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A vélo, de Lanester à Samarkand (?)

(réalisé)
vélo de randonnée
Quand : 11/04/2024
Durée : 100 jours
Carnet publié par Renan le 11 avr. 2024
modifié le 31 juil. 2024
3522 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le topo : Samedi et dimanche (mise à jour : 10 juin 2024)

Description :

A bord du Drujba.

Le compte-rendu : Samedi et dimanche (mise à jour : 10 juin 2024)

Deux jours et demi de traversée sur les eaux de la Mer Noire, moment à part pour les mangeurs de bitume que nous sommes, routiers comme cyclistes. Pour ces premiers c'est certainement la routine mais avec les copains voyageurs à vélo nous partageons la même impression : être détenus volontaires à bord d'une prison flottante. Avec tout de même, pour adoucir nos peines, bières à disposition. Les espaces communs ne sont pas si vastes, entre réfectoire et partie du pont autorisée. Quatre bancs, deux gros tourets de chantier flanqués de parasols, voilà de quoi s'asseoir pour prendre l'air et le soleil, en périphérie de la zone dédiée au grutage de marchandise. Une petite salle télé aussi, que se sont accaparés les fumeurs. Tous les chauffeurs quoi. Ça boit bière, vodka, ça tire sur les clopes à longueur de journée, ça joue aux cartes, aux dominos. Le désœuvrement fait son effet, j'en arrive à préférer temporairement cet espace enfumé avec de l'animation plutôt que me retrouver seul dans le réfectoire.

Nous sommes une trentaine de passagers, sept cyclotouristes et deux motards entourés de chauffeurs routiers tous plus ventripotents les uns que les autres. Leur gabarit est réellement impressionnant. Le cuisinier est là pour veiller à leur tour de ventre. 8h-9h, 12h-13h, 18h-19h, les repas sont copieux, il faut un peu de courage parfois pour trouver de l'appétit. Mais c'est bon, cela motive, merci au cuistot. Et avouons-le, un repas ça occupe. Matin, midi et soir, amis végétariens passez votre chemin par contre.
La compagnie maritime a eu la délicatesse d'installer les représentants de la même espèce ensemble. Je partage ainsi la cabine avec trois autres pédaleux. Jan, chercheur suisse italien qui étudie le lien entre santé et activité physique. Son vélo doit être son bureau. Il poursuivra son périple pour rejoindre Erevan, la capitale arménienne, où l'attend un visa pour l'Iran. Il passera ensuite par le Turkménistan pour terminer son voyage en Ouzbékistan. Nous nous reverrons peut-être là-bas ? Orianne et Louis sont tailleurs de pierre. Ils voyagent à vélo pour mener à bien un projet consistant à dresser un état des lieux de la taille de pierre en Eurasie, le long de la Route de la Soie. Leur aventure a pour nom La Route de la Pierre (il y a un site Internet), l'association qu'ils ont créé pour la soutenir Savoirs Pierres. Toutes les facettes du métier sont étudiées : les techniques, les types de pierre et de matériel utilisés, la nature des chantiers (restauration, création, réalisation de pierres tombales...), la prospective en termes d'opportunités de travail, de formation... Ils s'astreignent à trouver au moins un mois de travail par pays visité, c'est une de leur règle. Travail qu'ils trouvent en général une fois sur place, ce n'est semble-t-il pas ce qui manque.
"En voyageant tu restes spectateur, en travaillant tu commences à devenir acteur.", me dit Louis, à raison.
C'est une œuvre de longue haleine. Ils sont déjà partis sur les routes une année complète, le long du Danube : Suisse, Allemagne, Autriche, Hongrie, Serbie, Bulgarie. Après un retour et une pause de plusieurs mois les voici à nouveau en selle, sacoches emplies d'outils. Ce sera huit mois cette fois-ci, jusqu'à janvier prochain : Géorgie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Ouzbékistan. L'employeur est déjà trouvé en Géorgie, pour la suite ils verront. Dans les années à venir sont prévus la Chine, l'Inde, l'Iran, la Turquie... afin de boucler la boucle. Orianne et Louis font preuve d'un enthousiasme contagieux lorsqu'ils parlent de leur aventure et de leur métier. Louis me montre des chantiers sur lesquels il a œuvré, c'est réellement stupéfiant de beauté. Comme la réfection de cette rosace de la Sainte Chapelle de Vincennes, mais les exemples sont nombreux. Ils sont Compagnons des Devoirs Unis tout les deux.
Une partie de leur occupation consiste également à prendre des notes, rédiger des compte-rendus, réaliser régulièrement des visioconférences. Un peu par hasard, ils se sont trouvés entre une réalisatrice indépendante puis plus tard une productrice, discutant d'un documentaire les concernant eux et leur projet. Cela semble bien engagé, un récent message leur a appris qu'ils ont passé avec succès les premières étapes du processus : un rendez-vous en ligne est prévu prochainement avec la productrice. J'aurais envie de leur souhaiter bonne chance, mais leur détermination et leur enthousiasme fera le travail j'en suis certain.

Je vais y aller, ça va être l'heure de la partie de volley. Bon, ça n'aura pas duré longtemps, le ballon est encore tombé à l'eau. La manœuvre pour le récupérer prends à chaque fois plusieurs heures.

Nous avons à plusieurs reprises observé des dauphins. C'est toujours un réel plaisir, internationalement partagé. Ces cétacés ont une sacrée côte de popularité auprès du genre humain.

Entre baroudeurs nous échangeons des informations à propos de notre destination. Je n'en ai guère à donner, j'en récupère, esquissant un parcours entre Batoumi et Tbilissi. En gros, deux trajets possibles. L'un sans doute plus sauvage, l'autre plus culturel. Je pense choisir ce dernier, qui traverse de nombreuses localités. J'ai envie de me frotter au vivre géorgien, imaginant dorénavant dormir dans des villages plutôt que bivouacant en pleine nature. Les distances à couvrir quotidiennement seront alors fonction des espacements entre les bourgades plutôt que d'une volonté de pure progression. Ingrid, autre cyclistes à bord, a été chercher la sienne, j'avais presque oublié comme est beau une carte en papier. Et pratique. Nul besoin de penser à économiser la batterie de son téléphone. Je vais m'empresser d'en acheter une une fois débarqué.

Cela aura mis deux jours mais la glace finit par fondre entre costauds chauffeurs, géorgiens,arméniens, et chétifs cyclistes européens. Je suis affairé à réparer la crevaison de la chambre à air lorsqu'une de ces armoires à glace arrive et termine le travail. La rustine ne bougera pas.

Il ne faudrait quand même pas trop tarder à arriver : entre dominos et vodka, la métamorphose en chauffeur caucasien à commencé.
Du routier, donc.
Du routier, donc.
La première page du passeport de Compagnons du Devoir Unis d'Orianne et Louis, version allemande. Le texte est riche de sens.
La première page du passeport de Compagnons du Devoir Unis d'Orianne et Louis, version allemande. Le texte est riche de sens.
L'endroit le plus important du bateau, la cuisine.
L'endroit le plus important du bateau, la cuisine.
La cour de récréation.
La cour de récréation.
C'était samedi soir, la vodka a coulé à flot chez les routiers. Petite bagarre et en voici un avec une vilaine coupure. Un copain lui change son pansement.
C'était samedi soir, la vodka a coulé à flot chez les routiers. Petite bagarre et en voici un avec une vilaine coupure. Un copain lui change son pansement.
Difficile d'avoir meilleure place pour un coucher de soleil sur la mer.
Difficile d'avoir meilleure place pour un coucher de soleil sur la mer.
Dominos et vodka, il est temps d'arriver...
Dominos et vodka, il est temps d'arriver...
Nous faisons copains copains avec les chauffeurs.
Nous faisons copains copains avec les chauffeurs.
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