ça rame.
20%
Carte de paiement virtuelle, toujours sur Internet, la vraie est verrouillée. J'ai ma carte, je retourne sur le site d'Airbnb, j'entre toutes les données et je suis renvoyé sur le site de ma banque pour une vérification d'identité. Classique. Ça tourne, ça tourne.
19%
La banque ne valide pas. En fait, je ne reçois pas le code pour valider l'opération. Deuxième essai. Idem. Troisième, avec à chaque fois les données à entrer chez Airbnb.
Je m'impatiente. Niet. Pas de code. L'envie de jeter violemment mon téléphone contre la tronche... contre le mur de l'office du tourisme qui emploie des gens qui ne sont pas du coin !!
Envoi d'un message à ma femme, ma base arrière : "Suis dans la panade à Thann. Regarde les hébergements possibles, stp. Plus de batterie. Merci."
L'homme en a fini avec sa cliente. Il prend ma situation en main. En fait, il n'y a rien à Thann à part les hôtels et le gite.
"Ah, il y a un gite ? demande l'ingénue.
- Oui, il y a un gite à Thann et j'ai appelé, ils sont complets, c'est pour cela que je suis ici !"
L'intonation avec laquelle j'ai lancé ma réponse pourrait, semble-t-il, tordre un rail de chemin de fer et l'homme s'en aperçoit : "Ne vous en faites pas, nous allons vous aider."
Reste calme, reste calme. J'en fais un mantra que je me répète à l'envi, mais je sais que cela ne va pas durer.
L'homme met un coup de grâce à ma patience en appuyant sur un bouton. Un tout petit bouton. Un bouton de télécommande. Et le volet métallique de l'entrée commence à se fermer.
"Attendez, vous fermez, là ? je m'insurge.
- Vous en faites pas, c'est juste pour que personne ne rentre, me répond l'homme dans son costard.
Je jette un œil à mon téléphone : 18h50.
- Vous en faites pas, vous en faites pas ! Vous n'arrêtez pas de me dire ça, mais rien ne s'arrange ! Bien sûr que je m'en fais !
- Tenez, voici une brochure avec tous les hébergements de la région. Vous auriez plus de chance à Cernay, la ville voisine.
- Je suis à pied, je vous rappelle et chargé en plus !
- Il y a une navette régulière qui y va, vous pouvez encore peut-être la prendre, continue l'homme à qui je taillerais bien un costard. Un autre.
- Non, c'est bon, merci. Je vais me renseigner auprès des hôtels."
Restons courtois. C'est dur, mais bon, une nuit au poste n'est sûrement pas l'endroit rêvé, non plus.
Une fois le rideau métallique fermé derrière moi, je me pose sur un banc. Mon téléphone sonne. Appel de ma femme : "À part les hôtels et le gite, il n'y a que des Airbnb dans le coin". Tant pis, je vais me débrouiller, merci.
17%
Appel chez un particulier de la brochure qui loue une chambre. Je tombe sur la messagerie et n'insiste pas.
J'aurais bien sorti mon panneau solaire, mais le temps se couvre de plus en plus. C'est mort. Le vent se lève et emporte le dépliant que j'ai posé sur le banc pour le consulter. Me voilà à galoper après lui sur la place sous le regard goguenard des passants. J'ai tout laissé sur le banc : sac entier ouvert, téléphone, batterie externe (vide, que je comptais charger un peu au soleil) et câble. Ne manque plus que la pancarte : "Servez-vous !"
Quand je reviens me poser, nouveau coup de fil : la personne que j'ai essayé de joindre tout à l'heure. Location à la semaine uniquement, désolé ! Un bref merci et je raccroche rapidement.
15%
Voyant rouge allumé et message : "Rechargez votre batterie au plus vite".
Je regarde les emplacements des hôtels. L'un d'eux est juste à côté. Je vérifie bien ce que je viens de lire : chambres à partir de 40€ ; moins cher que Airbnb ! Ça se tente ! C'est mon dernier appel, ma dernière chance.
14%
Ça sonne...
"Hôtel de France, j'écoute.
- Bonjour, monsieur, est-ce qu'il vous reste une chambre libre pour ce soir ?
- Oui monsieur, il nous en reste.
- À 40€ ?
- Oui, parfaitement.
- J'ARRIVE !!! Réservez-la, je suis là dans cinq minutes !"
Ah le panard ! Une chambre d'hôtel à ce prix, mais pourquoi l'office du tourisme ne m'a pas indiqué le prix des chambres ?! C'était noté sur la brochure pour la plupart !
Je plie mon barda et fonce tout content vers l'hôtel.
12%
Quand j'entre enfin dans l'Hôtel de France, il commence à pleuvoir. L'accueil charmant de la dame derrière son comptoir m'incite même à prendre le repas du soir ; le prix fort raisonnable, voire étonnant, d'une quinzaine d'euros n'y est pas non plus étranger. En fait, le prix de la chambre ajouté à celui du repas égale le montant demandé pour l'offre Airbnb que je visais tout à l'heure. Comme quoi, en fouillant un peu, on peut trouver mieux, ne pas cautionner ce système de location et même éviter de se faire siphonner nos données personnelles qui ne manqueront pas d'alimenter le torrent de spams quotidien.
La chambre est tout à fait honnête. De suite, je mets un maximum d'affaires à sécher en allumant le gros radiateur en fonte, je prends une bonne douche et fais ma lessive. Auparavant, j'ai pris soin de mettre tout ce qui en a besoin à charger ; mon téléphone affichait 11 %, un petit pourcent de moins et il s'éteignait.
Pas question de me vautrer sur le lit qui m'appelle, je ne m'en relèverais probablement pas avant demain matin !
Je descends donc au restaurant. Plutôt huppé, le restaurant, avec son maître d'hôtel tiré à quatre épingles et les clients habillés comme s'ils allaient à l'Opéra. Il va sans dire que je détonne un peu avec mon pantalon et mon tee-shirt de rando, en claquettes-chaussettes ! Pas grave, je savoure ! Dehors c'est le déluge et ce soir je vais dormir au sec et au chaud, alors autant vous dire que oui, je savoure, même si mon repas n'est pas aussi prestigieux que celui de mes voisins de table. Pour le prix, franchement, c'est tout de même très honnête.
Une pensée : "J'ai quand même du bol dans mon malheur. Tout est bien qui finit bien !"
Mais la journée n'est pas finie. Tapi dans l'ombre, un petit détail est à l'œuvre.
Un petit détail du genre à vous envoyer direct à l'hôpital.
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