Toujours plus
Rapport #51 sur les comportements des Homo sapiens, planète Terre.
Plus je les observe et plus ils m’amusent, drôles d’humains !
L’humain cultive le manque avec assiduité, à temps plein si j’ose dire. Si la plupart des espèces animales ou végétales de cette planète se contentent d’assouvir leurs besoins vitaux, il n’en est pas de même pour Homo sapiens. Un herbivore broute pour combler sa faim ; jour après jour sa routine sera répétée moyennant qu’il déniche ce dont il a besoin là où il se trouve, il va se faire plaisir au passage, il vit dans son assiette ! Tout système biologique satisfait un besoin parce qu’il en a « l’envie » ; si ce n’était pas le cas, il mourrait tout simplement. Sur notre planète nous postulons que la vie est basée sur un pilier universel, le plaisir. Il en est certainement de même sur la Terre. Les animaux jouent entre eux, les carnivores simulent la chasse, pour le plaisir, parce qu’ils en ont envie, pourquoi le feraient-ils sinon ? La chasse est pour eux un plaisir. Il suffit de regarder un chat jouer avec une souris… L’humain, qui est un animal parmi les autres, ressent ces mêmes plaisirs. Il prend du plaisir à manger, d’autant plus qu’il aura faim, les voyageurs nature connaissent bien cela. S’il a soif, il prend du plaisir à boire. La reproduction, qui perpétue l’espèce, est aussi une source de plaisir majeure. Pas la peine de faire un dessin.
Mais au-delà de ces satisfactions, il semble qu’il y ait un phénomène supplémentaire en action. En effet l’homme a bien souvent envie de plus, toujours plus. Aller plus loin, au-delà… Comme si le bonheur était perpétuellement à atteindre, juste après, mais jamais ici et maintenant, ou alors pendant peu de temps. Serait-ce d’ailleurs l’un des moteurs qui poussent l’humain à voyager ?
Nombre d’humains semblent déployer une énergie folle pour atteindre un nouvel état. Ce nouvel état peut être l’obtention d’un objet (voiture, maison…), d’une situation sociale (un poste au travail, un rang politique, un salaire plus élevé, des responsabilités plus grandes…), d’une réalisation personnelle (résultats en compétition sportive ou autre…), d’une situation amoureuse (recherche du partenaire idéal, d’un autre partenaire, d’amants…). Pour l’humain, cette envie féroce est motivée par la sensation du bonheur à portée de main, juste au-delà, ce graal qui va, de son point de vue, le rendre heureux.
Alors à ce stade-là, deux solutions :
1. L’objet de ses désirs n’est pas atteint et il s’ensuit souvent une grosse déception et une frustration à la mesure de la motivation. Dans un cas favorable il restera motivé dans sa volonté de changement d’état.
2. Il parvient à l’atteindre et son bonheur sera le plus souvent éphémère ; il trouvera bien vite un nouvel état à atteindre et se focalisera dessus car ce qu’il a ne l’intéresse déjà plus.
Ne souriez pas ! C’est ce que j’observe tous les jours sur cette planète, pourtant les humains baignent dans une sagesse populaire qui les encourage à se satisfaire de ce qu’ils ont, à fabriquer leur bonheur avec ce qu’ils ont à portée de main. Mais rien n’y fait, bien que l’idée soit connue et même rabâchée. L’humain ne se contente pas de ce qu’il a, du moins une grande partie d’entre eux.
On voit cette tendance institutionnalisée par les économistes et induite dans la politique. Les pays qui se disent « développés » fondent leurs bases sur la croissance infinie. On doit produire toujours plus sinon c’est la crise. C'est-à-dire que si on est aussi riche qu’hier, la croissance est à zéro et le « moral est en berne » selon les économistes relayés par les journalistes qui, du coup, induisent ce « moral en berne » pour la population. Population qui, si elle n’avait pas été prévenue, serait restée joyeuse (ah les inconscients !). En revanche, les périodes de forte croissance, où ces pays étaient moins riches mais en progression, sont vénérées (les « Trente Glorieuses »). Ainsi il vaudrait mieux être en perpétuel changement d’état, en « progression », plutôt que plus riche mais statique…
Produire plus, consommer plus versus se contenter enfin de ce qu’on a, être heureux tout le temps plutôt qu’être heureux seulement dans le futur. L’humanité va-t-elle réussir à atteindre ce nouvel état de conscience collective ? Une étape que, sur notre planète, nous qualifions de supérieure car produisant un bonheur global plus élevé. Le suspense reste entier mais ce que j’observe ne le laisse pas toujours penser…
L'extraterrestre