L'improbable voyage à vélo de Besançon au cap Nord en 2022.
À Caroline ma fille et à Gaël mon petit-fils,
De Besançon au cap Nord… Chiche !
Besançon – le cap Nord…
Partir en solitaire, un défi pour un si long voyage à vélo !
Il faut donc relever la bravade par un premier coup de pédale. Mes premiers voyages de cinq-cents kilomètres, qu’aujourd’hui je considère comme de courtes distances, m’ont fait découvrir ce qui m’apportait de l’étonnement, de multiples surprises et surtout, ce qui me procurait un véritable sentiment de liberté. Au fur et à mesure, j’ai allongé ces dernières années mes périples avec parfois une impression de frustration. À mon retour, ce n’était jamais assez…
Celui-ci sera le plus long, le plus ambitieux que j’aurai entrepris !
Toutes mes pérégrinations à vélo ont été l’occasion de faire des rencontres magiques, de découvrir des paysages magnifiques, de vivre des surprises émouvantes. Quand je pédale, j’éprouve un grand sentiment de liberté. Je deviens philosophe, poète, artiste.
Je partage mes réflexions et mes sentiments, mes efforts aussi, avec les cyclotouristes qui m’accompagnent quelquefois sur des dizaines de kilomètres. Certains me disent que croiser une dame de mon âge, j’ai soixante-huit ans, seule, à vélo, partant si loin, les aide et les motive. Moi aussi je suis très enthousiaste et je continue, le nez au vent et les sourires dans mon baluchon.
Mais le plus amusant et flatteur aussi, je l’avoue, c’est de lire dans le regard de certains l’étonnement, l’admiration et le respect. Parfois même, on me perçoit comme une personne « perchée à l’âme romantique ». Mais tous font preuve d’humanité. Ils sont accueillants, aimables, généreux et surtout émerveillés !
Certaines amies m’ont attribué le terme de « jeunior ». D’autres sont subjuguées. Rares sont celles qui me regardent d’un air circonspect voire dubitatif. Ma fille Caroline, qui sait que je ne suis pas une personne éthérée et que je n’outrepasserai pas mes capacités physiques, me fait confiance et c’est important. De cette façon, je pars tranquille pour ce long voyage, l’esprit léger.
Quant à Gaël, mon petit-fils, adepte de cyclotourisme depuis nos échappées complices, il sera penché sur les cartes, à tracer mon parcours et à dessiner des campings et des restaurants.
Mais je sais qu’au fond de lui, il aimerait partir avec moi pour pouvoir cueillir les cadeaux comme autant de fleurs magiques parce qu’il est sûr que je vais rencontrer le père Noël au cap Nord !
Enfin, pour mon retour, fin août 2022, lorsque je prendrai l’avion à Alta en Norvège, mes sacoches, mon cœur, ma tête, mes jambes aussi, seront sans doute pleins de souvenirs, de rencontres, de paysages, de saines fatigues qui me rendront heureuse et fière d’avoir fait ce que j’aurai fait en trois mois.
When : 5/15/22
Length : 94 days
Length : 94 days
Total distance :
5638km
Height difference :
+26238m /
-26332m
Alti min/max : -1m/488m
Guidebook created by Jacqueline25
on 09 May 2022
updated on 14 Apr 2023
updated on 14 Apr 2023
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Guidebook : Section 10. Du 28 juin au 3 juill.. (updated : 05 Jan)
Description :
Oslo / Bergen / Austmarka / Manger / Håland / Sløvåg / Rysjedalsvika / Leirvik / Håvågen / Askvoll / Lammetu / Håvågen / Stongfjorden / Førde
Report : Section 10. Du 28 juin au 3 juill.. (updated : 05 Jan)
Mardi 28 juin – 45e jour
Oslo / Bergen – 500 km en train
Pas de chambre : une chance !
Je dois poursuivre mon voyage. J’abandonne le pédalage pour relier Oslo à Bergen, situé sur la côte sud de la Norvège. Sur près de cinq-cents kilomètres en train, cette ligne passe pour être l’un des plus jolis itinéraires du monde.
Je ne passe pas inaperçue à la gare d’Oslo. Un monsieur se précipite pour m’aider à monter mon chargement dans le train.
Je suis au plus proche pour contempler les paysages contrastés caractéristiques de la Norvège. Je commence par traverser des paysages urbains, avant de voir défiler les grands paysages emblématiques de la nature norvégienne, vallées boisées, fjords et le plus vaste plateau montagneux d’Europe du Nord, le Hardangervidda.
J’arrive en début d’après-midi. Je visite Bergen. C’est la deuxième ville du pays et le deuxième port de Norvège. Les touristes sont là ! C’est d’ici que part l’Hurtigruten, le célèbre express côtier desservant trente-quatre ports. Il longe la côte jusqu’à la frontière russe. C’est cette côte que je vais suivre à vélo et par la route jusqu’au cap Nord.
Le camping est trop éloigné de la ville. Je ne trouve pas de chambre d’hôtel. Une chance pour mon portefeuille !
Je prends le temps d’observer la ville prise entre sept collines, tout comme Rome et… Besançon. Les fières maisons en bois dans le vieux quartier portuaire de Bryggen figurent au Patrimoine mondial de l’Unesco. Les fines et hautes maisons de ce quartier sont séparées par des galeries en bois, couvertes, étroites, constituées d’escaliers menant à des coursives avec colonnes, poutres.
Ces étroits passages, occupés par une multitude de potiers, peintres, maroquiniers… me conduisent dans le quartier des entrepôts, grandement déserté par les touristes. J’imagine le genre de vie qu’il y avait à l’époque hanséatique. Cela me donne le vertige ! Mais aujourd’hui, c’est à mon tour d’être ici où je prends un verre, accoudée à un comptoir en bois, puis assise sur un banc rustique à écouter le charmant serveur me conseiller de me rendre à l’auberge de jeunesse. Je n’ai plus que cette possibilité d’hébergement en cette journée déclinante.
Je m’aventure dans un enchevêtrement de ruelles bordées de maisons de poupées en bois blanc ou coloré. Le soleil fait resplendir les demeures à flanc de colline. Puis j’arrive dans le secteur des universités, ça grimpe au-delà du possible. Je ne suis pas au bout de mes peines.
Pour terminer, je dois gravir le mont Ulriken. Pour accéder à l’auberge, je finis par un sentier goudronné avec une pente ascendante vertigineuse. Il est presque impossible pour moi de pousser mon vélo chargé. Je n’arrive pas à maintenir mes efforts et je m’arrête environ tous les cinquante centimètres avec le risque de repartir en arrière. Je dois accomplir un effort extrême, puissant. La côte doit avoir une longueur de seulement deux-cents mètres, mais elle me semble interminable.
À mi-parcours je décide de redescendre, j’éprouve trop de difficultés. Mais la raison l’emporte. Ma seule possibilité d’hébergement est au sommet. Je gravis centimètre par centimètre, poussant, ahanant et j’arrive enfin au sommet d’une des sept montagnes de Bergen.
Heureusement, j’ai la particularité de récupérer très rapidement après un effort et de ne pas ressentir la fatigue. Mon médecin m’a toujours dit que j’avais des pulsations cardiaques dignes d’un grand sportif. Il ne m’a jamais dit d’une grande sportive !
L’auberge de jeunesse n’a plus la caractéristique de jeunesse. La majorité des personnes logées sont des touristes assez âgés. L’auberge a été rénovée depuis peu. À l’accueil on me propose de partager avec une autre dame une chambre avec salle de bains.
Depuis des rochers en promontoire au-dessus de l’auberge, j’en prends plein les yeux ! J’admire le magnifique paysage avec une superbe vue panoramique sur la ville, les fjords et même la mer dans le lointain. Le lendemain matin j’avais prévu de prendre le téléphérique d’Ulriken, mais ce n’est plus la peine.
Mes articulations me font souffrir ce soir. Cela fait environ six jours que je n’ai pas véritablement pédalé. C’est trop ! Je dois rapidement me remettre en mouvement. Je décide de repartir demain.
Oslo / Bergen – 500 km en train
Pas de chambre : une chance !
Je dois poursuivre mon voyage. J’abandonne le pédalage pour relier Oslo à Bergen, situé sur la côte sud de la Norvège. Sur près de cinq-cents kilomètres en train, cette ligne passe pour être l’un des plus jolis itinéraires du monde.
Je ne passe pas inaperçue à la gare d’Oslo. Un monsieur se précipite pour m’aider à monter mon chargement dans le train.
Je suis au plus proche pour contempler les paysages contrastés caractéristiques de la Norvège. Je commence par traverser des paysages urbains, avant de voir défiler les grands paysages emblématiques de la nature norvégienne, vallées boisées, fjords et le plus vaste plateau montagneux d’Europe du Nord, le Hardangervidda.
J’arrive en début d’après-midi. Je visite Bergen. C’est la deuxième ville du pays et le deuxième port de Norvège. Les touristes sont là ! C’est d’ici que part l’Hurtigruten, le célèbre express côtier desservant trente-quatre ports. Il longe la côte jusqu’à la frontière russe. C’est cette côte que je vais suivre à vélo et par la route jusqu’au cap Nord.
Le camping est trop éloigné de la ville. Je ne trouve pas de chambre d’hôtel. Une chance pour mon portefeuille !
Je prends le temps d’observer la ville prise entre sept collines, tout comme Rome et… Besançon. Les fières maisons en bois dans le vieux quartier portuaire de Bryggen figurent au Patrimoine mondial de l’Unesco. Les fines et hautes maisons de ce quartier sont séparées par des galeries en bois, couvertes, étroites, constituées d’escaliers menant à des coursives avec colonnes, poutres.
Ces étroits passages, occupés par une multitude de potiers, peintres, maroquiniers… me conduisent dans le quartier des entrepôts, grandement déserté par les touristes. J’imagine le genre de vie qu’il y avait à l’époque hanséatique. Cela me donne le vertige ! Mais aujourd’hui, c’est à mon tour d’être ici où je prends un verre, accoudée à un comptoir en bois, puis assise sur un banc rustique à écouter le charmant serveur me conseiller de me rendre à l’auberge de jeunesse. Je n’ai plus que cette possibilité d’hébergement en cette journée déclinante.
Je m’aventure dans un enchevêtrement de ruelles bordées de maisons de poupées en bois blanc ou coloré. Le soleil fait resplendir les demeures à flanc de colline. Puis j’arrive dans le secteur des universités, ça grimpe au-delà du possible. Je ne suis pas au bout de mes peines.
Pour terminer, je dois gravir le mont Ulriken. Pour accéder à l’auberge, je finis par un sentier goudronné avec une pente ascendante vertigineuse. Il est presque impossible pour moi de pousser mon vélo chargé. Je n’arrive pas à maintenir mes efforts et je m’arrête environ tous les cinquante centimètres avec le risque de repartir en arrière. Je dois accomplir un effort extrême, puissant. La côte doit avoir une longueur de seulement deux-cents mètres, mais elle me semble interminable.
À mi-parcours je décide de redescendre, j’éprouve trop de difficultés. Mais la raison l’emporte. Ma seule possibilité d’hébergement est au sommet. Je gravis centimètre par centimètre, poussant, ahanant et j’arrive enfin au sommet d’une des sept montagnes de Bergen.
Heureusement, j’ai la particularité de récupérer très rapidement après un effort et de ne pas ressentir la fatigue. Mon médecin m’a toujours dit que j’avais des pulsations cardiaques dignes d’un grand sportif. Il ne m’a jamais dit d’une grande sportive !
L’auberge de jeunesse n’a plus la caractéristique de jeunesse. La majorité des personnes logées sont des touristes assez âgés. L’auberge a été rénovée depuis peu. À l’accueil on me propose de partager avec une autre dame une chambre avec salle de bains.
Depuis des rochers en promontoire au-dessus de l’auberge, j’en prends plein les yeux ! J’admire le magnifique paysage avec une superbe vue panoramique sur la ville, les fjords et même la mer dans le lointain. Le lendemain matin j’avais prévu de prendre le téléphérique d’Ulriken, mais ce n’est plus la peine.
Mes articulations me font souffrir ce soir. Cela fait environ six jours que je n’ai pas véritablement pédalé. C’est trop ! Je dois rapidement me remettre en mouvement. Je décide de repartir demain.
Mercredi 29 juin – 46e jour
Bergen / Austmarka / Manger / Håland – 65 km
C’est quand que j’arrive ?
Il fait trente degrés. Un soleil de plomb m’assomme. Je sors de la ville par une multitude de ponts. Avec difficulté, je finis par trouver la route contournant un tunnel interdit aux vélos.
C’en est terminé des pistes cyclables. De grands panneaux marron pour cyclistes m’indiquent la direction à prendre.
Ça grimpe, ça descend et ça remonte. C’est difficile ! Je comprends maintenant que je suis vraiment en Norvège !
J’ai la nette sensation que je suis au-delà de mon potentiel physique. Je commence à me demander si je ne suis pas trop ambitieuse. Mais il n’y a pas encore suffisamment de raisons de m’inquiéter.
Au vu des difficultés que je rencontre, je ne profite pas réellement du paysage. Malgré cela je le photographie et je le découvre à mon arrivée au camping de Manger. Je prends conscience en regardant mes photos que la vue est régulièrement saisissante depuis le haut des falaises des fjords et j’apercevrai même la neige au loin.
Je suis seule sous une tente au milieu de mobil-homes. Les quelques vacanciers ne m’adressent pas la parole. Le patron du camping m’a judicieusement installée sur une butte. Je surplombe et découvre en contrebas l’enchevêtrement de plusieurs fjords et les traditionnelles cabanes de pêcheurs colorées en rouge, les rorbuer, maisons bâties sur pilotis au bord du littoral. Le coucher de soleil moire la mer de reflets gris bleuté.
Après soixante-cinq kilomètres à vélo, quelques kilomètres à pied, un dénivelé de huit-cent-soixante-dix mètres et une moyenne de 6 km/h, je suis contente d’avoir réussi ma première étape en Norvège ! Même si à cette vitesse, je ne suis pas près d’arriver au cap Nord !
Bergen / Austmarka / Manger / Håland – 65 km
C’est quand que j’arrive ?
Il fait trente degrés. Un soleil de plomb m’assomme. Je sors de la ville par une multitude de ponts. Avec difficulté, je finis par trouver la route contournant un tunnel interdit aux vélos.
C’en est terminé des pistes cyclables. De grands panneaux marron pour cyclistes m’indiquent la direction à prendre.
Ça grimpe, ça descend et ça remonte. C’est difficile ! Je comprends maintenant que je suis vraiment en Norvège !
J’ai la nette sensation que je suis au-delà de mon potentiel physique. Je commence à me demander si je ne suis pas trop ambitieuse. Mais il n’y a pas encore suffisamment de raisons de m’inquiéter.
Au vu des difficultés que je rencontre, je ne profite pas réellement du paysage. Malgré cela je le photographie et je le découvre à mon arrivée au camping de Manger. Je prends conscience en regardant mes photos que la vue est régulièrement saisissante depuis le haut des falaises des fjords et j’apercevrai même la neige au loin.
Je suis seule sous une tente au milieu de mobil-homes. Les quelques vacanciers ne m’adressent pas la parole. Le patron du camping m’a judicieusement installée sur une butte. Je surplombe et découvre en contrebas l’enchevêtrement de plusieurs fjords et les traditionnelles cabanes de pêcheurs colorées en rouge, les rorbuer, maisons bâties sur pilotis au bord du littoral. Le coucher de soleil moire la mer de reflets gris bleuté.
Après soixante-cinq kilomètres à vélo, quelques kilomètres à pied, un dénivelé de huit-cent-soixante-dix mètres et une moyenne de 6 km/h, je suis contente d’avoir réussi ma première étape en Norvège ! Même si à cette vitesse, je ne suis pas près d’arriver au cap Nord !
Jeudi 30 juin – 47e jour
Håland / Sløvåg / Rysjedalsvika / Leirvik – 95 km
Lorsque vient la descente, je me dis que ça va, que ça ira !
Cela fait deux jours que je ne croise aucun cyclo-voyageur, aucun cycliste… Ne fait-on pas de vélo ici ? Il faut dire que le relief est peu propice à ce genre de sport. Je voyage donc en solitaire sur de petites routes de montagne. Les automobilistes norvégiens sont extrêmement prudents avec les cyclistes. Je me sens en sécurité sur la route.
Les rares petits villages ont leurs maisons éparpillées, construites en bois. Elles sont de couleur blanche, grise, beige ou rouge. Les paysages sont magnifiques mais ils se gagnent avec des douleurs aux mollets, aux bras et en « mouillant sa chemise ». Dans les côtes, toutes à pied, je me dis parfois que c’est vraiment très difficile !
Mais lorsque vient la descente, je me dis que ça va, que ça ira !
Il est presque vingt-et-une heure lorsque je prends le dernier ferry pour Rysjedalsvika. Malgré ma prononciation défaillante, l’employé me comprend lorsque je lui demande si c’est bien là qu’il va.
Les ferries permettent de traverser les fjords, c’est bien souvent la seule option possible. Les ferries empruntent des routes invisibles sur la mer !
Le jour est permanent, je n’arrive donc jamais de nuit ! Il y a de l’espoir !
Je termine en apothéose par une côte de trois kilomètres, digne de la Goule près de Goumois dans la vallée du Doubs, et j’arrive à vingt-deux heures trente. Un cadre féérique m’accueille ! En effet, la fin de mon étape est récompensée par la vision d’un petit lac de montagne niché dans un écrin de verdure. Une nature sauvage, un endroit isolé, une étendue d’eau limpide.
Un minuscule camping est venu se blottir au bord de ce lac. Deux tentes et un camping-car l’occupent. Bien sûr, je suis la seule à vélo et lorsqu’un Norvégien entend mon français, il s’écrit, admiratif : « Ohhhh ! »
Malgré toutes les côtes à pied, j’ai fait aujourd’hui quatre-vingt-quinze kilomètres avec un dénivelé de mille-trois-cents mètres. J’ai pris le ferry, gratuit pour les cyclistes, sur cinq kilomètres. Je suis restée perchée quatorze heures sur mon vélo avec deux petites pauses d’une demi-heure pour une moyenne de 6,6 km/h. J’ai dépensé trois-mille calories, sans doute plus, vu que le GPS ne prend pas en compte le chargement de mon vélo.
Je me sens bien mais, malgré les paysages, la lumière, les kilomètres qui défilent, l’animation et les rencontres des journées précédentes me manquent. Je veux aller au cap Nord et j’y arriverai.
Mais ce n’est pas encore gagné. Heureusement, l’espoir fait vivre.
Håland / Sløvåg / Rysjedalsvika / Leirvik – 95 km
Lorsque vient la descente, je me dis que ça va, que ça ira !
Cela fait deux jours que je ne croise aucun cyclo-voyageur, aucun cycliste… Ne fait-on pas de vélo ici ? Il faut dire que le relief est peu propice à ce genre de sport. Je voyage donc en solitaire sur de petites routes de montagne. Les automobilistes norvégiens sont extrêmement prudents avec les cyclistes. Je me sens en sécurité sur la route.
Les rares petits villages ont leurs maisons éparpillées, construites en bois. Elles sont de couleur blanche, grise, beige ou rouge. Les paysages sont magnifiques mais ils se gagnent avec des douleurs aux mollets, aux bras et en « mouillant sa chemise ». Dans les côtes, toutes à pied, je me dis parfois que c’est vraiment très difficile !
Mais lorsque vient la descente, je me dis que ça va, que ça ira !
Il est presque vingt-et-une heure lorsque je prends le dernier ferry pour Rysjedalsvika. Malgré ma prononciation défaillante, l’employé me comprend lorsque je lui demande si c’est bien là qu’il va.
Les ferries permettent de traverser les fjords, c’est bien souvent la seule option possible. Les ferries empruntent des routes invisibles sur la mer !
Le jour est permanent, je n’arrive donc jamais de nuit ! Il y a de l’espoir !
Je termine en apothéose par une côte de trois kilomètres, digne de la Goule près de Goumois dans la vallée du Doubs, et j’arrive à vingt-deux heures trente. Un cadre féérique m’accueille ! En effet, la fin de mon étape est récompensée par la vision d’un petit lac de montagne niché dans un écrin de verdure. Une nature sauvage, un endroit isolé, une étendue d’eau limpide.
Un minuscule camping est venu se blottir au bord de ce lac. Deux tentes et un camping-car l’occupent. Bien sûr, je suis la seule à vélo et lorsqu’un Norvégien entend mon français, il s’écrit, admiratif : « Ohhhh ! »
Malgré toutes les côtes à pied, j’ai fait aujourd’hui quatre-vingt-quinze kilomètres avec un dénivelé de mille-trois-cents mètres. J’ai pris le ferry, gratuit pour les cyclistes, sur cinq kilomètres. Je suis restée perchée quatorze heures sur mon vélo avec deux petites pauses d’une demi-heure pour une moyenne de 6,6 km/h. J’ai dépensé trois-mille calories, sans doute plus, vu que le GPS ne prend pas en compte le chargement de mon vélo.
Je me sens bien mais, malgré les paysages, la lumière, les kilomètres qui défilent, l’animation et les rencontres des journées précédentes me manquent. Je veux aller au cap Nord et j’y arriverai.
Mais ce n’est pas encore gagné. Heureusement, l’espoir fait vivre.
Vendredi 1 juillet – 48e jour
Leirvik / Håvågen / Askvoll / Lammetu – 45 km
Vais-je y arriver ?
Je repars ce matin sans avoir vu la gérante du camping, je pense qu’elle réside dans une des fermes à proximité.
Un doute s’est insinué en moi. J’ai l’impression que je n’y arriverai pas. Je suis encore à des milliers de kilomètres du cap Nord. Je pousse souvent mon vélo. Quitte à aller au cap Nord, autant y aller à pied sans avoir à pousser un vélo de presque cinquante kilos !
Ce n’est pas facile pour moi de remettre en question mes capacités physiques. Ma famille, mes amis suivent mon expédition. Ils m’informent qu’ils prennent plaisir à la lecture de mes chroniques, qu’ils voyagent avec moi. Ils me soutiennent, m’encouragent. Ils m’exhortent à poursuivre.
J’ai l’impression de ne pas être à la hauteur, d’être devenue fragile. Je suis dans l’incertitude.
Je ressens beaucoup de tristesse, d’amertume à l’idée de devoir abandonner.
Pour couronner ma journée, je vais dans un camping désert qui, en fait, n’en est pas un. Cinq ou six mobil-homes occupent un petit espace et il n’y a pas de sanitaires. Je prends une douche très vivifiante à l’eau glacée grâce à un tuyau d’arrosage.
Des prises électriques sont accessibles, je peux au moins recharger tous mes appareils.
Ce n’est pas encore ce soir que mon moral va remonter.
Mais une citation me revient à l’esprit : le pessimisme est affaire d’humeur, l’optimisme affaire de volonté… Je verrai demain.
Leirvik / Håvågen / Askvoll / Lammetu – 45 km
Vais-je y arriver ?
Je repars ce matin sans avoir vu la gérante du camping, je pense qu’elle réside dans une des fermes à proximité.
Un doute s’est insinué en moi. J’ai l’impression que je n’y arriverai pas. Je suis encore à des milliers de kilomètres du cap Nord. Je pousse souvent mon vélo. Quitte à aller au cap Nord, autant y aller à pied sans avoir à pousser un vélo de presque cinquante kilos !
Ce n’est pas facile pour moi de remettre en question mes capacités physiques. Ma famille, mes amis suivent mon expédition. Ils m’informent qu’ils prennent plaisir à la lecture de mes chroniques, qu’ils voyagent avec moi. Ils me soutiennent, m’encouragent. Ils m’exhortent à poursuivre.
J’ai l’impression de ne pas être à la hauteur, d’être devenue fragile. Je suis dans l’incertitude.
Je ressens beaucoup de tristesse, d’amertume à l’idée de devoir abandonner.
Pour couronner ma journée, je vais dans un camping désert qui, en fait, n’en est pas un. Cinq ou six mobil-homes occupent un petit espace et il n’y a pas de sanitaires. Je prends une douche très vivifiante à l’eau glacée grâce à un tuyau d’arrosage.
Des prises électriques sont accessibles, je peux au moins recharger tous mes appareils.
Ce n’est pas encore ce soir que mon moral va remonter.
Mais une citation me revient à l’esprit : le pessimisme est affaire d’humeur, l’optimisme affaire de volonté… Je verrai demain.
Samedi 2 juillet – 49e jour
Lammetu / Håvågen / Stongfjorden / Førde – 75 km
S’affranchir de la loi
Seulement quatre ferries par jour rejoignent Askvoll.
À la fine pointe de l’aube, à toute vitesse, je fais les huit kilomètres qui me séparent de l’embarcadère. Pas question de mettre le pied au sol. J’arrive bien en avance.
Tiens ! Tiens ! Un seul passager en descend et c’est un cyclo-voyageur. C’est le premier que je vois depuis Bergen. Dommage on ne peut échanger, mais on se salue chaleureusement.
Je marche beaucoup aujourd’hui en poussant mon vélo… C’est montagneux, je monte et descends les falaises des fjords. Je reprends espoir. C’est possible pour moi de réaliser mes étapes prévues. Aujourd’hui je réalise soixante-quinze kilomètres alliant pédalage et marche. J’y arriverai.
Je sais aussi qu’être sur la route pour un si long voyage, n’est pas toujours glorieux ou épique. Avec l’expérience j’ai appris que rien n’est linéaire, et que, moi la cyclo-voyageuse, je suis régulièrement dans l’insécurité. Ce n’est qu’une question de temps pour retrouver ma stabilité. Les situations pénibles avec parfois la perte de l’enthousiasme et du moral ont aussi leur revers de médaille. Elles m’ont permis, entre autres, une meilleure capacité à faire face à des expériences difficiles, qui, inévitablement, se reproduisent. Je suis devenue, au cours de mes voyages, plus endurante, plus résistante.
J’ai le plaisir d’apercevoir la neige de près. La température a chuté de presque vingt degrés. Il pleut de façon intermittente. C’est vraiment la campagne. Les vaches, les moutons et les chèvres me tiennent compagnie sur cette partie de l’EuroVelo 1. Les quelques villages traversés sont des agglutinats de maisons et il ne faut pas compter sur des boulangeries, épiceries, cafés ou restaurants. Seuls des Spars ou Kiwi mini prix croisés pour l’instant une fois par jour, me permettent de m’approvisionner. Je ne dois pas passer outre, puisque je ne fais pas de stock. Cependant, en prévision, j’ai toujours au fond de ma sacoche « cuisine » une boîte de sardines et deux repas lyophilisés. Une table en bois de pique-nique avec les bancs reliés à elle, est installée devant chacun de ces minimarchés. Une terrasse illusoire !
Et il y a Alona dans sa guitoune en ce milieu d’après-midi. Mais franchement, elle tombe du ciel celle-là ! Un peu comme moi d’ailleurs ! Elle vient du Laos, et au milieu de nulle part, au bord de la route, au bas des montagnes aux sommets enneigés, elle prépare des plats asiatiques pour les familles d’agriculteurs du coin. Elle a épousé un paysan norvégien.
Elle est aussi surprise que moi ! Elle me demande si je suis seule. Elle avance que je suis vieille pour être à vélo dans ces montagnes. Lorsque je lui énonce mon âge elle lève les bras au ciel et s’exclame bruyamment, puis exécute un geste pour exprimer que je suis vraiment costaud pour accomplir ce qu’elle qualifie d’exploit. Je déjeune donc là, sans faim, d’un plat asiatique pour faire durer ce moment avec Alona.
Puis je repars et j’arrive à la ville de Førde. La seule entrée possible est un tunnel interdit aux vélos. Je vois un passage étroit de sable, accessible, dominant la route d’un mètre, à la gauche de la chaussée. Une trace de vélo et les empreintes de pas du cycliste concerné, m’indiquent que quelqu’un d’autre a tenté l’exploit. Un seul ! Je serai la deuxième !
Je ne prends pas le temps de réfléchir et j’entre dans le tunnel, me mettant véritablement en danger pendant un kilomètre. J’avance péniblement en poussant mon vélo sur ce petit couloir de sable qui parfois se rétrécit me laissant à peine l’espace pour passer. Je griffe tout ce qui est à portée de la voute rugueuse : main, poignée, sacoches et blouson. Je constaterai plus loin, dans d’autres tunnels, que cet espace est réservé au passage des gaines électriques, à l’éclairage du tunnel… celui-là n'est pas terminé.
Des automobilistes venant face à moi me klaxonnent. Je n’ai rien à faire sur cet étroit passage surplombant la route. Je pourrais tomber sur la chaussée. Le temps pour parcourir le tunnel me paraît une éternité. Je me sens fragilisée depuis mes premières étapes en Norvège et cette épreuve me renvoie à mon état de tristesse de ces derniers jours.
Puis je vois enfin le bout du tunnel, la fin de mon enfer, en pensant que les gendarmes m’attendent à la sortie… Mais non, même pas ! Ouf !
Hélas, tout n’est pas fini, car je suis du mauvais côté de la route, à gauche, sur un étroit passage plat sur le coteau en pente du fjord et séparée de la route par un garde-fou.
Parce que je dois absolument franchir la barrière, je décide de décrocher toutes mes sacoches. Mes gestes doivent être calculés, précis. Mon vélo est en appui contre la barrière, je dépose au sol, bien à plat, mes sacoches pour ne pas risquer qu’elles dévalent le ravin du fjord. Puis, en faisant tout mon possible, je soulève ma bicyclette à bout de bras, pour lui faire passer le garde-corps qui me semble très haut et je la dépose de l’autre côté de cette barrière. Ensuite, bien péniblement, je l’enjambe, saisis mon vélo et le pousse pour traverser en vitesse la chaussée. Puis je reviens chercher, deux par deux, mes sacoches. J’ai à peine le temps de me demander où j’ai pu trouver la force nécessaire à ce transbordement ! Une bonne dose d’adrénaline sans doute !
Épuisée mais satisfaite, rouge comme une pivoine, je peux enfin sortir de ma condition de hors la loi.
Cependant, depuis hier, une question continue de me tarauder. Mais qu’est-ce que je fais seule, à mon âge, à vélo, ici, dans ce pays qui se révèle parfois plus hostile que bienveillant ?
Brutalement, la ville de Førde m’accueille par une pluie diluvienne. Le camping est encore à cinq kilomètres. Mais tout s’éclaircit pour moi lorsque je passe devant un hôtel. Je décide alors d’abandonner l’idée du camping et de réserver une chambre douillette et confortable. J’entre. Je me dis qu’il est temps de reprendre visage humain, de porter ma robe à paillettes, de boire un verre devant la cheminée allumée du joli salon de l’hôtel et de me reposer dans un lit douillet.
Lammetu / Håvågen / Stongfjorden / Førde – 75 km
S’affranchir de la loi
Seulement quatre ferries par jour rejoignent Askvoll.
À la fine pointe de l’aube, à toute vitesse, je fais les huit kilomètres qui me séparent de l’embarcadère. Pas question de mettre le pied au sol. J’arrive bien en avance.
Tiens ! Tiens ! Un seul passager en descend et c’est un cyclo-voyageur. C’est le premier que je vois depuis Bergen. Dommage on ne peut échanger, mais on se salue chaleureusement.
Je marche beaucoup aujourd’hui en poussant mon vélo… C’est montagneux, je monte et descends les falaises des fjords. Je reprends espoir. C’est possible pour moi de réaliser mes étapes prévues. Aujourd’hui je réalise soixante-quinze kilomètres alliant pédalage et marche. J’y arriverai.
Je sais aussi qu’être sur la route pour un si long voyage, n’est pas toujours glorieux ou épique. Avec l’expérience j’ai appris que rien n’est linéaire, et que, moi la cyclo-voyageuse, je suis régulièrement dans l’insécurité. Ce n’est qu’une question de temps pour retrouver ma stabilité. Les situations pénibles avec parfois la perte de l’enthousiasme et du moral ont aussi leur revers de médaille. Elles m’ont permis, entre autres, une meilleure capacité à faire face à des expériences difficiles, qui, inévitablement, se reproduisent. Je suis devenue, au cours de mes voyages, plus endurante, plus résistante.
J’ai le plaisir d’apercevoir la neige de près. La température a chuté de presque vingt degrés. Il pleut de façon intermittente. C’est vraiment la campagne. Les vaches, les moutons et les chèvres me tiennent compagnie sur cette partie de l’EuroVelo 1. Les quelques villages traversés sont des agglutinats de maisons et il ne faut pas compter sur des boulangeries, épiceries, cafés ou restaurants. Seuls des Spars ou Kiwi mini prix croisés pour l’instant une fois par jour, me permettent de m’approvisionner. Je ne dois pas passer outre, puisque je ne fais pas de stock. Cependant, en prévision, j’ai toujours au fond de ma sacoche « cuisine » une boîte de sardines et deux repas lyophilisés. Une table en bois de pique-nique avec les bancs reliés à elle, est installée devant chacun de ces minimarchés. Une terrasse illusoire !
Et il y a Alona dans sa guitoune en ce milieu d’après-midi. Mais franchement, elle tombe du ciel celle-là ! Un peu comme moi d’ailleurs ! Elle vient du Laos, et au milieu de nulle part, au bord de la route, au bas des montagnes aux sommets enneigés, elle prépare des plats asiatiques pour les familles d’agriculteurs du coin. Elle a épousé un paysan norvégien.
Elle est aussi surprise que moi ! Elle me demande si je suis seule. Elle avance que je suis vieille pour être à vélo dans ces montagnes. Lorsque je lui énonce mon âge elle lève les bras au ciel et s’exclame bruyamment, puis exécute un geste pour exprimer que je suis vraiment costaud pour accomplir ce qu’elle qualifie d’exploit. Je déjeune donc là, sans faim, d’un plat asiatique pour faire durer ce moment avec Alona.
Puis je repars et j’arrive à la ville de Førde. La seule entrée possible est un tunnel interdit aux vélos. Je vois un passage étroit de sable, accessible, dominant la route d’un mètre, à la gauche de la chaussée. Une trace de vélo et les empreintes de pas du cycliste concerné, m’indiquent que quelqu’un d’autre a tenté l’exploit. Un seul ! Je serai la deuxième !
Je ne prends pas le temps de réfléchir et j’entre dans le tunnel, me mettant véritablement en danger pendant un kilomètre. J’avance péniblement en poussant mon vélo sur ce petit couloir de sable qui parfois se rétrécit me laissant à peine l’espace pour passer. Je griffe tout ce qui est à portée de la voute rugueuse : main, poignée, sacoches et blouson. Je constaterai plus loin, dans d’autres tunnels, que cet espace est réservé au passage des gaines électriques, à l’éclairage du tunnel… celui-là n'est pas terminé.
Des automobilistes venant face à moi me klaxonnent. Je n’ai rien à faire sur cet étroit passage surplombant la route. Je pourrais tomber sur la chaussée. Le temps pour parcourir le tunnel me paraît une éternité. Je me sens fragilisée depuis mes premières étapes en Norvège et cette épreuve me renvoie à mon état de tristesse de ces derniers jours.
Puis je vois enfin le bout du tunnel, la fin de mon enfer, en pensant que les gendarmes m’attendent à la sortie… Mais non, même pas ! Ouf !
Hélas, tout n’est pas fini, car je suis du mauvais côté de la route, à gauche, sur un étroit passage plat sur le coteau en pente du fjord et séparée de la route par un garde-fou.
Parce que je dois absolument franchir la barrière, je décide de décrocher toutes mes sacoches. Mes gestes doivent être calculés, précis. Mon vélo est en appui contre la barrière, je dépose au sol, bien à plat, mes sacoches pour ne pas risquer qu’elles dévalent le ravin du fjord. Puis, en faisant tout mon possible, je soulève ma bicyclette à bout de bras, pour lui faire passer le garde-corps qui me semble très haut et je la dépose de l’autre côté de cette barrière. Ensuite, bien péniblement, je l’enjambe, saisis mon vélo et le pousse pour traverser en vitesse la chaussée. Puis je reviens chercher, deux par deux, mes sacoches. J’ai à peine le temps de me demander où j’ai pu trouver la force nécessaire à ce transbordement ! Une bonne dose d’adrénaline sans doute !
Épuisée mais satisfaite, rouge comme une pivoine, je peux enfin sortir de ma condition de hors la loi.
Cependant, depuis hier, une question continue de me tarauder. Mais qu’est-ce que je fais seule, à mon âge, à vélo, ici, dans ce pays qui se révèle parfois plus hostile que bienveillant ?
Brutalement, la ville de Førde m’accueille par une pluie diluvienne. Le camping est encore à cinq kilomètres. Mais tout s’éclaircit pour moi lorsque je passe devant un hôtel. Je décide alors d’abandonner l’idée du camping et de réserver une chambre douillette et confortable. J’entre. Je me dis qu’il est temps de reprendre visage humain, de porter ma robe à paillettes, de boire un verre devant la cheminée allumée du joli salon de l’hôtel et de me reposer dans un lit douillet.