Une marche à travers l'Europe
Récit d'une traversée d'Europe à pieds en solitaire et par les montagnes, du détroit de Gibraltar à Istanbul.
travel bike
yacht
tekking/hiking
/
When : 2/19/23
Length : 542 days
Length : 542 days
Total distance :
9403km
Height difference :
+217327m /
-214737m
Alti min/max : -1m/3013m
Guidebook created by SamuelK
on 08 Oct 2023
updated on 14 Oct 2024
updated on 14 Oct 2024
Eco travel
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
Details :
Pour me rendre au départ : bus Bordeaux > Tarifa.
Traversée d'Europe de Tarifa à Istanbul : 100% à pied !
Chemin retour d'Istanbul à la France : marche, voile, vélo, ferry et train.
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Global view
Guidebook : Turquie : Kırklareli > Karaburum (Thrace turque) (updated : 19 Mar 2024)
Section distance :
209km
Height difference for this section :
+2540m /
-2721m
Section Alti min/max : 0m/765m
Description :
09/03/2024 > 17/03/2024
211 km ; D+ 3,4 km ; D- 3,5 km
211 km ; D+ 3,4 km ; D- 3,5 km
Report : Turquie : Kırklareli > Karaburum (Thrace turque) (updated : 19 Mar 2024)
À Kırklareli j'ai l'occasion de me reposer et de rencontrer mon hôte Kemal et ses amis. C'est la première fois que je peux vraiment échanger en anglais avec des turcs, avoir des discussions fluides, apprendre un tas de choses. Le contraste de la ville avec la campagne où je marchais jusqu'à présent est saisissant. Le niveau de vie y est très supérieur, les gens sont apprêtés dans le centre-ville, il y a des femmes dans les cafés. Le prix du thé est multiplié par six. Une fois de plus j'ai la sensation de deux mondes mitoyens mais bien séparés. Nous sommes en période électorale pour les élections municipales. Partout dans le centre-ville, d'immenses banderoles et drapeaux à l'effigie des candidats sont accrochés. Des fourgons de chaque parti défilent avec des haut-parleurs pour distribuer des tracs.
Je repars en direction de la mer noire. La plaine céréalière laisse la place à des terres plus pauvres avec un peu de relief où paissent quelques brebis, puis à de vastes forêts où l'exploitation du bois devient l'activité principale. L'hiver est fini, mais le printemps n'est pas encore là. Seuls les premiers bourgeons ont debourré, et quelques plantes des sous-bois ont déployé leurs premières feuilles. Il s'agit de cette période transitoire et un peu triste où il n'y a ni le charme de la neige, ni la beauté de la végétation qui renait. Les arbres sont nus et la vie encore en pause. Quelques oiseaux et quelques fleurs sont là pour briser le silence et apporter une touche de couleur. Trois jours après avoir quitté Kırklareli, j'arrive de nuit au bord de la mer noire. J'entends les vagues tout près, je sors de la forêt, marche sur le sable, et m'accorde un instant au bord de l'eau avant de planter mon tarp. Je ressens une satisfaction d'atteindre cette fameuse mer noire. L'ambiance marine et le bruit répétitif des vagues est apaisant, et marque une première ligne d'arrivée. J'ai été au contact de la mer il y a un peu plus d'un an le jour de mon départ de Tarifa au détroit de Gibraltar, puis en descendant au bord de la mer Adriatique en Croatie, pour me ravitailler lorsque je marchais dans le Velebit, et maintenant. Je compte à présent au maximum longer la mer noire jusqu'à Istanbul. S'il n'y a pas de plage car les falaises de sable plongent directement dans l'eau, je marche sur des pistes forestières en retrait de la côte. Le jour suivant, après seulement 3km sur la plage, je marche ainsi 30km sous la pluie et à moitié dans la boue dans une forêt répétitive, pour arriver à la ville côtière de Kıyıköy. J'y reste deux jours. Là aussi la période électorale est aveuglante, par toutes les banderoles et drapeaux accrochés librement dans les rues. Chaque café placarde son enseigne avec des affiches du parti qu'il soutient, et les hommes se regroupent par affinités politiques.
De Kıyıköy, je me rends à la petite station balnéaire de Çilingoz à nouveau par la forêt, où j'arrive tôt et espère squatter un endroit pour dormir près de la plage. Comme je m'y attendais, le complexe de campings, mobil-homes et bar-restaurants est désert en cette saison. En fait je vois de la fumée qui sort de la cheminée d'un restaurant où trois hommes jouent au cartes. Plutôt que de me cacher, je vais à leur rencontre. Je demande si je peux dormir dans une guinguette que j'ai vu ouverte, le gérant refuse et me demande 6€ pour pouvoir planter mon tarp n'importe où. Il y a pourtant une multitude de bâtiments plus ou moins abandonnés où je pourrais m'abriter, mais pas moyen. Nous passons la soirée le gérant et moi à l'intérieur près du poêle, sur nos téléphones et sans nous parler. C'est la première fois que j'ai ce type d'interaction en Turquie. Comme ailleurs dans les lieux uniquement dédiés au tourisme, les rapports humains sont souvent réduits au strict rapport commercial.
Le lendemain à partir de Yalıköy, je compte marcher une trentaine de kilomètres sur la plage. Je cherche constamment les zones où le sable est le plus ferme. Sur la côte, l'eau a formé par érosion de petites falaises de sables en haut desquelles commence la forêt qui borde la mer noire. Les motifs formés sur ces structures se stable me rappellent les dunes du désert des Bardenas en Espagne. Par intervalle, je croise des mines de sable qui exportent leur production par bateau ou par camion. Évidemment, je suis absolument seul à marcher ici. Pour un dernier bivouac sur la plage, je m'offre une bonne soirée avec bouteille de vin et feu de joie. Le coucher de soleil dans mon dos illumine les nuages éparses en même temps que le ciel s'assombrit. Puis les étoiles s'allument petit à petit. Il y a un flot incessant d'avions qui atterrissent et décollent de l'aéroport d'Istanbul à 30km d'ici, accompagné de lumières mobiles et d'un bruit continus dans le ciel. C'est une belle soirée.
Le lendemain après seulement 5km sur la plage, je me retrouve bloqué par une falaise qui tombe à pic dans la mer sans aucun espace pour passer. Je dois faire demi-tour et regagner un chemin à travers de vieilles pistes recouvertes par la végétation. Plus tard, on me refuse l'accès à une forêt exploitée par le service gouvernementale des forêts. Puisqu'il n'y a pas d'autre option pour longer la mer noire, cela implique en théorie un détour de 40km. Je fais demi-tour et me frais un passage dans le labyrinthe de chemins non référencés sur ma carte, consultant régulièrement mon GPS pour vérifier la direction. J'arrive ainsi, tard et fatigué, à Karaburum où je reste à nouveau deux jours. Depuis quelques jours, j'ai l'habitude paradoxale d'être bientôt arrivé. Cette fois, il ne reste que deux jours de marche jusqu'à la mosquée Sainte-Sophie, qui sera mon point d'arrivée.