L'improbable voyage à vélo de Besançon au cap Nord en 2022.
À Caroline ma fille et à Gaël mon petit-fils,
De Besançon au cap Nord… Chiche !
Besançon – le cap Nord…
Partir en solitaire, un défi pour un si long voyage à vélo !
Il faut donc relever la bravade par un premier coup de pédale. Mes premiers voyages de cinq-cents kilomètres, qu’aujourd’hui je considère comme de courtes distances, m’ont fait découvrir ce qui m’apportait de l’étonnement, de multiples surprises et surtout, ce qui me procurait un véritable sentiment de liberté. Au fur et à mesure, j’ai allongé ces dernières années mes périples avec parfois une impression de frustration. À mon retour, ce n’était jamais assez…
Celui-ci sera le plus long, le plus ambitieux que j’aurai entrepris !
Toutes mes pérégrinations à vélo ont été l’occasion de faire des rencontres magiques, de découvrir des paysages magnifiques, de vivre des surprises émouvantes. Quand je pédale, j’éprouve un grand sentiment de liberté. Je deviens philosophe, poète, artiste.
Je partage mes réflexions et mes sentiments, mes efforts aussi, avec les cyclotouristes qui m’accompagnent quelquefois sur des dizaines de kilomètres. Certains me disent que croiser une dame de mon âge, j’ai soixante-huit ans, seule, à vélo, partant si loin, les aide et les motive. Moi aussi je suis très enthousiaste et je continue, le nez au vent et les sourires dans mon baluchon.
Mais le plus amusant et flatteur aussi, je l’avoue, c’est de lire dans le regard de certains l’étonnement, l’admiration et le respect. Parfois même, on me perçoit comme une personne « perchée à l’âme romantique ». Mais tous font preuve d’humanité. Ils sont accueillants, aimables, généreux et surtout émerveillés !
Certaines amies m’ont attribué le terme de « jeunior ». D’autres sont subjuguées. Rares sont celles qui me regardent d’un air circonspect voire dubitatif. Ma fille Caroline, qui sait que je ne suis pas une personne éthérée et que je n’outrepasserai pas mes capacités physiques, me fait confiance et c’est important. De cette façon, je pars tranquille pour ce long voyage, l’esprit léger.
Quant à Gaël, mon petit-fils, adepte de cyclotourisme depuis nos échappées complices, il sera penché sur les cartes, à tracer mon parcours et à dessiner des campings et des restaurants.
Mais je sais qu’au fond de lui, il aimerait partir avec moi pour pouvoir cueillir les cadeaux comme autant de fleurs magiques parce qu’il est sûr que je vais rencontrer le père Noël au cap Nord !
Enfin, pour mon retour, fin août 2022, lorsque je prendrai l’avion à Alta en Norvège, mes sacoches, mon cœur, ma tête, mes jambes aussi, seront sans doute pleins de souvenirs, de rencontres, de paysages, de saines fatigues qui me rendront heureuse et fière d’avoir fait ce que j’aurai fait en trois mois.
Quand : 15/05/2022
Durée : 94 jours
Durée : 94 jours
Distance globale :
5638km
Dénivelées :
+26238m /
-26332m
Alti min/max : -1m/488m
Carnet publié par Jacqueline25
le 09 mai 2022
modifié le 14 avr. 2023
modifié le 14 avr. 2023
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Vue d'ensemble
Le topo : Section 5 - Du 4 au 8 juin H.. (mise à jour : 04 janv.)
Distance section :
300km
Description :
Harlingen / Sint Jacobiparochie / Blije / Zoutcamp / Ternaard / Lauwersoog / Ulrum / Pieterburen / Uithuizen / Spijk / Termunterzijl / Bünde (Allemagne) / Bingum / Leer / Firrel / Friedeburg / Varel / Neuwapelergroden
Le compte-rendu : Section 5 - Du 4 au 8 juin H.. (mise à jour : 04 janv.)
Samedi 4 juin – 21e jour
Harlingen / Sint Jacobiparochie / Blije / Ternaard – 66 km
Les yeux de Jean
Des pensées s’invitent au rythme de mes coups de pédale.
Je me souviens de Jean, parti du Portugal à vélo, et rencontré à Besançon en mars dernier dans le froid et la pluie. Il avait les yeux transparents. Des yeux baignés par la luminosité, par le soleil. Lorsque ses yeux vous regardaient on pouvait y lire la générosité, le bonheur, la quiétude, la félicité du nomade, du voyageur à pied ou à vélo.
Ces regards favorisent aussi de belles rencontres !
Je reviens à une autre réalité, mon ennemi réapparaît. Je le brave toute la journée. Il rabat ma vitesse considérablement et je n’ai aucun moment de trêve… Je pédale pendant presque sept heures sur une piste plate pour seulement soixante-six kilomètres. Si je devais grimper avec un tel vent… autant ne pas y penser !
Malgré tout, je m’arrête fréquemment. En pleine campagne, de petites cabanes permettent d’acheter des œufs, des légumes et des fruits. À proximité d’une ferme, un emplacement bien végétalisé, parfaitement fleuri m’invite à une petite pause. La petite cabane du lieu est bien approvisionnée. Et je m’offre un petit festin composé d’une soupe, d’un jus de fruits maison, d’un café crème, de biscuits… Je glisse mon argent dans une petite tirelire.
Lorsque je voyage à vélo je n’ai pas de véritables habitudes alimentaires, je me nourris au gré des quelques achats quotidiens. Je ressens aussi la nécessité de m’alimenter frugalement durant la journée ; en réalité je grignote tout au long de mon parcours. Cette formule me convient bien. Mon système digestif est malmené par mon activité intense. Cela étant dû à une baisse d’afflux sanguins dans les organes pour s’orienter essentiellement au niveau des muscles.
Cela me prend donc du temps de goûter un peu à tout. Je décide donc de couper de grandes boucles, et de quatre-vingts kilomètres selon ma prévision, je réduis ma distance à soixante-six kilomètres. Mais je me prive du passage dans de multiples petits villages.
Je longe par sa base une haute digue en pensant que la mer est derrière. Mais pas du tout ! Je grimpe à pied et je suis surprise de découvrir une immensité de champs. La mer est invisible !
J’arrive tardivement au camping de Ternaard qui paraît désaffecté. Mais quelques signes indiquent qu’il y a encore un peu de vie. Des chaussures sont posées au sol devant le seul camping-car présent, deux tondeuses robots sont au travail et les sanitaires sont ouverts. Un poulailler avec poules, canards… anime le camping. Ma petite tente et ma bicyclette viennent compléter le tableau. L’employé de mairie passe et je paie huit euros pour quelques mètres carrés, une douche et un endroit clôt. Pas moins de services que les grands campings à vingt euros.
Mon regard se porte alentour. Que de moutons ! J’ai ce qu’on appelle un nez subtil ; c’est de famille ! Mais ici, aux Pays-Bas, cela me dérange encore plus que de coutume. Les digues que je longe servent de lieu de vie à des milliers de brebis et agneaux. Les déjections des herbivores sont prégnantes et c’est pour moi une véritable nuisance olfactive. Les digues sont des pâturages ovins et ces derniers maintiennent les particularités écologiques et entretiennent la digue de protection à la mer. En broutant l’herbe et en piétinant le sol, ils contribuent au maintien d’un couvert herbacé et ainsi au renforcement de la digue.
Les brebis et leurs agneaux sont parfois mes seules compagnes sur des dizaines de kilomètres. Nous faisons bon ménage. Les brebis me regardent passer, intéressées par ma présence, même si elles restent quelque peu impassibles. Quant aux agneaux, d’un saut gracieux, ils se mettent en protection derrière leur mère. Certaines bêtes, très âgées, peuvent rester dans le troupeau longtemps jusqu’à ce qu’elles perdent leurs dents.
Tant de moutons ! Parfois ils ont des rubans colorés autour du cou marquant sans doute leur appartenance et leur donnant un petit air apprêté. Les portions de prairie sont à certains endroits délimitées et closes.
La difficulté est de passer les multiples portillons qui sont posés à l’oblique avec un ressort puissant pour les refermer automatiquement. Il faut avancer tout en étant à califourchon sur son vélo, les pieds au sol, puis se pencher et tirer le portillon à soi tout en reculant, ensuite le maintenir sur le côté avec force et, enfin, avancer progressivement jusqu’au moment où l’on ne peut plus retenir ce satané portillon qui se referme avec violence sur les sacoches arrière. Sacrée gymnastique !
Dimanche 5 juin – 22e jour
Ternaard / Lauwersoog / Ulrum / Pieterburen – 65 km
Et le groupe forcit
Aujourd’hui un couple de jeunes allemands ralentit son allure et m’accompagnent durant une dizaine de kilomètres. La jeune fille est ravie de pouvoir parler français. Ils portent sur leur visage le sourire des gens heureux.
J’ai une petite étape aujourd’hui, donc pas question d’éviter les petits villages.
C’est la fête avec de nombreux stands au village de Zoutkamp. Je ne passe pas inaperçue avec ma bicyclette et mon accoutrement de cycliste. On m’identifie aisément comme cyclo-voyageuse. Brusquement, je suis entourée et je deviens un vrai stand de curiosités. Les gens sont fascinés par ce vélo chargé de toutes ses sacoches. Tout est en harmonie de couleur, jusqu’aux gourdes.
Je dois raconter… Ils veulent savoir où j’habite, où je vais, quel âge j’ai, combien j’ai déjà fait de kilomètres, combien il m’en reste, où je dors, combien de kilos de bagages je transporte, le poids du vélo, si je voyage seule. Ne serait-ce pas une sorte d’évaluation pour savoir si je « vaux le coup » de cet intérêt ? Ou alors, si j’ai des chances de réussir ? Je dois admettre que l’estimation est fort correcte, étant donné que j’entends : « Elle va au cap Nord ! » Et le groupe forcit. Quel bon moment d’euphorie.
Pour finir, on me libère en me touchant. Un homme me tape dans le dos, cela vaut pour l’ensemble du groupe des hommes ; une femme me frotte le dos et me malaxe le bras, c’est pareil, elle représente le groupe des femmes. Dans le geste des femmes je sens de la compassion, du cœur, dans celui des hommes je crois déceler davantage de rudesse, de fermeté, même s’ils se veulent aussi encourageants.
Lorsque je suis une cyclo-voyageuse, l’un et l’autre s’adressent à moi avec facilité ; les barrières sociales tombent. L’empathie est de mise. Je suis accostée, entreprise, touchée. On veut me venir en aide. Dès que je m’arrête pour observer, photographier, le cycliste passant par là s’arrête, me demandant si tout va bien. Un cycliste ne sera jamais abandonné sur le bas-côté ! D’ailleurs le cyclo-voyageur a bien souvent dans ses bagages quelques pièces de vélo à donner pour la réparation d’une panne.
La bicyclette donnerait-elle inconsciemment une impression d’équilibre précaire, qui favorise une prise en charge extrêmement altruiste chez autrui ? Ou la prouesse du cyclo-voyageur et surtout celle de la cyclo-voyageuse, rencontre-t-elle des désirs, des envies enfouies d’où l’émergence de marques d’attention ?
Enfin ! je ne suis pas insensible à ce branle-bas de combat… Et différentes émotions m’envahissent… Avec la larme à l’œil, je quitte le village.
Au loin je devine Pieterburen. Encore quelques coups de pédale et voilà le marché. Il est installé sur la place du village. Je veux acheter seulement quelques fruits. J’ai beau dire au maraîcher que je suis à bicyclette, je la lui montre, il ne m’écoute pas. Et je me retrouve avec une quantité impressionnante de fruits et légumes. Le tout pour une somme dérisoire. Voilà encore un aspect de la gentillesse que l’on me témoigne ! On me nourrit ! Je partage ce stock avec le réceptionniste du très agréable camping municipal de la petite ville.
Ici, la commune a réfléchi et a choisi d’installer dans le confort les voyageurs à petites tentes. Un grand espace abrité est prévu, et un grand mobil-home avec salon et marmite-room nous est dédié.
Des rencontres émouvantes
Je me souviens d’une vieille dame en Serbie rencontrée en 2019, au cours de mon voyage à vélo de Saint-Nazaire à Constanta en Roumanie. Elle avait mis à ma disposition un hébergement chez elle. Son fils travaillait en Allemagne. À mon départ, elle me prit dans ses bras, les larmes aux yeux, pour une longue étreinte. Je ne sais si toutefois elle revivait les départs de son fils pour un pays inconnu d’elle ou si elle se faisait du souci pour moi, partie de si loin et allant jusqu’à la mer Noire à vélo, ce qui n’était pas la porte à côté. Son visage est resté gravé en moi.
Je me souviens aussi, lors de mon tour de la France à vélo en 2021, de deux messieurs qui m’ont demandé ce qu’ils pouvaient faire pour moi, de quoi j’avais besoin. Des touristes français me demanderont exactement les mêmes choses dans le nord de la Norvège, mais je n’y suis pas encore…
Je me souviens également de ce monsieur qui m’a demandé si j’avais une famille. Il lui semblait impensable de faire le tour de la France lorsque l’on est entouré. Qu’il n’y a pas de raison « valable » pour partir à vélo pour de si nombreux kilomètres et seule de surcroît.
Différents paramètres vont favoriser encore plus fortement les interactions. Je suis seule. Je suis une femme. Je suis atypique en tant que dame d’un certain âge. Je parcours et je découvre le monde sur une frêle monture très chargée. Je montre qu’il est possible de s’échapper de son quotidien sur une longue durée. J’expose que c’est possible à tout âge. Tout le monde sait aussi que chaque étape à vélo doit se gagner aux prix d’efforts. Lorsque j’explique que je voyage en parfaite autonomie avec tout mon matériel de camping rangé dans mes sacoches pour rejoindre le cap Nord, je lis l’engouement dans le regard qui me fait face.
Les kilomètres s’accumulant, je me sens de mieux en mieux, parfois même j’en deviens euphorique ! Et cette joie facilite considérablement les rencontres !
La raison de mon voyage à vélo n’a jamais été abordée. Cette question peut paraître intime et complexe. La Norvège m’intriguait. J’en ai beaucoup entendu parler, depuis longtemps. Pour ce voyage à vélo au cap Nord, ma motivation est apparue en 2020, lors de mon voyage d’Andermatt dans les Alpes suisses à Rotterdam. J’ai rencontré un homme se promenant au col. Il m’a raconté être allé au cap Nord à vélo. Au cap Nord ! Ça me paraissait tellement… au Nord, au froid. J’ai pensé que si lui l’avait fait, je le pouvais aussi, car il n’avait pas l’air plus sportif que moi ! Et après quelque temps, me voilà sur les routes du Nord.
C’est comme Zanzibar
Il y a parfois des destinations qui inspirent la crainte ou l’admiration, et le cap Nord en fait partie. Je m’en suis rendu compte lorsque j’ai commencé à parler de mon projet. Autour de moi on répétait en écho : « Au cap Nord ! » avec des étincelles dans le regard. Parfois on me demandait où se situait réellement le cap Nord avec un peu de confusion avec le pôle Nord.
Cela me fait penser à Zanzibar. Tout le monde connaît ce mot étonnant de « Zanzibar ». À une période de ma vie, j’ai habité dans l’océan Indien, à proximité de l’archipel de Zanzibar. Je m’étais rendue sur l’île de Unguja, autre nom de Zanzibar, où j’avais été éblouie par ses paysages, ses plages de sable blanc, son lagon d’un bleu turquoise, par Zanzibar la ville de pierre, parce que les maisons sont bâties en pierre de corail. J’ai simplement fait le tour de l’île sur un vieux biclou à une seule vitesse que j’avais loué.
Mes quelques mots de mahorais et ce vélo, m’avaient été bien utiles pour entrer en excellent contact avec la population pourtant habituellement assez fermée aux touristes.
Deux destinations sur notre terre à l’opposé l’une de l’autre, dans un hémisphère distinct. Quelle chance pour moi d’avoir engrangé une telle dose d’autonomie… De ressentir si profondément la liberté… Une vie où les frontières sont franchissables. En tout cas celles que j’ai franchies.
Ternaard / Lauwersoog / Ulrum / Pieterburen – 65 km
Et le groupe forcit
Aujourd’hui un couple de jeunes allemands ralentit son allure et m’accompagnent durant une dizaine de kilomètres. La jeune fille est ravie de pouvoir parler français. Ils portent sur leur visage le sourire des gens heureux.
J’ai une petite étape aujourd’hui, donc pas question d’éviter les petits villages.
C’est la fête avec de nombreux stands au village de Zoutkamp. Je ne passe pas inaperçue avec ma bicyclette et mon accoutrement de cycliste. On m’identifie aisément comme cyclo-voyageuse. Brusquement, je suis entourée et je deviens un vrai stand de curiosités. Les gens sont fascinés par ce vélo chargé de toutes ses sacoches. Tout est en harmonie de couleur, jusqu’aux gourdes.
Je dois raconter… Ils veulent savoir où j’habite, où je vais, quel âge j’ai, combien j’ai déjà fait de kilomètres, combien il m’en reste, où je dors, combien de kilos de bagages je transporte, le poids du vélo, si je voyage seule. Ne serait-ce pas une sorte d’évaluation pour savoir si je « vaux le coup » de cet intérêt ? Ou alors, si j’ai des chances de réussir ? Je dois admettre que l’estimation est fort correcte, étant donné que j’entends : « Elle va au cap Nord ! » Et le groupe forcit. Quel bon moment d’euphorie.
Pour finir, on me libère en me touchant. Un homme me tape dans le dos, cela vaut pour l’ensemble du groupe des hommes ; une femme me frotte le dos et me malaxe le bras, c’est pareil, elle représente le groupe des femmes. Dans le geste des femmes je sens de la compassion, du cœur, dans celui des hommes je crois déceler davantage de rudesse, de fermeté, même s’ils se veulent aussi encourageants.
Lorsque je suis une cyclo-voyageuse, l’un et l’autre s’adressent à moi avec facilité ; les barrières sociales tombent. L’empathie est de mise. Je suis accostée, entreprise, touchée. On veut me venir en aide. Dès que je m’arrête pour observer, photographier, le cycliste passant par là s’arrête, me demandant si tout va bien. Un cycliste ne sera jamais abandonné sur le bas-côté ! D’ailleurs le cyclo-voyageur a bien souvent dans ses bagages quelques pièces de vélo à donner pour la réparation d’une panne.
La bicyclette donnerait-elle inconsciemment une impression d’équilibre précaire, qui favorise une prise en charge extrêmement altruiste chez autrui ? Ou la prouesse du cyclo-voyageur et surtout celle de la cyclo-voyageuse, rencontre-t-elle des désirs, des envies enfouies d’où l’émergence de marques d’attention ?
Enfin ! je ne suis pas insensible à ce branle-bas de combat… Et différentes émotions m’envahissent… Avec la larme à l’œil, je quitte le village.
Au loin je devine Pieterburen. Encore quelques coups de pédale et voilà le marché. Il est installé sur la place du village. Je veux acheter seulement quelques fruits. J’ai beau dire au maraîcher que je suis à bicyclette, je la lui montre, il ne m’écoute pas. Et je me retrouve avec une quantité impressionnante de fruits et légumes. Le tout pour une somme dérisoire. Voilà encore un aspect de la gentillesse que l’on me témoigne ! On me nourrit ! Je partage ce stock avec le réceptionniste du très agréable camping municipal de la petite ville.
Ici, la commune a réfléchi et a choisi d’installer dans le confort les voyageurs à petites tentes. Un grand espace abrité est prévu, et un grand mobil-home avec salon et marmite-room nous est dédié.
Des rencontres émouvantes
Je me souviens d’une vieille dame en Serbie rencontrée en 2019, au cours de mon voyage à vélo de Saint-Nazaire à Constanta en Roumanie. Elle avait mis à ma disposition un hébergement chez elle. Son fils travaillait en Allemagne. À mon départ, elle me prit dans ses bras, les larmes aux yeux, pour une longue étreinte. Je ne sais si toutefois elle revivait les départs de son fils pour un pays inconnu d’elle ou si elle se faisait du souci pour moi, partie de si loin et allant jusqu’à la mer Noire à vélo, ce qui n’était pas la porte à côté. Son visage est resté gravé en moi.
Je me souviens aussi, lors de mon tour de la France à vélo en 2021, de deux messieurs qui m’ont demandé ce qu’ils pouvaient faire pour moi, de quoi j’avais besoin. Des touristes français me demanderont exactement les mêmes choses dans le nord de la Norvège, mais je n’y suis pas encore…
Je me souviens également de ce monsieur qui m’a demandé si j’avais une famille. Il lui semblait impensable de faire le tour de la France lorsque l’on est entouré. Qu’il n’y a pas de raison « valable » pour partir à vélo pour de si nombreux kilomètres et seule de surcroît.
Différents paramètres vont favoriser encore plus fortement les interactions. Je suis seule. Je suis une femme. Je suis atypique en tant que dame d’un certain âge. Je parcours et je découvre le monde sur une frêle monture très chargée. Je montre qu’il est possible de s’échapper de son quotidien sur une longue durée. J’expose que c’est possible à tout âge. Tout le monde sait aussi que chaque étape à vélo doit se gagner aux prix d’efforts. Lorsque j’explique que je voyage en parfaite autonomie avec tout mon matériel de camping rangé dans mes sacoches pour rejoindre le cap Nord, je lis l’engouement dans le regard qui me fait face.
Les kilomètres s’accumulant, je me sens de mieux en mieux, parfois même j’en deviens euphorique ! Et cette joie facilite considérablement les rencontres !
La raison de mon voyage à vélo n’a jamais été abordée. Cette question peut paraître intime et complexe. La Norvège m’intriguait. J’en ai beaucoup entendu parler, depuis longtemps. Pour ce voyage à vélo au cap Nord, ma motivation est apparue en 2020, lors de mon voyage d’Andermatt dans les Alpes suisses à Rotterdam. J’ai rencontré un homme se promenant au col. Il m’a raconté être allé au cap Nord à vélo. Au cap Nord ! Ça me paraissait tellement… au Nord, au froid. J’ai pensé que si lui l’avait fait, je le pouvais aussi, car il n’avait pas l’air plus sportif que moi ! Et après quelque temps, me voilà sur les routes du Nord.
C’est comme Zanzibar
Il y a parfois des destinations qui inspirent la crainte ou l’admiration, et le cap Nord en fait partie. Je m’en suis rendu compte lorsque j’ai commencé à parler de mon projet. Autour de moi on répétait en écho : « Au cap Nord ! » avec des étincelles dans le regard. Parfois on me demandait où se situait réellement le cap Nord avec un peu de confusion avec le pôle Nord.
Cela me fait penser à Zanzibar. Tout le monde connaît ce mot étonnant de « Zanzibar ». À une période de ma vie, j’ai habité dans l’océan Indien, à proximité de l’archipel de Zanzibar. Je m’étais rendue sur l’île de Unguja, autre nom de Zanzibar, où j’avais été éblouie par ses paysages, ses plages de sable blanc, son lagon d’un bleu turquoise, par Zanzibar la ville de pierre, parce que les maisons sont bâties en pierre de corail. J’ai simplement fait le tour de l’île sur un vieux biclou à une seule vitesse que j’avais loué.
Mes quelques mots de mahorais et ce vélo, m’avaient été bien utiles pour entrer en excellent contact avec la population pourtant habituellement assez fermée aux touristes.
Deux destinations sur notre terre à l’opposé l’une de l’autre, dans un hémisphère distinct. Quelle chance pour moi d’avoir engrangé une telle dose d’autonomie… De ressentir si profondément la liberté… Une vie où les frontières sont franchissables. En tout cas celles que j’ai franchies.
Lundi 6 juin – 23e jour
Pieterburen / Uithuizen / Spijk / Termunterzijl – 75 km
« Ha ! Maaadame ! »
Je reçois un message sur mon GPS « avertissement météo marine ». Une dame au camping de Pieterburen me prévient de la météo, et me dit qu’hier c’était le sud qui était touché par le vent et la pluie, mais aujourd’hui c’est le nord où nous nous trouvons.
Jan Peter, néerlandais, cyclo-voyageur, rencontré lors d’un précédent voyage jusqu’à la mer Noire me livrait l’adage suivant : « Il n’y a pas de mauvais temps, que de mauvais vêtements ».
Je ne sais pas si, véritablement, cela se vérifie !
Ce que je sais, c’est que je dois utiliser une petite accalmie pour plier bagages. Je ne tergiverse pas, j’enfile mon équipement complet de pluie. La pluie mais surtout le vent sont redoutables aujourd’hui. Un bref coup d’œil au sens du vent et… il devrait me pousser ! En effet, j’ai l’impression que ma bicyclette a une assistance électrique. Enfin, pas toujours parce que pour rendre le parcours plus attrayant, je dois quitter la digue des moutons et faire des boucles avec vent de face pour passer dans les villages. Des villages fantômes bien souvent !
Le vent des jours derniers était une peccadille ! Lors du passage sur un petit pont, je redouble de vigueur pour me maintenir en équilibre et ne pas finir contre la balustrade. C’est moins fatiguant pour moi de marcher en poussant le vélo que de pédaler de toutes mes forces. La pluie est intermittente et lorsque les nuages se déversent, le vent chasse la pluie à l’horizontale et les gouttelettes me cinglent le visage, telles de petites aiguilles. Un massage un peu douloureux mais vivifiant !
Il n’y a pas âme qui vive dehors. Sauf… au bout du chemin, face à moi, loin devant, une espèce de grosse bête… Une autruche ? Pourquoi pas ?
Mais je connais trop ces silhouettes, même de loin. Sans compter que des autruches en liberté aux Pays-Bas, à part dans un zoo…
C’est un cyclo-voyageur avec l’ensemble de l’équipement qui s’approche peu à peu. J’ai le vent puissant dans le dos et lorsque l’on s’aborde, que l’on s’identifie en tant que femmes, nous agitons nos bras, nous nous exprimons avec force salutations et hilarité.
Il est coutume de s’arrêter et d’échanger entre cyclotouristes, notamment lorsque la rencontre se fait dans des endroits improbables ou lors de conditions complexes comme cette météo d’aujourd’hui. Puisqu’elle a le vent de face, nous savons toutes les deux que si nous nous arrêtons, elle ne pourra repartir qu’au prix d’efforts colossaux.
Nous ne nous arrêtons donc pas, mais j’ai le temps de remarquer son équipement. Nous avons le même. C’est une voyageuse au long court. Ses sacoches sont d’un vert pastel et ses deux gourdes sont de la même couleur aussi. C’est harmonieux, c’est beau ! Cette rencontre me fait du bien. Nous sommes deux femmes seules, liées par le même désir, le même plaisir et nous avançons, bravant les éléments.
Ce soir, j’ai des nouvelles de Radia et Maryline. Elles sont arrivées en Allemagne. Elles ont une cinquantaine de kilomètres d’avance sur moi. Ce qui me paraît bien peu au vu des performances d’un vélo électrique par rapport à un vélo mécanique. Elles font à peu près les mêmes distances que les miennes, mais évidemment, en beaucoup moins de temps, et en fournissant moins d’énergie pour avancer.
Je n’ai pas prévu de jours d’arrêts. Je fais régulièrement de petites étapes de soixante-cinq à soixante-quinze kilomètres pour compenser. Je vais aussi de temps à autre à l’hôtel lorsque le temps est trop capricieux. Cela me permet, grâce au wifi, de sauvegarder les données et les photos de mon téléphone.
À mon étape, il y a l’hôtel de Termundjil.
J’entre dans ce magnifique hôtel dans mes habits de cycliste, de pluie et… dégoulinante ! Je m’adresse à la patronne. Elle me regarde comme si j’arrivais d’une autre planète. Elle rit,
se moque un peu, elle qui est tout apprêtée, bien vêtue, bien coiffée. Moi, de surcroît, j’ai un bonnet sur la tête !
La chambre est extrêmement coquette. Je déballe toutes mes affaires ; tente trempée, lessive qui n’a pas séché la veille, etc. Je transforme la pièce en buanderie. Et je me métamorphose aussi… c’est ainsi qu’un peu plus tard, je descends au restaurant, coiffée, habillée de mon seul vêtement de ville, prévu pour mes sorties des mois à venir. C’est une robe noire à paillettes et un petit boléro brillant avec une seule ombre au tableau je n’ai que des tongs et non des escarpins… La patronne me regarde médusée, fait un geste me montrant de haut en bas et s’exclame : « Ha ! Maaadame ! » Qui disait que « L’habit ne fait pas le moine ! »
Pieterburen / Uithuizen / Spijk / Termunterzijl – 75 km
« Ha ! Maaadame ! »
Je reçois un message sur mon GPS « avertissement météo marine ». Une dame au camping de Pieterburen me prévient de la météo, et me dit qu’hier c’était le sud qui était touché par le vent et la pluie, mais aujourd’hui c’est le nord où nous nous trouvons.
Jan Peter, néerlandais, cyclo-voyageur, rencontré lors d’un précédent voyage jusqu’à la mer Noire me livrait l’adage suivant : « Il n’y a pas de mauvais temps, que de mauvais vêtements ».
Je ne sais pas si, véritablement, cela se vérifie !
Ce que je sais, c’est que je dois utiliser une petite accalmie pour plier bagages. Je ne tergiverse pas, j’enfile mon équipement complet de pluie. La pluie mais surtout le vent sont redoutables aujourd’hui. Un bref coup d’œil au sens du vent et… il devrait me pousser ! En effet, j’ai l’impression que ma bicyclette a une assistance électrique. Enfin, pas toujours parce que pour rendre le parcours plus attrayant, je dois quitter la digue des moutons et faire des boucles avec vent de face pour passer dans les villages. Des villages fantômes bien souvent !
Le vent des jours derniers était une peccadille ! Lors du passage sur un petit pont, je redouble de vigueur pour me maintenir en équilibre et ne pas finir contre la balustrade. C’est moins fatiguant pour moi de marcher en poussant le vélo que de pédaler de toutes mes forces. La pluie est intermittente et lorsque les nuages se déversent, le vent chasse la pluie à l’horizontale et les gouttelettes me cinglent le visage, telles de petites aiguilles. Un massage un peu douloureux mais vivifiant !
Il n’y a pas âme qui vive dehors. Sauf… au bout du chemin, face à moi, loin devant, une espèce de grosse bête… Une autruche ? Pourquoi pas ?
Mais je connais trop ces silhouettes, même de loin. Sans compter que des autruches en liberté aux Pays-Bas, à part dans un zoo…
C’est un cyclo-voyageur avec l’ensemble de l’équipement qui s’approche peu à peu. J’ai le vent puissant dans le dos et lorsque l’on s’aborde, que l’on s’identifie en tant que femmes, nous agitons nos bras, nous nous exprimons avec force salutations et hilarité.
Il est coutume de s’arrêter et d’échanger entre cyclotouristes, notamment lorsque la rencontre se fait dans des endroits improbables ou lors de conditions complexes comme cette météo d’aujourd’hui. Puisqu’elle a le vent de face, nous savons toutes les deux que si nous nous arrêtons, elle ne pourra repartir qu’au prix d’efforts colossaux.
Nous ne nous arrêtons donc pas, mais j’ai le temps de remarquer son équipement. Nous avons le même. C’est une voyageuse au long court. Ses sacoches sont d’un vert pastel et ses deux gourdes sont de la même couleur aussi. C’est harmonieux, c’est beau ! Cette rencontre me fait du bien. Nous sommes deux femmes seules, liées par le même désir, le même plaisir et nous avançons, bravant les éléments.
Ce soir, j’ai des nouvelles de Radia et Maryline. Elles sont arrivées en Allemagne. Elles ont une cinquantaine de kilomètres d’avance sur moi. Ce qui me paraît bien peu au vu des performances d’un vélo électrique par rapport à un vélo mécanique. Elles font à peu près les mêmes distances que les miennes, mais évidemment, en beaucoup moins de temps, et en fournissant moins d’énergie pour avancer.
Je n’ai pas prévu de jours d’arrêts. Je fais régulièrement de petites étapes de soixante-cinq à soixante-quinze kilomètres pour compenser. Je vais aussi de temps à autre à l’hôtel lorsque le temps est trop capricieux. Cela me permet, grâce au wifi, de sauvegarder les données et les photos de mon téléphone.
À mon étape, il y a l’hôtel de Termundjil.
J’entre dans ce magnifique hôtel dans mes habits de cycliste, de pluie et… dégoulinante ! Je m’adresse à la patronne. Elle me regarde comme si j’arrivais d’une autre planète. Elle rit,
se moque un peu, elle qui est tout apprêtée, bien vêtue, bien coiffée. Moi, de surcroît, j’ai un bonnet sur la tête !
La chambre est extrêmement coquette. Je déballe toutes mes affaires ; tente trempée, lessive qui n’a pas séché la veille, etc. Je transforme la pièce en buanderie. Et je me métamorphose aussi… c’est ainsi qu’un peu plus tard, je descends au restaurant, coiffée, habillée de mon seul vêtement de ville, prévu pour mes sorties des mois à venir. C’est une robe noire à paillettes et un petit boléro brillant avec une seule ombre au tableau je n’ai que des tongs et non des escarpins… La patronne me regarde médusée, fait un geste me montrant de haut en bas et s’exclame : « Ha ! Maaadame ! » Qui disait que « L’habit ne fait pas le moine ! »
Allemagne
Mardi 7 juin – 24e jour
Termunterzijl / Bünde (Allemagne) / Bingum / Leer – 45 km
Vittorio
Après quinze jours à traverser d’est en ouest et du sud au nord les Pays-Bas, après avoir rencontré ses habitants sympathiques, chaleureux et entrant aisément en conversation, après avoir emprunté des pistes cyclables ou plus exactement des routes pour vélos, après avoir circulé à vélo dans les dunes, le long des digues et croisé le regard de milliers de brebis et agneaux, après avoir admiré de magnifiques paysages, après avoir vu la mer du Nord, après avoir traversé Amsterdam à vélo, après avoir traversé tant de villages et de villes, après avoir fait une multitude de photos, j’en suis sûre, je suis absolument enchantée, ravie par ce pays. Et pourtant, je le quitte aujourd’hui.
Maintenant j’arrive en Allemagne et d’immenses troupeaux de vaches ont remplacé les brebis et leurs agneaux.
Je dois m’adapter à de nouveaux repères. Les panneaux sur la Meuse désignaient le Nord ou le Sud avec le nom de l’EuroVelo 19. Excellent balisage ! Sur la côte des Pays-Bas, les panneaux signalaient le nom d’une ville et celui d’une autre ville lointaine située au nord. À l’arrivée, cette dernière devenait la première ville du panneau. Pas d’erreurs possible à condition de s’approcher des panneaux aux minuscules caractères d’écriture.
Mais maintenant, les panneaux indiquent le nom du village ou de la ville à proximité. C’est plus complexe. Il faut sans cesse vérifier la carte. Je me perds beaucoup plus fréquemment. Je tourne en rond bien souvent dans les forêts. Soit le fléchage est insuffisant, soit les panneaux ont été retirés. Heureusement, la géolocalisation sur mon téléphone me permet de me situer et de m’envoyer dans la direction voulue.
Je dois abandonner mes quelques mots de néerlandais au profit des mots d’usage en allemand. Plus j’avance plus je m’aperçois qu’il n’existe pas, ici, l’intense réseau routier pour cyclistes rencontré précédemment. A priori aucun pays ne peut égaler les Pays-Bas à ce niveau !
Nous sommes en 2022. Pour la première fois depuis mon départ, les réceptionnistes du camping de Bingum portent des masques et me demandent mon passe vaccinal. La pandémie de la maladie à coronavirus de 2019 a fait plus de vingt millions de morts dans le monde. L’Organisation mondiale de la Santé déclarera la fin de l’urgence sanitaire internationale le 5 mai 2023.
J’ai une pensée pour Vittorio, mon père, un inconditionnel du vélo, emporté par cette maladie en 2021 sans que nous ayons eu l’autorisation de le revoir. L’urgence de santé publique de cette épidémie a rendu notre humanité très inhumaine !
Mardi 7 juin – 24e jour
Termunterzijl / Bünde (Allemagne) / Bingum / Leer – 45 km
Vittorio
Après quinze jours à traverser d’est en ouest et du sud au nord les Pays-Bas, après avoir rencontré ses habitants sympathiques, chaleureux et entrant aisément en conversation, après avoir emprunté des pistes cyclables ou plus exactement des routes pour vélos, après avoir circulé à vélo dans les dunes, le long des digues et croisé le regard de milliers de brebis et agneaux, après avoir admiré de magnifiques paysages, après avoir vu la mer du Nord, après avoir traversé Amsterdam à vélo, après avoir traversé tant de villages et de villes, après avoir fait une multitude de photos, j’en suis sûre, je suis absolument enchantée, ravie par ce pays. Et pourtant, je le quitte aujourd’hui.
Maintenant j’arrive en Allemagne et d’immenses troupeaux de vaches ont remplacé les brebis et leurs agneaux.
Je dois m’adapter à de nouveaux repères. Les panneaux sur la Meuse désignaient le Nord ou le Sud avec le nom de l’EuroVelo 19. Excellent balisage ! Sur la côte des Pays-Bas, les panneaux signalaient le nom d’une ville et celui d’une autre ville lointaine située au nord. À l’arrivée, cette dernière devenait la première ville du panneau. Pas d’erreurs possible à condition de s’approcher des panneaux aux minuscules caractères d’écriture.
Mais maintenant, les panneaux indiquent le nom du village ou de la ville à proximité. C’est plus complexe. Il faut sans cesse vérifier la carte. Je me perds beaucoup plus fréquemment. Je tourne en rond bien souvent dans les forêts. Soit le fléchage est insuffisant, soit les panneaux ont été retirés. Heureusement, la géolocalisation sur mon téléphone me permet de me situer et de m’envoyer dans la direction voulue.
Je dois abandonner mes quelques mots de néerlandais au profit des mots d’usage en allemand. Plus j’avance plus je m’aperçois qu’il n’existe pas, ici, l’intense réseau routier pour cyclistes rencontré précédemment. A priori aucun pays ne peut égaler les Pays-Bas à ce niveau !
Nous sommes en 2022. Pour la première fois depuis mon départ, les réceptionnistes du camping de Bingum portent des masques et me demandent mon passe vaccinal. La pandémie de la maladie à coronavirus de 2019 a fait plus de vingt millions de morts dans le monde. L’Organisation mondiale de la Santé déclarera la fin de l’urgence sanitaire internationale le 5 mai 2023.
J’ai une pensée pour Vittorio, mon père, un inconditionnel du vélo, emporté par cette maladie en 2021 sans que nous ayons eu l’autorisation de le revoir. L’urgence de santé publique de cette épidémie a rendu notre humanité très inhumaine !
Ils sont hollandais. Ils testent leur matériel car ils partiront de Bergen au cap Nord en juillet. Elle me dit qu’elle grimpe les côtes à pied. On sera deux
Mercredi 8 juin – 25e jour
Bingum / Firrel / Friedeburg / Varel / Neuwapelergroden – 78 km
Colère !
À Bingum, seulement deux tentes dans le camping désert. Mes seuls voisins m’offrent le petit-déjeuner. Beatrix et Gottfried habitent dans la chaîne de montagnes de l’Hartz et sont en vacances. J’expérimente vraiment cette fois-ci mon traducteur vocal. Super ! La conversation est parfaite et on ne se coupe jamais la parole ! Parfois, le traducteur facétieux, faisant des jeux de mots, nous fait rire aux éclats. Ou alors il nous irrite. Nous sommes au début de l’ère de l’intelligence artificielle. Ce logiciel en semble déjà pourvue, mais pas tout-à-fait au point. La conversation est fluide et nous communiquons réellement.
Je décide de ne pas prendre le chemin des écoliers, et je vais directement de Leer à Varel. La campagne allemande ressemble à celle de la Hollande. En moins ordonnée ! L’élevage des vaches est prédominant. La résidence des fermiers est attenante au corps de ferme. C’est un joli pavillon de briques rouges, comme aux Pays-Bas. Les abords sont parfaitement entretenus ; le jardinet à l’avant est bien végétalisé et embelli par des objets décoratifs. Je note l’efficacité de la tondeuse sur les pelouses autour de la maison.
Tout cela est parfait s’il n’y avait pas, à la ronde des fermes, une odeur pestilentielle sur des kilomètres.
Je n’y comprends plus rien ! Selon l’organisation de mon parcours, cette étape devait se faire le dix et j’entends à la radio que nous sommes le huit juin. J’ai deux jours d’avance ! Mais pourquoi ? Oh ! horreur ! je devais rester une journée complète à Amsterdam pour visiter le musée van Gogh. J’avais programmé aussi une journée complète à Maastricht. Je dois être dans ce « second souffle » exceptionnel qui supprime les choses essentielles. Pendant quinze minutes je suis vraiment en colère, puis je me dis que je reviendrai une prochaine fois à Amsterdam… ou pas.
Bingum / Firrel / Friedeburg / Varel / Neuwapelergroden – 78 km
Colère !
À Bingum, seulement deux tentes dans le camping désert. Mes seuls voisins m’offrent le petit-déjeuner. Beatrix et Gottfried habitent dans la chaîne de montagnes de l’Hartz et sont en vacances. J’expérimente vraiment cette fois-ci mon traducteur vocal. Super ! La conversation est parfaite et on ne se coupe jamais la parole ! Parfois, le traducteur facétieux, faisant des jeux de mots, nous fait rire aux éclats. Ou alors il nous irrite. Nous sommes au début de l’ère de l’intelligence artificielle. Ce logiciel en semble déjà pourvue, mais pas tout-à-fait au point. La conversation est fluide et nous communiquons réellement.
Je décide de ne pas prendre le chemin des écoliers, et je vais directement de Leer à Varel. La campagne allemande ressemble à celle de la Hollande. En moins ordonnée ! L’élevage des vaches est prédominant. La résidence des fermiers est attenante au corps de ferme. C’est un joli pavillon de briques rouges, comme aux Pays-Bas. Les abords sont parfaitement entretenus ; le jardinet à l’avant est bien végétalisé et embelli par des objets décoratifs. Je note l’efficacité de la tondeuse sur les pelouses autour de la maison.
Tout cela est parfait s’il n’y avait pas, à la ronde des fermes, une odeur pestilentielle sur des kilomètres.
Je n’y comprends plus rien ! Selon l’organisation de mon parcours, cette étape devait se faire le dix et j’entends à la radio que nous sommes le huit juin. J’ai deux jours d’avance ! Mais pourquoi ? Oh ! horreur ! je devais rester une journée complète à Amsterdam pour visiter le musée van Gogh. J’avais programmé aussi une journée complète à Maastricht. Je dois être dans ce « second souffle » exceptionnel qui supprime les choses essentielles. Pendant quinze minutes je suis vraiment en colère, puis je me dis que je reviendrai une prochaine fois à Amsterdam… ou pas.