La traversée du Massif des Vosges, malgré tout !
Parti pour un trek de 4 mois, abandonné au bout de 16 jours.
Récit d'une aventure qui n'est pas passée du tout comme prévu...
Récit d'une aventure qui n'est pas passée du tout comme prévu...
Quand : 13/06/2024
Durée : 16 jours
Durée : 16 jours
Distance globale :
432km
Dénivelées :
+22478m /
-21133m
Alti min/max : 164m/1391m
Carnet publié par Béryl
le 05 nov.
modifié le 10 nov.
modifié le 10 nov.
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en
train
Précisions :
Tous les trajets aller et retour ont été faits en train, à part un taxi dans Paris pour aller de la gare de l'Est à la gare Montparnasse.
231 lecteur(s)
-
Vue d'ensemble
Le topo : Jour 8 - Cabane de la Pépinière/Barr (mise à jour : 07 nov.)
Distance section :
33km
Dénivelées section :
+801m /
-1268m
Section Alti min/max : 211m/1023m
Description :
Données GPS :
Distance : 33,12 km
Dénivelé positif : 801 m
Dénivelé négatif : 1268 m
Distance : 33,12 km
Dénivelé positif : 801 m
Dénivelé négatif : 1268 m
Le compte-rendu : Jour 8 - Cabane de la Pépinière/Barr (mise à jour : 07 nov.)
Mercredi 5 juin 2024
Journée grise et paumatoire.
Il a plu cette nuit. Petit-déjeuner frugal sous un ciel sans étoiles. Pépé vient juste de partir. Je plie à nouveau la tente mouillée ; pas grave, je sais que je vais la remonter ce soir. Je vise le camping de Barr où je pourrai prendre une douche et me ravitailler.
Il est 6h45 quand je lève le camp. J'aime partir tôt, faire mes premiers pas en même temps que le soleil se lève, voir les derniers animaux nocturnes rentrer chez eux, surprendre un renard ou un blaireau. La petite hulotte posée sur un piquet de clôture ne semble pas effrayée de me voir passer si près. Je m'arrête et la regarde d'un air étonné. Elle ne bouge pas. Ce moment suspendu a quelque chose de magique, d'inexplicable. L'animal sauvage ne craint pas son pire ennemi. Les yeux dans les yeux, elle semble me dire : "Je sais qui tu es. J'ai confiance."
La scène ne dure que quelques secondes et je reprends ma route. Quand je me retourne, elle a disparu, envolée sans le moindre bruit. J'ai savouré l'instant sans même penser à l'immortaliser ; plus jeune que moi, cette petite chouette attendait peut-être qu'on fasse un selfie !
L'ambiance délicieusement rêveuse change brutalement quand j'arrive en vue de l'ancien camp de concentration de Natzwiller-Struthof. Je prends quelques photos, mal à l'aise. Accessible au public, le site n'est pas encore ouvert à cette heure. Seuls les employés s'affairent. Je profite de la présence de l'un d'eux nettoyant les toilettes pour demander à remplir mes gourdes, puis je repars plus rapidement qu'à mon arrivée.
Journée grise et paumatoire.
Il a plu cette nuit. Petit-déjeuner frugal sous un ciel sans étoiles. Pépé vient juste de partir. Je plie à nouveau la tente mouillée ; pas grave, je sais que je vais la remonter ce soir. Je vise le camping de Barr où je pourrai prendre une douche et me ravitailler.
Il est 6h45 quand je lève le camp. J'aime partir tôt, faire mes premiers pas en même temps que le soleil se lève, voir les derniers animaux nocturnes rentrer chez eux, surprendre un renard ou un blaireau. La petite hulotte posée sur un piquet de clôture ne semble pas effrayée de me voir passer si près. Je m'arrête et la regarde d'un air étonné. Elle ne bouge pas. Ce moment suspendu a quelque chose de magique, d'inexplicable. L'animal sauvage ne craint pas son pire ennemi. Les yeux dans les yeux, elle semble me dire : "Je sais qui tu es. J'ai confiance."
La scène ne dure que quelques secondes et je reprends ma route. Quand je me retourne, elle a disparu, envolée sans le moindre bruit. J'ai savouré l'instant sans même penser à l'immortaliser ; plus jeune que moi, cette petite chouette attendait peut-être qu'on fasse un selfie !
L'ambiance délicieusement rêveuse change brutalement quand j'arrive en vue de l'ancien camp de concentration de Natzwiller-Struthof. Je prends quelques photos, mal à l'aise. Accessible au public, le site n'est pas encore ouvert à cette heure. Seuls les employés s'affairent. Je profite de la présence de l'un d'eux nettoyant les toilettes pour demander à remplir mes gourdes, puis je repars plus rapidement qu'à mon arrivée.
L'ambiance bien plombée, je rumine de sombres pensées quand je m'aperçois un peu tard qu'en suivant les indications du Club Vosgien, je suis sorti de la trace depuis un moment. Bon, je me dis que si le Club a dévié la trace, c'est pour une bonne raison. Pas comme hier, j'espère. Ce sont des pros du balisage, mondialement connus ; même les Américains font appel à eux. Allez, je les suis !
Sauf que, plus j'avance, moins les balises sont visibles. Jusqu'à disparaitre tout à fait.
Arrivé à l'abri du Birkenfels, je fais une pause, alors que les premières gouttes commencent à tomber. Je détache mon sac à dos sur la table et me masse les épaules. Bon sang, il me fait toujours mal au bout de huit jours, que se passe-t-il ? J'ai tenté plusieurs réglages en hauteur, rien n'y fait. Il se fait vieux, certes, et on a vécu pas mal d'aventures ensemble, mais c'est la première fois que je peine aussi longtemps à le porter. D'habitude, au bout de trois quatre jours, il fait partie de mon corps et je ne le sens que quand je l'enlève ! Je remarque alors une drôle de courbure dans le bas du sac. J'appuie dessus, ça s'enfonce et quand je lâche, ça revient en place. Bizarre. Je regarderai de plus près ce soir au bivouac.
Bon, après avoir soulagé ma vessie, je passe à quelque chose de plus sérieux : je suis paumé ! Je tourne, avance, recule, cherche les balises et ne les trouve pas. Je pousse jusqu'à un à-pic rocheux qui m'offre une vue vertigineuse sur la vallée. Quelle magnifique région, même sous la pluie !
Un père arrive avec son fils et sa fille. Très ouverts, ils me demandent où je vais et la discussion s'entame. Papa et fiston sont très sportifs et rêvent de pouvoir un jour partir sur une telle aventure, "mais pas avec ce temps !" rajoute le garçon.
Tu m'étonnes...
C'est le père qui me remet dans le droit chemin par un sentier complètement à l'opposé de celui sur lequel j'allais m'engager. Effectivement, après quelques centaines de mètres, je retrouve les balises qui me faisaient défaut.
Arrivé à l'abri du Birkenfels, je fais une pause, alors que les premières gouttes commencent à tomber. Je détache mon sac à dos sur la table et me masse les épaules. Bon sang, il me fait toujours mal au bout de huit jours, que se passe-t-il ? J'ai tenté plusieurs réglages en hauteur, rien n'y fait. Il se fait vieux, certes, et on a vécu pas mal d'aventures ensemble, mais c'est la première fois que je peine aussi longtemps à le porter. D'habitude, au bout de trois quatre jours, il fait partie de mon corps et je ne le sens que quand je l'enlève ! Je remarque alors une drôle de courbure dans le bas du sac. J'appuie dessus, ça s'enfonce et quand je lâche, ça revient en place. Bizarre. Je regarderai de plus près ce soir au bivouac.
Bon, après avoir soulagé ma vessie, je passe à quelque chose de plus sérieux : je suis paumé ! Je tourne, avance, recule, cherche les balises et ne les trouve pas. Je pousse jusqu'à un à-pic rocheux qui m'offre une vue vertigineuse sur la vallée. Quelle magnifique région, même sous la pluie !
Un père arrive avec son fils et sa fille. Très ouverts, ils me demandent où je vais et la discussion s'entame. Papa et fiston sont très sportifs et rêvent de pouvoir un jour partir sur une telle aventure, "mais pas avec ce temps !" rajoute le garçon.
Tu m'étonnes...
C'est le père qui me remet dans le droit chemin par un sentier complètement à l'opposé de celui sur lequel j'allais m'engager. Effectivement, après quelques centaines de mètres, je retrouve les balises qui me faisaient défaut.
L'esprit en vadrouille, j'avance en mode zombi.
La capuche de pluie rétrécit un peu plus l'horizon déjà peu ouvert des sous-bois. De grosses perles liquides se laissent tomber des arbres à mon passage, tels des Zéros japonais, et viennent s'éclater sur ma tête avec des "plocs !" de kamikazes. Supplice de la goutte. Mes chaussures barbotent sur ce terrain détrempé et peinent à mordre cette terre grasse qui bouche leurs crampons. Mes bâtons sont à l'œuvre pour retenir les glissades en embuscade, exigeant une vigilance accrue.
S'ajoutent à cela les balises qui prennent un malin plaisir à jouer les timides derrière les branches ou à tomber de leur support et j'ai l'impression que le monde entier est après moi.
Encore perdu.
Je dézoome la carte sur mon GPS : ah oui quand même, j'ai sacrément dévié ! Bon, une seule solution, je dois recoller à la trace. Je la vois là-haut, tout en haut de l'écran. Pas le choix, il faut tirer tout droit, si je continue sur ce sentier, qui sait où je vais arriver ?
Et me voilà à faire du hors-piste sur un terrain pentu, certes, mais assez dégagé pour garder une direction constante. Quelques buissons font front pour me barrer la route, mais j'avance d'un pas décidé, tel un sanglier résolu à fourrager des terres plus prometteuses.
Le chemin retrouvé, mon pas est plus serein, d'autant plus que la pluie a cessé.
Il est 13h00 quand j'arrive enfin en haut du Mont Sainte-Odile. J'ai les pieds en vrac, autre source d'inquiétude, et m'y arrête pour faire un sort à mon saucisson. Pas mal de monde dans le coin. Après une rapide visite, je me pose sur un banc à l'écart de l'entrée principale. Les panards à l'air, je fais fi des regards en biais - je ne suis pas dans l'enceinte de l'abbaye après tout - et observe les allées et venues en mâchouillant mon quignon de pain. Les téléphones sont de sortie et bombardent les visages pris de près avec les bâtiments en arrière-plan. Les stories s'enchainent et les nombrils sont rassasiés.
Mais bon, qui suis-je pour me moquer ? Moi aussi j'en ai pris des photos, même si elles n'iront jamais engraisser l'ogre numérique et seront sûrement visibles plus longtemps sur mon carnet de voyage. Il n'empêche, je ne peux m'éviter de les scruter, un sourire narquois aux lèvres, comme une bravade à leurs regards obliques, regard que j'appuie un peu plus sur les deux jeunes qui sortent de l'enceinte ; ces deux jeunes qui, me voyant entrer tout à l'heure avec mon gros sac à dos, se demandaient tout haut lequel j'étais des quatre Tortues Ninja.
La capuche de pluie rétrécit un peu plus l'horizon déjà peu ouvert des sous-bois. De grosses perles liquides se laissent tomber des arbres à mon passage, tels des Zéros japonais, et viennent s'éclater sur ma tête avec des "plocs !" de kamikazes. Supplice de la goutte. Mes chaussures barbotent sur ce terrain détrempé et peinent à mordre cette terre grasse qui bouche leurs crampons. Mes bâtons sont à l'œuvre pour retenir les glissades en embuscade, exigeant une vigilance accrue.
S'ajoutent à cela les balises qui prennent un malin plaisir à jouer les timides derrière les branches ou à tomber de leur support et j'ai l'impression que le monde entier est après moi.
Encore perdu.
Je dézoome la carte sur mon GPS : ah oui quand même, j'ai sacrément dévié ! Bon, une seule solution, je dois recoller à la trace. Je la vois là-haut, tout en haut de l'écran. Pas le choix, il faut tirer tout droit, si je continue sur ce sentier, qui sait où je vais arriver ?
Et me voilà à faire du hors-piste sur un terrain pentu, certes, mais assez dégagé pour garder une direction constante. Quelques buissons font front pour me barrer la route, mais j'avance d'un pas décidé, tel un sanglier résolu à fourrager des terres plus prometteuses.
Le chemin retrouvé, mon pas est plus serein, d'autant plus que la pluie a cessé.
Il est 13h00 quand j'arrive enfin en haut du Mont Sainte-Odile. J'ai les pieds en vrac, autre source d'inquiétude, et m'y arrête pour faire un sort à mon saucisson. Pas mal de monde dans le coin. Après une rapide visite, je me pose sur un banc à l'écart de l'entrée principale. Les panards à l'air, je fais fi des regards en biais - je ne suis pas dans l'enceinte de l'abbaye après tout - et observe les allées et venues en mâchouillant mon quignon de pain. Les téléphones sont de sortie et bombardent les visages pris de près avec les bâtiments en arrière-plan. Les stories s'enchainent et les nombrils sont rassasiés.
Mais bon, qui suis-je pour me moquer ? Moi aussi j'en ai pris des photos, même si elles n'iront jamais engraisser l'ogre numérique et seront sûrement visibles plus longtemps sur mon carnet de voyage. Il n'empêche, je ne peux m'éviter de les scruter, un sourire narquois aux lèvres, comme une bravade à leurs regards obliques, regard que j'appuie un peu plus sur les deux jeunes qui sortent de l'enceinte ; ces deux jeunes qui, me voyant entrer tout à l'heure avec mon gros sac à dos, se demandaient tout haut lequel j'étais des quatre Tortues Ninja.
Le redémarrage est un supplice, un goût de chemin de croix. Mes pieds hurlent aux martyrs. J'ai l'impression d'avoir marché des kilomètres sur le bitume. J'ai un gros problème, là, et je suis persuadé que les semelles orthopédiques préconisées par le podologue en sont la cause. Il faut que je trouve rapidement un magasin d'articles de sport.
Mais il y a plus urgent : "Petits petits petits, pioupioupiou !", je les appelle, je les siffle, je les cherche partout et JE NE LES VOIS PAS ! Elles sont où ces p*$!&@ de balises ?!!
Je suis ENCORE perdu !! Mais c'est pas vrai ! Heureusement, mon GPS parvient tant bien que mal à me guider, même si parfois, je dois avancer sur un chemin pour m'apercevoir que c'était celui d'à côté, quasi parallèle, qu'il fallait prendre.
Au bout de quelques retours en arrière, Arthur me rejoint. Lui aussi est paumé. Bon, à deux, on va bien s'en sortir ?
Oui, oui, on s'en sort, mais entre les chemins barrés et les balises absentes, on a quand même un peu de mal. Un peu beaucoup, même.
Bon an mal an, nous arrivons sur les hauteurs de Barr, en vue de la ville, Arthur en premier, loin devant, tant mes pieds me ralentissent ; un comble quand on sait que c'est aussi eux qui me font avancer.
Avec la pluie qui se fait discrète, je me dis que le plus dur est derrière moi pour aujourd'hui.
À moins que...
Mais il y a plus urgent : "Petits petits petits, pioupioupiou !", je les appelle, je les siffle, je les cherche partout et JE NE LES VOIS PAS ! Elles sont où ces p*$!&@ de balises ?!!
Je suis ENCORE perdu !! Mais c'est pas vrai ! Heureusement, mon GPS parvient tant bien que mal à me guider, même si parfois, je dois avancer sur un chemin pour m'apercevoir que c'était celui d'à côté, quasi parallèle, qu'il fallait prendre.
Au bout de quelques retours en arrière, Arthur me rejoint. Lui aussi est paumé. Bon, à deux, on va bien s'en sortir ?
Oui, oui, on s'en sort, mais entre les chemins barrés et les balises absentes, on a quand même un peu de mal. Un peu beaucoup, même.
Bon an mal an, nous arrivons sur les hauteurs de Barr, en vue de la ville, Arthur en premier, loin devant, tant mes pieds me ralentissent ; un comble quand on sait que c'est aussi eux qui me font avancer.
Avec la pluie qui se fait discrète, je me dis que le plus dur est derrière moi pour aujourd'hui.
À moins que...
Dans la ville, je me mets de suite à la recherche du camping que j'ai repéré sur mon road-book ; un camping Saint quelque chose, il doit bien y avoir des panneaux ou de braves gens pour me guider. Tenez, la dame à sa porte là :
"Bonjour, madame, je cherche le camping, savez-vous où je peux le trouver ?
- Bonjour, vous allez bien ? me répond-elle avec un grand sourire.
- Euh... oui, merci, mais pour le camping ?
- Il devrait faire beau demain, c'est pas trop tôt, y'en a ras-le-bol de toute cette pluie ! me dit-elle en se rapprochant du portail.
- Oh oui, je suis bien d'accord avec vous ! Et sinon, savez-vous où je peux trouver le camping ?
- ... ... ... donc, parlez lentement."
Là, j'ai pas tout compris. Elle ouvre à peine la bouche pour parler et mâchouille la plupart des mots qui tentent de se frayer un passage par ce mince interstice. Avec les voitures qui passent derrière moi, j'ai beaucoup de mal à la comprendre. Je reprends : "Voilà, en fait je cherche le camping du coin pour poser ma tente juste cette nuit et...
- C'est moi la concierge, me répond-elle en me coupant la parole.
Je regarde la grande maison à étages d'où elle sort. Une concierge pour un si petit immeuble, ça fait riche ! Bon, passons.
- Oui, mais c'est au camping que je souhaite dormir, pas ici !
- Ça tombe bien, c'est moi la concierge. Par contre, j'ouvre pas avant 16h."
Bon, ok, pas la peine d'insister, manifestement.
"Je vais me débrouiller, merci, madame, lui dis-je en reprenant ma route.
- Mais c'est pas grave, vous entrez par le petit portail et vous prenez l'emplacement n°13, celui dédié aux randonneurs."
Là, je m'arrête et reviens vers elle. Je commence à comprendre.
"Attendez, vous êtes la gardienne du camping ?
- Bin oui, comme je vous l'ai dit !"
Bon sang, ici les gardiens de camping sont des concierges, donc ! Elle m'aurait sorti un nom bien du coin, avec quinze lettres dont deux voyelles, du genre qui s'éternue plus qui ne se prononce, j'aurais tilté, mais là...!
La voilà donc partie à me décrire l'itinéraire vers... "C'est pas compliqué, vous pouvez pas vous tromper ! Et puis il y a des panneaux !"
S'il y a des panneaux, alors ça va, parce que j'avoue que je n'ai pas compris toutes ses indications. En plus, elle ne me regarde pas dans les yeux quand je lui parle et c'est assez déstabilisant.
Je vais vous la faire courte : j'ai suivi les panneaux. Effectivement, c'était bien renseigné, sauf qu'au bout d'un moment, je suis sorti de la ville. Demi-tour. Demande d'aide à un local, claquettes-survet-énormecasquesurlesoreilles : "Bonjour ! Dites-moi, combien y'a-t-il de campings à Barr, s'il vous plait ?
- Y'a des campings ici, wesh ? Sérieux ?" me répond-il avec ses yeux de merlan frit.
Là, je ne vous cache pas que si je n'étais pas si crevé, j'aurais une grosse envie de meurtre. Au bâton. Pas dans le dos, à la Jean-Claude Duss, mais entre les deux yeux, à la Hannibal Lecter. Du genre à tourner dans tous les sens et à appuyer bien fort pour que ça sorte par ses oreilles et farcisse ses écouteurs !
Bref, j'ai suivi les panneaux "Camping : Sainte-Odile" alors que je vais au camping "Saint-Martin", pas du tout au même endroit.
Un couple de locaux me remet alors sur le droit chemin. Ils connaissent très bien Pierrette, la gardienne (des locaux, vraiment ?) et tiennent à m'accompagner jusqu'au portail.
Pas de bol, je suis passé à quelques mètres tout à l'heure.
De suite, je reconnais la tente de Thierry qui est arrivé depuis un bon moment. J'installe la mienne en vitesse, voulant profiter au maximum des maigres rayons de soleil pour la faire sécher.
Après la douche et la lessive, nous décidons, Thierry et moi, d'aller manger une pizza en ville. Un passage chez "la concierge" pour régulariser ma situation et on y va. Sauf que le passage s'éternise. Pierrette est très sympathique, vraiment. Elle me raconte sa vie en long, en large, et surtout en travers. En fait, Pierrette est sourde, d'où ses problèmes d'élocution, mais pour arriver à tenir une conversation, elle lit sur les lèvres. Je comprends mieux maintenant son "parlez lentement" de tout à l'heure et pourquoi elle ne me regarde pas dans les yeux quand je lui parle. Je comprends aussi le drôle de dialogue que nous avons eu au premier contact !
Quand j'arrive à m'en dépêtrer, j'indique à Thierry où brancher son portable pour le recharger en lui précisant bien que, comme Pierrette me l'a dit, nous n'avons que jusqu'à 19h pour les récupérer, après elle ferme.
Le soleil ne se sera pas montré bien longtemps ; à peine couvert, quelques gouttes commencent à tomber. Je rentre tout mon linge sous la tente et file récupérer mon téléphone et son chargeur.
Pierrette ne semble pas pressée de fermer, aussi je temporise en me posant à une table dans le petit hall d'entrée. Elle m'y rejoint au bout d'un moment avec un petit sourire en coin : "Je vous ai fait à manger, me dit-elle presque en chuchotant.
- Pardon ? lui dis-je en ouvrant des yeux comme des soucoupes.
- Des petits pois carottes avec des œufs, j'espère que vous aimez ?
- C'est très aimable à vous, Pierrette, mais nous avons réservé à la pizzeria avec Thierry !"
En fait, on n'a rien réservé du tout, mais j'ai très peur de deux choses : passer la soirée avec Pierrette à l'écouter me raconter un peu plus sa vie en décodant tant bien que mal son verbiage, le tout devant une portion plus que congrue. Sans rab'.
En rentrant du resto, j'accroche mon linge dans la tente en espérant que la chaleur de mon corps permettra d'enlever un peu d'humidité.
Je me couche sur une dernière pensée : merci, Pierrette, c'était vraiment adorable, mais avec la pizza que je me suis envoyée et les trois mots en tout et pour tout que m'a décrochés Thierry le taiseux pendant le repas, vous pouviez pas lutter !
"Bonjour, madame, je cherche le camping, savez-vous où je peux le trouver ?
- Bonjour, vous allez bien ? me répond-elle avec un grand sourire.
- Euh... oui, merci, mais pour le camping ?
- Il devrait faire beau demain, c'est pas trop tôt, y'en a ras-le-bol de toute cette pluie ! me dit-elle en se rapprochant du portail.
- Oh oui, je suis bien d'accord avec vous ! Et sinon, savez-vous où je peux trouver le camping ?
- ... ... ... donc, parlez lentement."
Là, j'ai pas tout compris. Elle ouvre à peine la bouche pour parler et mâchouille la plupart des mots qui tentent de se frayer un passage par ce mince interstice. Avec les voitures qui passent derrière moi, j'ai beaucoup de mal à la comprendre. Je reprends : "Voilà, en fait je cherche le camping du coin pour poser ma tente juste cette nuit et...
- C'est moi la concierge, me répond-elle en me coupant la parole.
Je regarde la grande maison à étages d'où elle sort. Une concierge pour un si petit immeuble, ça fait riche ! Bon, passons.
- Oui, mais c'est au camping que je souhaite dormir, pas ici !
- Ça tombe bien, c'est moi la concierge. Par contre, j'ouvre pas avant 16h."
Bon, ok, pas la peine d'insister, manifestement.
"Je vais me débrouiller, merci, madame, lui dis-je en reprenant ma route.
- Mais c'est pas grave, vous entrez par le petit portail et vous prenez l'emplacement n°13, celui dédié aux randonneurs."
Là, je m'arrête et reviens vers elle. Je commence à comprendre.
"Attendez, vous êtes la gardienne du camping ?
- Bin oui, comme je vous l'ai dit !"
Bon sang, ici les gardiens de camping sont des concierges, donc ! Elle m'aurait sorti un nom bien du coin, avec quinze lettres dont deux voyelles, du genre qui s'éternue plus qui ne se prononce, j'aurais tilté, mais là...!
La voilà donc partie à me décrire l'itinéraire vers... "C'est pas compliqué, vous pouvez pas vous tromper ! Et puis il y a des panneaux !"
S'il y a des panneaux, alors ça va, parce que j'avoue que je n'ai pas compris toutes ses indications. En plus, elle ne me regarde pas dans les yeux quand je lui parle et c'est assez déstabilisant.
Je vais vous la faire courte : j'ai suivi les panneaux. Effectivement, c'était bien renseigné, sauf qu'au bout d'un moment, je suis sorti de la ville. Demi-tour. Demande d'aide à un local, claquettes-survet-énormecasquesurlesoreilles : "Bonjour ! Dites-moi, combien y'a-t-il de campings à Barr, s'il vous plait ?
- Y'a des campings ici, wesh ? Sérieux ?" me répond-il avec ses yeux de merlan frit.
Là, je ne vous cache pas que si je n'étais pas si crevé, j'aurais une grosse envie de meurtre. Au bâton. Pas dans le dos, à la Jean-Claude Duss, mais entre les deux yeux, à la Hannibal Lecter. Du genre à tourner dans tous les sens et à appuyer bien fort pour que ça sorte par ses oreilles et farcisse ses écouteurs !
Bref, j'ai suivi les panneaux "Camping : Sainte-Odile" alors que je vais au camping "Saint-Martin", pas du tout au même endroit.
Un couple de locaux me remet alors sur le droit chemin. Ils connaissent très bien Pierrette, la gardienne (des locaux, vraiment ?) et tiennent à m'accompagner jusqu'au portail.
Pas de bol, je suis passé à quelques mètres tout à l'heure.
De suite, je reconnais la tente de Thierry qui est arrivé depuis un bon moment. J'installe la mienne en vitesse, voulant profiter au maximum des maigres rayons de soleil pour la faire sécher.
Après la douche et la lessive, nous décidons, Thierry et moi, d'aller manger une pizza en ville. Un passage chez "la concierge" pour régulariser ma situation et on y va. Sauf que le passage s'éternise. Pierrette est très sympathique, vraiment. Elle me raconte sa vie en long, en large, et surtout en travers. En fait, Pierrette est sourde, d'où ses problèmes d'élocution, mais pour arriver à tenir une conversation, elle lit sur les lèvres. Je comprends mieux maintenant son "parlez lentement" de tout à l'heure et pourquoi elle ne me regarde pas dans les yeux quand je lui parle. Je comprends aussi le drôle de dialogue que nous avons eu au premier contact !
Quand j'arrive à m'en dépêtrer, j'indique à Thierry où brancher son portable pour le recharger en lui précisant bien que, comme Pierrette me l'a dit, nous n'avons que jusqu'à 19h pour les récupérer, après elle ferme.
Le soleil ne se sera pas montré bien longtemps ; à peine couvert, quelques gouttes commencent à tomber. Je rentre tout mon linge sous la tente et file récupérer mon téléphone et son chargeur.
Pierrette ne semble pas pressée de fermer, aussi je temporise en me posant à une table dans le petit hall d'entrée. Elle m'y rejoint au bout d'un moment avec un petit sourire en coin : "Je vous ai fait à manger, me dit-elle presque en chuchotant.
- Pardon ? lui dis-je en ouvrant des yeux comme des soucoupes.
- Des petits pois carottes avec des œufs, j'espère que vous aimez ?
- C'est très aimable à vous, Pierrette, mais nous avons réservé à la pizzeria avec Thierry !"
En fait, on n'a rien réservé du tout, mais j'ai très peur de deux choses : passer la soirée avec Pierrette à l'écouter me raconter un peu plus sa vie en décodant tant bien que mal son verbiage, le tout devant une portion plus que congrue. Sans rab'.
En rentrant du resto, j'accroche mon linge dans la tente en espérant que la chaleur de mon corps permettra d'enlever un peu d'humidité.
Je me couche sur une dernière pensée : merci, Pierrette, c'était vraiment adorable, mais avec la pizza que je me suis envoyée et les trois mots en tout et pour tout que m'a décrochés Thierry le taiseux pendant le repas, vous pouviez pas lutter !