Du Léman au Cap Nord: 5'800 km en kayak de mer
Et si l'on reprenait la route. Une route différente avec pour seule ligne blanche l'écume et la neige ? Et si l'on reprenait la route non pas que pour nous, mais pour une raison plus grande transcendant le simple fait de voyager ? 5'800km en kayak de mer pour rejoindre le cap Nord dont 600km de marche, en hiver, en tractant nos bateaux à travers la mythique Laponie. Cap Kayak est la réponse à nos envies, nos besoins, une nouvelle aventure en faveur des enfants atteints d'un cancer.
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randonnée/trek
kayak de mer
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Carnet publié par Chasseurs d horizon
le 27 oct. 2023
modifié le 02 juil.
modifié le 02 juil.
Mobilité douce
du pas de la porte au pas de la porte
Précisions :
ou presque. Partis de la maison avec nos kayaks et baskets, nous avons laissé toutes les portes ouvertes pour le trajet du retour... Mais où débute le retour quand un voyage n'a pas de fin ?
Coup de coeur !
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Vue d'ensemble
Le topo : Mer des Wadden, l'apprentissage par l'erreur. (mise à jour : 27 oct. 2023)
Description :
La Nature est belle, mais sa franchise sans scrupule n'est pas toujours agréable à entendre. "Vous n'êtes pas prêts !" nous dit-elle ce matin de mai où d'une erreur de navigation à l'autre, nous finissons rejoints par la police nationale hollandaise... Tout remettre à plat et surtout surmonter notre désillusion.
Milieu traversé :
Environnement : [mer]
Le compte-rendu : Mer des Wadden, l'apprentissage par l'erreur. (mise à jour : 27 oct. 2023)
D'AMSTERDAM À NORDERNEY - 24.05.2022
Nous quittons Amsterdam le 5 mai avec Tim, de l'équipe Paju, venu nous rejoindre pour quelques jours de tournage. La côte ouest de l'Ijsselmeer, laquelle a définitivement pris le statut de lac dans nos esprits, nous prépare à des conditions de navigation maritime. Nous effectuons notre première traversée, de 8 km de long, à distance d'une côte voilée par la brume et donc dépossédée de son pouvoir rassurant et guidant. C'est à l'aide de notre nouveau compas de pont qu'Olivier nous oriente, d'une main de maître. L'Ijsselmeer nous prépare également à un terrain plus mouvementé que les rivières jusqu'à présent parcourues. A Den Oever, nous passons l'écluse qui, cette fois nous en sommes certains, nous ouvre l'accès à la mer. L'odeur des crustacés, le goût salé des éclaboussures et la magnificence des bateaux de pêche nous le confirment. Devant nous, la mer. Et ses estrans...
Nos premiers pas dans cet environnement se révèlent être bien plus complexes qu'imaginé. Nous avons beaucoup à apprendre pour y évoluer et nous réalisons que nous n'avons pas tous les outils nécessaires. En autodidactes nous apprenons par l'expérimentation. Il faut dire que nous entrons dans la mer des Wadden. Un nom initialement insignifiant pour nous mais qui, en réalité, se traduit par « la mer des estrans ». Une appellation évocatrice de nos futurs tourments. Alors que nous soupons en cette première soirée maritime, nous constatons l'ampleur du retrait de la mer. Elle s'en est allée si loin qu'elle s'est fait oublier et a laissé place à des milliers d'oiseaux venus se ravitailler sur les estrans. Et si la mer ne revenait pas ? Navionics, notre outil de navigation de référence, nous rassure en nous prédisant son retour et nous permet ainsi de planifier notre futur déplacement. Ou du moins d'essayer de le faire. Car si nous ne voulons pas rester coincés sur une terre loin de la côte, il nous faut comprendre le fonctionnement des marées, conjuguées à la topographie des estrans, le tout coordonné aux vents qui impactent notre vitesse de déplacement... Aligner l'ensemble des paramètres est digne d'un casse-tête chinois et la résolution de l'équation nous paraît parfois impossible. Nous bouleversons nos horaires habituels de navigation pour s'aligner sur ceux des marées. Mais cela ne résout pas tout... En notre deuxième journée en mer, nous parcourons quelques menus 5 km en presque 3 heures en raison de la force du vent contraire s'élevant à 30 km/h. A la veille de « la folle journée du 12 mai », nous nous tenons silencieux, fatigués et perplexes dans une tente malmenée par la pluie et les vents.
Après l'épopée qui nous conduisit à Texel, notre confiance en nos capacités à poursuivre notre itinéraire est ébranlée. Le 13 mai au matin, c'est la boule au ventre que nous nous réveillons, se sentant pris au piège sur cette île devenue impasse. Le 13 mai au soir, c'est soulagés d'avoir trouvé une solution que nous nous endormons. Grâce à une formidable équipe se formant autour de nous, nous nous délestons du poids que représentaient initialement la poursuite de la navigation entre les îles frisonnes néerlandaises. Il y a Govert, l'instructeur de kayak de mer rencontré le 12 au soir qui nous offre en ce matin du 13 un réel cours express sur la navigation en mer et nous transmet ses cartes des courants. Il termine sa leçon en nous disant « Vous êtes conscients que c'est très risqué ce que vous vous apprêtez à faire ? ». Il y a Jan, auprès de qui je vais soumettre ma folle idée : trouver un voilier qui nous prendrait en stop. Car persévérer dans notre idée première et poursuivre notre itinéraire serait prendre des risques importants à l'heure où notre expérience de la navigation en mer en est à ses balbutiements. Content de faire une pause dans les nettoyages de son bateau (ou plutôt des pauses devrais-je dire au vu du nombre de mes sollicitations), Jan prend le temps de m'écouter, de m'offrir ses suggestions ainsi qu'un (des...) véritable café. Grâce à lui notre plan B prend forme. Ses voisins de port, Ina et Jelle, s'en retournent à Den Oever le lendemain et acceptent d'expérimenter avec nous le remorquage de kayaks. Enfin, il y a Rick et son ami, deux kayakistes arrivés le soir pour un weekend de navigation autour de l'île, qui de par leur enthousiasme face à notre aventure ajoutent une teinte lumineuse à notre fin de journée. En outre, Rick nous fournit de précieuses informations pour notre future navigation au Danemark.
Le 14 mai, nous ficelons mon kayak sur le voilier de Jelle et Ina, et attachons celui d'Olivier à sa poupe. Trois heures de route où notre seule préoccupation est de s'assurer que le kayak d'Olivier suive correctement le bateau. Trois heures de route et nous nous retrouvons au même endroit qu'une semaine auparavant...
Nous avions bel et bien déjà envisagé traverser l'Ijsselmeer d'ouest en est le long de ses 34 km de digue, lorsque confrontés aux puissants vents contraires de nos premiers jours en mer. Jugeant alors cette option trop risquée, nous l'avions écartée. Forts de notre vécu, cette même traversée nous paraît à présent être un jeu d'enfants.
Dans l'écluse de Makkum, qui sépare l'Ijsselmer des canaux de la Frise, Olivier crée contact avec Margot et Derrick-Jackob, un couple navigant sur un voilier en aluminium. Il se tourne ensuite vers moi et me dit : « Aline, on va dormir chez eux. » Et Margot de compléter : « Longez le canal, prenez la première à droite, on habite au numéro 11 ». Ravie de constater qu'être invité chez l'habitant est finalement possible en kayak, je plane plus que je ne pagaie jusqu'à leur porte. Chaque instant passé à leurs côtés, dans leur univers fascinant, est comme un précieux cadeau.
C'est avec légèreté que nous sillonnons la province de la Frise et de Groningen, au fil de leurs canaux, heureux de retrouver pour un instant la simplicité de la navigation en eau douce... A Delfzjil il nous faut néanmoins renouer avec la mer. Ce serait se mentir que d'ignorer l'appréhension qui accompagne ces retrouvailles. Il semble que notre première expérience des Wadden ait laissé quelques séquelles... Nous faisons alors de notre mieux pour planifier nos parcours en tenant compte des différents paramètres. Nous effectuons le trajet de Delfzjil à l'écluse de Ley avec une météo des plus clémente et même si nous effectuons un énorme détour en raison des estrans, la navigation se passe au mieux. Le deuxième itinéraire, allant de Ley à Norden, est truffé d'estrans et nous ne parvenons pas à tout aligner : marée-estrans-vitesse de déplacement-courants. Tant et si bien que nous devons nous arrêter sur une terre émergée pour attendre la marée suivante. A 10h30 nous nous échouons avec devant nous quatre heures à patienter. Si cette situation avait été envisagée, nous n'avions par contre pas imaginé que notre estran d'accueil serait fait de vase enlisante et profonde, rendant tout mouvement en dehors des kayaks quelque peu... salissant. Alors que je patauge dans cette boue jusqu'aux genoux, afin de tout de même sortir le pic-nic et nos bouquins, un avion vole au-dessus de nous. Olivier l'avait déjà remarqué hier et identifié comme un avion de sauvetage. Celui-ci nous a repérés et nous fait signe d'un mouvement d'ailes qu'il se questionne sur notre situation. Olivier m'enseigne le geste à effectuer, je me place face à l'avion et effectue le signe de « NON ». Le pilote me répond par un nouveau mouvement de balancier et poursuit sa course. Un rien surprise, je réalise que je viens pour la première fois de ma vie de converser avec un avion...
A Norden, nous devons patienter qu'une fenêtre météo se présente pour pouvoir rejoindre l'île frisonne allemande. La traversée jusqu'à Norderney est elle aussi calculée et planifiée. Mais voilà. La première partie du trajet s'effectue plus rapidement que prévu, avec des pointes à 10km/h en raison du courant favorable. La deuxième partie, celle qui change de cap et longe l'île, doit donc se faire plus tôt que prévu et par conséquent à contre-courant. Des vents importants allant dans le sens opposé au courant, des vagues se forment et nous malmènent, rendant la maîtrise de nos bateaux toute relative. Même si la distance est courte, c'est au prix d'un effort soutenu et de quelques frayeurs que nous sortons de la zone de turbulence et rejoignons le port. Un port qui deviendra, nous le savons, notre berceau durant un certain temps. Des vents violents, de plus de 70km/h, sont annoncés ces prochains jours... #Aline
LA FOLLE JOURNÉE DU 12 MAI 2022 - 12.05.2022
Réveil à 4h30, horaire imposé par les marées, dans le but d'être prêts à 5h30, le lever du soleil étant à 5h49 et la mer à une hauteur fonctionnelle pour nous entre 5h00 et 7h00. Mais il nous faut bel et bien presque deux heures pour déjeuner, ranger, plier nos affaires, les transporter, mettre les kayaks à l'eau, les charger et embarquer. Au moment où nous donnons nos premiers coups de pagaie, vers 6h20, le soleil apparaît derrière la digue. Si le moment invite à la contemplation, il ne nous faut pas traîner car le temps nous est compté et nous avons un fort vent de face. Si nous progressons trop lentement ou si nous nous orientons mal, le risque est de se retrouver coincés sur un estran et de devoir soit effectuer un portage d'importance proportionnelle à notre éloignement de la côte, soit attendre la nouvelle marée...en fin de journée. Olivier fait régulièrement le point en consultant Navionics et ajuste le cap. Théoriquement, il devrait y avoir un chenal le long de la côte opposée, menant à Den Helder et restant navigable tout au long de la journée. Le but est donc d'y parvenir avant qu'il ne soit trop tard.
Olivier repère sur l'application un tracé plus profond que le reste qui nous y conduirait et qui nous offrirait un peu plus de temps... et il semble que nous soyons au bon endroit ! C'est un soulagement tout relatif car nous avançons tout en dérivant et il se peut donc que nous quittions ce tracé sans s'en apercevoir. Il ne faut donc pas ralentir la cadence. Tout à coup, le niveau d'eau baisse sérieusement. Nous commençons à voir le fond, qui doit être à cet instant à une vingtaine de centimètres au-dessous de nous. Et puis nous observons la plage s'agrandir à vue d'oeil vers la côte. Lorsqu'il ne reste que dix maigres centimètres d'eau, les kayaks frottent contre les coquillages incrustés dans le sable. Alors nous sortons des kayaks et marchons en les tirant ; ainsi pouvons-nous avancer encore un peu. Chaque pas réalisé est un futur pas de portage en moins. Mais le bord est encore si loin ! La pression est grande. Au bout d'un moment, l'effort devient si pénible que la cadence diminue ; je songe à abandonner. Tant pis, on portera. Mais une voix me raisonne : tu peux aller plus loin que ce que tu penses ; allez, vas-y ! C'est rude... et devant nous l'étendue qui nous sépare de la rive... Olivier nous réoriente et tire vers la gauche. Juste avant que nos kayaks ne s'échouent définitivement, le fond s'abaisse légèrement. Puis suffisamment pour que je tente de ramer à nouveau. Et ça marche ! On parvient finalement à pagayer jusqu'à la côte et à rejoindre le chenal qui mène à Den Helder. Quelle victoire ! Il s'en est réellement fallu de peu pour que nous devions passer le reste de la journée à porter nos affaires depuis les estrans jusqu'à la côte... Nous nous accordons une petite pause pour savourer la portance de l'eau. Ayant l'impression d'être observée, je tourne la tête pour me rendre compte avec émotion que des phoques nous tournent autour !
Une fois arrivés à Den Helder, pointe des terres ouvrant sur les îles frisonnes, nous nous sentons confiants et motivés à aller de l'avant. Alors sans plus de considération nous décidons d'attaquer la traversée jusqu'à l'île de Texel, un trajet de 4 kilomètres environ. Nous avons maintenant un vent latéral légèrement favorable et pensons qu'il va nous aider dans cette course, nous poussant en avant. Le sens du vent allait en réalité nous être hostile, mais ça, nous ne le savions pas encore... Tout en avançant, j'ai la méchante impression d'être déportée du côté du couloir entre Den Helder et l'île, menant à la grande mer, la Mer du Nord. Néanmoins nous parvenons à avancer vers notre objectif. Jusqu'à ce que nous entrions dans une zone de turbulence infernale. N'ayant pas tenu compte de la marée dans notre décision de poursuivre notre route, nous le faisons au pire moment, à savoir à la période durant laquelle l'eau s'échappe de la mer des Wadden pour aller rejoindre la mer du Nord. Le vent venant dans le sens opposé à ce courant, d'énormes vagues se forment. Ces dernières arrivent par derrière, nous élevant sur leurs sommets puis nous ramenant en arrière en leurs creux. A un moment donné, je constate que je ne progresse plus malgré mes efforts soutenus. Mon point de repère sur la côte reste comme figé, toujours au même endroit, de la même taille... alors qu'il devrait grandir à mon approche ! L'anxiété me gagne, je m'interroge... Tant que j'avançais vers mon objectif, les vagues n'avaient que peu d'emprise sur ma confiance. Mais là... le doute commence à s’immiscer. Olivier me somme de changer de trajectoire et de rejoindre au plus court la zone de calme proche de la côte. Alors qu'enfin nous sortons de la zone de turbulence, un bateau police arrive par derrière et un agent en uniforme nous ordonne de venir vers lui. Bien évidemment nous obtempérons. Sauf que le bateau se trouve dans la zone critique et que le rejoindre n'est pas si facile. Enfin j'y arrive et m'accroche à sa coque. Je m'y tiens tant bien que mal pendant que le policier m'explique qu'ils ont reçu un signal de la part du gros ferry que nous avons précédemment croisé et nous ordonne de ne pas circuler aussi près d'eux. Ma question : qu'aurions-nous dû faire de différent compte tenu de la situation ? Le policier est un peu emprunté et plutôt qu'une réprimande, il reformule son expectative sur le ton d'un conseil pour le futur. Alors qu'il me l'explique, tentant à la fois de me concentrer sur ses paroles et sur les vagues qui me malmènent, je lâche ma prise. Olivier, qui se tenait derrière moi, ne peut réagir suffisamment rapidement et la pointe de mon kayak va taper le flanc du sien. Un « crash » tonitruant se fait entendre et je perçois l'impact... Tout en m'éloignant du bateau de police, je leur crie énervée « Nous devons sortir de ces vagues ! ». Un peu penaud, le policier me fait signe qu'il comprend. Je constate alors que nos quelques minutes de conversation nous ont fait reculer rageusement dans la zone difficile de navigation et nous devons alors refournir un effort conséquent pour en sortir. La police nous suit dans le but de terminer la conversation en eau calme. Je comprends en fait que le capitaine du ferry s'est inquiété de notre sort, nous ayant perdus de vue alors que nos embarcations respectives se rapprochaient. La police venait donc s'enquérir de notre état plus qu'elle ne venait nous sermonner. Le policier me demande à moitié convaincu si j'ai des pièces d'identité sur moi... je lui réponds qu'elles sont inaccessibles. Il me demande alors s'ils peuvent faire quelque chose pour nous. Lui faisant part de mon inquiétude quant à l'impact subi par le kayak d'Olivier, l'homme me propose de nous remorquer. Toutefois nous déclinons la proposition et filons vers un lieu où enfin se reposer. Il est à peine midi mais la journée a déjà été bien longue et cela fait plus de 5heures que nous pagayons avec vigueur...
Après une pause pic-nic où nous tentons de sécher nos habits trempes de transpiration, nous reprenons la mer à la recherche d'un lieu où passer la nuit. Nous trouvons alors une plage vers un port. Soucieux de respecter notre environnement d'accueil, je vais m'enquérir au port s'il nous est possible d'y planter la tente. Je comprends alors que le bivouac est interdit sur l'ensemble des îles en dehors des zones officielles, car nous sommes au coeur d'une réserve naturelle, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO soit dit en passant. Par contre, pour quelques 13 euros, nous avons la possibilité de nous installer au port, sur un emplacement prévu à cet effet, et de bénéficier des sanitaires ainsi que des douches. C'est là que je rencontre Jan, un Néerlandais installé au port de Texel pour quelques jours, qui nous viendra en aide par la suite. Le soir, nous nous concoctons des hot-dogs et la bouteille de rouge qui les accompagne, si elle parvient à nous offrir un peu de détente, n'enlève en rien les préoccupations naissantes. Une réelle tension émerge au fur et à mesure que nous considérons ce que nous avons vécu aujourd'hui. Prêts à nous endormir, j'entends une équipe de kayakistes établir leur campement à côté du nôtre. Alors que ma seule envie est de m'échapper de la réalité en allant rejoindre Morphée, je prends le taureau par les cornes et vais poser quelques questions à l'un d'entre eux. Les réponses que je reçois alimentent notre perplexité face à la compréhension de notre environnement. Nos pensées tournant en rond, nous remettons à demain la suite de nos réflexions. #Aline
365 JOURS DE PLUS - 18.06.2022
Il y a l'évidence de l'esprit, celle qui s'impose sans qu'il n'y ait besoin de la justifier, de l'étayer par la raison. Il y a également l'évidence du corps, peut-être moins connue, libératrice de bien des maux. Mais revenons aux prémices de notre histoire. Là où l'évidence, tel Janus, nous montrait un tout autre visage. De Vevey au Cap Nord, 4600 kilomètres de kayak et de marche en un an et demi. Sans entrer dans des calculs d'apothicaire, 25 kilomètres de kayak par jour avec 60 jours de rab pour les visites, rencontres et jours de repos. 60 jours sans compter la période hivernale bien entendu. Un planning avec comme inéluctable, un hiver qui débute déjà en octobre, là, proche du cercle polaire.
Trois mois de navigation, un apprentissage à la manière des cours du soir. Un travail en plus du reste. Un effort qui s'ajoute à l'effort. Trois mois de navigation où nos envies s'effacent devant nos besoins, où les rires laissent place à une certaine lourdeur. Si la météo n'est pas franchement de notre côté, c'est à l'intérieur de nos têtes que la brume est la plus épaisse. « A ce rythme, on ne pourra plus faire de pauses ! » « Si le temps ne s'améliore pas, il faudra pagayer jusqu'en octobre, peut-être même jusqu'en novembre sous la neige ? » Tensions, stress, mais pourquoi ? Nous avons tous les ingrédients. Nous avons même écrit notre recette, certes qui n'est pas très conventionnelle. Alors pourquoi ne pas se mettre aux fourneaux, puis passer à table ? Il ne nous a fallu qu'un regard, si je me souviens bien. D'un regard et de l'une de ces petites phrases qui auraient bouleversé notre monde si elle avait été dite 2400 ans plus tôt par un Socrate ou un Platon « Si une année et demie n'est pas suffisante et qu'il en faut une de plus, ajoutons-en une et le problème sera résolu. » Et c'est à cet instant là, pas même une heure plus tard, que la brume se dissipe, que nos intestins se dénouent, que le dos craque et se détend, que le sourire regagne nos visages. Notre choix se mue en évidence si rapidement qu'on pourrait croire que l'évidence a été notre choix. 365 jours de plus ? Oui, d'une certaine manière. 365 jours de plus pour rejoindre le Cap Nord, mais assurément pas 365 jours de plus, ajoutés à notre vie d'itinérance... #Olivier
DE NORDERNEY À KIEL - 22.06.2022
Devant nous la mer Baltique. Cette mer que nous avons tant attendue, peut-être plus par le fait qu'elle symbolise pour nous la fin d'une étape exigeante que parce que nous l'avons atteinte. Avant de naviguer, la fleur aux dents, vers cette Scandinavie qu'il nous tarde de rejoindre, il est temps de refermer la porte des Wadden avec respect et reconnaissance. Reconnaissance envers la nature, envers les personnes rencontrées, envers nous-mêmes.
A Norderney, première île frisonne allemande que nous atteignons, nous passons bel et bien quatre jours au port en raison des vents violents. Le repos des corps est au programme, mais celui des esprits se déclare absent ; du moins en début de séjour. La charge des navigations dans ces conditions compliquées pèse sur l'humeur. Nous avançons difficilement, nous avançons lentement. Et la grande horloge commence à resserrer son étau. Après une journée morose où je peine à m'extraire d'un état de lassitude, nous recevons une invitation qui m'aide à sortir de cette torpeur. Harry et Wolfgang, deux navigateurs allemands installés au port de Norderney, terminent leur séjour en mer. Rencontrés la veille à notre arrivée, ils viennent toquer à notre porte pour nous inviter à souper. Ils ont un stock de nourriture à terminer et nous proposent de nous joindre à eux. En réalité, Harry se révèle être un merveilleux cuisinier et crée de ses restes un repas simplement délicieux. En cette fin de journée s'ancre en nous cette idée un peu folle qui traversa nos esprits auparavant sans encore trouver racine : rejoindre Luleå non pas en automne 2022, mais en 2023 et ainsi ajouter une année à notre voyage Cap Kayak. Une idée qui rapidement s'impose comme une évidence. Si les navigations dans les Wadden nous prennent plus de temps, soit, nous l'avons. Et ainsi nous composons la suite de notre itinéraire, délivrés des griffes de Chronos.
De Norderney nous rejoignons Baltrum, une île où les seuls moteurs sont ceux des machines de chantier, les voitures y étant interdites et remplacées par des calèches. Puis l'île de Langeoog, où nous ne faisons que passer discrètement, la hafenmeister nous ayant rapidement fait comprendre que camper au port ou à tout autre endroit non officiel était interdit. De l'archipel nous rejoignons la côte et le port de Bensersiel. Ici aussi planter sa tente n'est pas autorisé. Par contre, Frank, le maître des lieux, cherche une solution. Et de fil en aiguille, nous nous retrouvons, clé en main, heureux locataires du local du club de voile. Quatre murs, un toit, une table, des chaises, des sanitaires avec douche : le paradis pour nous. Au matin suivant, le vent est fort. Pétris de réflexions ambivalentes, allant de la sage décision de ne pas prendre la mer à l'interrogation sur notre manque de témérité, en passant par la peur d'abuser d'une hospitalité généreuse, nous attendons la venue de Frank pour lui demander l'autorisation de rester une nuit de plus. A peine m'a-t-il vue que d'emblée il me dit tout sourire « Une nuit de plus ? » Alors j'oublie mon argumentaire répété maintes fois dans ma tête, élaboré de tournures soignées et diplomates, et réponds un simple « Oui » déjà soulagée. « Allez, venez boire un café dans la capitainerie ». Finalement, Frank nous organise même un rendez-vous avec une journaliste du quotidien régional, trouvant notre projet méritant. Une parenthèse intense en émotions positives, qui contraste avec le poids des navigations. Ou peut-être est-ce parce que les navigations sont si difficiles que cette parenthèse fut si belle... Question de contraste ? Et cette question qui me suit depuis le début du voyage : l'un est-il nécessaire pour que l'autre naisse ?
Devant nous la mer Baltique. Cette mer que nous avons tant attendue, peut-être plus par le fait qu'elle symbolise pour nous la fin d'une étape exigeante que parce que nous l'avons atteinte. Avant de naviguer, la fleur aux dents, vers cette Scandinavie qu'il nous tarde de rejoindre, il est temps de refermer la porte des Wadden avec respect et reconnaissance. Reconnaissance envers la nature, envers les personnes rencontrées, envers nous-mêmes.
A Norderney, première île frisonne allemande que nous atteignons, nous passons bel et bien quatre jours au port en raison des vents violents. Le repos des corps est au programme, mais celui des esprits se déclare absent ; du moins en début de séjour. La charge des navigations dans ces conditions compliquées pèse sur l'humeur. Nous avançons difficilement, nous avançons lentement. Et la grande horloge commence à resserrer son étau. Après une journée morose où je peine à m'extraire d'un état de lassitude, nous recevons une invitation qui m'aide à sortir de cette torpeur. Harry et Wolfgang, deux navigateurs allemands installés au port de Norderney, terminent leur séjour en mer. Rencontrés la veille à notre arrivée, ils viennent toquer à notre porte pour nous inviter à souper. Ils ont un stock de nourriture à terminer et nous proposent de nous joindre à eux. En réalité, Harry se révèle être un merveilleux cuisinier et crée de ses restes un repas simplement délicieux. En cette fin de journée s'ancre en nous cette idée un peu folle qui traversa nos esprits auparavant sans encore trouver racine : rejoindre Luleå non pas en automne 2022, mais en 2023 et ainsi ajouter une année à notre voyage Cap Kayak. Une idée qui rapidement s'impose comme une évidence. Si les navigations dans les Wadden nous prennent plus de temps, soit, nous l'avons. Et ainsi nous composons la suite de notre itinéraire, délivrés des griffes de Chronos.
De Norderney nous rejoignons Baltrum, une île où les seuls moteurs sont ceux des machines de chantier, les voitures y étant interdites et remplacées par des calèches. Puis l'île de Langeoog, où nous ne faisons que passer discrètement, la hafenmeister nous ayant rapidement fait comprendre que camper au port ou à tout autre endroit non officiel était interdit. De l'archipel nous rejoignons la côte et le port de Bensersiel. Ici aussi planter sa tente n'est pas autorisé. Par contre, Frank, le maître des lieux, cherche une solution. Et de fil en aiguille, nous nous retrouvons, clé en main, heureux locataires du local du club de voile. Quatre murs, un toit, une table, des chaises, des sanitaires avec douche : le paradis pour nous. Au matin suivant, le vent est fort. Pétris de réflexions ambivalentes, allant de la sage décision de ne pas prendre la mer à l'interrogation sur notre manque de témérité, en passant par la peur d'abuser d'une hospitalité généreuse, nous attendons la venue de Frank pour lui demander l'autorisation de rester une nuit de plus. A peine m'a-t-il vue que d'emblée il me dit tout sourire « Une nuit de plus ? » Alors j'oublie mon argumentaire répété maintes fois dans ma tête, élaboré de tournures soignées et diplomates, et réponds un simple « Oui » déjà soulagée. « Allez, venez boire un café dans la capitainerie ». Finalement, Frank nous organise même un rendez-vous avec une journaliste du quotidien régional, trouvant notre projet méritant. Une parenthèse intense en émotions positives, qui contraste avec le poids des navigations. Ou peut-être est-ce parce que les navigations sont si difficiles que cette parenthèse fut si belle... Question de contraste ? Et cette question qui me suit depuis le début du voyage : l'un est-il nécessaire pour que l'autre naisse ?
Depuis Texel et notre arrivée dans les Wadden, nous prenons le temps de planifier la navigation du jour suivant. Nous le faisons de notre mieux mais nous savons que nous ne maîtrisons pas tous les paramètres. Chaque endroit possède ses spécificités et il nous est impossible de toutes les connaître. A chaque fois nous prenons la mer avec impatience... Non pas pour le plaisir de naviguer mais pour que le trajet soit derrière nous. Les minutes, voire les heures avant notre mise à l'eau sont longues. L'horaire est dicté par le calendrier des marées et nous devons parfois attendre le milieu d'après-midi pour nous jeter à l'eau.
La plupart du temps nous ciblons les ports, car ce sont généralement les seuls endroits de la côte où un chenal est praticable à marée basse permettant de rejoindre les eaux profondes. Nous ne pouvons attendre la marée haute pour débuter nos navigations car cela voudrait dire ramer à contrecourant. Néanmoins, l'accès au chenal est parfois acrobatique. A Harlesiel, c'est sous l'oeil intéressé, amusé, effrayé peut-être des badauds, que nous équipons nos kayaks sur la boue qui borde le chenal. Nos pieds s'enlisent, nos chaussures font ventouses dans cette pâte grise, et les kayaks ont une furieuse envie de glisser à l'eau précocement. Peu après s'être enfin installés dans nos kayaks, nous rejoignons un groupe de phoques séchant sur un estran. A notre arrivée, certains se laissent glisser dans l'eau, tel sur un toboggan. Décidément, c'est la tendance dans la région. Plus curieux que craintifs, ils nous tournent autour et nous nous observons mutuellement.
Concentrant toute notre attention sur l'atteinte de notre destination, il n'est pas rare que nous omettions d'effectuer une réelle pause durant la journée. Nos corps le ressentent et à l'approche du port de Horumersiel, mon poignet sonne l'alarme : tu ne repartiras pas naviguer demain. Après avoir trouvé avec la maîtresse de port une solution d'hébergement, qui consiste à installer notre tente sur la jetée en béton, je me dévêts et remarque une protubérance au niveau du poignet. En effet, il ne nous sera pas possible de reprendre la mer le jour suivant. Je m'en vais donc discuter avec la hafenmeister, une femme de 80 ans qui en paraît infiniment moins et qui est l'âme du lieu selon les plaisanciers... Installée dans sa roulotte qui lui sert de bureau, elle converse avec un couple, Irena et Volker. Lorsque j'explique la situation et dresse les contours de notre projet, Irena spontanément ouvre son portefeuille et me tend un billet pour Zoé4life. Elle m'explique que sa soeur est décédée enfant d'une leucémie et me dit « En écoutant ton projet, mon corps s'est recouvert de chair de poule. » Le mien aussi. La maîtresse de port nous autorise à rester le temps qu'il faudra, et cela gracieusement. C'est au détour d'une des discussions sur le bateau d'Irena et Volker que nous apprenons l'existence d'un canal qui nous permettrait d'éviter une partie de la côte allemande, section des plus compliquées en raison de ses nombreux estrans. C'est une découverte salvatrice qui fait s'évaporer en une évocation bien des interrogations...
Nous devons traverser trois fleuves empruntés par les porte-containers et autres bateaux commerciaux : la Jade, la Weser et l'Elbe. Une valse à trois temps, bien plus calme que le tango dépeint par de nombreuses personnes. Les chenaux réservés aux cargos sont larges de 700 mètres environ ; une distance parcourue à la vitesse du sprint. Les fenêtres disponibles sont pléthores et les bateaux relativement peu nombreux. Il semble qu'actuellement le trafic soit perturbé par un chamboulement de la chaîne d'approvisionnement lié au lockdown de Shangai. Ce dernier ayant été levé, de nombreux - trop nombreux- bateaux ont pu quitter le port et attendent de déverser leur contenu en Europe. Or certains des ports allemands sont saturés et ne peuvent recevoir plus de marchandises. Les bateaux attendent donc au large qu'une place se libère.
La plupart du temps nous ciblons les ports, car ce sont généralement les seuls endroits de la côte où un chenal est praticable à marée basse permettant de rejoindre les eaux profondes. Nous ne pouvons attendre la marée haute pour débuter nos navigations car cela voudrait dire ramer à contrecourant. Néanmoins, l'accès au chenal est parfois acrobatique. A Harlesiel, c'est sous l'oeil intéressé, amusé, effrayé peut-être des badauds, que nous équipons nos kayaks sur la boue qui borde le chenal. Nos pieds s'enlisent, nos chaussures font ventouses dans cette pâte grise, et les kayaks ont une furieuse envie de glisser à l'eau précocement. Peu après s'être enfin installés dans nos kayaks, nous rejoignons un groupe de phoques séchant sur un estran. A notre arrivée, certains se laissent glisser dans l'eau, tel sur un toboggan. Décidément, c'est la tendance dans la région. Plus curieux que craintifs, ils nous tournent autour et nous nous observons mutuellement.
Concentrant toute notre attention sur l'atteinte de notre destination, il n'est pas rare que nous omettions d'effectuer une réelle pause durant la journée. Nos corps le ressentent et à l'approche du port de Horumersiel, mon poignet sonne l'alarme : tu ne repartiras pas naviguer demain. Après avoir trouvé avec la maîtresse de port une solution d'hébergement, qui consiste à installer notre tente sur la jetée en béton, je me dévêts et remarque une protubérance au niveau du poignet. En effet, il ne nous sera pas possible de reprendre la mer le jour suivant. Je m'en vais donc discuter avec la hafenmeister, une femme de 80 ans qui en paraît infiniment moins et qui est l'âme du lieu selon les plaisanciers... Installée dans sa roulotte qui lui sert de bureau, elle converse avec un couple, Irena et Volker. Lorsque j'explique la situation et dresse les contours de notre projet, Irena spontanément ouvre son portefeuille et me tend un billet pour Zoé4life. Elle m'explique que sa soeur est décédée enfant d'une leucémie et me dit « En écoutant ton projet, mon corps s'est recouvert de chair de poule. » Le mien aussi. La maîtresse de port nous autorise à rester le temps qu'il faudra, et cela gracieusement. C'est au détour d'une des discussions sur le bateau d'Irena et Volker que nous apprenons l'existence d'un canal qui nous permettrait d'éviter une partie de la côte allemande, section des plus compliquées en raison de ses nombreux estrans. C'est une découverte salvatrice qui fait s'évaporer en une évocation bien des interrogations...
Nous devons traverser trois fleuves empruntés par les porte-containers et autres bateaux commerciaux : la Jade, la Weser et l'Elbe. Une valse à trois temps, bien plus calme que le tango dépeint par de nombreuses personnes. Les chenaux réservés aux cargos sont larges de 700 mètres environ ; une distance parcourue à la vitesse du sprint. Les fenêtres disponibles sont pléthores et les bateaux relativement peu nombreux. Il semble qu'actuellement le trafic soit perturbé par un chamboulement de la chaîne d'approvisionnement lié au lockdown de Shangai. Ce dernier ayant été levé, de nombreux - trop nombreux- bateaux ont pu quitter le port et attendent de déverser leur contenu en Europe. Or certains des ports allemands sont saturés et ne peuvent recevoir plus de marchandises. Les bateaux attendent donc au large qu'une place se libère.
Après avoir traversé la Weser, nous atteignons Bremerhaven en soirée, sous des lumières orageuses, entourés de phoques et d'un arc-en-ciel. Une arrivée des plus spectaculaires, d'autant plus que l'issue de cette navigation était incertaine. Bloqués plus d'une heure devant un couloir à sec, il nous a fallu attendre que la marée monte pour pouvoir le pratiquer. Un contretemps mettant en doute le fait de pouvoir atteindre notre objectif avant que le courant ne change de direction... A Bremerhaven, les ports de plaisance, lovés derrières des écluses, nous sont inaccessibles en raison de l'heure tardive. Il ne nous reste d'autre choix que de nous aventurer sur la rivière qui traverse la ville. En plein coeur de celle-ci, nous trouvons un ponton destiné aux bateaux visiteurs, en face d'une zone militaire. Avec une pointe d'audace nous y installons notre tente alors que le soleil se couche. A notre étonnement, la plupart des badauds passant sur la rive nous saluent avec gentillesse et enthousiasme.
Cette rivière, la Geeste, mène sinueusement au canal Hadelner dont nous avaient parlé Irena et Volker. C'est avec légèreté que nous l'empruntons, quatre jours durant, appréciant oh combien la facilité de cette navigation, la possibilité de lever l'ancre à l'heure souhaitée et l'absence d'estran. Alors qu'une quinzaine de kilomètres nous séparent de la fin du canal, un kayak nous rattrape discrètement. En jeans et chemise, Heinz est un kayakiste chevronné puisqu'il compte 40'000 km à son actif. Il fait le trajet de sa maison jusqu'à Otterndorf, aller-retour, trois fois par semaine. Heinz est un homme émérite puisqu'il compte plus de 80 printemps à son actif... Il nous accompagne jusqu'à l'écluse de fin de parcours non sans freiner ses ardeurs pour respecter notre rythme. Une fois arrivés vers l'écluse, celle-ci étant en rénovation depuis quatre ans, nous devons accoster à un ponton et sortir les bateaux. Sous nos regards ébahis, Heinz extrait son bateau de l'eau et le dépose sur le ponton, telle une plume. Puis, en gentleman, il vient nous aider et prend ma place dans la manipulation de nos embarcations. Informé de notre intention de trouver un lieu de bivouac, il prend son téléphone portable et organise avec le maître de port de Otterndorf la suite de notre programme. Un transport est prévu en début d'après-midi pour nous amener à un lieu de bivouac ; entre temps Heinz nous invite à son bistro habituel. Lutz, le hafenmeister, qui a été cherché tout exprès voiture et remorque, nous rejoint. Nous chargeons notre équipement et Lutz l'amène au port, là où nous pouvons discrètement et gracieusement poser la tente pour la nuit. Nos bateaux sont à l'eau, prêts à prendre la mer le lendemain ; Lutz et Heinz établissent même la planification de notre future navigation. Je ne peux m'empêcher de dire à Heinz, la voix pleine d'admiration et de respect, que j'espère avoir la même santé physique que lui à son âge. Selon lui, la clé de ce succès, au-delà du facteur chance, est une activité physique quotidienne d'au moins trente minutes, et ce même lorsqu'il était en mission de plusieurs mois sur les bateaux de fret. Au soir, nous étudions, non sans une certaine appréhension, le passage des porte-containers sur l'Elbe. Certains paraissent véritablement énormes...
Cette rivière, la Geeste, mène sinueusement au canal Hadelner dont nous avaient parlé Irena et Volker. C'est avec légèreté que nous l'empruntons, quatre jours durant, appréciant oh combien la facilité de cette navigation, la possibilité de lever l'ancre à l'heure souhaitée et l'absence d'estran. Alors qu'une quinzaine de kilomètres nous séparent de la fin du canal, un kayak nous rattrape discrètement. En jeans et chemise, Heinz est un kayakiste chevronné puisqu'il compte 40'000 km à son actif. Il fait le trajet de sa maison jusqu'à Otterndorf, aller-retour, trois fois par semaine. Heinz est un homme émérite puisqu'il compte plus de 80 printemps à son actif... Il nous accompagne jusqu'à l'écluse de fin de parcours non sans freiner ses ardeurs pour respecter notre rythme. Une fois arrivés vers l'écluse, celle-ci étant en rénovation depuis quatre ans, nous devons accoster à un ponton et sortir les bateaux. Sous nos regards ébahis, Heinz extrait son bateau de l'eau et le dépose sur le ponton, telle une plume. Puis, en gentleman, il vient nous aider et prend ma place dans la manipulation de nos embarcations. Informé de notre intention de trouver un lieu de bivouac, il prend son téléphone portable et organise avec le maître de port de Otterndorf la suite de notre programme. Un transport est prévu en début d'après-midi pour nous amener à un lieu de bivouac ; entre temps Heinz nous invite à son bistro habituel. Lutz, le hafenmeister, qui a été cherché tout exprès voiture et remorque, nous rejoint. Nous chargeons notre équipement et Lutz l'amène au port, là où nous pouvons discrètement et gracieusement poser la tente pour la nuit. Nos bateaux sont à l'eau, prêts à prendre la mer le lendemain ; Lutz et Heinz établissent même la planification de notre future navigation. Je ne peux m'empêcher de dire à Heinz, la voix pleine d'admiration et de respect, que j'espère avoir la même santé physique que lui à son âge. Selon lui, la clé de ce succès, au-delà du facteur chance, est une activité physique quotidienne d'au moins trente minutes, et ce même lorsqu'il était en mission de plusieurs mois sur les bateaux de fret. Au soir, nous étudions, non sans une certaine appréhension, le passage des porte-containers sur l'Elbe. Certains paraissent véritablement énormes...
Dernière navigation dans la mer des Wadden. Nous nous élançons dans le courant de l'Elbe et réalisons rapidement qu'il est plus fort qu'annoncé ; sans pagayer nous faisons du 6 km/h. Le comble est que nous devons « rétro-pagayer » pour ne pas arriver trop tôt à l'écluse de Brundsbüttel, là où nous devrons, en pleine eau et sans point d'amarrage, attendre durant un temps indéterminé que l'accès à l'écluse nous soit autorisé. Notre objectif était d'y arriver alors que le courant était au plus faible, entre deux marées. Arriver trop tôt et cette pause se révélera être une lutte de tous les efforts. Avant d'atteindre l'écluse, il nous faut traverser le chenal, passer d'une bouée verte à une bouée rouge. Les monstres flottant se sont faits rares durant notre navigation mais au moment de traverser, deux porte-containers se profilent derrière nous. Nous laissons passer le premier, puis attendons le deuxième, qui finalement change de cap. Alors nous pagayons de toutes nos forces en direction d'un petit groupe de voiliers qui eux déjà attendent leur tour à l'écluse. A peine les rejoignons-nous que la lumière blanche de la tour lumineuse de l'écluse clignote, signifiant que les bateaux de plaisance peuvent se préparer à y entrer. Ainsi nous voilà dans l'écluse, amarrés devant un bateau suédois, annonciateur de ce qui nous attend à l'autre bout du canal : la Scandinavie...ou presque.
C'est avec une réelle joie que nous entrons dans le canal de Kiel. Ca y est ; nous avons persévéré et sommes arrivés au bout des Wadden, contre vents et marées. D'une longueur de 98 kilomètres, le canal sectionne la péninsule du Jutland et nous amène à la mer Baltique. Pagayer aux côtés des cargos est plus motivant que paralysant. Notre séjour d'un mois sur le porte-containers de la CMA-CGM en 2013 nous offre un regard curieux, complice peut-être, voire un brin nostalgique. A l'autre bout du canal se trouve l'écluse de Kiel-Holtenau. Là, nous devons payer notre parcours, 6 euros par bateau. Sur la caisse de péage, une section spécifique nous concerne : les « muscle powered boats ». Nous attendons plus d'une heure et demie qu'enfin vienne notre tour, sous la pluie, en compagnie d'une vingtaine de voiliers et bateaux à moteur. Le couple de l'un d'entre eux nous offre un café, alors que secrètement j'en rêvais... C'est en fin d'après-midi que nous donnons nos premiers coups de pagaie dans l'eau claire et turquoise de la mer Baltique parmi les innombrables méduses. Le hafenmeister du port de Stickenhorn accepte que nous y installions notre campement. Alors que nous montons la tente, mon oreille est attirée par une langue familière. Soizic, Thomas et Titouan, une famille française voyageant à bord de leur voilier, nous avaient repérés lors de l'éclusage. Ils nous invitent à leur bord pour passer la soirée et partager avec eux le repas célébrant l'arrivée en mer Baltique. Comme il est bon de pouvoir converser en français ! Le jour suivant, nous restons au port. Auriane, une Française expatriée au Danemark, kayakiste navigant elle aussi sur un Plasmor, nous fait l'honneur d'une visite. Avec elle, un choix de romans francophones que nous échangeons contre les nôtres. Avec elle, des conseils de navigation dans la région et de quoi égayer nos repas de bivouac. Venant de la ville de Lego, elle a même trouvé des petits personnages à notre effigie. La soirée, nous la passons à nouveau à bord du Waterman, en compagnie de Soizic et Thomas, tout comme le café du lendemain matin, avant de reprendre notre route émeraude. #Aline