Une marche à travers l'Europe
Récit d'une traversée d'Europe à pieds en solitaire et par les montagnes, du détroit de Gibraltar à Istanbul.
vélo de randonnée
voilier
randonnée/trek
/
Quand : 19/02/2023
Durée : 542 jours
Durée : 542 jours
Distance globale :
9403km
Dénivelées :
+217327m /
-214737m
Alti min/max : -1m/3013m
Carnet publié par SamuelK
le 08 oct. 2023
modifié le 14 oct. 2024
modifié le 14 oct. 2024
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
Précisions :
Pour me rendre au départ : bus Bordeaux > Tarifa.
Traversée d'Europe de Tarifa à Istanbul : 100% à pied !
Chemin retour d'Istanbul à la France : marche, voile, vélo, ferry et train.
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Vue d'ensemble
Le topo : Espagne : Segovia > Tarazona (Castille-et-León) (mise à jour : 08 oct. 2023)
Distance section :
304km
Dénivelées section :
+5398m /
-5916m
Section Alti min/max : 470m/2256m
Description :
21/04/2023 > 03/05/2023
309 km ; D+ 7 km ; D- 7,6 km
309 km ; D+ 7 km ; D- 7,6 km
Le compte-rendu : Espagne : Segovia > Tarazona (Castille-et-León) (mise à jour : 08 oct. 2023)
Depuis Segovia, nous regagnons le Système central que je marcherai jusqu'à son extrémité Est. Nous sommes dans la Sierra de Guadarrama, d'où nous avons des vues panoramiques sur les plaines agricoles de la région. Il fait à présent plus froid et humide, nous retrouvons la condensation voire le gel pendant la nuit. Trois jours plus tard, nous nous séparons au petit village de Samosierra d'où Mathéou rentrera en France. À 15h, je repars en plein soleil pour 17 km et 1300m de dénivelé positif, portant de la nourriture pour les 130 prochains kilomètres et 2 litres d'eau. Je grimpe aux limites de mon cœur et de mes poumons. Deux nuits plus tard, c'est la fin des montagnes et j'entame la traversée de l'Est de la Castille-et-León, région la moins peuplée d'Espagne avec l'Estrémadure.
Au début, la région est une steppe, un plateau sec d'où surgissent de manière sporadique des collines couvertes par des allées d'éoliennes. Il y a ici et là un peu d'agriculture sur des terres visiblement peu convoitées. C'est grand, il y a beaucoup d'espaces naturels. Des réserves protègent des espèces endémiques d'oiseaux aux chants exotiques. Je croise aussi de nombreux animaux sauvages : renards, blaireaux, chevreuils, serpents, et autres reptiles et mammifères non identifiés. Il y a peu de ces quelques villages en pierre, petits et espacés les uns des autres, mais surtout presques inhabités. Il est déroutant de traverser ainsi des villages déserts entourés de steppes, avec personne dans les rues et les volets des maisons fermés. Je croise au mieux une personne ou deux, souvent personne. Il y a tout au plus quelques dizaines d'habitants par village, que l'exode rurale a progressivement vidé depuis le franquisme. Il n'y a généralement ni bar ni épicerie. Au moins dans ces conditions, lorsque je croise quelqu'un, nous sommes obligés de nous parler, d'autant plus qu'ils n'ont pas l'habitude de croiser des marcheurs ou des touristes. Je rencontre des gens contents d'habiter là. Ils sont pour la plupart retraités ou travaillent dans l'agriculture, le seul employeur de la région. On me dit que le climat est de plus en plus sec année après année, et que cette steppe est en voie de désertification, ce qui peut condamner définitivement la faible activité locale. D'ailleurs, en plus de faire des ravitaillements conséquents faute de magasins, je n'hésite pas à faire le plein d'eau lorsque je peux car les rivières sont asséchées et tous les villages ne sont pas desservis par l'eau courante. Dans chaque village je me demande comment est-ce possible que ces maisons en pierre inhabitées soient en si bon état avec le temps, avant qu'on m'explique qu'aujourd'hui la grande majorité sont des maisons secondaires de citadins.
À Arenillas, l'un de ces villages, je rencontre en arrivant un groupe d'hommes sympathiques et accueillants qui m'invitent à boire une bierre. L'un d'eux me montre son musée de fossiles qu'il collecte dans ses champs et les classe méticuleusement par aire géologique. Lucas, un jeune argentin nouveau dans le village m'offre le gîte et le couvert, et surtout un tour touristique des alentours ! Il m'emmène avec sa voiture visiter les endroits qu'il affectionne autour de chez lui. Nous allons à Tiermes, une ancienne citée celte puis romaine construite autour d'une falaise d'un grès particulier. Dire que j'aurais pu passer à côté de ce site sans connaître son existence ! Je devrais peut-être me documenter un peu plus en amont sur les régions que je traverse... Les romains avaient construit des immeubles à plusieurs étages en se servant des falaises comme murs et supports pour les charpentes. Ils y ont aussi creusé des réseaux et des réserves d'eau, et ont utilisé la roche de bien d'autres manières au gré de leur imagination et de leur inventivité. Ils sont fous ces romains ! Il y a même un amphithéâtre lui aussi taillé dans la roche. On peut voir les traces des outils qui ont travaillé la pierre, un travail titanesque. Lucas adore cet endroit, il se demande pourquoi le monde entier va a Pompéi alors que personne ne vient ici. Nous nous rejoignons sur cette idée que cela est disproportionné et incohérent, bien que je ne doute pas que Pompéi soit un endroit exceptionnel que je visiterais certainement si j'allais dans la région. Ici l'endroit ne semble pas très connu au-delà des locaux qui ne sont pas nombreux. Il y a un seul employé pour gérer ce site immense et faire des visites sur demande. Pourtant, l'endroit est remarquable par son patrimoine et sa géographie. Lucas et moi sommes aussi contents et reconnaissants l'un que l'autre pour cette rencontre qui fait du bien. Nous nous soutenons mutuellement dans nos projets, et il m'est agréable de pouvoir parler anglais et avoir des conversations approfondies que mes quelques progrès en espagnol n'auraient pas permis. Également randonneur et intrigué par le poids de mon sac, il me demande et je lui offre un exposé complet de mon équipement.
Le paysage devient ensuite de moins en moins sec, et donc de plus en plus agricole, jusqu'à être constitué exclusivement de grandes monocultures céréalières. Là, se déplacer à pieds, ça peut être lassant... Heureusement cela ne dure que quelques jours. Je prête davantage attention à la musique et aux podcasts que j'écoute qu'à ce nouveau désert agricole, lorsque le vent me l'autorise. Malgré la monotonie du paysage, les couleurs du matin et du soir offrent tout de même de quoi trouver du beau. Peu avant la ville étape de Tarazona, je retrouve un peu de relief, des arbres, et un chemin ombragé qui borde un ruisseau, du petit lait qui redonne de l'énergie et de la motivation !
Cette section de steppe puis de cultures céréalières aura duré 200 km, c'est suffisant. Je l'avais déjà repérée sur la carte comme un passage nécessaire pour aller de la fin du Système central vers la dernière partie de mon itinéraire espagnol plus attrayante. Je note qu'en fin de compte, même dans cette région où se déplacer à pieds n'est franchement pas très motivant, je suis passé assez rapidement d'une atmosphère à une autre, en traversant des zones où j'ai pu ici et là satisfaire mon regard et ma curiosité. Et puis notre cerveau fait que c'est le bien qui ressort à la surface de la mémoire, heureusement que je ne me souviens pas de chaque champ de blé !
J'arrive tout excité à Tarazona où a été livré mon nouveau sac-à-dos made in France tant attendu. Pour fêter l'occasion et avant d'aller au désert des Bardenas telle une récompense après cette section, je m'offre deux nuits à l'hôtel.
Au début, la région est une steppe, un plateau sec d'où surgissent de manière sporadique des collines couvertes par des allées d'éoliennes. Il y a ici et là un peu d'agriculture sur des terres visiblement peu convoitées. C'est grand, il y a beaucoup d'espaces naturels. Des réserves protègent des espèces endémiques d'oiseaux aux chants exotiques. Je croise aussi de nombreux animaux sauvages : renards, blaireaux, chevreuils, serpents, et autres reptiles et mammifères non identifiés. Il y a peu de ces quelques villages en pierre, petits et espacés les uns des autres, mais surtout presques inhabités. Il est déroutant de traverser ainsi des villages déserts entourés de steppes, avec personne dans les rues et les volets des maisons fermés. Je croise au mieux une personne ou deux, souvent personne. Il y a tout au plus quelques dizaines d'habitants par village, que l'exode rurale a progressivement vidé depuis le franquisme. Il n'y a généralement ni bar ni épicerie. Au moins dans ces conditions, lorsque je croise quelqu'un, nous sommes obligés de nous parler, d'autant plus qu'ils n'ont pas l'habitude de croiser des marcheurs ou des touristes. Je rencontre des gens contents d'habiter là. Ils sont pour la plupart retraités ou travaillent dans l'agriculture, le seul employeur de la région. On me dit que le climat est de plus en plus sec année après année, et que cette steppe est en voie de désertification, ce qui peut condamner définitivement la faible activité locale. D'ailleurs, en plus de faire des ravitaillements conséquents faute de magasins, je n'hésite pas à faire le plein d'eau lorsque je peux car les rivières sont asséchées et tous les villages ne sont pas desservis par l'eau courante. Dans chaque village je me demande comment est-ce possible que ces maisons en pierre inhabitées soient en si bon état avec le temps, avant qu'on m'explique qu'aujourd'hui la grande majorité sont des maisons secondaires de citadins.
À Arenillas, l'un de ces villages, je rencontre en arrivant un groupe d'hommes sympathiques et accueillants qui m'invitent à boire une bierre. L'un d'eux me montre son musée de fossiles qu'il collecte dans ses champs et les classe méticuleusement par aire géologique. Lucas, un jeune argentin nouveau dans le village m'offre le gîte et le couvert, et surtout un tour touristique des alentours ! Il m'emmène avec sa voiture visiter les endroits qu'il affectionne autour de chez lui. Nous allons à Tiermes, une ancienne citée celte puis romaine construite autour d'une falaise d'un grès particulier. Dire que j'aurais pu passer à côté de ce site sans connaître son existence ! Je devrais peut-être me documenter un peu plus en amont sur les régions que je traverse... Les romains avaient construit des immeubles à plusieurs étages en se servant des falaises comme murs et supports pour les charpentes. Ils y ont aussi creusé des réseaux et des réserves d'eau, et ont utilisé la roche de bien d'autres manières au gré de leur imagination et de leur inventivité. Ils sont fous ces romains ! Il y a même un amphithéâtre lui aussi taillé dans la roche. On peut voir les traces des outils qui ont travaillé la pierre, un travail titanesque. Lucas adore cet endroit, il se demande pourquoi le monde entier va a Pompéi alors que personne ne vient ici. Nous nous rejoignons sur cette idée que cela est disproportionné et incohérent, bien que je ne doute pas que Pompéi soit un endroit exceptionnel que je visiterais certainement si j'allais dans la région. Ici l'endroit ne semble pas très connu au-delà des locaux qui ne sont pas nombreux. Il y a un seul employé pour gérer ce site immense et faire des visites sur demande. Pourtant, l'endroit est remarquable par son patrimoine et sa géographie. Lucas et moi sommes aussi contents et reconnaissants l'un que l'autre pour cette rencontre qui fait du bien. Nous nous soutenons mutuellement dans nos projets, et il m'est agréable de pouvoir parler anglais et avoir des conversations approfondies que mes quelques progrès en espagnol n'auraient pas permis. Également randonneur et intrigué par le poids de mon sac, il me demande et je lui offre un exposé complet de mon équipement.
Le paysage devient ensuite de moins en moins sec, et donc de plus en plus agricole, jusqu'à être constitué exclusivement de grandes monocultures céréalières. Là, se déplacer à pieds, ça peut être lassant... Heureusement cela ne dure que quelques jours. Je prête davantage attention à la musique et aux podcasts que j'écoute qu'à ce nouveau désert agricole, lorsque le vent me l'autorise. Malgré la monotonie du paysage, les couleurs du matin et du soir offrent tout de même de quoi trouver du beau. Peu avant la ville étape de Tarazona, je retrouve un peu de relief, des arbres, et un chemin ombragé qui borde un ruisseau, du petit lait qui redonne de l'énergie et de la motivation !
Cette section de steppe puis de cultures céréalières aura duré 200 km, c'est suffisant. Je l'avais déjà repérée sur la carte comme un passage nécessaire pour aller de la fin du Système central vers la dernière partie de mon itinéraire espagnol plus attrayante. Je note qu'en fin de compte, même dans cette région où se déplacer à pieds n'est franchement pas très motivant, je suis passé assez rapidement d'une atmosphère à une autre, en traversant des zones où j'ai pu ici et là satisfaire mon regard et ma curiosité. Et puis notre cerveau fait que c'est le bien qui ressort à la surface de la mémoire, heureusement que je ne me souviens pas de chaque champ de blé !
J'arrive tout excité à Tarazona où a été livré mon nouveau sac-à-dos made in France tant attendu. Pour fêter l'occasion et avant d'aller au désert des Bardenas telle une récompense après cette section, je m'offre deux nuits à l'hôtel.