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La traversée du Massif des Vosges, malgré tout !

(réalisé)
Parti pour un trek de 4 mois, abandonné au bout de 16 jours.
Récit d'une aventure qui n'est pas passée du tout comme prévu...
randonnée/trek
Quand : 13/06/2024
Durée : 16 jours
Distance globale : 432km
Dénivelées : +22478m / -21133m
Alti min/max : 164m/1391m
Carnet publié par Béryl le 05 nov.
modifié le 10 nov.
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
C'est possible (ou réalisé) en train
Précisions : Tous les trajets aller et retour ont été faits en train, à part un taxi dans Paris pour aller de la gare de l'Est à la gare Montparnasse.
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Vue d'ensemble

Le topo : Jour 15 - Thann/Cabane de Haute Bers (mise à jour : 09 nov.)

Distance section : 22km
Dénivelées section : +1267m / -501m
Section Alti min/max : 343m/1164m

Description :

Données GPS :

Distance : 22,07 km
Dénivelé positif : 1267 m
Dénivelé négatif : 501 m

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Le compte-rendu : Jour 15 - Thann/Cabane de Haute Bers (mise à jour : 09 nov.)

Mercredi 12 juin 2024

4h30. Je me lève sans bruit. Mes affaires sont déjà hors de la chambre, dans le sas qui donne sur le couloir. La lumière automatique envahit l'espace quelques secondes dès que j'ouvre la porte. Mon regard se pose sur Thierry qui dort encore. Le dernier, je ne le reverrai plus.
Dans la cuisine, je me chauffe les mains contre une tasse de café brûlant, les yeux dans le vague, perdu dans les brumes d'un mauvais rêve qui me travaille encore. Un coup d'œil sur l'appli météo ; je referme illico. Désespérant.
Dehors, la boule disco du firmament éclabousse la nuit comme un doigt bien tendu devant les prédictions artificiellement intelligentes de Météo-France. Je sors de la ville endormie et attaque la longue montée à travers les bois qui m'amène au Vogelstein (1181m) accompagné d'un vent froid qui me gifle avec insistance.

J'ai la forme ce matin ! Le moral a repris des couleurs même s'il reste quelques taches de gris tenaces. Une journée de repos toutes les deux semaines me semble raisonnable pour ce genre de périple. Il faudra que je m'y tienne.
Je m'arrête un instant dans une trouée de la forêt pour admirer le lever du soleil dans un ciel tout bleu ; mon moment préféré dans la journée après avoir observé les noctambules à poil ou à plume rentrer se coucher et ceux, plus discrets, que la lumière du jour tire de chez eux. Une de ces rares scènes où je peux voir un blaireau et un chevreuil en même temps.
La montée dans les bois se fait en douceur malgré quelques errements qui me font prendre de mauvais chemins et rajoutent des kilomètres. Manque d'attention, je le sais et je sais aussi pourquoi. Poursuivons.

La vue se dégage enfin en arrivant sur le refuge Rossberg qui est fermé. Les quelques nuages bourgeonnants n'empêchent pas le soleil de commencer à cogner fort. Le genre de coup qui fait rougir la peau et dont le vent froid atténue la sensation. Je fais une pause préventive et m'enduis de crème solaire.
Un coup d'œil sur la carte : je suis presque au col, le plus dur de l'étape est fait.
Peu avant l'arrivée sur le chalet Rossberg. Les premiers nuages.
Peu avant l'arrivée sur le chalet Rossberg. Les premiers nuages.
Une belle vue sur la vallée depuis le Vogelstein.
Une belle vue sur la vallée depuis le Vogelstein.
Les nuages s'accumulent est assombrissent tout, mais la vue est toujours magnifique.
Les nuages s'accumulent est assombrissent tout, mais la vue est toujours magnifique.
Panorama des hauteurs incitant à la contemplation.
Panorama des hauteurs incitant à la contemplation.
Alors que je plonge à nouveau dans les bois, un halètement me fait me retourner. Un berger malinois me fonce dessus ! D'instinct, je passe mes bâtons dans le dos et tends la main en signe d'apaisement. Je lui parle calmement, mais fermement. En fait de berger, c'est une bergère ! Toute jeune, elle ne résiste pas à ma main tendue, surtout quand mes doigts commencent à la grattouiller derrière les oreilles. Elle se tord dans tous les sens et m'empêche de vérifier une quelconque indication sur son collier. Je n'en ai pas le temps, cela dit ; une voix arrive de derrière et l'appelle à répétition. C'est une joggeuse qui court avec ses deux chiennes, la seconde restant à distance auprès de sa maitresse. Quelques mots échangés et les voilà parties à galoper vers d'autres ailleurs.

Plus j'avance et plus le temps se couvre. Je commence à regretter la crème solaire qui me poisse le visage et les bras et manifestement ne servira à rien. J'en prends quand même plein les mirettes en sortant de la forêt avec de magnifiques vues sur la vallée. Le vent gâche un peu la fête, mais je ne boude pas mon plaisir.
Alors que je m'arrête pour prendre une énième photo de ces paysages envoûtants, je vois ma joggeuse et ses deux chiennes revenir vers moi. Je lui lance une boutade à propos d'un éventuel blocage par un névé tardif plus loin et elle me répond qu'elle fait juste une boucle rapide pour se défouler avant un rendez-vous important. Elle prend tout de même le temps de s'arrêter et la discussion s'engage, très vite orientée vers les thru-hikes, ces treks longue durée qui bien souvent traversent un voire plusieurs pays. Nous discutons de nos expériences respectives bien qu'elle soit plus course que marche. Curieuse, la jeune femme multiplie les questions et semble très intéressée par ce genre d'aventure. Seul le temps semble un obstacle pour elle, mais je sens derrière ses paroles et son attitude une volonté assez forte pour en venir à bout. Nous nous quittons sur une promesse de sa part d'aller sur le site que je lui ai mentionné à propos de l'Hexatrek. Je n'ai pas besoin de promesse, mais l'espoir d'avoir à mon tour planté une petite graine du genre à faire éclore de grands rêves rajoute quelques couleurs à mon moral.

J'avais l'intention de boire un café à l'auberge de la Fourmi, bien avant, mais l'heure précoce à laquelle j'y suis passé l'a trouvée encore endormie. Il me manque, ce petit noir de milieu de matinée ! Heureusement, j'ai pu glaner une info de haute importance dans la discussion : une ferme auberge est ouverte un peu plus loin et je pourrai m'y poser pour y déguster le précieux breuvage.
On ne peut pas la rater, en effet : le chemin passe dans la cour et longe les bâtiments ! Tellement bien que je pense avoir fait fausse route et repars en arrière à la recherche de balises. Elles s'obstinent à me faire passer à cet endroit précis. Le GPS est d'accord. Bref, tout le monde est contre ma conscience qui voit toujours d'un mauvais œil le chemin passant par une propriété privée. Un jeune homme en bleu de travail (qui est vert) sort d'un hangar et vient à ma rencontre. Gêné, je l'aborde : "Bonjour ! Dites-moi, c'est bien le GR5 qui passe là ?
- Oui.
- Ah ! Bien, j'avais peur de me tromper.
- ...
- C'est possible de boire un café ?
- Oui.
- Bonne nouvelle ! Par où on entre ?
- Par là.
Il tend le bras et me montre le bâtiment. Très grand, le bâtiment.
- Bien, mais l'entrée, elle est où ?
- Là-bas. Faites le tour.
Youhou ! Il a placé plus de deux mots dans une phrase : je suis en joie !
- Merci, bonne journée !"
Je n'aurai pas de retour. Impressionnant comme l'envie taraudeuse d'un café peut me faire conserver mon calme !
Devant l'entrée, je suis accueilli par deux gros chiens qui viennent me renifler et le patron qui préfèrent pousser son diable plein de fûts de bière. Je lui tiens la porte ouverte et engage la conversation réitérant ma demande : "Bonjour, c'est possible de boire un café ?
- Installez-vous.
Ça promet. Très sombre, l'intérieur est meublé de plusieurs tables, dont une déjà dressée.
- Où ça ?
- Où vous voulez."
Bien. Je me pose sur celle au plus près de la pièce à côté où se situent le percolateur et la caisse. Le bonhomme ne fait pas plus attention à moi et continue de charrier ses fûts. J'en profite pour vérifier la trace sur mon GPS. J'ai prévu de pousser jusqu'au refuge de la Grande Goutte, après le Ballon d'Alsace. Il me reste une vingtaine de kilomètres pour y arriver et j'en ai déjà une douzaine dans les pattes ; loin d'être insurmontable, deux détails tout de même me font faire la grimace : le temps se couvre de plus en plus et j'ai déjà mal aux pieds. Douze bornes et j'ai mal aux pieds. Incompréhensible. Les semelles achetées à Ribeauvillé augmentent le confort, mais j'ai l'impression que le mal est fait. Je comptais bien sûr la journée de repos et les nombreux massages au Voltaren pour atténuer la gêne, mais rien n'y fait. Deux douleurs très vives à l'arrière des chevilles, de chaque côté, me forcent parfois à m'arrêter pour me masser à nouveau en sachant que le redémarrage est très douloureux. J'ai peur de connaitre enfin la tendinite. J'en entends tellement parler auprès des autres marcheurs qu'il fallait bien que cela m'arrive un jour. Pourtant, je bois beaucoup et je suis toujours parvenu à l'éviter lors de mes précédents treks. Et il n'y a pas trente-six manières de soigner une tendinite : du repos, du repos et encore du repos.
Le moral perd ses couleurs.
Ah, voilà mon café ! Un petit noir pour recolorer tout ça !
Je le déguste en regardant enfin le décor autour de moi : le haut de la salle est entouré en partie de grosses cloches à vache qui pendent du plafond le long des murs. Il y en a des dizaines, de toutes tailles dont certaines sont vraiment énormes. Comme une vache peut porter un truc pareil autour du cou ?! Sûrement de la déco et rien d'autre, j'ose espérer.
Mon café bu, je passe à côté pour régler et en profite pour tenter d'amorcer la conversation : "Vous voyez passer beaucoup de randonneurs par ici ?
- Ça dépend des jours.
- Et oui, bien sûr. Ils doivent être plus nombreux le week-end, je suppose.
- Ça dépend des saisons.
- Aussi, oui. Le GR5 doit drainer pas mal de monde dans le coin. C'est bon pour le commerce, ça !
- On se plaint pas.
Je sors mes rames et attaque la falaise.
- Connaissez-vous l'Hexatrek ?
- Non.
- C'est un nouveau trek longue distance qui emprunte notamment une partie de GR5, et donc passe devant chez vous. La fréquentation augmente chaque année et vous allez croiser de plus en plus de marcheurs.
- C'est vrai qu'on en a vu pas mal cette année.
Youhou ! Seconde joie !
- Il y en aura plus d'année en année, parti comme c'est parti. Il va falloir songer à agrandir ! Tout cela dit avec un air malicieux.
- On verra bien."
J'abandonne. Marre de jouer le Sisyphe de la conversation. Je paie et sors.
Les deux gros chiens semblent m'attendre à l'extérieur, mais n'insistent pas devant mon pas décidé à fuir ce repère de taiseux.
L'intérieur de la ferme-auberge du Belacker avec ses grosses cloches en décoration.
L'intérieur de la ferme-auberge du Belacker avec ses grosses cloches en décoration.
La descente vers le col de Rimbach (940m) n'est pas violente, loin de là, mais je suis obligé de resserrer la ceinture ventrale de mon sac à dos pour éviter que mes épaules supportent toute la charge. Cela me comprime l'estomac et devient franchement inconfortable. Dans les montées, je me courbe légèrement vers l'avant et le poids se répartit mieux sur mon dos. Je n'ai pas encore pris de décision quant à mon sac, mais il va me falloir trancher au plus vite tant c'est pénible.
Heureusement, le relief s'inverse pour attaquer la montée du col des Perches (1071m) que j'atteins deux heures après avoir quitté l'auberge. Il est 13h00 et je me mets en quête d'un endroit pour casser la croûte.
Quand j'arrive en vue d'une table avec bancs, il commence à pleuvoir. L'IA de Météo-France avait donc raison. Je maugrée en pensant à ces maudites machines qui contribuent au dérèglement climatique qu'elles annoncent de par l'énergie phénoménale dont elles ont besoin pour tourner. Et plus on les veut précises, plus elles consomment. Serpent technologique qui se mord la queue.
Un jeune couple s'apprête à quitter les lieux. Sportifs, ils sont souvent par monts et par vaux à gambader sur les chemins. De suite, la discussion s'amorce et nous relatons nos expériences respectives. Mais la conversation fait long feu : la pluie les chasse. À l'abri sous les arbres, je sens moins les gouttes et quelque part, je m'en fous. J'ai les pieds à l'air, mon saucisson, mon quignon de pain et une superbe vue sur le lac, malgré le temps gris.
Vue sur le lac des Perches, juste avant la pluie.
Vue sur le lac des Perches, juste avant la pluie.
Le redémarrage est rugueux. Les pieds me font terriblement mal et cela m'inquiète vraiment. Je bois de plus en plus tout en étant à l'affût des sources afin de préparer mon bivouac. Je sais que dans l'idéal, il me faut deux litres d'eau pour avoir l'esprit tranquille quand je me pose le soir sous la tente. Le Graal étant de trouver un endroit proche d'une source où je peux en plus me laver plus sérieusement que les toilettes de chat à l'eau des gourdes.
Au bout de deux kilomètres, alors que la douleur s'est atténuée, je tombe sur une cabane au toit végétal en contrebas avec une grosse table en bois flanquée de deux énormes bancs à l'extérieur. Un couple est assis à la table et leur chien court en tout sens dans l'immense champ à côté. Je quitte le chemin et me rapproche.
La cabane de Haute Bers est massive avec ses gros rondins de bois. Je trouve curieux de l'avoir zappée lors de ma préparation. L'intérieur est cosy avec le mobilier classique d'une cabane et plus d'un poêle parfaitement fonctionnel. Il y a même une scie pour le ravitailler. Mais je connais la faune nocturne qui habite ce genre d'endroit et préfère monter ma tente.
Ici aussi, le couple est sur le départ. Nous discutons un moment et je m'aperçois sur mon GPS qu'il existe une source à quelques mètres. Effectivement, ils m'indiquent précisément où la trouver : tout simplement sur le chemin qui permet d'accéder à la cabane ; j'ai fait du hors-piste pour y arriver et suis passé à côté sans la voir.
Mais c'est parfait ça ! Je n'avais pas prévu, mais je pense que je vais me poser là, finalement. Je sais ce que j'ai ici et ne connais pas ce que je découvrirai plus loin. Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ! Même si je sais que la Grande Goutte est un refuge tout confort avec une source devant sa porte, l'avenir va me donner raison.
Une fois seul, je monte la tente et me pose sur la table pour me préparer un café. Tout est calme. Il est 15h30 et j'ai l'après-midi devant moi.
C'est alors qu'arrive un groupe de randonneurs par le chemin qui mène à la cabane. Trois hommes et une femme qui de suite, lance : "Ah bin on va pas être tout seuls, ce soir !" et m'interpelle avant que j'aie réagi : "Bonjour ! Ça ne vous ennuie pas qu'on passe la nuit ici ?"
La question est purement rhétorique, mais j'y réponds quand même par politesse : "Bonjour ! Non, ça ne m'ennuie pas. La cabane est à tout le monde et il y a de la place."
En fait si, ça m'ennuie un peu. Je comptais passer une soirée tranquille, en solitaire et voilà que quatre énergumènes s'invitent. Mais franchement, je ne suis pas sûr qu'une réponse pareille aurait posé une ambiance apaisée. En plus, je n'étais pas au bout de mes surprises côté invités.
La dame reprend : "Bien, les garçons vous vous mettez où ? Moi je prends la cabane !", de l'air de dire : "où vous voulez, mais pas là !"
Directrice des ressources humaines à la retraite - ils sont tous à la retraite -, je comprends mieux ! Les "garçons" n'ont pas l'air de s'offusquer. De toute façon, le bivouac sera vite monté vu qu'aucun n'a de tente. Ils comptent dormir à la belle étoile.
Ils font tous partie d'un site internet de sorties et les hommes se sont inscrits à cette rando sur deux jours proposée par madame. Vu leur degré de connivence, j'en déduis que ce n'est pas la première fois qu'ils se rencontrent.
Décision est prise de faire un feu. Je ne fais jamais de feu, mais là, je me sens obligé de participer d'autant plus que ma tente est juste au bord de la table pile devant la cabane. Difficile de faire le solitaire à l'écart. Quelques branches sont vite trouvées dans les bois, dont certaines se rapprochent plus du tronc ; il faut s'y mettre à plusieurs pour les rapporter au foyer. Très vite, le feu crépite, surtout quand le préposé au foyer y fait tomber son briquet qui ne tarde pas à exploser !
Je remarque alors un randonneur sur le chemin en surplomb de la cabane. Il ne bouge pas et semble nous observer. Je prie intérieurement que ce ne soit pas un garde qui n'attendait que cette erreur - les feux sont interdits - pour nous verbaliser. Mais non, le feu crépite joyeusement et le gars ne bouge pas. Il pose son sac et s'assoit sur le bord du chemin, face à nous.
Les autres n'y prêtent pas plus attention que cela et une ambiance chaleureuse commence à s'installer entre boutades et discussions plus sérieuses. L'un d'eux est féru d'astronomie et disserte à loisir sur ce sujet que je trouve passionnant. La nuit à la belle étoile est aussi prévue pour les observer. Cela dit, le froid et l'humidité tombent assez vite et rajoutent des couches sur les corps fatigués ; pas sûr que la nuit d'observation soit très suivie !
La vue cela dit est magnifique devant la cabane. "Par beau temps, on peut même voir les Alpes !" lance le sportif du groupe. Moi, j'ai beau ouvrir les yeux grands comme ça, les Alpes, je ne peux que les imaginer.
C'est alors qu'une troupe d'une dizaine de jeunes gens déboule du chemin opposé. Aucun ne parle français, beaucoup allemand et deux ou trois anglais. La conversation s'engage péniblement et nous comprenons vite qu'ils veulent s'installer autour, voire dans la cabane.
"Pas question !", tranche madame. Et la voilà qui leur explique qu'il existe une autre cabane plus loin où ils seront plus à l'aise. Ça discute, ça baragouine, ça hésite et finalement, les gamins continuent leur chemin et rejoignent... l'homme qui observe sur le sentier plus haut !
"Qu'est-ce qu'ils font avec ce pauvre randonneur ? s'étonne madame
- Ils doivent se renseigner sur un spot de bivouac plus proche, déclare le maitre du feu.
- C'est pas très correct de les diriger vers cette autre cabane, quand même, lance l'astronome à madame. C'est vachement loin et en plus, c'est fermé !
- Hé oh, on était là avant et tu vois bien qu'il n'y a pas la place pour installer une dizaine de tentes supplémentaires ! répond-elle agacée.
- N'empêche, c'est pas sympa. Ils ont autant le droit que nous d'être ici.
- C'est pas une question de droit, c'est une question de place ! Et puis si ça se trouve, ils vont faire un raffut du diable et de la musique toute la nuit !"
Je ne dis rien, assis à la table. Je m'en fous un peu et puis j'ai mes bouchons au pire. C'est vrai que la nuit tombe et les envoyer dix bornes plus loin, c'est pas très fair-play. Madame s'en rend finalement compte et rajoute piteusement : "Bon, va leur dire, toi qui parles allemand, qu'ils peuvent se mettre à l'écart de l'autre côté du chemin, par là où ils sont arrivés. Il y a un replat, en se serrant, ils devraient y rentrer. Mais pas de bazar et pas de musique !"
L'astronome se lève et part à la rencontre des jeunes. Ça discute, ça baragouine (enfin, on suppose vu qu'on n'entend rien), ça hésite et finalement tout ce beau monde revient vers nous. Le maitre des étoiles fait les présentations : c'est en fait une sortie scolaire en nature, ils sont Suisses et la personne qui patientait en haut du chemin est leur encadrant, leur observateur, plus précisément ; ils ont un programme de rando-bivouac et doivent se débrouiller seuls, lui n'est là que pour noter leur comportement et intervenir en cas de grosse galère. La médiation entre les deux représentants de chaque groupe se conclut par un accord : ils peuvent se poser sur le replat à l'écart et musique et bruits divers interdits. Les gosses sont ravis de ne pas avoir à continuer à marcher dans la nuit et les consciences sont apaisées. Tout le monde est content.
Le repas est convivial et chacun raconte ses aventures de rando, mais le froid m'enserre de plus en plus et je ne résiste pas à l'appel du duvet : "Vous pouvez continuer à discuter, cela ne me dérange pas, j'ai des bouchons. Bonne nuit, à demain !" et me voilà blotti dans mon sac de couchage.
Pas besoin de bouchons, ils sont très discrets. J'allume ma liseuse, mais le froid me gèle les doigts et j'ai beaucoup de mal à la tenir verticale. J'abandonne très vite et m'enfouis dans mon cocon avec juste le nez qui dépasse.
Le sommeil me fauche one-shot et me plonge dans une nuit si noire que je n'entendrai même pas le cri que tout le monde espère surprendre un jour dans cette région.
La cabane de la Haute Bers avec ma tente posée devant, avant que les envahisseurs n'arrivent !
La cabane de la Haute Bers avec ma tente posée devant, avant que les envahisseurs n'arrivent !
Une partie des joyeux drilles. En haut à droite, sur le chemin : notre observateur !
Une partie des joyeux drilles. En haut à droite, sur le chemin : notre observateur !
La vue depuis devant la cabane : vous les voyez, les Alpes, vous ?
La vue depuis devant la cabane : vous les voyez, les Alpes, vous ?
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