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La traversée des Pyrénées par le GR10, entre autres !

(réalisé)
randonnée/trek
Quand : 31/05/2019
Durée : 39 jours
Distance globale : 810km
Dénivelées : +46533m / -46555m
Alti min/max : 19m/2705m
Carnet publié par Béryl le 14 juil. 2019
modifié le 20 mai 2020
Mobilité douce
C'est possible (ou réalisé) en train bus
Précisions : Départ possible depuis les gares de toute grande ville.
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Vue d'ensemble

Le topo : J21 - Bagnères-de-Luchon/Fos (mise à jour : 20 nov. 2019)

Distance section : 27km
Dénivelées section : +1599m / -1689m
Section Alti min/max : 637m/2166m

Description :

Indications GPS  (différentes de celles du site ; je ne comprends pas pourquoi) :

Distance : 31,92Km
Dénivelé positif : 1757m
Dénivelé négatif : 1841m
Temps de marche : 8h38
Temps d'arrêt : 1h20

Cliquez sur la trace pour faire apparaître le dénivelé.

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Le compte-rendu : J21 - Bagnères-de-Luchon/Fos (mise à jour : 20 nov. 2019)

Jeudi 20 juin 2019

Quand je me lève, à 5h00, tout le monde dort encore. Je me glisse en silence dans la salle à manger pour y dévorer mon petit-déj. Un litre de lait et trois bols pleins de muesli. J'ai pris tellement de flocons d'avoine que je dois en laisser sur place.
J'ai eu les yeux un peu trop gros hier en faisant les courses. Mais bon, j'attaque l'Ariège et comme je le disais, Bagnères est la dernière grosse ville avant longtemps. Le prochain point de ravitaillement noté dans le topoguide est dans cinq jours, au moins.
Entre-temps, quelques coins épicerie où la moindre barre de céréales vaut plus que le prix d'un paquet de six en supermarché.
Bref, gros p'tit déj. Et je vais en avoir bien besoin...

Je sors un peu avant 6h30. Temps couvert, brouillard en haut. Bof bof.
Je passe devant l'aérodrome et longe le ruisseau de La Pique d'un côté et le lac de Badech Multi de l'autre. Soudain mon regard est attiré par un mouvement sous l'auvent de la Guinguette, un bâtiment qui ne doit plus faire danser personne depuis longtemps.
Pedro et Mike sont en train d'émerger. Salut les gars, ça va depuis Cauterets ?
Ça va. Eux aussi ont profité de Bagnères pour se faire un bon resto et ravitailler au max. Ils ont trouvé ce coin sympa et ont dormi là. Tu bois le café avec nous ?
Non, c'est bon les gars, j'ai déjà le ventre plein. Je file. On se retrouve en route !
Ils marchent plus vite que moi, mais je me lève bien avant eux, ce qui fait que souvent, ils me rejoignent sur le chemin.
Pas aujourd'hui. D'ailleurs, je ne les reverrai pas avant plusieurs jours.

Allez, première grimpette. Ce coup-ci elle arrive assez tard pour que j'aie eu le temps de me chauffer. Très vite, le brouillard m'englobe. Un brouillard amoureux dont j'aurai beaucoup de mal à me défaire. Il me faut redoubler de vigilance pour ne pas rater de balise.
J'arrive à Artigue avec pas mal d'avance sur le timing du topoguide. Je pousse jusqu'à la cabane de Saunères où la pente se raidit fortement pour grimper au col de Peyrehitte (1947m). Un regard en arrière : pas de trace de Mike et Pedro. Ils se sont rendormis, ou quoi ? À moins qu'ils ne soient encore perdus.
La trace suit la frontière espagnole sur quelques kilomètres au rythme des bornes. La 406 est un point de repère sur le topoguide ; c'est la seule que je raterai !
Il est un peu tôt, je poursuis et atteins le pic de Bacanère (2193m), sommet de l'étape. Je me pose un peu plus loin pour sortir mon saucisson et ma pomme. Il me faudra un moment pour trouver un abri au vent désagréable qui souffle là-haut.
Étant au-dessus des nuages, j'ai enfin laissé le brouillard plus bas. Mais, comme tout amoureux éconduit, il s'accroche et m'attend patiemment.
Ensuite, comme toutes les étapes, c'est la descente vers la vallée. Sauf que dans celle-ci, je vais faire un choix qui va s'avérer désastreux. Belle frayeur à la clé...

Et tu l'as bien cherché !
Chien qui aboie à la lune ?
Chien qui aboie à la lune ?
Journée dans le brouillard.
Journée dans le brouillard.
Une des nombreuses bornes frontières : d'un côté la France, de l'autre l'Espagne.
Une des nombreuses bornes frontières : d'un côté la France, de l'autre l'Espagne.
Au menu ce midi : mousse de nuages sur folie de verdure.
Au menu ce midi : mousse de nuages sur folie de verdure.
Il ne faut pas longtemps pour que je plonge à nouveau dans le brouillard.
Les cabanes des Courraux et d'Artigue passent et je ne m'arrête pas.
C'est après que ça se gâte. Le chemin, comme à son habitude, prend un malin plaisir à couper une piste tranquille par des raidillons parallèles à la pente. Raidillons encombrés des déchets de la dernière tempête au milieu de cailloux bien glissants. Bref, des passages bien casse-gueule et qui mettent les nerfs à rude épreuve.
Au bout du deuxième ou troisième raccourci, je ne sais plus, décision est prise de continuer par la piste. J'arrive donc à un carrefour forestier : à gauche, la piste tranquille, à droite un énième raidillon descendant à pic dans les bois. La trace GPS passe d'ailleurs par la piste, même si elle semble sacrément s'éloigner du GR officiel. Je me souviens en plus avoir lu dans le topoguide en préparant l'étape que la descente finale vers Fos, très raide, comptait pas moins d'une quarantaine de lacets sur deux kilomètres seulement !
Allez, salut le GR, à la revoyure !
Grosse erreur...
Te revoilà, toi ?!
Te revoilà, toi ?!
J'aurais dû prendre cet avertissement au sérieux.
J'aurais dû prendre cet avertissement au sérieux.
Avec un bon couteau, ça passe !
Avec un bon couteau, ça passe !
Arbres fantomatiques.
Arbres fantomatiques.
Les sorcières ont dansé ici cette nuit !
Les sorcières ont dansé ici cette nuit !
Vite, mon Tahiti douche !
Vite, mon Tahiti douche !
À partir de là, plus de photo. Vigilance absolue et nerfs à fleur de peau.
Très vite, je n'ai plus de repère à part la trace de mon GPS. Plus de balises, ça c'est normal, mais plus aucune trace de passage récent. J'ai quitté la piste voilà un moment et j'avance un œil sur le GPS, l'autre où je pose les pieds et les deux ensemble par moment pour voir où je vais.
Ça commence gentiment. Un pré d'herbes hautes (et humides), une cabane abandonnée. Puis ça se gâte un peu. Une clôture électrique pas prévue pour être ouverte, des arbres en travers du chemin. L'endroit est sauvage, aucune trace de passage depuis longtemps.
Je longe à présent un torrent. Furieux, le torrent. Fatalement, il arrive un moment où je dois le traverser. Pas facile, mais ça passe. Une fois. Deux fois (oh là, rattrapé de justesse !). À la troisième, un pied sur une pierre, j'avance, l'autre pied sur une pierre plus loin, j'avance, la troisième pierre est vraiment espacée, pas le choix faut que ça passe, je me lance. Celle-ci est glissante, je le sens de suite en posant le pied dessus, vite j'esquive et me pose sur celle d'à côté. La petite, là. La planquée. Celle qui a l'air bien ancrée au fond du lit. Celle en qui on a confiance. Celle qui se dérobe enfin dès que le pied se pose dessus et qui oblige à poser l'autre pied à côté, dans l'eau pour ne pas tomber complètement. Bien sûr, l'appui n'est pas stable et la loi newtonienne en demande illico un deuxième sous peine de sanction immédiate et fortement humide. Plouf, dans l'eau aussi. Et voilà.
Je gagne l'autre rive en pestant comme un charretier, les deux chaussures remplies.
Un peu plus loin, une énième traversée s'annonce plus acrobatique. Je suis en surplomb et dois descendre en contrebas en me laissant glisser sur les rochers. Un coup sur les fesses quand ce n'est pas trop haut, puis sur le ventre. Avec le poids du sac à dos qui tire en arrière, c'est vraiment risqué. Mais je n'ai pas le choix, les berges sont complètement défoncées et je ne peux passer que par là. Quelques maigres prises du bout des doigts assurent le freinage et j'arrive tant bien que mal en bas avec les ongles qui saignent.
Bon sang, qu'est-ce que je fais ici ? Je suis perdu dans ce bois, au bord d'un torrent de plus en plus encaissé et... oh, une balise ! Bin ça alors ?! Je la suis et en trouve une autre plus loin. Zoom sur la carte du GPS : eh bien il semblerait que ce soit un ancien tracé du GR10. Il a encore été modifié et ma trace n'est pas à jour.
Bon, je continue, je vais bien arriver quelque part !
La suite, c'est une ribambelle d'arbres en travers du chemin que je dois soit escalader, soit éviter en montant sur les talus de feuilles mortes aussi glissants qu'une planche savonnée. Ces mêmes feuilles mortes accumulées depuis un milliard d'années qui cachent de gros trous dans la terre ! Mais qui a creusé des trous pareils ?! Je dois sonder avec mon bâton après être tombé dans l'un d'eux, pas trop profond heureusement, mais ça surprend !
Puis c'est une dernière traversée du torrent avec, sur la berge opposée, le talus de près de deux mètres de haut à moitié effondré et entouré d'orties. Je ne pourrai le monter qu'en défaisant mon sac à dos pour le jeter en haut (à deux reprises), me servir de mon bâton comme d'une machette et me hisser en me vautrant dans la terre humide. Ensuite, en équilibre sur ce sentier étroit et glissant, il me faut remettre mon sac sur le dos en évitant d'extrême justesse de retomber en bas du talus (avec de magnifiques piqûres d'ortie sur les bras en prime).
Je me sens à bout. J'en peux plus. J'ai pas signé pour Kho-Lanta, moi !
Plus loin, je tombe sur la raison qui, je pense, est à l'origine de la déviation du GR. Un énorme rocher sert de support à une plaque indiquant que le 25 mai 2012, un Anglais (dont j'ai oublié le nom) est mort sur la partie suivante du tracé. Pour appuyer le message, une grosse indication de danger est peinte en orange fluo sur le rocher.
Pile-poil là où je dois passer.
J'y vais en me promettant de faire marche arrière dès que le premier danger se pointe.
Il n'y aura en fait rien de plus dangereux que ce que je viens de traverser. Quelques arbres en travers, facilement contournables et des coulées de grosses pierres qui n'ont aucune raison de bouger à mon passage vu qu'elles s'arrêtent avant le chemin.
C'est probablement sur une avalanche pareille que le pauvre homme a perdu la vie.

J'arrive enfin en bas, au bord du canal qui longe la route départementale. Rarement aussi heureux de rejoindre la civilisation !
Je traverse la Garonne, qui fait à peine une dizaine de mètres de large ici, et entre dans Fos. Je suis trempé jusqu'aux os, crotté de terre, les pieds palmés tellement ils baignent et j'ai froid. Je vois un panneau indiquant un gîte. J'appelle le numéro. Le gars me met en confiance de suite. Le gîte est fermé mon gars, mais t'inquiète, en attendant Marcel qui va s'occuper de toi, je vais te dire où est la clé. Tu t'installes, tu prends une douche, une bière même si tu veux !
J'y arrive quelques minutes après et, suivant les indications à la lettre, trouve la clé et entre dans un coin de paradis après cet enfer.
La douche sera brûlante tout comme la lessive. Les chaussures seront bourrées de papier journal régulièrement changé et Marcel finira par arriver accompagné de deux autres gars en vadrouille.
Salut. Salut. Salut.
La Garonne, jeune, claire et belle.
La Garonne, jeune, claire et belle.
J'avais dit plus de photo.
La description de l'enfer que j'ai vécu dans cette descente s'est avérée un peu longue (et encore, j'ai pas tout raconté). Vu la taille du pavé, je rythme un peu le récit par une dernière image.

Sur les deux nouveaux, le plus jeune (dont j'ai aussi oublié l'identité) voulant se ravitailler, trouve dans la bonté de Marcel un chauffeur pour l'amener au village le plus proche. Au village ayant un commerce, je veux dire. Il me ramènera un saucisson à ma demande. Garde la monnaie, va, c'est pour le déplacement.
Les deux ont opté pour la demi-pension et Marcel "pas de problème" s'attelle aux fourneaux. Je me prépare ma ration de riz dans la cuisine pendant qu'on se boit un petit apéro. Apéro des bières du frigo, dont le responsable (pas Marcel, le boss que j'ai eu au téléphone) oubliera de me dire qu'elles sont payantes, bien sûr.
En fait, on partagera le repas, vin compris. Marcel n'y voit aucun inconvénient. "Pas de problème" !
Tout le monde est installé sur la terrasse qui passe au-dessus d'un bras de la Garonne (le gîte est un ancien moulin). Seule la pluie nous en chasse alors que nous finissons le dessert.
Changement de papier journal dans les chaussures qui n'ont pas l'air pressées de sécher et au lit ; demain grosse étape encore.
Ah oui, Marcel, le matin je me lève tôt, ça t'ennuie pas disons vers les 5h00 ?
Non, pas du tout, je serai levé. Y'a pas de problème !


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